II. APRÈS DIVERS TRAVAUX PRÉPARATOIRES, UNE PREMIÈRE ÉTAPE DE LA RÉFORME ENGAGÉE À L'AUTOMNE 2014
A. LES TRAVAUX PRÉPARATOIRES À LA REFONTE DU RSA « ACTIVITÉ » ET DE LA PPE
Compte tenu de la proximité en termes d'objectifs et de publics ciblés entre la PPE et le RSA « activité », ainsi que des limites, rappelées ci-avant, que présentent ces deux dispositifs, plusieurs rapports ont élaboré des propositions de réformes .
La Cour des comptes, dans son insertion au rapport public annuel de 2011 26 ( * ) sur la prime pour l'emploi, concluait à la nécessité d'opérer un choix clair entre le RSA « activité » et la PPE, et exposait trois scénarios de réforme.
Le premier scénario consistait en l'absorption du RSA « activité » par la PPE , ce qui nécessiterait, selon la Cour des comptes, de recentrer la PPE sur les foyers les plus modestes afin de ne pas faire de perdants parmi les bénéficiaires du RSA « activité ». Pour cela, elle proposait de rendre la PPE accessible aux personnes précaires travaillant à temps très partiel en supprimant le seuil d'entrée équivalent à 0,3 SMIC, et d'exclure les ménages dont les rémunérations se situent nettement au-dessus des premiers déciles, en abaissant les plafonds de la PPE.
Le second scénario envisageait la suppression de la PPE au profit du RSA « activité » . Cette mesure, envisagée lors de la création du RSA, avait été écartée en raison du nombre important de « perdants » qu'elle aurait occasionné.
Le troisième scénario prévoyait le maintien des deux dispositifs, tout en différenciant leurs objectifs : le RSA « activité » viserait à inciter la reprise d'activité, tandis que la PPE serait une mesure de soutien financier pour les ménages. Cette piste nécessiterait que cette dernière soit aménagée afin de tenir davantage compte de la situation familiale des bénéficiaires et soit davantage ciblée sur les ménages modestes.
Le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale , adopté le 21 janvier 2013, a prévu de conduire une réforme du RSA « activité » et de la PPE. Afin d'identifier les pistes envisageables, une mission a été confiée par le Premier ministre au député Christophe Sirugue, qui a remis son rapport en juillet 2013 27 ( * ) .
Celui-ci identifiait quatre scénarios de réforme possibles :
- un scénario A consistant à supprimer le RSA « activité » et à rénover le barème de la PPE , qui serait accessible dès le premier euro gagné et dès l'âge de 18 ans, avec une montée en puissance du dispositif jusqu'à 0,7 SMIC et un point de sortie situé à 1,1 SMIC ;
- un scénario B consistant à supprimer la PPE au profit du RSA « activité » , en maintenant son barème mais en l'ouvrant aux travailleurs dès 18 ans et en le simplifiant afin d'augmenter le taux de recours ;
- un scénario C proposant de fusionner le RSA « activité » et la PPE au sein d'une nouvelle prestation strictement individualisée , qui serait accessible à tous les travailleurs sans condition d'âge et dès le premier euro gagné, avec une aide maximale perçue pour un revenu d'activité correspondant à 0,7 SMIC et un point de sortie du dispositif à 1,2 SMIC ;
- un scénario D consistant à soutenir les revenus d'activité modeste par une exonération ciblée de cotisations sociales salariales , sur les salaires compris entre 0 et 1,2 SMIC.
Le rapport « Sirugue » plaidait pour une réforme s'inspirant du scénario C, mais en corrigeant ses effets négatifs. Il proposait ainsi la création d'une « prime d'activité » ouverte dès 18 ans et dès le premier euro d'activité jusqu'à un revenu d'activité mensuel de 1,2 SMIC . Son montant aurait reposé sur les seuls revenus d'activité des bénéficiaires, mais les ressources du foyer auraient été prises en compte pour déterminer l'éligibilité des travailleurs au dispositif.
Le barème de la prime d'activité proposée par le rapport de Christophe Sirugue
Source : rapport précité de Christophe Sirugue, juillet 2013
Enfin, le rapport de Dominique Lefebvre et de François Auvigne sur la fiscalité des ménages 28 ( * ) , publié en avril 2014, proposait une remise à plat progressive du RSA « activité » et de la PPE, en clarifiant leurs objectifs respectifs et en les ciblant davantage. Il présentait plusieurs orientations possibles :
- un renforcement du RSA « activité » en augmentant le montant de l'aide et/ou son barème, qui permettrait d'absorber la PPE ;
- la création d'une nouvelle prestation individualisée en remplacement de la PPE et du RSA « activité » ;
- un allègement de cotisations sociales salariales pour les bas salaires.
Le rapport privilégiait une extension du RSA « activité » accompagnée d'un dispositif d'allègement de cotisations sociales salariales .
Cette dernière solution avait été retenue par le Gouvernement, qui, à l'occasion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, avait proposé une réduction dégressive de cotisations salariales de sécurité sociale, pour les salariés dont la rémunération est comprise entre 1 et 1,3 SMIC. Cette mesure a toutefois été censurée par le Conseil constitutionnel 29 ( * ) (cf. infra ), conduisant le Gouvernement à s'inspirer du scénario C de prime d'activité proposé par le rapport « Sirugue » .
* 26 Cour des comptes, rapport public annuel, février 2011.
* 27 Rapport précité au Premier ministre établi par Christophe Sirugue, député de Saône-et-Loire, sur la réforme des dispositifs de soutien aux revenus d'activité modestes, juillet 2013.
* 28 Dominique Lefebvre et François Auvigne, « Rapport sur la fiscalité des ménages », avril 2014.
* 29 Décision n° 2014-698 DC du 6 août 2014.