III. ... QUI NE PERMETTENT PAS DE RÉDUIRE DURABLEMENT LE COÛT LIÉ À LA DEMANDE D'ASILE

De façon générale, les intentions exprimées par l'exposé des motifs du projet de loi, qui veut mettre fin à une « incitation au détournement de la procédure d'asile à des fins migratoires », ne correspondent pas à la réalité des réformes engagées .

D'une part, la plupart des évolutions de la procédure introduites par le présent projet de loi sont de nature à allonger les délais d'instruction ou à en augmenter les coûts : présence d'un tiers à l'entretien personnel du demandeur auprès de l'OFPRA (avocat ou représentant d'une association) ; caractère suspensif des recours formés contre les décisions défavorables, y compris pour les demandeurs d'asile en rétention et pour les demandes instruites en procédure accélérée. Ainsi, la nouvelle procédure « accélérée » risque d'être, en pratique, plus lente que l'actuelle procédure prioritaire.

D'autre part, le projet de loi confie de nouvelles missions à l'OFII, qui ne pourront être réalisées à moyens constants : entretien personnel à l'OFII dans le cadre de l'évaluation de la vulnérabilité, gestion des places d'hébergement, gestion de l'allocation aux demandeurs d'asile, etc. Ainsi, l'OFII estime à environ 56 ETP les effectifs qui seront redéployés vers les missions liées à l'asile. Ces redéploiements seront effectués par diminution des effectifs consacrés à certaines missions allégées, comme la visite médicale ou la procédure de regroupement familial. Il s'agira également de former ces agents redéployés, ainsi que les 70 ETP déjà présents sur l'asile, tant les missions confiées à l'OFII sont élargies et redéfinies par la présente réforme.

Parmi les nouvelles missions de l'OFII figure la gestion de l'ADA, qui succède à l'ATA ; l'OFII hérite ainsi d'une allocation qui se caractérise par des sous-budgétisations chroniques, rappelées précédemment, et par une dette de l'État à l'égard de Pôle Emploi, de l'ordre de 58,7 millions d'euros 9 ( * ) , qui s'est accumulée par des reports de charges d'une année sur l'autre de 2013 à 2015. Or, si Pôle Emploi a la surface financière pour faire face à ce besoin de trésorerie, ce n'est pas le cas de l'OFII dont le budget global est d'environ 173 millions d'euros en 2015. Aussi est-il nécessaire de mettre l'OFII en capacité de gérer l'allocation sur une base budgétaire assainie , à la fois en soldant la dette de l'État vis-à-vis de Pôle Emploi et en rebasant de façon pérenne les crédits destinés à l'allocation.

De façon générale, les mesures proposées dans le présent projet de loi n'apportent de réponse structurelle au problème fondamental de la procédure d'asile, qui en explique les retards et le coût budgétaire, à savoir le détournement massif de cette procédure dans un objectif d'immigration économique . Ainsi, les chiffres provisoires de l'asile en 2014, fournis par l'OFPRA, montrent que six nationalités sur les dix premières en termes de nombre de demandes d'asile déposées connaissent des taux d'admission à l'OFPRA inférieurs à 20 %, et quatre nationalités, le Bengladesh, le Pakistan, l'Albanie et Haïti, ont des taux inférieurs à 10 % 10 ( * ) . Cela témoigne de l'existence de filières d'immigration qui utilisent le droit d'asile alors même que la situation politique et sociale du pays d'origine ne justifie pas, ou seulement marginalement, une telle qualification.

Les dix premières nationalités en nombre de demandes d'asile
et leur taux d'admission à l'OFPRA en 2014

Pays d'origine

Nombre de demandes

Taux d'admission à l'OFPRA

République démocratique du Congo

3 783

10,1 %

Chine

2 499

23,6 %

Bengladesh

2 425

5,5 %

Russie

2 137

16,5 %

Syrie

2 071

95,7 %

Pakistan

2 042

6 %

Albanie

1 944

9 %

Soudan

1 792

13,3 %

Haïti

1 730

1,6 %

Guinée

1 611

23,8 %

Source : OFPRA

Au total, au-delà du présent projet de loi, ce sont les lois de finances qui seront déterminantes pour mettre fin à cette embolie du système si souvent mise en évidence : renforcement des moyens de l'OFPRA pour faire face à l'augmentation des demandes et aux nouvelles contraintes procédurales ; augmentation massive des moyens de l'OFII pour lui permettre de mener à bien ses nouvelles missions ; augmentation du nombre de places en CADA, pour réduire la saturation du dispositif d'hébergement d'urgence, moins adapté et plus coûteux.


* 9 Sans tenir compte de l'insuffisance des dotations pour l'exercice 2015, établie à seulement 110 millions d'euros.

* 10 Il s'agit des taux d'admission à l'OFPRA seulement, sans tenir compte des décisions d'annulations de la CNDA.

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