N° 113
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015
Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
TOME III
ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES
TRANSPORTS AÉRIENS
Par M. François AUBEY,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Guillaume Jacques Arnell, Pierre Camani, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Odette Herviaux, MM. Louis Nègre, Rémy Pointereau, Charles Revet , vice-présidents ; Mme Natacha Bouchart, MM. Jean-François Longeot, Gérard Miquel , secrétaires ; MM. François Aubey, Jérôme Bignon, Mme Annick Billon, M. Jean Bizet, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Patrick Chaize, Jacques Cornano, Michel Fontaine, Alain Fouché, Benoît Huré, Mmes Geneviève Jean, Chantal Jouanno, MM. Jean-Claude Leroy, Philippe Madrelle, Didier Mandelli, Jean-François Mayet, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Hervé Poher, David Rachline, Michel Raison, Jean-Yves Roux, Mme Nelly Tocqueville, MM. Michel Vaspart, Paul Vergès . |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420
Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le secteur aérien continue à bénéficier de solides perspectives de croissance au niveau mondial. Personne n'imagine pour le moment que la hausse continue du trafic puisse ralentir à long terme, tant la demande est forte, tirée par les besoins de mobilité d'une population toujours plus nombreuse. La France possède des atouts incomparables pour capter cette croissance, grâce à son « triple A » : un grand constructeur d'avions, une grande compagnie nationale et le plus grand groupe aéroportuaire du monde.
Le revers de la médaille est que ce secteur suscite énormément de convoitises, au risque de faire parfois fi des règles de base de la concurrence. Au coeur du problème se situent les différences entres les cadres règlementaires européens et ceux des pays tiers, qui faussent la concurrence et risquent de miner la compétitivité de nos compagnies, de nos aéroports et de notre industrie. Il n'est un secret pour personne que certaines cités-États du Moyen-Orient et d'Asie subventionnent massivement ce secteur afin d'attirer chez eux les flux de trafic.
Dans ce contexte, le pavillon français souffre, ainsi que l'ont souligné de nombreux rapports au cours de la période récente. En juillet 2013, le rapport du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) adopte un titre-choc « Les compagnies aériennes européennes sont-elles mortelles ? » pour alerter les pouvoirs publics sur les faiblesses de nos compagnies aériennes. Plus récemment, le rapport du groupe de travail « Compétitivité du transport aérien français » présidé par Bruno Le Roux, remis au Premier Ministre le 3 novembre 2014, plaide pour la mise en oeuvre urgente de mesures fiscales et réglementaires pour soutenir nos transporteurs face à l'intensification de la concurrence, dont la récente grève d'Air France n'est que l'une des conséquences.
En parallèle, les hubs européens voient leur position menacée par les plateformes de Turquie et du Moyen-Orient, qui jouissent d'une position stratégique. Quant à notre industrie aéronautique, elle continue d'enregistrer des succès, mais la pression concurrentielle est de plus en plus forte pour Airbus : les pays émergents sont sur le point de faire leur entrée par le bas de la gamme, tandis que les Américains optent pour un soutien volontariste à leur constructeur Boeing.
Derrière les enjeux économiques, on mesure donc toute l'importance des ambitions étatiques et des rapports de force géopolitiques. C'est à l'aune de ces considérations que je vous propose d'analyser les crédits consacrés aux transports aériens dans le projet de loi de finances pour 2015. Ils figurent au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) qui regroupe les crédits de la navigation aérienne et des opérations de contrôle et de sécurité, ainsi qu'au programme 203 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », dans les actions 11 et 14 relatives aux infrastructures de transport et au soutien des lignes pour l'aménagement du territoire.
En ce qui concerne le budget de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), sa stabilité apparente masque des évolutions structurelles : hausse des redevances, maîtrise des charges de fonctionnement et de la masse salariale, maintien de l'enveloppe des investissements nécessaires à la montée en charge opérationnelle du Ciel unique européen. Au final, alors que la situation financière de la DGAC ne cesse de se dégrader depuis une dizaine d'années, on observe enfin une amélioration avec un début de désendettement programmé pour 2015.
Les nouvelles sont moins bonnes du côté de l'aménagement du territoire : on observe une franche réduction des crédits de paiement dédiés aux infrastructures aéroportuaires, en raison de la temporisation des travaux de construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Quant aux lignes d'aménagement du territoire, l'État poursuit son désengagement progressif, avec pour objectif de concentrer l'effort, à horizon 2017, sur les trois destinations les plus enclavées.
Dans un contexte d'assainissement des finances publiques, les crédits relatifs au transport aérien apparaissent cependant relativement préservés. Pour cette raison, et notamment au regard de l'évolution favorable du budget annexe, votre rapporteur pour avis a proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
Réunie le 18 novembre 2014, et à l'issue d'un large débat, la commission du développement durable a émis un avis favorable à l'adoption du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et des crédits relatifs aux transports aériens de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » pour 2015.
I. LES PRÉVISIONS DE TRAFIC AÉRIEN SONT ENCOURAGEANTES POUR LES ANNÉES À VENIR
A. LA HAUSSE TENDANCIELLE DU TRAFIC SE PROLONGE EN 2013
En 2013, le trafic mondial a atteint 5 782 milliards de passagers kilomètres transportés (PKT), contre 3 038 milliards en 2000, soit une progression de l'ordre de 90,3 % et un taux de croissance annuel moyen d'environ 5 %. Cette moyenne recouvre des évolutions très différentes selon les périodes : la stagnation observée en 2001-2003 est consécutive aux attentats du 11 septembre 2001, à la guerre en Irak et à l'épidémie de SRAS ; le trafic a ensuite fortement repris jusqu'en 2008 puis a marqué une pause tout au long de l'année 2009 en raison de la crise économique, avant de repartir à la hausse depuis 2010.
Lorsque l'on raisonne par zones géographiques, on observe également des évolutions discordantes. La croissance du trafic profite surtout aux compagnies des pays émergents , notamment au Moyen-Orient (+12,9 % par an entre 2000 et 2013) et en Asie (+9,3 % par an). On observe une évolution beaucoup plus faible en Amérique du Nord (+1,3 % par an), où le marché est depuis longtemps plus mature que dans les autres régions du monde. En Europe, le trafic aérien croît légèrement plus que la moyenne mondiale (+6,1 % par an), en dépit du développement des réseaux ferrés à grande vitesse en France, Allemagne, Espagne et Italie, qui pèse sur le dynamisme du trafic intérieur.
Trafic de passagers en milliards de PKT et taux de croissance annuel moyen sur la période 2000-2013
Trafic international |
Trafic intérieur |
Total |
|
Afrique |
114,9 (+6,4%) |
19,2 (+4,3%) |
134,1 (+6,4%) |
Asie/Pacifique |
989,0 (+9,0%) |
795,5 (+9,6%) |
1 784,5 (+9,3%) |
Europe |
1 370,7 (+5,8%) |
185,1 (+8,1%) |
1 555,8 (+6,1%) |
Moyen-Orient |
471,9 (+12,4%) |
28,3 (+23,0%) |
500,2 (+12,9%) |
Amérique du Nord |
527,0 (+8,0%) |
978,2 (+1,4%) |
1 505,2 (+1,3%) |
Amérique Latine/Caraïbes |
145,8 (+10,4%) |
156,7 (+5,2%) |
302,5 (+7,7%) |
Monde |
3 619,2 (+8,0%) |
2 162,9 (+5,4%) |
5 782,2 (+7,0%) |
Source : OACI
Quant au trafic aérien en France métropolitaine, il a connu une croissance annuelle moyenne de 2,6 % entre 2000 et 2013 . Cette croissance est uniquement due au trafic international, puisque le trafic intérieur a connu une forte baisse depuis son apogée de 2000 (26,9 millions de passagers) jusqu'au niveau de 2010 (21,7 millions), en raison de la mise en service du TGV Méditerranée en 2001 et du TGV Est en 2007. Le trafic intérieur s'est redressé à partir de 2011 , grâce au développement des lignes transversales favorisé par les compagnies à bas coûts (25% de parts de marché en métropole) et les bases de province d'Air France.
La tendance constatée en 2012 se confirme en 2013, avec 24,4 millions de passagers, soit une hausse de 2,5 % sur un an , alors même que le nombre de mouvements est en baisse en 2013 (-0,7 %), ce qui s'explique par l'augmentation de la taille des appareils utilisés et, surtout, un meilleur taux de remplissage sur certaines lignes. Les compagnies aériennes ajustent leurs programmes de vol avec une meilleure réactivité, pour s'adapter au marché et capter de nouveaux clients.
Trafic de la métropole en 2013 (en millions de passagers)
2013 |
Évolution / 2012 |
|
Intérieur Métropole |
24,4 |
2,10 % |
Métropole-DOM/COM |
3,8 |
4,40 % |
International |
108,1 |
2,50 % |
dont UE |
60,5 |
1,70 % |
Total |
136,3 |
2,50 % |
Source : DGAC
Ces résultats de trafic, tirés par la croissance de certaines destinations qui avaient marqué le pas lors des précédents exercices, sont satisfaisants dans le contexte d'une activité économique morose en Europe, d'un prix du pétrole élevé et d'une situation financière fragile des grandes compagnies européennes. Ils ont pu bénéficier du dynamisme économique des pays émergents et de la baisse du prix du transport aérien.