B. ARTE FRANCE : LE SUCCÈS D'UN PROJET ÉDITORIAL REPENSÉ
1. Une stratégie éditoriale récompensée
Votre rapporteur pour avis constate avec satisfaction que la clarté du projet de la chaîne culturelle franco-allemande coïncide avec des résultats de plus en plus satisfaisants.
Malgré ses moyens limités, Arte a réussi à trouver sa place dans un paysage audiovisuel en recomposition. Alors que le nombre de chaînes a augmenté sur la TNT, la chaîne franco-allemande a accru son audience de 33 % en deux ans, passant de 1,5 % en 2011 à 2 % en 2013 . La stratégie numérique « bi-médias » de la chaîne qui lui permet de proposer une des offres les plus riches en replay et une application mobile des plus réussies.
La ligne éditoriale, qui est devenue plus accessible sans rien céder sur le niveau de qualité, constitue une réussite qui doit être soulignée. Sous la direction de Mme Véronique Cayla, la chaîne a fait le pari de l'humour et des programmes courts pour s'adresser à tous. Elle a investi dans une nouvelle grille de programmes et dans des fictions contemporaines.
Ces bons résultats restent toutefois à confirmer dans la durée compte tenu en particulier des nouvelles orientations que pourrait prendre France Télévisions à partir de 2016 dans la perspective d'une clarification de sa propre offre de contenus et du maintien d'un haut degré de concurrence de la part des autres chaînes de la TNT.
2. Une situation financière qui demeure fragile
Concernant les moyens, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit d'attribuer à Arte France 261,8 millions d'euros HT soit une enveloppe en légère hausse (+0,5 %) qui correspond à une quasi-stabilisation de la ressource publique, après une réduction exceptionnelle d'un million d'euros décidée par la loi de finances pour 2014.
La situation financière d'Arte France reste cependant fragile. Malgré la hausse de la ressource publique, la chaîne devra prélever 7,5 millions d'euros sur son fonds de roulement. Arte compte à l'avenir retrouver des marges de manoeuvre avec l'arrêt de la diffusion en basse définition (SD) au printemps 2016, qui devrait lui permettre d'économiser 6,5 millions d'euros en année pleine et mise sur une augmentation de ses ressources propres, qui s'élèvent aujourd'hui à 3 millions d'euros, à travers, notamment, la commercialisation de programmes. La chaîne projette également d'européaniser sa diffusion en développant les sous-titres en anglais et en espagnol.
C. RADIO FRANCE : DES PRÉOCCUPATIONS SUR LE BUDGET 2015 ET LE CHANTIER DE RÉNOVATION DE LA MAISON DE LA RADIO
1. La nécessité de clarifier dans le futur COM les grandes orientations stratégiques
L'année dernière le rapporteur pour avis de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication - notre collègue David Assouline - avait estimé que le bilan de Radio France était « plutôt positif » 12 ( * ) au motif notamment que la baisse de l'audience n'avait pas remis en cause sa place de 1 er groupe radiophonique de France et que le chantier de réhabilitation de la Maison de Radio France se poursuivait avec un niveau de subvention d'investissement compatible avec son calendrier de réalisation.
Un an plus tard et après le renouvellement du président de Radio France opéré avec la nomination de M. Mathieu Gallet, ce constat est débattu par Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, qui a examiné la situation de Radio France dans son rapport. Notre collègue députée s'inquiète notamment de la baisse de l'audience, passée de 26,8 % à 25,6 % entre 2012 et 2013 (soit en dessous de la cible de 25,8 % fixée par le COM) et du « vieillissement inquiétant » de l'audience, la moyenne d'âge s'établissant à 57 ans (contre 47 ans pour la moyenne des auditeurs de la radio).
Ces interrogations sont légitimes mais votre rapporteur tient à les nuancer à la vue des résultats de l'étude 126000 Radio de Médiamétrie publiée le 19 novembre dernier, portant sur les audiences de la rentrée de septembre/octobre 2014. Cette étude montre que France Inter est la seule radio généraliste à progresser (+0,1 point sur un an à 10 % d'audience cumulée) tandis que France Culture atteint un plus haut historique à 2,2 %. Les résultats sont en revanche moins satisfaisants pour France Info qui perd 0,4 point à 7,8 % et France Musique, qui accuse une érosion de 0,1 point à 1,4 %.
Votre rapporteur pour avis a pu constater que le nouveau président de Radio France, M. Mathieu Gallet, avait pris la mesure des difficultés comme de l'urgence qu'il y avait à faire évoluer l'entreprise. Faut-il fusionner des antennes ? Faut-il ne garder qu'un seul orchestre au lieu des deux actuellement ? Faut-il engager un plan de départs volontaires ?
Toutes ces questions ainsi que celle de la stratégie numérique de Radio France devront recevoir des réponses dans le nouveau COM qui devrait être adopté en décembre et soumis à l'examen de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication au premier trimestre 2015.
Votre rapporteur pour avis considère que les deux urgences concernent aujourd'hui France Info et le Mouv'.
La baisse de l'audience de France Info dans un contexte très concurrentiel sur l'information met en évidence la transformation même de l'accès à l'information avec le développement des chaînes d'information et des sites des grands titres de la presse quotidienne nationale. Un axe important de développement pour France Info devrait être sa nouvelle application pour téléphone connecté et plus généralement l'accès à l'information en mobilité. Votre rapporteur pour avis ne peut que regretter l'absence d'initiatives communes de la part des acteurs du pôle public en matière d'information. Dans un contexte marqué par des moyens limités et une dispersion des compétences, il lui aurait semblé pertinent que les acteurs de l'audiovisuel public réussissent à dépasser leurs identités respectives pour mener des projets communs en privilégiant l'esprit d'innovation, l'excellence des contenus et l'originalité des démarches pour faire émerger une nouvelle offre publique de qualité.
L'autre urgence concerne l'avenir du Mouv' dont l'audience est passée de 0,9 % en 2009 à 0,4 % en 2013 alors même que l'objectif du COM était d'atteindre 1,5 %. Le coût annuel du Mouv', qui s'établit à 20 millions d'euros, interdit de laisser ce chantier de côté. La direction de Radio France est consciente de cette difficulté et envisage une relance pour faire du Mouv' « une chaîne des jeunes et des cultures urbaines ». Quelle que soit la stratégie retenue, il apparaît essentiel, aux yeux de votre rapporteur, d'accompagner le projet de relance d'un plan d'affaires précis permettant de chiffrer le coût du nouveau projet, d'expliciter la stratégie et de préciser les objectifs tout en fixant des rendez-vous. À défaut de stratégie cohérente ou si les résultats ne devaient pas être au rendez-vous, votre rapporteur estime qu'une fermeture de cette antenne ne devrait pas être taboue, afin de pouvoir utiliser les ressources consacrées à cette station à d'autres actions.
2. Des difficultés persistantes concernant le chantier de la rénovation aggravées par l'incendie du 31 octobre 2014
Sur le plan budgétaire, en 2015, le projet de loi de finances prévoit d'allouer à la société Radio France une dotation totale de 601,8 millions d'euros HT soit 614,4 millions d'euros TTC ce qui correspond à une baisse par rapport à 2014 (615,2 millions d'euros TTC en LFI), sachant que la dotation de 2014 était elle-même en baisse de 1,5 % par rapport à 2003.
Depuis 2012, la contribution de Radio France au plan de retour à l'équilibre des finances publiques s'est élevée à 87,6 millions d'euros. Compte tenu du poids financier du chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio, Radio France s'est engagé dans un effort de contrôle de la masse salariale avec un objectif de stabilité des effectifs et a mis en place une nouvelle politique des achats et de contrôle des frais généraux.
Faute de marges de manoeuvre supplémentaires, Radio France ne devrait pas être en mesure, en 2015, d'absorber la baisse attendue de ses ressources propres due, pour l'essentiel, aux moindres résultats du marché publicitaire ainsi que l'augmentation de ses charges incompressibles (hausse de la fiscalité locale, amortissements liés au chantier de réhabilitation, glissement sur la masse salariale...). La direction de la société prévoit ainsi un déficit de 15 à 20 millions d'euros, qui appellera des mesures complémentaires prises en lien avec l'actionnaire.
Pressée de trouver des solutions, la direction de Radio France évoque un élargissement de la publicité à travers une refonte de son cahier des charges, qui lui permettrait de diversifier les annonceurs. Votre rapporteur pour avis s'interroge sur l'opportunité d' « élargir la brèche » de la publicité à Radio France compte tenu du risque que pourrait représenter une trop grande diversification des ressources sur le maintien de la spécificité des programmes.
La situation financière de Radio France est donc particulièrement contrainte ceci d'autant plus que le chantier de rénovation de la Maison de la Radio se poursuit dans un contexte marqué par l'incendie du 31 octobre 2014.
Alors qu'une partie du bâtiment en front de Seine de la Maison de la Radio, consacré à l'accueil du public et aux studios de France Info et France Inter, a rouvert en novembre 2014, les travaux se poursuivaient à l'arrière du bâtiment dans une portion d'immeuble comprenant dix étages. C'est ce secteur qui a été sérieusement endommagé par l'incendie du 31 octobre 2014.
Cette mésaventure qui, heureusement, n'a fait aucune victime constitue une péripétie supplémentaire pour un chantier dont le coût s'est emballé, passant de 333 millions d'euros à 584 millions d'euros (386 millions d'euros de travaux + 154 millions de dépenses de fonctionnement + 44 millions de coût d'actualisation).
Selon M. Mathieu Gallet, cette augmentation du coût du chantier trouve son origine dans sa complexité, sous-estimée dès le départ. Le projet de rénovation n'a pas été initié par la direction de la société mais constitue une réponse à la décision de la préfecture de police de fermer la tour de la Maison de la Radio pour des raisons de sécurité. L'idée d'étendre la rénovation à l'ensemble de la Maison de la Radio s'est imposée progressivement mais sans vision globale et en maintenant une activité dans des parties du bâtiment ce qui a compliqué les travaux.
Avant l'incendie du 31 octobre dernier, il restait à trouver 50 millions d'euros pour terminer les travaux d'ici fin 2017/début 2018 et le président de Radio France avait bon espoir de faire figurer ce projet dans le COM 2015-2019 dont la signature était attendue pour début 2015. L'incendie a montré qu'il fallait peut-être envisager d'accélérer la fin des travaux, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité. M. Mathieu Gallet a ainsi indiqué à votre rapporteur pour avis que l'incendie devrait reporter à 2018 la fin du chantier. Afin de limiter le coût des locations estimé à 10 millions d'euros par an et mettre un terme à un chantier qui complique beaucoup le fonctionnement de l'entreprise, il souhaiterait pouvoir mener maintenant de front l'ensemble des travaux restant à réaliser au nord de la porte F à la porte B.
* 12 Voir l'avis n° 160 - Tome IV - Fascicule 1 du 21 novembre 2013, p. 25.