C. UNE SIMPLIFICATION ET UNE SÉCURISATION JURIDIQUE DES DISPOSITIFS ET DES PROCESSUS À RÉALISER
Devenue une aide récurrente, reposant sur des critères précis et assimilée à tort à un droit de guichet , l'ADCS s'est transformée en une mesure de réparation et est sortie du champ de la reconnaissance . Comme l'a souligné la directrice générale de l'Onac à votre rapporteur pour avis, le financement d'une telle mesure de réparation ne doit pas relever du budget de l'Office, où il s'impute sur les fonds réservés à l'aide sociale, mais bien de l'Etat.
L'ADCS repose sur une base juridique très fragile : une simple instruction du directeur général de l'Onac. Aucun décret ni arrêté ne l'a instituée, bien qu'elle soit chaque année mentionnée dans les débats parlementaires et revalorisée grâce à des crédits dédiés. Cette situation est connue de longue date et était déjà soulignée dans le rapport rendu par le Gouvernement au Parlement en septembre 2011 en application de l'article 148 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2010, qui rappelait :
- que la directive générale régissant l'ensemble des interventions sociales de l'Office et dans laquelle figure l'ADCS n'ayant pas été publiée , elle serait inopposable à un requérant en cas de litige et ne pourrait justifier une décision de refus ;
- que les critères retenus pourraient être jugés contraires au principe d'égalité et annulés.
En effet, les conditions d'attribution de l'ADCS, en la restreignant aux personnes résidant de façon régulière et continue sur le territoire français, peuvent être interprétées comme étant constitutives d'une rupture d'égalité entre les ressortissants de l'Onac , reposant sur une différence de traitement injustifiée au regard de l'objet de cette mesure. C'est le sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel , qui a notamment conduit à la décristallisation des pensions militaires de retraite 45 ( * ) et à la suppression de la condition de domiciliation en France pour l'attribution aux harkis de la carte du combattant 46 ( * ) .
Saisi par une ressortissante marocaine d'une demande d'annulation du refus du directeur général de l'Onac de lui attribuer l'ADCS, le tribunal administratif (TA) de Paris a récemment rendu un jugement 47 ( * ) qui confirme l'absence de base légale de cette aide . Il a jugé que le conseil d'administration de l'Onac n'était pas compétent pour créer par une décision de nature réglementaire l'ADCS et que son directeur général n'avait pas le pouvoir d'en définir les critères d'attribution. En toute logique, il n'a toutefois pas fait droit à la demande de la requérante : au vu de la base légale défaillante de l'ADCS, l'annulation du refus prononcé par l'Onac n'implique pas que l'aide différentielle lui soit accordée ou même qu'il soit à nouveau statué sur sa demande.
Les conséquences de ce jugement peuvent être très lourdes pour l'avenir de l'ADCS. Le comptable public compétent pourrait refuser à l'avenir de signer les ordres de payer liés à l'ADCS. Soumis à un régime de responsabilité personnelle et pécuniaire 48 ( * ) sur les opérations effectuées par son poste comptable, toute dépense payée irrégulièrement, sans base légale, engage sa responsabilité devant le juge des comptes.
Il est donc urgent de procéder à la refonte de l'ADCS et d'inscrire, dans un cadre juridique sécurisé, un mécanisme d'aide sociale à destination des ressortissants de l'Onac les plus démunis , anciens combattants et conjoints survivants. Ainsi que l'a suggéré à votre rapporteur pour avis la directrice générale de l'Onac, il serait judicieux de redonner de la souplesse à la politique de solidarité de l'Office et de confier à ses conseils départementaux , qui sont ses instances de proximité , l'attribution de l'intégralité de ses secours.
Il faut surmonter l'ambigüité du jugement du TA de Paris et ne pas chercher à préserver à tout prix un dispositif qui n'est pas universel et dont les anciens combattants eux-mêmes sont exclus. De même, il est nécessaire de renforcer les moyens d'action sociale affectés aux structures de l'Onac au Maghreb . Avec la fongibilité entre les crédits jusqu'à présent fléchés vers l'ADCS et ceux consacrés aux autres formes d'aides sociales de l'Office, l'efficacité de son action ne pourra qu'en être améliorée, au bénéfice d'un plus grand nombre de ses ressortissants. Ainsi en 2011, selon le rapport au Parlement précité, l'Onac estimait à 5 000 le nombre d'anciens combattants susceptibles de bénéficier d'une aide différentielle sur le modèle de l'ADCS.
Le rapport de la MAP de juin 2013 recommandait par ailleurs d'organiser un « véritable pilotage du réseau » des services départementaux de l'Onac en matière de solidarité et de « revenir à des fixations de règles plus conformes au droit et de fixer par décret les règles d'attribution des aides ». Votre rapporteur pour avis ne peut que partager ce point de vue , les difficultés juridiques actuelles liées à l'ADCS démontrant la pertinence de ces propositions.
L'Onac est conscient des efforts à accomplir en la matière et des obstacles qui doivent encore être surmontés, sur le plan de l'organisation interne et de la définition d'une véritable politique de solidarité , dotée de lignes directrices claires , soumise à un impératif de justice sociale et ne se résumant plus à l'action non coordonnée des services départementaux. L'un des volets du COP 2014-2018 y est consacré. Il fixe notamment comme objectif de « professionnaliser la chaîne des acteurs de la filière solidarité » : votre rapporteur pour avis souhaite que ce mouvement aboutisse dans les meilleurs délais.
* 45 Conseil constitutionnel, décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010.
* 46 Conseil constitutionnel, décision n° 2010-18 QPC du 23 juillet 2010.
* 47 TA Paris, 27 octobre 2014, n os 1220513/6-1 et 1304887/6-1, qui figure en annexe du présent rapport.
* 48 En application de l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963.