II. EXAMEN DES ARTICLES

Au total, le présent projet de loi d'habilitation comportait initialement 19 articles auxquels en ont été ajoutés deux lors de la première lecture à l'Assemblée nationale. La commission des affaires économiques a décidé de concentrer son examen pour avis sur six articles relevant directement de sa compétence : les articles 1 er , 2, 3, 6, 10 et 13.

L'article premier comporte des mesures qui visent pour l'essentiel à simplifier et à sécuriser la vie des entreprises.

Les neufs volets de cet article sont au coeur du processus d'allègement de la charge administrative des entreprises.

Parmi les plus significatives, on peut d'abord souligner l'allégement des obligations comptables des petites et très petites entreprises ( 1° de l'article premier ) qui concerne 1,33 million de firmes de moins de 50 salariés au total, dont 1,1 million de micro-entreprises de moins de dix salariés.

L'un des principaux objectifs des travaux engagés au niveau européen pour la refonte des directives comptables a été de proportionner leurs exigences aux petites et très petites entreprises (TPE). Certaines obligations comptables définies par le droit français sont plus contraignantes que celles existant chez certains de nos partenaires et ne sont plus compatibles avec le projet de directive comptable, issu de la négociation qui vient de s'achever (directive 2013/34/UE du 26 juin 2013).

Concrètement, l'habilitation doit permettre aux très petites entreprises de ne plus être contraintes à établir l'annexe aux comptes annuels. Sur option, elles pourront également décider de ne plus publier leurs comptes, afin d'en préserver la confidentialité. Les petites entreprises pourront, quant à elles, établir des états simplifiés tant pour le bilan que pour le compte de résultat.

Le 2° du présent article porte sur le développement de la facturation électronique par étapes : elle concernerait les relations des fournisseurs non seulement avec l'État mais aussi avec les collectivités territoriales et leurs établissements publics respectifs.

A cette fin, le Gouvernement est habilité à prendre une ordonnance qui, dans un délai de mise en oeuvre, situé entre trois et cinq ans, instituerait une obligation progressive de dématérialisation des factures pour l'ensemble des fournisseurs ou pour certains d'entre eux.

Il s'agit, en pratique, d'alléger la charge administrative pesant à la fois sur les entreprises et les administrations par des gains de temps ou de coûts d'envoi postal. Les seuls services de l'État traitent chaque année plus de 4 millions de factures qui sont imprimées, mises sous plis, affranchies, triées manuellement.

Une telle dématérialisation permettra non seulement d'alléger les charges de traitement des factures-papier mais aussi de sécuriser et d'accélérer leur transmission et, par suite, de permettre plus rapidement d'atteindre l'objectif du Pacte de compétitivité, de croissance et d'emploi de ramener à vingt jours en moyenne le délai moyen de paiement de l'État. Le Gouvernement a d'ores et déjà engagée une concertation approfondie sur les modalités de cette dématérialisation, y compris sur la réduction du nombre des pièces justificatives requises à l'appui des factures adressées aux services de l'État.

Tout en se félicitant de cette avancée, votre rapporteur pour avis, attache une grande importance au maintien des dispositions du 2° de cet article premier qui précise que l'obligation de dématérialisation pourra concerner « toutes les entreprises ou certaines d'entre elles ». Cette nuance doit permettre de réserver un traitement particulier aux très petites entreprises qui n'auraient pas les moyens de se mettre aux normes techniques. Par ailleurs, une extension progressive de cette obligation d'utiliser les outils de la e-administration est également propice à limiter les risques de « bug » ou de ralentissement informatique.

Le prévoit la création d'un cadre juridique spécifique pour le financement participatif . Cette technique consiste, pour les entreprises naissantes à rechercher des fonds par l'intermédiaire d'un site internet accessible au grand public : cela représente 6 millions d'euros en 2010 pour financer 15 000 projets, mais ce phénomène serait en croissance très forte avec 30 millions d'euros levés au cours du premier semestre 2013.

Il s'agit d'assurer un niveau de protection de l'internaute financeur qui doit être supérieur à celui d'un consommateur sans pour autant imposer aux entreprises des obligations conçues pour des levées de fonds massives.

Au 4°, l'habilitation a pour but d'instituer un régime prudentiel allégé pour certains établissements de paiement, sur la base de l'exemption prévue à l'article 26 de la directive 2007/64 sur les services de paiement afin de réduire les exigences requises par ce texte pour les plates-formes fournissant des services de paiement sous des conditions de montant annuel. Cette exemption, qui ne serait pas réservée aux seuls acteurs du financement participatif, devrait toutefois principalement bénéficier à ces plates-formes lorsqu'elles recueillent des prêts ou des dons.

Le 5° vise à favoriser le développement du numérique pour atteindre l'objectif de couverture intégrale du pays en très haut débit d'ici 2022.

Pour mieux situer les enjeux, on recense, à ce jour, environ 300 000 raccordements contre 33 millions de lignes pour le réseau en cuivre d'Orange. Le coût du raccordement final avoisine 200 euros en immeuble collectif et 400 euros pour l'habitat individuel et c'est précisément les modalités juridiques du raccordement que l'habilitation a pour but de clarifier, en particulier dans les lotissements.

Au plan purement juridique, ce 5° comporte un volet destiné à sécuriser le pouvoir de sanction de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) : à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 5 juillet 2013 qui a annulé le dispositif, l'ARCEP a, en effet, besoin de retrouver dans les meilleurs délais l'exercice de son pouvoir de sanction dans des conditions qui garantissent le respect du principe d'indépendance et d'impartialité des juridictions.

Les 6° et 7° prévoient des mesures de simplification du droit du travail visant à alléger la charge des entreprises sans diminuer les droits des salariés. Il s'agit, en particulier, de simplifier les dispositions du code du travail concernant les obligations des employeurs en matière d'affichage et de transmission de documents à l'administration.

Le texte adopté par les députés précise que cette simplification doit se faire « dans le respect des droits des salariés » et votre commission estime utile d'accentuer encore le trait en prévoyant une procédure consultative sous l'égide du ministère en charge du travail. Elle a adopté un amendement en ce sens. Il s'agit là de souligner que ces mesures de simplification, d'une part, ne doivent en aucun cas pouvoir porter atteinte directement ou indirectement aux droits des salariés et, d'autre part, qu'elles peuvent être l'occasion d'un dialogue pour vérifier, par exemple en matière d'affichage, si des moyens d'information alternatifs des salariés peuvent être encouragés tout en saisissant l'occasion pour proposer des modules de formation à ceux qui souhaitent améliorer leurs compétences en lecture ou en utilisation des nouvelles technologies de l'information.

Le de cet article prévoit d'alléger les obligations déclaratives qui concernent les quelques 100 000 entreprises soumises à la participation des employeurs à l'effort de construction (0,45 % du montant des rémunérations).

Enfin, le 9° vise à réduire les délais de réalisation des projets d'immobilier d'entreprise dans le respect des exigences des législations afférentes à l'urbanisme, à l'environnement et au patrimoine.

Lors de la réunion du 17 juillet 2013 du Comité interministériel de modernisation de l'action publique, le Gouvernement a annoncé son souhait d'optimiser les procédures applicables à l'immobilier d'entreprise en s'inspirant de la réforme engagée pour la construction de logement. L'habilitation sollicitée doit ainsi permettre la mise en place d'une procédure intégrée pour des projets d'intérêt économique majeur. Le délai de huit mois sollicité pour l'adoption de l'ordonnance correspondante doit permettre une concertation approfondie pour préciser la portée de la notion de projet d'intérêt économique majeur, les conditions de mise en compatibilité avec le projet des documents d'urbanisme et de regroupement de l'instruction et de la délivrance des autorisations requises par le projet au titre des différentes législations applicables.

L'article 2 rassemble des mesures relatives
au traitement des difficultés des entreprises.

Statistiquement, 60 000 entreprises représentant 245 000 emplois ont fait l'objet d'ouverture d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation judiciaire en 2012, tandis qu'on recense environ 550 000 créations d'entreprises, en moyenne, chaque année.

L'habilitation vise principalement à favoriser le recours aux mesures de prévention et à faciliter la recherche de nouveaux financements de l'entreprise bénéficiant d'une procédure de conciliation.

Votre rapporteur pour avis souligne l'enjeu crucial qui consiste à mieux préserver la confidentialité au stade de la prévention des difficultés des entreprises. En effet, en France, la trésorerie des entreprises repose, en moyenne, à hauteur de 30 % sur le crédit bancaire et à hauteur de 70 % sur le « crédit fournisseur » : par conséquent, le moindre signe de vulnérabilité détecté par les fournisseurs peut être fatal. Or la confidentialité qui est censée entourer les mesures de prévention est très difficile à garantir dans les petits tribunaux de commerce et c'est pourquoi certains chefs d'entreprises peuvent éprouver des réticences à s'y adresser. Certains tribunaux ont mis en place des bonnes pratiques à ce sujet et il conviendrait de les généraliser en créant, par exemple, un numéro vert permettant aux chefs d'entreprise de s'entretenir par téléphone, de façon anonyme et confidentielle, avec des experts de la prévention, comme d'anciens juges consulaires.

Un tel dispositif ne relève pas nécessairement du domaine législatif mais la commission a estimé que l'occasion était propice à demander au Gouvernement de préciser ses intentions sur ce point.

L'article 3 porte sur la simplification de règles
qui concernent la vie juridique des entreprises.

Votre rapporteur pour avis a porté une attention particulière au régime des conventions réglementées conclues, par exemple entre une société et un de ses dirigeants et dont on comprend immédiatement qu'elles comportent des risques de conflits d'intérêt : c'est pourquoi le code de commerce prévoit un régime renforcé de contrôle de ces conventions.

Le 1° de l'article 3 du projet de loi vise essentiellement à exclure du champ de ce régime les conventions qui ne présentent pas de risques : c'est le cas des conventions passées entre une société-mère et une de ses filiales à 100 %.

Inversement, la commission a estimé opportun de renforcer le contrôle des autres conventions qui peuvent donner lieu à des abus. Elle a, en conséquence, adopté un amendement tendant à prévoir la création d'une obligation de motiver la décision d'autorisation des conventions réglementées par le conseil d'administration ou par le conseil de surveillance. Une telle mesure prolonge la recommandation formulée dans le rapport de l'Autorité des marchés financiers publié en juillet 2012 sur le fonctionnement des assemblées générales d'actionnaires. En effet, le droit en vigueur n'exige pas de motivation, ce qui rend très difficile le contrôle par les actionnaires ou les commissaires aux comptes de ces conventions et des abus potentiels qu'elles peuvent entraîner.

Par ailleurs, alors que le code de commerce qui détermine le régime applicable aux conventions réglementées ne fait aujourd'hui aucune distinction entre sociétés cotées et non cotées en la matière, l'article 3 restreint le champ des sociétés concernées par le changement de périmètre et de définition des conventions réglementées aux seules « sociétés cotées » . Or, juridiquement, une telle distinction ne paraît pas conforme au principe d'égalité au regard de l'objectif poursuivi par cette mesure qui est d'éviter les abus nés de la conclusion par la société de conventions avec une partie liée. De plus, aucune raison de fond ne justifie de réserver la simplification du champ des conventions réglementées aux sociétés cotées. Une telle différenciation du régime risque, en revanche, d'introduire une complexité supplémentaire et inutile. C'est pourquoi la commission a adopté un amendement tendant à rectifier le périmètre de l'habilitation afin que la mesure de simplification concerne l'ensemble des sociétés anonymes .

En second lieu, l'article 3 du présent projet comporte des mesures qui favorisent le financement des entreprises : la sécurisation du régime des actions de préférence et la clarification de la réglementation applicable aux titres financiers complexes.

L'habilitation vise ainsi à sécuriser le régime du rachat des actions de préférence en précisant les conditions de ce rachat et les affectations possibles des actions rachetées. En pratique, les règles applicables aux actions de préférence sont destinées à favoriser le financement des nouvelles entreprises en permettant aux apporteurs de capitaux (dits « Business Angels ») de bénéficier de titres assortis d'avantages comme un dividende majoré ou garanti. Le recours aujourd'hui trop limité à cet outil s'explique par les freins et incertitudes juridiques concernant le rachat de ces actions de préférence que le projet de loi d'habilitation vise à lever.

L'article 3 également pour objet de clarifier la réglementation applicable aux titres financiers dits complexes , ici encore pour ne pas entraver le financement des entreprises , et en prenant en compte les retours d'expérience des praticiens sur la mise en oeuvre de l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales. Comme cela a été résumé au cours des auditions, certains titres complexes ne sont pas directement visés par le code de commerce en vigueur. Il convient, dès lors, de sécuriser les émetteurs, par une procédure adaptée d'émission, et de préciser le régime de protection du porteur.

L'article 3 a également pour objectif d'habiliter le Gouvernement à procéder à plusieurs ajustements juridiques de nature à simplifier le droit des sociétés et la vie des entreprises :

- en autorisant la prolongation du délai de tenue de l'assemblée générale ordinaire dans les sociétés à responsabilité limitée, ce que n'autorise aucune disposition du code de commerce en vigueur ;

- en permettant à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée de devenir associée d'une autre entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ;

- en simplifiant les formalités relatives à la cession des parts sociales de société en nom collectif et de société à responsabilité limitée;

- et en clarifiant l'article 1843-4 du code civil, qui permet la désignation d'un expert en cas de contestation de la valeur des droits sociaux en cas de rachat ou de cession imposée de parts d'une société.

Enfin, le présent article 3 comporte des habilitations relatives au renforcement des contrôles, avec, en particulier le renforcement de la base juridique permettant au Haut Conseil du commissariat aux comptes de conclure des accords de coopération avec ses homologues étrangers et d'organiser des contrôles conjoints.

L'article 6 modernise les conditions d'exercice
de la profession d'expert-comptable.

Cet article poursuit deux objectifs.

D'une part, il vise à mettre en conformité l'ordonnance du 19 septembre 1945 avec le droit de l'Union européenne prévoyant l'élimination de certaines entraves au perfectionnement du marché intérieur des services.

Fondé sur les principes de liberté d'établissement et de libre prestation de services , l'article 14 de la directive dite « services » (directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur) interdit aux États membres de subordonner l'accès à une activité de services ou son exercice sur leur territoire au respect d' exigences discriminatoires fondées directement ou indirectement sur la nationalité ou, en ce qui concerne les sociétés, l'emplacement du siège statutaire ou l'exigence d'être résident sur le territoire national.

Or la combinaison des différentes dispositions de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable a pour effet d'interdire la constitution d'établissements secondaires aux personnes morales exerçant l'expertise comptable établies dans un autre État membre , qui souhaiteraient détenir un établissement sur le territoire français sans ouvrir leur capital social à des professionnels inscrits au tableau de l'Ordre français. Elle fait également obstacle aux prises de participation majoritaires des professionnels européens de l'expertise comptable, au seul motif qu'ils ne sont pas inscrits à l'Ordre des experts comptables de notre pays.

L'habilitation sollicitée par le Gouvernement vise donc à permettre :

- la constitution d'établissements secondaires aux personnes morales exerçant l'expertise comptable établies dans un autre État membre sans ouvrir leur capital social à des professionnels inscrits au tableau de l'Ordre français ;

- et l'accès aux ressortissants d'un État non-communautaire, titulaire du diplôme d'expertise comptable français, à la profession d'expert-comptable dans notre pays.

D'autre part, l'article 6 a pour objet d'habiliter le Gouvernement à préciser certaines règles régissant la profession, principalement en autorisant les « honoraires de succès » fixés en fonction d'objectifs, sous certaines conditions, afin de préserver le principe d'indépendance et la prévention du risque de conflit d'intérêts des professionnels. Par ailleurs, il est envisagé d'ajuster les règles relatives à l'intervention du commissaire aux comptes, des cotisations ordinales et les compétences du Conseil régional de l'Ordre.

Cet article qui, d'après les indications fournies à votre rapporteur pour avis, a recueilli l'approbation globale de la profession concernée, doit permettre aux sociétés d'expertise comptable françaises d'élargir leurs sources de financement et de constituer des sociétés au niveau européen tout en assouplissant les conditions d'exercice de la profession.

L'article 10 vise à améliorer l'efficacité
de la gestion des participations de l'État.

Le dispositif de l'article 10 prévoit, dans des termes assez généraux, d'habiliter le Gouvernement à rendre plus efficace la gestion des participations de l'État en prenant, par voie d'ordonnances, des mesures visant à moderniser :

- d'une part, « la gouvernance des entreprises dans lesquelles l'Etat détient une participation, majoritaire ou minoritaire » ;

- et d'autre part, « les règles concernant les opérations en capital » portant sur ces mêmes entreprises.

De façon plus précise, l' exposé des motifs du projet de loi d'habilitation, apporte plusieurs indications complémentaires.

- En premier lieu, les mesures envisagées sur le fondement de l'habilitation préserveront pleinement la spécificité de la représentation des salariés au sein des entreprises publiques . Votre rapporteur pour avis souligne l`importance fondamentale de cette garantie.

- Ensuite, dans le respect des droits des salariés, et afin de d'améliorer la gouvernance des entreprises du périmètre de l'Etat actionnaire, un rapprochement avec le droit commun des sociétés sera recherché lorsque l'existence d'une distinction n'est pas justifiée.

- En troisième lieu, l'habilitation a pour objectif de lever les obstacles à une plus grande souplesse de nomination des représentants de l'Etat au sein des conseils où il est présent, en lui permettant, d'une part, de nommer la majorité des administrateurs dans les conseils d'administration dans lesquelles il détient une participation majoritaire 6 ( * ) , et, d'autre part, de proposer ou désigner des représentants de l'État issus d'un vivier plus étendu.

Cet objectif correspond exactement aux recommandations formulées par la commission des affaires économiques à l'occasion de l'examen des crédits de l'Etat actionnaire prévus par le projet de loi de finances pour 2014.

En effet, comme l'a illustré l'attention portée au rapport de M. Louis Gallois, dès qu'une personnalité incontestable s'investit dans un sujet, l'intérêt du pays a tendance à prendre le dessus sur les clivages partisans ou les postures. Il a, dans ces conditions, semblé logique à la commission de préconiser que les initiatives de l'Etat actionnaire puissent bénéficier d'un élan et d'un consensus similaire en faisant appel à des talents incontestables issus du secteur privé ayant exercé des fonctions dans le domaine considéré, tout en prévenant tout risque de conflit d'intérêt.

Votre rapporteur pour avis estime cependant nécessaire d'aménager des dispositifs de contrôle de telles nominations : la solution qui consisterait à les soumettre aux commissions parlementaires compétentes serait théoriquement envisageable mais elle rencontre un obstacle pratique puisque l'Etat actionnaire participe à la nomination de 936 administrateurs qui siègent actuellement aux conseils d'administration et de surveillance des entreprises du périmètre de l'APE, dont 366 administrateurs représentant l'État .

Au plan juridique, il convient de rappeler qu'en matière de recrutement des administrateurs, l'Etat ne peut désigner, dans le cadre juridique actuel, que des agents publics en activité ou retraités de la fonction publique et des dirigeants d'entreprises publiques pour le représenter dans les conseils d'administration des entreprises dans lesquelles il détient des participations 7 ( * ) .

Afin d'avoir la possibilité de nommer des administrateurs ayant des profils plus diversifiés et venant notamment du secteur privé, le Gouvernement devra, sur le fondement de l'habilitation prévue à l'article 10, modifier au moins quatre lois et procéder à plusieurs aménagements induits par ces modifications :

- la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public ;

- la loi dite « NRE » n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 ;

- l'article 51 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier (DDOEF);

Article 51 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier

Un ou plusieurs représentants de l'Etat peuvent être nommés au conseil d'administration ou de surveillance des sociétés dont plus de la moitié du capital social est détenue, directement ou indirectement :

- par une entreprise du secteur public mentionnée aux 1, 2 ou 3 de l'article 1 er de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public ;

- ou conjointement par l'Etat, un établissement public de l'Etat et, le cas échéant, des collectivités territoriales.

Leur nombre est fixé par décret et ne peut excéder six ni le tiers des membres du conseil d'administration ou de surveillance.

Les dispositions des articles L. 225-25 et L. 225-72 du code de commerce ne sont pas applicables à ces représentants, qui ne sont pas pris en compte pour la détermination du nombre minimal et du nombre maximal de membres du conseil d'administration et du conseil de surveillance, fixés par les articles L. 225-17 et L.225-69 du même code.

Le mandat de ces représentants est gratuit, sans préjudice de remboursement par l'entreprise des frais exposés pour l'exercice dudit mandat.

- ainsi que la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite Loi Le Pors.

- Enfin, l'habilitation a pour but, au terme d'un recensement et d'une analyse des dispositions existantes, éparpillées dans plusieurs textes, l'élaboration d'un texte unique modernisant et consolidant les règles applicables aux investissements en capital de l'État. Le régime des cessions sera ainsi simplifié.

Votre rapporteur pour avis, au terme d'une analyse approfondie de cet article 10, en est arrivé à deux principales conclusions.

Après réflexion, il lui a semblé inopportun, en dépit de la précision insuffisante du dispositif de l'article 10, de risquer d'entraver la tâche du Gouvernement en détaillant et en compliquant ce dispositif, ce qui aurait d'ailleurs immanquablement conduit à multiplier le recours à l'adverbe « notamment ». Cette préférence pour conserver la simplicité du texte ne conduit cependant pas le législateur à signer une sorte de « chèque en blanc » au Gouvernement puisque l'exposé des motifs ainsi que les débats parlementaires sont pris en compte par le Conseil constitutionnel lorsqu'il statue sur la précision de l'habilitation. Il s'agit simplement de tenir compte de la technicité juridique de l'objectif que s'est fixé le Gouvernement.

En revanche, votre rapporteur pour avis a estimé souhaitable, plutôt que de rallonger le texte, de délimiter l'habilitation par une borne très claire en précisant qu'elle n'autorise pas le Gouvernement à diminuer le niveau de contrôle de l'Etat actionnaire dans les entreprises stratégiques relevant de son périmètre. A son initiative, la commission a ainsi adopté un amendement précisant que l'habilitation prévue à l'article 10 exclut la modification « des dispositions particulières imposant un seuil minimum de détention du capital de certaines de ces entreprises par l'Etat ou ses établissements publics ».

Ce point est d'ailleurs parfaitement consensuel puisque l'article 10 a effectivement pour objet la clarification et la modernisation du droit applicable aux participations de l'Etat et non pas la modification des seuils de contrôle. En même temps, et pour resituer cette habilitation dans le contexte plus global de la politique d'intervention de l'Etat actionnaire, il convient de rappeler que la commission des affaires économiques, soucieuse de préserver l'influence de l'Etat dans l'hypothèse de nouvelles cessions de titres, a préconisé, au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2014, de recourir à des outils juridiques existants dans le droit en vigueur, comme le vote double ou la constitution de holdings.

Par ailleurs, la commission a adopté un amendement de clarification. Pour éviter toute ambiguïté sur le champ de l'habilitation, il vise à remplacer la référence aux participations de l'Etat par la référence aux participations que l'Etat et ses établissements publics détiennent directement ou indirectement, seuls ou conjointement dans les entreprises concernées. En effet, les dispositions législatives en vigueur fixent déjà un cadre applicable à des situations dans lesquelles des participations sont détenues par l'Etat ou ses établissements publics, seuls ou conjointement, directement ou indirectement.

L'article 13 concerne l'expérimentation, dans certaines régions,
de « certificats de projet »

L'article 13 du projet de loi prévoit une expérimentation du « certificat de projet » afin de concilier la préférence pour la stabilité juridique, du côté des investisseurs, et le perfectionnement de la législation, notamment en matière d'exigences environnementales : selon le même principe que le certificat d'urbanisme, le certificat de projet apporterait au pétitionnaire une garantie de stabilité juridique dans l'hypothèse où il déposerait un dossier de demande d'autorisation dans les 18 mois suivant la délivrance dudit certificat. Cette expérience se déroulerait dans un nombre limité de régions - l'Aquitaine, la Franche-Comté et la Champagne-Ardenne ont été pressenties - et pour une durée n'excédant pas trois ans.

L'habilitation prévue à l'article 13 poursuit quatre objectifs :

- autoriser le Préfet, pour une durée n'excédant pas trois ans, à délivrer aux porteurs de projets soumis à des autorisations administratives un « certificat de projet » pouvant comporter un engagement de l'État sur la procédure et le délai d'instruction de la demande ;

- prévoir que le certificat de projet puisse avoir valeur de certificatif d'urbanisme, sur avis conforme de l'autorité compétente en la matière lorsque cette autorité n'est pas l'État, mentionner les éléments susceptibles de faire obstacle au projet ;

- déterminer les conditions dans lesquelles le certificat de projet peut comporter une garantie du maintien en vigueur des normes ayant fondé la délivrance des autorisations sollicitées ;

- et déterminer les conditions de publication et d'opposabilité à l'administration ainsi qu'aux tiers du certificat de projet.

Votre rapporteur pour avis se félicite de cette innovation qui répond à un besoin fondamental pour garantir le dynamisme de notre économie . Au cours des auditions, ses interrogations sur la prise en compte des risques de complexité des recours juridictionnels induits par un tel dispositif qui conduira à l'application simultanée de strates successives de normes ont été prises en compte, le Gouvernement ayant travaillé à une rédaction plus simple et plus complète de cet article 13.

Enfin, s'agissant du calendrier de mise en oeuvre de ce projet de loi, l'article 18 du texte fixe les différents délais dans lesquels les ordonnances prévues seront prises. Ces délais varient de quatre à huit mois après la publication de la loi pour les ordonnances concernées par l'avis de notre commission. L'article 19 dispose que, pour chaque ordonnance, un projet de loi de ratification sera déposé dans un délai de cinq mois à compter de sa publication.


* 6 D'après les indications recueillies par votre rapporteur pour avis, dans certaines entreprises, l'État est actionnaire à plus de 90 % mais ne dispose que de 3 ou 4 % des sièges dans les conseils d'administration : l'habilitation a donc pour but de trouver des solutions de rééquilibrage.

* 7 Inversement des agents publics en activité ne peuvent siéger qu'en qualité de représentant de l'Etat dans des entreprises du périmètre de l'Etat-actionnaire.

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