C. SAINT-BARTHÉLEMY
À la suite d'une consultation locale, la commune de Saint-Barthélemy a été érigée en collectivité d'outre-mer, au sens de l'article 74 de la Constitution, par la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007. Comme la collectivité de Saint-Martin, il a ainsi acquis son autonomie par rapport au département de la Guadeloupe dont elle est distante de plus de 200 kilomètres.
Disposant d'une large autonomie, elle s'est ainsi vu transférer par l'État les compétences en matière de fiscalité, de tourisme, d'environnement, d'urbanisme, de logement, d'habitat et d'énergie. Pour les compétences de l'État, le principe d'identité législative s'applique cependant à l'exception des règles d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile
1. Une stabilité institutionnelle constante
La collectivité de Saint-Barthélemy bénéficie d'une stabilité institutionnelle constante depuis sa création, ce qui lui a permis d'exercer sans difficulté majeure ses compétences. Elle est cependant confrontée à une difficulté liée à l'inertie de l'État pour approuver les sanctions pénales que la collectivité de Saint-Barthélemy peut édicter dans son domaine de compétences.
Comme l'État est seul compétent en matière de droit pénal et de procédure pénale, les sanctions édictées par la collectivité en cas de violation des règles qu'elle fixe ne peuvent entrer en vigueur qu'après une procédure d'approbation prévue à l'article LO 6251-3 du code général des collectivités territoriales. Lorsque l'approbation porte sur un acte qui relève du domaine de la loi, ce qui le cas dès lors qu'est édicté un délit, l'approbation ne peut elle-même entrer en vigueur qu'après sa ratification par la loi. Contrairement aux mécanismes d'homologation applicables pour la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, le législateur ne peut donc intervenir que lorsque le décret a été préalablement adopté.
Le défaut d'approbation aboutit à ce que des règles édictées localement se trouvent dépourvues de toute sanction applicable, ôtant ainsi de sa force à la compétence normative dévolue à la collectivité. Comme votre rapporteur l'indiquait précédemment, cette situation est regrettable car elle prive d'effectivité l'exercice d'une compétence pourtant transférée.
À cet égard, ce problème récurrent a pu trouver une solution, à la demande expresse de la commission mixte paritaire, au sein de l'article 3 de la loi n° 2013-1029 du 15 novembre 2013 : le Gouvernement est ainsi habilité pour 6 mois à prendre par ordonnances les règles de droit pénal et de procédure pénale destinées à sanctionner la violation des règles applicables localement en matière de droit de l'environnement. Cette demande faisait suite à la suppression de la ratification d'une approbation par décret de sanctions pénales en raison du retrait de la délibération édictant ces sanctions avant même que le décret ne soit intervenu.
Votre rapporteur souhaite que l'ordonnance prévue soit publiée dans les meilleurs délais et que, d'une manière générale, une réflexion s'engage pour accélérer l'examen de l'approbation de ces sanctions pénales lorsqu'elles sont adoptées par la collectivité. Comme la rappelé le Conseil d'État dans un avis du 22 janvier 2012, « le Premier ministre est tenu, dans un délai raisonnable, d'approuver ou, par décision motivée, de refuser d'approuver le projet ou la proposition d'acte adopté par la collectivité de Saint-Barthélemy » et qu'à défaut du respect de ce délai raisonnable, souverainement apprécié par l juge administratif, « la responsabilité de l'État pour retard fautif serait engagée ».
2. Un litige financier persistant entre l'État et la collectivité
La collectivité de Saint-Barthélemy continue de bénéficier d'une situation financière confortable puisqu'elle bénéficie toujours d'un niveau de recettes élevé résultant d'une large autonomie fiscale, d'un très haut niveau du fonds de roulement et d'une absence totale d'endettement. L'investissement est ainsi financé uniquement par les recettes propres, l'autofinancement dégagé de la section de fonctionnement et les excédents reportés. L'absence d'emprunts contractés et la baisse de la rigidité des dépenses permettent à la collectivité de conserver des marges de manoeuvres importantes en matière financière.
Autre fait notable, la collectivité ne perçoit qu'un faible montant de dotations de l'État qui s'élevait en 2012 à près de 130 000 euros.
Cependant, une difficulté persiste concernant le calcul de la compensation du transfert des charges à la collectivité prévu par la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007. Le montant de la dotation globale de compensation (DGC), précisé chaque année en loi de finances, devait être établi sur la base des travaux d'une commission consultative d'évaluation des charges (CCEC).
L'État a considéré qu'il percevrait une recette de la part de la collectivité de Saint-Barthélemy car le « potentiel fiscal » transféré était supérieur aux charges qui lui étaient transférées parallèlement. La collectivité conteste, de manière constante, les modalités d'établissement et de calcul de la DGC.
Au fil des exercices budgétaires, l'État n'a pas souhaité recouvrer la somme qu'il estimait due par la collectivité au point qu'une dette de 28 millions d'euros s'est constituée au profit de l'État. L'État a mis en oeuvre en 2012 et 2013 les demandes de paiement d'une somme de 14,5 millions d'euros. Selon les informations transmises par le Gouvernement, la collectivité a déposé un recours gracieux auprès du directeur des finances publiques de Guadeloupe le 5 septembre 2013 pour contester ces titres de perception. Une mission de l'inspection générale de l'administration a été sollicitée sur la question de la DGC.
Votre rapporteur ne peut que maintenir la position qu'il a constamment exposée sur ce sujet. La somme réclamée pose, dans son principe, un problème de fond puisqu'elle restreint la libre administration de la collectivité qui se trouverait de fait contrainte, pour être en mesure de payer annuellement la DGC, d'appliquer un régime fiscal correspondant à celui que voulait l'État avant le transfert . De surcroît, le montant annuel de la DGC réclamé à la collectivité excède le coût estimé des services de l'État dans l'île, ce qui revient à demander aux habitants de la collectivité de subventionner la métropole. Enfin, au regard de la trésorerie dont dispose la collectivité, le recouvrement brutal et en une seule fois de cette somme mettrait en péril la capacité de la collectivité d'honorer ses autres obligations.