B. UN EFFORT DE RÉPARTITION ÉQUITABLE DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES
La question du lieu de détention pose outre-mer la problématique de l'éloignement du détenu avec son entourage.
Si, comme les représentants du ministère de la justice l'ont confirmé à vos rapporteurs, les établissements pénitentiaires ultramarins font l'objet des mêmes attentions et bénéficient des mêmes programmes que la métropole pour maintenir le lien familial des détenus, ils restent confrontés à des situations objectives d'éloignement géographique.
Tel est le cas pour les détenus condamnés à de longues peines alors qu'il n'existe pas de maison centrale dans les collectivités ultramarines.
La question se pose avec une acuité particulière pour les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy qui ne disposent d'aucun établissement pénitentiaire sur leur territoire, ce qui conduit au demeurant à l'existence de dispositions dérogatoires en cas d'interpellation d'une personne 7 ( * ) . La détention des personnes originaires de l'île se déroule ainsi en Guadeloupe, distantes de plus de 200 kilomètres, les détenus étant écroués à la maison d'arrêt de Basse-Terre ou au centre pénitentiaire de Baie-Mahault.
À Saint-Martin, l'utilisation des locaux situés dans la partie néerlandaise de l'île a été envisagée avec même le projet de financer une éventuelle extension de l'établissement néerlandais pour satisfaire les besoins français. Comme l'indiquait l'an dernier votre rapporteur, les négociations n'ont cependant pas abouti.
Cette situation aboutit pour les détenus originaires de ces îles à un éloignement de leurs proches et à un coût financier indéniable pour les familles qui souhaitent rendre visite aux détenus. Votre rapporteur et notre ancien collègue Bernard Frimat relevaient ainsi en 2010 dans leur rapport d'information 8 ( * ) qu'un tiers des détenus de la prison de Basse-Terre provenait de Saint-Martin. La construction d'un établissement pénitentiaire local serait une meilleure solution mais présenterait de tels surcoûts (prix locaux, coûts fixes même pour un établissement de faible surface, etc.) qu'elle n'est pas actuellement envisagée. Par ailleurs, la détention à Basse-Terre alors que l'aéroport se situe à Pointe-à-Pitre ne facilite pas le transfèrement des détenus, ni même le retour à Saint-Martin des détenus originaires de l'île lorsqu'ils sont libérés.
À l'inverse, la Polynésie française présente la particularité de disposer, outre du centre pénitentiaire de Faa'a à Tahiti comportant 171 places, d'une maison d'arrêt à Taiohae aux îles Marquises avec 5 places et d'une autre à Uturoa à Raiatea dans les îles sous le vent avec 20 places. Cette situation permet ainsi de limiter l'éloignement des détenus vis-à-vis de leurs familles compte-tenu de la grande distance existante entre les différentes îles de l'archipel.
Votre rapporteur soulignait l'an dernier l'intérêt de la répartition des établissements pénitentiaires telle qu'elle existe actuellement en Polynésie française. La distance entre ces établissements ne permet certes pas une régulation des taux d'occupation entre établissements mais assure un éloignement moindre entre les personnes détenues et leurs familles. Il invitait ainsi à ce qu'en Nouvelle-Calédonie, alors que l'ensemble des capacités pénitentiaires est actuellement concentrée à Nouméa, soit envisagée une répartition des établissements pénitentiaires dans l'archipel, sur le modèle polynésien, permettant ainsi de répondre plus rapidement à la question de la surpopulation carcérale sans être forcément synonyme de surcoûts budgétaires.
Dans ses recommandations de 2011, le contrôleur général des lieux de privation de liberté lors de son contrôle du Camp Est à Nouméa relevait cette difficulté « les familles arrivent parfois de très loin : de la province Nord - soit plusieurs centaines de km parcourus en autocar -, voire des îles Loyauté » et « attendent dehors et sont admises au parloir dans l'ordre d'arrivée devant la prison », sans avoir la garantie de pouvoir accéder à la personne détenue à laquelle elles souhaitent rendre visite.
Votre rapporteur se félicite donc que, comme lui ont indiqué les représentants du ministère de la justice, une mission commune de la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) et de l'agence publique de l'immobilier de la justice (APIJ) devrait partir incessamment pour rechercher des terrains susceptibles d'accueillir un établissement pour peines aménagées dans les environs de Koné, chef-lieu de la province Nord, ce projet faisant l'objet d'un consensus local et les négociations avec les autorités coutumières étant ouvertes.
* 7 L'article 937 du code de procédure pénale, applicable à Saint Martin et Saint-Barthélemy, prévoit que « les personnes placées en détention provisoire jusqu'à leur comparution devant le tribunal peuvent être détenues dans un local autre qu'une maison d'arrêt au plus tard jusqu'au troisième jour ouvrable suivant l'ordonnance prescrivant la détention ».
* 8 Rapport d'information n° 410 (2010-2011) de MM. Christian Cointat et Bernard Frimat, Guyane, Martinique, Guadeloupe : L'évolution institutionnelle, une opportunité, pas une solution miracle, fait au nom de la commission des lois - 6 avril 2011. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-410-notice.html