TRAVAUX EN COMMISSION

I. AUDITION DE LA MINISTRE

Réunie le mardi 5 novembre 2013, la commission a entendu Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur les crédits de la mission « Politique des territoires ».

M. Raymond Vall , président. - L'an dernier, madame la ministre, vous étiez venue présenter un budget de transition. Vous nous expliquerez comment vous avez tracé cette année les grandes lignes d'un budget qui porte davantage votre empreinte, même s'il est élaboré sous des contraintes financières sévères. Vous nous direz un mot des dépenses fiscales liées à l'aménagement du territoire, au titre des zones de revitalisation rurale (ZRR), notamment, dont le résultat n'est pas toujours à la hauteur des attentes. Vous nous parlerez de l'avenir des contrats Etat-régions. Pour ma part, je voudrais insister sur les transferts de fonds du pilier 1 au pilier 2 et l'espoir des départements ruraux de voir s'établir un équilibre au bon niveau entre les dépenses agricoles et non agricoles, sur le souhait exprimé par plusieurs structures, notamment l'association des départements de France, que soient rendus à ce sujet les arbitrages les plus justes possibles. Notre rapporteur pour avis, Rémy Pointereau, et mes collègues solliciteront sans doute votre éclairage sur de nombreux autres points.

Madame Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. - La question de l'égalité des territoires est un sujet prégnant aujourd'hui. Les inégalités entre régions se sont résorbées au fil du temps ; on constate en revanche une augmentation des inégalités infrarégionales. Cela doit nous conduire à tisser une politique fondée sur des relations renouvelées entre l'Etat et les collectivités locales, trente ans après le début de la décentralisation. Ce projet sera bientôt incarné par un nouvel outil à la main de l'Etat, mais aussi ouvert aux territoires et à leurs élus, le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) dont la création a été décidée à l'été 2013. Comme vous l'ont indiqué récemment le préfigurateur du CGET, Eric Delzant, et Raphaël Le Méhauté, le commissariat sera mis en place à la fin du premier trimestre 2014. Je crois beaucoup à l'enrichissement mutuel des trois structures qui le composent : le Secrétariat général du Comité interministériel des villes (SG-CIV), l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé), la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR). Il convient de saisir l'opportunité de cette nouvelle organisation pour renouveler notre appréhension de la politique d'égalité des territoires.

L'un des objectifs majeurs portés par le CGET est l'accessibilité des services au public. Il s'agit d'un objectif complexe à atteindre mais impératif. En effet, la disparition des services publics en milieu rural engendre, au-delà du déficit d'usage, un sentiment d'abandon et d'injustice. Ma détermination sur le sujet est entière. Il y faut une vraie vision interministérielle, transversale : les réflexions « en silo », ministère par ministère, ont conduit à des meurtrissures indélébiles sur les territoires. Pour y remédier, j'ai lancé un travail avec tous les ministères de tutelle concernés. Nous avons également signé une convention d'objectifs et de gestion avec la CNAF qui inclut des obligations de présence territoriale. Les maisons de services au public sont de mon point de vue un outil remarquable de reconquête de la présence des services publics sur les territoires. Je vous confirme que l'Etat assurera son rôle de soutien : d'ici 2017, 1 000 maisons de services au public - contre 320 aujourd'hui - seront financées de façon pérenne, l'Etat et ses opérateurs intervenant en complément des collectivités. Douze millions d'euros y seront consacrés en 2014 afin d'amorcer la montée en charge. Un fonds sera créé en 2014, doté à terme de 35 millions d'euros par an, pour financer 50 % des coûts de fonctionnement du réseau. J'ai réuni hier les dirigeants des grands opérateurs de services pour les mobiliser sur le sujet. Ils doivent travailler en commun, ce qui exige un changement d'état d'esprit.

Dans cette logique, nous allons anticiper, avec les départements et les conseils généraux qui le souhaiteront, la mise en oeuvre des schémas départementaux d'accessibilité des services au public, prévus dans le deuxième volet de la loi de décentralisation, afin de repenser le maillage des territoires. Nous mènerons ainsi une expérimentation législative originale : nous testons la disposition prévue avant son vote, de manière à pouvoir améliorer le texte final.

Au-delà de l'accueil du public, un autre enjeu est celui de la reconstruction de l'image des territoires - je l'ai bien compris lors de mon tour de France des territoires. Cela passe notamment par des lieux bien identifiés, sur lesquels figurent les logos de l'ensemble des opérateurs présents. La vue de bâtiments vides, sur la façade desquels demeure la trace d'enseignes démontées, France Télécom, la Poste ou autres, suscite inévitablement le sentiment d'un délaissement. En outre, les élus locaux se démènent pour compenser le départ des services publics, mais ne parviennent pas à suivre le rythme : à peine l'ouverture d'une médiathèque est-elle annoncée en réaction à la fermeture d'un tribunal d'instance, que l'on apprend la suppression de la sous-préfecture. Désespérant !

De façon plus générale, nous devons agir pour redynamiser les territoires ruraux et périurbains. En ma qualité de ministre de l'égalité des territoires, je considère que la France ne peut se réduire à quelques métropoles locomotives entourées de terrains de relégation ou récréatifs, qui n'auraient pas vocation à s'appuyer sur leur propres capacités de développement. Bien au contraire, les espaces ruraux sont des laboratoires d'expérimentation et d'innovation dont la France ne peut se priver. Les pôles d'excellence rurale (PER) en constituent une excellente illustration. Le gouvernement tiendra les engagements qu'il a pris. A ce jour, 114 millions d'euros ont été engagés sur les 150 de 2013. En 2014, les crédits de paiement nécessaires pour financer tous les projets sont prévus.

Le gouvernement a également pris la mesure des enjeux liés au dépérissement du centre des bourgs ruraux. Le Premier ministre présentera un programme spécifique assorti de financements, pour répondre aux problèmes nés des déprises de terrains en centre-ville, tandis que les constructions s'étendent en périphérie - évolutions territoriales difficiles à gérer pour les élus locaux. La solidarité nationale doit s'exprimer par des dotations d'Etat.

Sur le plan économique, il convient d'initier un cercle vertueux de création d'emplois et de valeur. Nous maintiendrons la prime d'aménagement du territoire à son niveau actuel - soit 40 millions d'euros par an - en veillant à recentrer son utilisation en faveur des territoires les plus en difficulté et les PME, en cohérence avec les nouvelles règles européennes de zonage des aides à finalité régionale. Les pôles de compétitivité, qui ont fait leurs preuves, continueront également d'être soutenus, à hauteur de 4 millions d'euros, par le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) en 2014. Ils devront prendre en compte les enjeux de la transition énergétique et écologique et renforcer leur impact territorial.

Le soutien au secteur de l'économie sociale et solidaire constitue un autre volet de notre action en faveur du développement économique. L'ancrage territorial de ce secteur est solide, ses activités ne sont pas délocalisables. Ce constat nous a amenés, Benoît Hamon et moi-même, à élaborer un appel à projets pour des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), doté de 3 millions d'euros, destiné à soutenir une quinzaine de projets en 2014. Ce montant peut sembler modeste mais il ne faut pas négliger l'effet de levier très important de l'aide de l'Etat.

Vous m'interrogez sur les contrats de plan Etat-régions. La contractualisation, renouvelée tant sur le fond que sur la méthode, est une priorité. L'année 2014 sera une année de transition afin de porter le taux d'exécution des contrats à 90 % : 118 millions d'euros seront engagés pour atteindre cet objectif. Le Premier ministre précisera bientôt aux préfets de région et aux présidents de conseils régionaux les contours de la nouvelle contractualisation, qui devra prendre en compte tant la nouvelle orientation des fonds européens que la transition énergétique et écologique, et s'articuler avec le programme des investissements d'avenir. Sur ce dernier sujet, mon ministère disposera de crédits de 420 millions d'euros, dont 75 millions pour soutenir les territoires à énergie positive et 10 millions pour un appel à projets sur les territoires numériques.

La nouvelle génération de contrats Etat-régions comprendra un volet territorial : il s'agit de définir, sur un territoire donné, des priorités partagées entre les différents niveaux de collectivités. Ainsi, les territoires qui souhaitent avancer rapidement sur l'accessibilité des services au public pourront le faire sans attendre le vote du deuxième projet de loi de décentralisation.

Nous avons l'impérieuse responsabilité de démontrer que tout n'est pas joué, que nous pouvons faire évoluer les politiques, que l'égalité des territoires peut progresser. J'entends décloisonner les actions des différents opérateurs. L'aménagement du territoire, sur le moyen et le long terme, doit viser à réparer les territoires meurtris et mettre fin aux inégalités infrarégionales. Ensemble, les différentes collectivités et l'Etat doivent mener une politique partagée, à la hauteur de l'enjeu, qui touche à l'essence du pacte républicain.

M. Rémy Pointereau , rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Politique des territoires ». - Madame la ministre, l'an passé, vous annonciez vouloir rompre avec l'action du précédent gouvernement, dénuée selon vous de vision d'ensemble et du souci de la justice territoriale. Vous fustigiez un abandon des territoires. Je m'interroge aujourd'hui : où est la rupture attendue ? Où sont les nouveaux dispositifs ? Je ne vois aucune nouveauté dans les annonces que vous avez faites. Vous aviez critiqué devant la commission les pôles de compétitivité, or vous indiquez qu'ils sont à l'origine de nombreux projets. Il s'agissait donc d'une excellente mesure, tout comme la création des pôles d'excellence rurale sans doute, puisque vous annoncez que vous irez jusqu'au bout du deuxième appel à projets ! Ces pôles font travailler ensemble élus et société civile. C'est une très bonne chose, car il ne faut pas tout attendre de l'Etat lorsqu'un territoire va mal.

Vous avez évoqué la création du CGET, qui a tout l'air d'une simple mesure sémantique. M. Wahl a travaillé sur le sujet, est-il possible de connaître ses conclusions et ce que vous en retenez ? Vous avez vous-même nommé une commission de réflexion sur l'égalité des territoires en France : 32 experts ont travaillé dans ce cadre sur la notion de justice territoriale sous l'égide de l'économiste Eloi Laurent. Quels bénéfices concrets en a-t-on tiré ?

Votre budget ne comporte aucun dispositif tourné vers l'avenir, susceptible de changer le cours des choses, sur les trois sujets essentiels que sont, pour nos concitoyens, la santé, le transport, le numérique. En ce qui concerne la santé, vous allez, je suppose, vous borner à poursuivre la politique d'ouverture des maisons de santé pluridisciplinaires. En matière de transport, comme ma soeur Anne à sa tour, je ne vois rien venir. Vous avez mis un terme aux projets de lignes de trains à grande vitesse et de nouvelles voies routières. Vous êtes ambitieuse en paroles sur le numérique mais la réalité est bien différente. Dans mon département, le Cher, l'accès au numérique est loin d'être généralisé et je ne parle même pas de très haut débit.

Enfin, j'aurais souhaité connaître votre position sur les changements intervenus en juillet dernier dans le zonage des communes en ZRR. Pourquoi la modification, qui a entraîné beaucoup de sorties et d'entrées de communes dans les périmètres, a-t-elle été réalisée sans que les parlementaires aient seulement été réunis pour en discuter ?

J'attends en vain le retour que vous avez annoncé de l'Etat stratège. Je constate que le gouvernement cherche à masquer son inaction par la création de structures et commissions.

M. Michel Teston . - Je ne partage pas les préventions de notre rapporteur pour avis sur la réforme des critères de zonage des ZRR. Ces critères, définis par la loi de développement des territoires ruraux de 2005, ont montré leurs limites l'été dernier. C'est que jusqu'alors, l'Etat se bornait à reprendre les mêmes listes année après année. En 2013, le gouvernement a logiquement souhaité prendre en compte les résultats des derniers recensements. L'arrêté a été publié. Il est alors apparu que les critères de 2005 n'étaient plus adaptés. Cela a conduit le gouvernement à prendre un second arrêté pour réintégrer dans les ZRR des communes qui n'auraient pas dû en être exclues. Il convient aujourd'hui de définir les critères les plus justes possibles. La seule question qui se pose concerne la méthode : doit-on agir immédiatement, dans la concertation, ou est-il préférable d'attendre les résultats de la mission qui vient d'être mise en place sur le sujet à l'Assemblée nationale ? Je souhaiterais connaître votre position.

M. Yves Rome . - A la différence de Rémy Pointereau, je me félicite de la mise en place du CGET. En ma qualité de président du conseil général de l'Oise, je voudrais dire quelques mots de l'accessibilité des services au public. Nous avons dans le département mis en place une politique très proche de celle que décrit Madame la ministre, alors que le service public a fait l'objet d'attaques lourdes dans la période antérieure, visant à le détruire en totalité. Le département apparaît comme le niveau adéquat pour mettre en oeuvre ces politiques. Rejoignant par anticipation les préoccupations du gouvernement actuel, nous avons souhaité créer des maisons du conseil général. Tout ce que nous avons obtenu de l'Etat, avant le changement de 2012, c'est la labellisation d'une première puis d'une deuxième maison de services publics. La deuxième loi de décentralisation étant une perspective encore lointaine, nous souhaiterions que le gouvernement prenne une initiative afin de favoriser, en amont, les expérimentations destinées à reconfigurer les services offerts au public sur les territoires départementaux. Si une telle expérimentation était autorisée, mon département se porterait naturellement candidat. L'Etat doit jouer un rôle non pas de censeur tatillon mais de facilitateur des projets portés par les collectivités territoriales.

C'est bien ce rôle, quoi qu'en dise le rapporteur pour avis, que l'Etat assure dans le domaine du numérique. Des fonds sont disponibles pour les collectivités qui en font la demande, quelle que soit leur couleur politique. Ils ont doublé depuis le changement de gouvernement. La Manche, le Calvados ont, tout comme l'Oise, bénéficié du soutien de l'Etat.

Le gouvernement a confié à Claudy Lebreton un rapport sur les usages du numérique. Le numérique est un outil puissant pour améliorer le service rendu au public. Or l'Etat seul ne peut rien et les collectivités locales traversent des difficultés. Nous sommes ouverts à une collaboration fructueuse !

M. Gérard Cornu . - Madame la ministre, il ne suffit pas de parler d'égalité des territoires. Pour la réaliser, il faut agir. Cela nécessite un budget. Je m'étonne de la diminution très forte des sommes allouées à l'action 2, « développement solidaire et équilibré des territoires », qui passent de 133 à 110 millions d'euros. Cette ligne budgétaire sert à financer les actions en faveur de l'égalité d'accès des usagers aux services publics, notamment dans les zones rurales. Comment justifiez-vous cette baisse alors qu'il s'agit là d'une priorité reconnue de tous ?

M. Hervé Maurey . - Le président Vall a souligné que vous aviez présenté l'an dernier un budget de transition. En fonction depuis dix-huit mois, vous portez la responsabilité pleine et entière du budget que vous présentez cette année. Or les crédits sont en forte baisse, de 6,8 % sur les autorisations d'engagement, et de 8 % sur les crédits de paiement. D'un point de vue qualitatif, sauf à chausser les lunettes roses du président du conseil général de l'Oise, l'égalité des territoires ne progresse pas. Dans mon département, ni la couverture en téléphonie mobile ni celle de l'internet haut débit ne se sont améliorées. Quant à la situation en matière de démographie médicale, elle continuera d'empirer si un gouvernement courageux ne s'y attelle pas. L'inégalité des territoires va progresser avec la mise en place de la réforme des rythmes scolaires.

Finalement, votre mesure phare est la création du CGET. En quoi est-il une amélioration par rapport à l'ancienne Datar ? Et cette création mise à part, où est le changement ? Vous avez évoqué la présence des services publics en milieu rural mais avez oublié de dire qu'il s'agit de la généralisation d'une expérimentation menée par le précédent gouvernement. Je serais heureux de pouvoir célébrer le retour de l'Etat stratège ; malheureusement, ce n'est pas le cas et je ne peux que déplorer la progression des inégalités.

Mme Hélène Masson-Maret . - Madame la ministre, vous avez utilisé à plusieurs reprises dans vos propos le mot « rural », qui renvoie immanquablement à l'agriculture. Mais votre budget 2013 saignait l'agriculture et le budget 2014 continue sur la même ligne. Ma première question est : jusqu'où comptez-vous aller dans la baisse des crédits en faveur de l'agriculture, devenue le parent pauvre du budget ?

M. Raymond Vall , président . - Ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui.

Mme Hélène Masson-Maret . - C'est un aspect de l'égalité des territoires. Ma seconde question a trait à la montagne. En 2010, le ministre Bruno Le Maire a demandé un bilan de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. Ce rapport, sur lequel ont travaillé trois inspections générales et deux conseils généraux, a été très critiqué par les élus de la montagne - et par le ministre lui-même. Qu'envisagez-vous pour la montagne ? Avez-vous demandé un nouveau rapport ?

M. Charles Revet . - Lors de l'examen de la loi sur la modernisation de l'agriculture et de la pêche, j'avais fait voter un amendement prescrivant d'établir un schéma le long du littoral, à l'initiative des préfets, de manière à faire ressortir les zones à protéger, les zones de développement économique, les zones d'affectation future. Nous devions disposer d'un rapport sur ce sujet un an plus tard. Où en est-on ?

J'ai reçu dimanche soir une question de l'un de mes administrés au sujet de la taxe d'aménagement, qui lui est réclamée depuis qu'il a déposé un permis de construire. J'aimerais connaître l'usage de cette taxe.

Mme Cécile Duflot, ministre. - La taxe d'aménagement est une taxe locale. Ce n'est pas une taxe d'Etat.

M. Charles Revet . - Est-elle réellement affectée à l'aménagement du territoire ? J'ajoute que notre collègue Michel Houel vous a fait parvenir une question sur les conséquences de la réaffectation du patrimoine agricole : il n'a reçu aucune réponse.

M. Ronan Dantec . - Ce débat est très politisé ! Je vais rester dans cette tonalité. En 2011, j'avais, dans mon rapport sur ce budget, mis en évidence la baisse sensible des crédits de la Datar sous la présidence Sarkozy, comme le nombre limité de réunions du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) ou la baisse des moyens humains à la Datar. Les outils de la politique d'aménagement du territoire étaient en déshérence. La création du CGET est donc une nécessité. Je regrette la baisse des crédits de l'aménagement du territoire, comme de ceux affectés aux infrastructures ferroviaires. Mais sommes-nous tous d'accord pour renforcer l'écotaxe qui doit financer ces politiques ? L'enjeu majeur est de définir une doctrine d'intervention de l'Etat. C'est au moins un point qui fait consensus entre nous. Le monde a changé depuis les années cinquante. L'émergence du fait urbain a abouti à la loi métropoles. Pour éviter qu'au-delà de ces grandes aires urbaines, le territoire devienne un désert, il faut créer de nouvelles coopérations entre les territoires. Le CGET a cette vocation, de favoriser le dialogue entre territoires complémentaires. Toute la stratégie relative aux infrastructures doit aussi être redéfinie. Les contrats de plan pourront encourager le dialogue, car les élus locaux ont souvent quelque difficulté à travailler ensemble.

Mme Cécile Duflot, ministre . - Si je résume le propos du rapporteur, nous faisons comme avant, mais nous faisons mal quand même.

Sur les PER, oui, nous avons décidé d'assumer les décisions de nos prédécesseurs. Le système était cependant fragile car il avait pour effet de mettre en concurrence les territoires. Pour pallier les insuffisances des pôles de compétitivité, nous les avons également recentrés sur les PME et cherchons à mieux irriguer les territoires. Nulle rupture brutale sur les PER qui fragiliserait les acteurs engagés, mais une réorientation, d'où le plan de soutien aux pôles territoriaux de coopération économique, qui privilégient la robustesse territoriale plutôt qu'une logique d'excellence.

L'une des conclusions de la commission Wahl était la mise en place du CGET. L'autre était la nécessité de revoir les modes d'intervention prospectifs de la Datar, intéressants, mais trop déconnectés des travaux effectués par les régions. Le lien avec les élus locaux est donc bien au coeur de la création du CGET. Nous ne créons pas une structure supplémentaire, nous en fusionnons trois.

La mission confiée à Eloi Laurent a eu un bénéfice concret : la définition de ce que pourrait être une vraie politique d'égalité des territoires. La vision très dirigiste et étatiste des années soixante et soixante-dix n'était guère compatible avec la décentralisation : il en est résulté une décennie blanche, après laquelle ont émergé des dispositifs tels que les pôles de compétitivité, qui hélas n'ont pas résolu les inégalités territoriales.

En dix-huit mois, on ne résout pas des années de difficultés. Mais la logique de l'intervention de l'État a été inversée : appuyer les collectivités et les territoires, plutôt que se concentrer sur quatre ou cinq points et considérer que, vaille que vaille, le reste suivra. L'inversion est visible dans les outils, par exemple dans le domaine médical, où le gouvernement a fait le choix de soutenir les dispositifs existants tout en créant des incitations à l'installation des jeunes médecins.

Nous le savons tous, il est facile, notamment sur ces questions-là, d'afficher des crédits budgétaires importants, puis de procéder à des annulations en fin de gestion ; c'est ce qui a eu lieu en 2012. Par rapport à l'exécution de 2012, ce budget est en augmentation, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement.

Il n'y aurait pas de dispositif tourné vers l'avenir ? À propos du schéma national des infrastructures de transport (SNIT), je suis allée, avec d'autres membres du gouvernement, à la rencontre des élus locaux. Ils y ont cru. Pourtant ce schéma a été élaboré, exactement comme le Grand Paris express, en faisant plaisir à tout le monde, mais sans financement. Le financement des gares du grand métro a été oublié ; les infrastructures ferroviaires prévues représentent dix fois les capacités annuelles d'investissement. C'est trop facile !

Nous avons fait le choix, différent, de prendre des engagements qui seraient tenus. C'est le cas de la rénovation du réseau secondaire, dont l'état mettait en péril la desserte de certains territoires. C'est le cas en matière de santé ou de numérique, où le plan prévoit un investissement de vingt milliards d'euros sur dix ans : un tiers pour les zones denses, financé exclusivement par les opérateurs, un tiers pour des zones moins denses, cofinancé par les opérateurs et les collectivités et un tiers pour les zones les moins denses, avec la participation de l'État à 50 % ou au-delà. Le guichet est ouvert, et des collectivités de toutes tendances y ont déjà recours.

La création du CGET est prévue pour mars 2014, au terme d'un travail avec les élus et les personnels des trois structures concernées, mené par la mission de préfiguration créée, comme prévu, en septembre 2013. Tout se déroule normalement.

Le budget des maisons de santé varie par rapport à 2013 parce que le relais est pris sur les territoires isolés par le Pacte territoires santé du ministère de la santé. Par ailleurs plus de 2,5 millions d'autorisations d'engagement ont été inscrits sur les services au public, à quoi s'ajoute la création d'un fonds pour les maisons de services auquel contribueront les opérateurs. Les moyens augmentent : nous avons financé cinquante maisons de santé de plus que prévu initialement.

Sur les questions agricoles, je ne peux répondre à la place de mon collègue ministre de l'agriculture mais chacun s'accorde à reconnaître que la renégociation du budget de l'Union européenne, et notamment la place que la PAC y occupe, a été satisfaisante. La France a défendu un niveau d'intervention ; simplement, des priorités ont été décidées, en faveur des petites exploitations et de l'emploi agricole. Je ne connais pas le rapport sur la montagne auquel Mme Masson-Maret fait référence...

Mme Hélène Masson-Maret . - Le voici !

Mme Cécile Duflot, ministre . - Je vous remercie. L'objectif est bien que dans la contractualisation, la spécificité des zones de montagne soit prise en compte, comme cela a été le cas, soit dit en passant, dans le projet de loi Alur.

La taxe d'aménagement, qui a remplacé en 2012 la taxe locale d'équipement et qui s'applique lors de toute déclaration préalable de travaux ou demande de permis de construire, est composée de trois parts - régionale, départementale et communale - sur lesquelles l'État n'a pas de prise.

Les CPER comprendront des volets territoriaux qui associeront tous les niveaux de collectivités. La vision stratégique inclura la dimension de transition énergétique. Les modalités d'élaboration montreront bien qu'il ne s'agit pas d'une simple addition de cofinancements.

Personne n'avait osé appliquer la loi sur les ZRR ; nous l'avons fait, après une concertation avec les associations d'élus locaux, qui ont toutes donné un avis favorable sur l'application réelle des critères. Mais les résultats, en l'absence d'une étude sur les effets locaux, ont parfois été dommageables. Le zonage est brutal et ne permet pas d'entrer ou de sortir progressivement du dispositif. Le Premier ministre a donc décidé de revenir au périmètre existant, en attendant une revue générale de ces questions, actuellement en cours. À propos du zonage, tout le monde est d'accord a priori pour éviter la dispersion et centrer les mesures sur ceux qui en ont le plus besoin ; la traduction pratique est toujours plus délicate. La chose est classique : tout le monde est d'accord sur le bonus, personne sur le malus. Nous devons en outre respecter les obligations européennes afin que les aides ne soient pas contestées. Reporter d'année en année l'application de la loi était sans doute confortable mais cela mettait la France complètement en dehors des clous.

M. Charles Revet . - Il faudrait malgré tout associer la commission, qui avait déjà débattu de la difficulté de sortir du dispositif des ZRR.

M. Yves Rome . - Je me félicite de la négociation de nouveaux CPER. J'espère que le Premier ministre précisera qu'une concertation devra être opérée avec les conseils généraux. C'est indispensable.

Mme Cécile Duflot, ministre . - En Corrèze, les communes qui sortaient des ZRR étaient celles du canton de Tulle : il n'y avait donc pas de manoeuvre cachée.

Les schémas de cohérence territoriale (Scot), qui n'existaient pas quand la loi littoral fut adoptée, répondent largement au souhait de M. Revet. Reste à homogénéiser les avis rendus par l'administration, dont la ligne varie d'un département à l'autre. Nous y travaillons.

M. Raymond Vall , président . - Une de nos récentes satisfactions est d'avoir introduit l'espace rural dans la loi métropoles, à travers les pôles territoriaux de solidarité et d'aménagement. Ils sont le bébé de cette commission !

Mme Cécile Duflot, ministre . - Félicitations !

M. Raymond Vall , président . - Sur les maisons de services publics, je suis d'accord avec vous : si vous pouvez y apposer le logo de l'État et le logo du conseil général, la population aura le sentiment d'une renaissance. Vous avez raison d'être ambitieuse ; au début, seul l'État a accepté d'être partenaire de ces maisons, et souvent faiblement : 10 000 euros pour une commune de 20 000 habitants. Par ailleurs, les frais de fonctionnement étant lourds, il convient de traiter de façon différente les territoires très démunis et ceux qui le sont moins.

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