II. EXAMEN DU RAPPORT

Au cours de sa réunion du mercredi 13 novembre 2013, la commission a examiné les crédits relatifs aux « transports ferroviaires et fluviaux » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2014.

M. Roland Ries, rapporteur pour avis . - Nous analysons aujourd'hui une partie des crédits du programme n° 203 « Infrastructures et services de transport » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », le compte d'affectation spéciale « services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », qui permet de financer les trains d'équilibre du territoire (TET) et les fonds de concours attendus en 2014 pour les transports ferroviaires et fluviaux, et parmi ceux-ci les crédits de l'Afitf, directement touchés par les mouvements actuels de remise en cause de l'écotaxe poids lourds.

Parlons d'abord de ce sujet brûlant. Comme vous le savez, l'Afitf est l'acteur privilégié du financement de l'ensemble des infrastructures de transport, qu'elles soient ferroviaires, fluviales, maritimes ou routières, avec un budget en 2013 de 2,2 milliards d'euros. Ses ressources proviennent essentiellement du secteur autoroutier, avec, d'une part, la redevance domaniale, d'autre part, la taxe d'aménagement du territoire, versées par les sociétés autoroutières. En 2013, ces ressources ont atteint 865 millions d'euros. Depuis 2009, son équilibre a été assuré par le versement d'une subvention budgétaire, qui devait progressivement s'éteindre avec la mise en place de nouvelles ressources. Cette subvention était de 660 millions d'euros en 2013. Elle est fixée à 334 millions d'euros pour 2014. Parmi les nouvelles ressources dégagées pour l'Afitf, la redevance domaniale, versée par les sociétés d'autoroutes en contrepartie de l'avantage qu'elles tirent de l'occupation du domaine public, a été augmentée en 2013 d'une centaine de millions d'euros, pour passer de 198 millions à 299 millions d'euros. Mais la clé de cet équilibre reposait sur la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds à la mi-2013, qui devait générer une recette brute annuelle de 1,2 milliard d'euros, dont 760 millions d'euros pour l'Afitf et 160 millions d'euros pour les collectivités territoriales. Cette taxe, qui devait entrer en vigueur en juillet dernier, a malheureusement subi un premier report au 1 er octobre, puis un second, au 1 er janvier 2014, avant l'annonce récente de sa suspension - et non de sa suppression, j'insiste - à la suite des manifestations bretonnes. Il en résulte non seulement un manque à gagner très conséquent - le coût du report au 1 er janvier représentait déjà un manque à gagner de 250 millions d'euros pour l'Afitf - mais aussi, probablement, des dépenses nouvelles pour l'État, dès lors que des pénalités sont prévues en cas de retard dans la mise en oeuvre, après le 1 er janvier 2014, au bénéfice d' Ecomouv' , qui bénéficie d'un contrat contesté.

Dans ce contexte, comment ne pas s'alarmer au sujet du financement des infrastructures de transport ? J'estime que notre devoir est d'interpeller sérieusement le Gouvernement. Une solution rapide et pérenne doit être trouvée pour l'Afitf, qui est la pierre angulaire du développement de politiques de mobilité ambitieuses et durables. Je n'ai pas eu de réponse satisfaisante à ce sujet, y compris lorsque nous avons auditionné le ministre Frédéric Cuvillier hier.

Je voudrais en profiter pour rappeler quelques fondamentaux sur l'écotaxe, tant elle a fait l'objet de contrevérités ces dernières semaines, alors qu'elle est le fruit d'une décision approuvée, en 2009, par tous les bords politiques. Elle répond à un triple objectif : rationaliser le recours au transport routier de marchandises, c'est-à-dire mettre fin aux habitudes des camions - de transit notamment - qui empruntent les itinéraires alternatifs aux autoroutes afin d'éviter les péages et détériorent les routes sans participer à leur entretien - sans parler des questions de sécurité routière et de congestion que ce comportement soulève ; émettre un signal-prix sur l'usage de la route dans une perspective écologique, pour favoriser les circuits courts et éviter l'encombrement des routes avec des camions partiellement vides ; faire payer la route par ses usagers afin d'arrêter de subventionner le transport routier, peu vertueux par rapport aux autres modes de transport, notamment ferroviaires et fluviaux qui, eux, internalisent les coûts d'entretien de leurs infrastructures, par le loyer que paie la SNCF à RFF par exemple.

Les transporteurs n'étaient pas opposés par principe à cette mesure, grâce au mécanisme de répercussion des coûts sur les chargeurs. La colère actuelle des paysans bretons m'étonne. N'a-t-elle pas été alimentée par les reports successifs ? Les problèmes économiques - fermetures d'usines ou difficultés du secteur agro-alimentaire - ne peuvent pas être imputés à l'écotaxe poids lourds, puisqu'elle n'est pas encore en vigueur. Elle est le bouc-émissaire d'une effervescence, d'une montée d'adrénaline qui lui sont étrangères, en Bretagne comme ailleurs, d'autant que cette région doit bénéficier d'un abattement de 50% sur la taxe, en raison de sa périphéricité.

Cette agitation remet malheureusement en question l'équilibre financier envisagé pour l'Afitf au cours des prochaines années. Or, le Premier ministre a annoncé il y a quelques mois le choix du scénario 2 proposé par la commission « Mobilité 21 » présidée par Philippe Duron, à savoir le scénario le plus ambitieux. Il propose un montant d'investissements compris entre 28 et 30 milliards d'euros d'ici à 2030, ce qui nécessiterait 400 millions d'euros supplémentaires par an pour l'Afitf en plus de l'écotaxe. Il faut donc trouver de nouvelles sources de financement ou maintenir la subvention d'équilibre versée par l'État. Autant dire que nous sommes loin aujourd'hui de l'équilibre budgétaire, puisque nous devons déjà réussir à boucler le financement pour 2014. Le ministre doit nous donner des explications sur l'exercice budgétaire qui vient !

Deuxième souci : les services de transports de voyageurs doivent être soumis, à compter du 1 er janvier 2014, au taux réduit de TVA de 10 % au lieu de 7 %. Cette augmentation, qui intervient peu de temps après celle de 2012 qui a déjà vu ce taux passer de 5,5 % à 7 %, me rend perplexe. Elle aura des conséquences lourdes sur les autorités organisatrices de transport (AOT) et entre en totale contradiction avec l'objectif de promotion d'une véritable mobilité durable, notamment par le développement des transports collectifs. Les AOT, déjà confrontées à des contraintes budgétaires fortes, ne pourront pas absorber cette hausse. Deux conséquences sont donc à redouter : soit une augmentation des tarifs perçus auprès des usagers, qui risquent alors de se détourner, au moins pour certains d'entre eux, des transports collectifs ; soit la réduction de l'offre, et donc une moindre attractivité de ces transports. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai deux amendements, qui visent à soumettre les transports collectifs du quotidien au taux réduit de 5,5 %. Il s'agirait de viser uniquement les transports urbains et non urbains, interurbains, d'intérêt local et régional, majoritairement utilisés pour les déplacements domicile-travail.

Le choix de ce périmètre est adapté à l'objectif de promotion de cette catégorie de transport et permettrait de limiter le coût de la mesure à 300 millions d'euros environ. Je propose de le compenser soit par une augmentation de la taxation sur le gazole, soit par la création d'une taxe sur le kérosène pour les vols intérieurs. Ces deux gages correspondent à notre message en faveur de la promotion effective de la mobilité durable et de la mise en application concrète du principe du « pollueur-payeur ». Une position de notre commission sur ce sujet, qui relève sur le fond de la commission des finances, aurait plus de poids que de simples initiatives isolées de notre part.

Je déposerai également trois amendements techniques sur le versement transport : deux d'entre deux visent à modifier le calcul de l'exemption pour l'appuyer sur le produit réel du versement transport et non sur le nombre des salariés ; le troisième vise à lutter contre l'optimisation fiscale liée au dépassement du seuil de neuf salariés, en-dessous duquel les entreprises sont exemptées.

Dans le domaine des transports fluviaux, la subvention pour charges de service public versée à Voies navigables de France s'élève à 265 millions d'euros, en recul d'1,7 % par rapport à 2013. Ces crédits doivent être complétés par des fonds de concours versés par l'Afitf, à hauteur de 65 millions d'euros. Mais, là encore, les concours de l'Afitf semblent sujets à caution, compte tenu de l'actualité. En outre, 7,6 millions d'euros sont prévus au titre du soutien au transport combiné maritime et fluvial.

S'agissant des transports ferroviaires, le concours de l'Etat à RFF pour la gestion de l'infrastructure s'élèvera à 2,552 milliards d'euros en 2014, soit un montant très proche de celui versé l'an dernier. L'enveloppe consacrée au soutien du transport combiné ferroviaire est en revanche évaluée à 16,5 millions d'euros en crédits de paiement, au lieu de 19 millions d'euros en 2013. La réduction du budget consacré au transport combiné se poursuit.

Le compte d'affectation spéciale « services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » retrace les opérations relatives à l'exploitation des trains d'équilibre du territoire. Celle-ci est régie par une convention triennale signée entre l'Etat et la SNCF : elle arrive à échéance le 31 décembre 2013 ; le gouvernement et la SNCF ont décidé de la prolonger d'un an. Le compte d'affectation spéciale connaît une double évolution. D'une part, le montant de la contribution à l'exploitation de ces trains est réduit, mais cette diminution résulte de la modification de la tarification de l'infrastructure mise en oeuvre par RFF. Ce mécanisme complexe est neutre pour les parties prenantes : il s'agit d'un transfert entre les redevances acquittées par la SNCF et celles acquittées par l'État. D'autre part, les crédits consacrés au matériel roulant augmentent. Le Premier ministre a annoncé en juillet dernier le renouvellement de ce matériel entre 2015 et 2025, dans le cadre du plan « Investir pour la France ». À cette fin, une première tranche ferme de 500 millions d'euros a été engagée dès cet été pour renouveler les anciennes locomotives diesel et les voitures. Compte tenu du déficit d'exploitation des trains d'équilibre du territoire, le renouvellement de la convention constitue un enjeu fort de l'année 2014.

Il n'est pas le seul. Outre l'hypothèque relative à l'écotaxe, qui, à mon sens, doit être levée rapidement, le choix du scénario 2 de la commission « Mobilité 21 » implique de mobiliser de nouvelles ressources pour les années à venir. Il importe aussi de rationaliser nos dépenses, en agissant sur l'organisation de nos structures. C'est l'un des objectifs poursuivis par la réforme ferroviaire, qui vise à réunir RFF et la SNCF au sein d'un groupe public unifié. Le gestionnaire du réseau RFF, le gestionnaire délégué SNCF Infra et la direction des circulations seront enfin regroupés pour constituer un gestionnaire d'infrastructure unique. Cette réforme majeure doit aussi être un moyen de stabiliser la dette ferroviaire, qui dépasse aujourd'hui 40 milliards d'euros. Il faudra rationaliser nos investissements, confirmer la priorité donnée au réseau existant et conforter les acteurs dans leur volonté de mettre en place un grand plan de modernisation du réseau. L'année 2014 sera donc capitale pour les transports ferroviaires.

Sous réserve de ces observations et dans l'attente des solutions que proposera le Gouvernement pour pallier le retard de l'écotaxe, je vous propose d'émettre un avis  favorable d'attente  à l'adoption de ces crédits.

M. Michel Teston . - Je partage la position du rapporteur sur la hausse du taux de TVA sur les transports du quotidien.

Les crédits de l'action 10, consacrée aux infrastructures de transport collectif et ferroviaire, baissent de 10,5 %, en raison de la diminution de 50 % de la subvention d'équilibre versée à l'Afitf, qui atteint 334 millions. Cette baisse aurait dû être compensée par l'écotaxe. Sa suspension, décidée le 29 octobre dernier, représente un manque à gagner de 800 millions d'euros en 2014. Le ministre Cuvillier s'est engagé à trouver d'autres recettes, mais n'a fourni aucune piste concrète. Une autre incertitude pèse sur le compte d'affectation spéciale destiné à compenser à la SNCF le coût des lignes des trains d'équilibre du territoire, structurellement déficitaires. Il est alimenté par la taxe d'aménagement du territoire acquittée, en partie, par les sociétés concessionnaires d'autoroutes. Mais leur contribution est très faible et sera difficile à modifier. Je n'exclus pas de déposer des amendements.

Néanmoins les crédits s'établissent à un niveau satisfaisant. Les concours de l'État à RFF restent à un bon niveau, à 2,135 milliards en 2014 contre 2,14 en 2013. Comme les recettes provenant des péages d'infrastructures ferroviaires progressent légèrement, le budget de RFF reste stable, ce qui lui permettra de tenir ses engagements de renouvellement du réseau existant, conformément aux priorités du Premier ministre et aux recommandations de la commission Mobilité 21. Aussi, comme le rapporteur, j'émets un avis favorable sur les crédits du programme 203.

M. Louis Nègre . - Je ne partage pas la position du rapporteur, même si je le rejoins sur deux points. Tout d'abord, sur les ressources de l'Afitf. Il est essentiel de rénover nos réseaux de transport routier, ferroviaire et fluvial car ils constituent un élément de l'attractivité de notre territoire. Le réseau ferroviaire s'est dégradé sous nos yeux. Les syndicats n'ont pas fait grève pour déplorer la dégradation du réseau, alors qu'il constitue notre patrimoine. La commission Mobilité 21 a conclu qu'avant de programmer de grands projets il fallait entretenir le réseau existant. La Cour des comptes l'a aussi rappelé. Nous sommes inquiets. Le ministre s'est engagé devant nous à maintenir les crédits de l'Afitf, mais il n'a pu préciser les modalités. Sans doute en saurons-nous davantage après les élections municipales et européennes !

Un autre point d'accord avec le rapporteur est mon opposition au relèvement de la TVA sur les transports du quotidien. Hier, lors de l'audition du ministre, j'ai dit que je ne reconnaissais plus ma gauche...

Mme Laurence Rossignol . - Faites donc une politique de gauche avec nous !

M. Louis Nègre . - Le passage de 7 à 10 % est incompréhensible. De plus, comme le rapporteur et le Groupement des autorités responsables de transport (GART), je pense que les recettes supplémentaires s'élèveront à 300 millions, loin du milliard escompté. Taxer les transports du quotidien c'est frapper les catégories les plus modestes. Soit les prix des billets augmenteront, soit les services diminueront.

Les crédits du programme 203 passent de 4,2 milliards en 2012 à 3,6 milliards en 1014. Comment être enthousiaste ? La forte baisse, de 3,2 milliards à 2,8 milliards, des crédits de l'action 10, consacrée aux infrastructures de transports collectifs et ferroviaires, est préoccupante. Si les crédits de RFF restent stables, ils seront insuffisants, en dépit des efforts du gouvernement - je le reconnais -, pour accomplir le rattrapage nécessaire, et le réseau continuera de se dégrader. En outre, comment sera résorbé le déficit de 1,5 milliard par an ? Le budget de l'action 11 diminue à 320 millions ; les crédits d'investissement des Voies Navigables de France se limitent à 168 millions.

Le compte d'affectation spéciale « services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » qui finance les lignes d'équilibre du territoire s'établit à 309 millions, contre 325 l'an passé et 279 en 2012. Certes, les crédits d'entretien sont en hausse, mais les crédits d'exploitation baissent à 191 millions en 2014, contre 217 millions. Le gouvernement a annoncé 500 millions pour rénover les matériels, première tranche d'un plan de 3 milliards. Je salue également le lancement du nouvel appel à projets TCSP, ainsi que la prise en compte du TGV du futur dans les investissements d'avenir.

Je souhaite un accord sur le projet de réforme du système ferroviaire. Un consensus se dégage pour créer un opérateur unifié et donner à l'État un rôle de stratège. Je soutiens la position de l'association des régions de France qui réclame que les élus aient accès aux comptes analytiques de la SNCF. Les élus doivent savoir ce qu'ils paient. À cet égard, l'écart entre les taux d'emprunt de la SNCF et les sommes facturées aux régions est problématique. En ce qui concerne l'architecture du système, nous souhaitons que l'ex-RFF exerce sa mission de manière indépendante. Nous reconnaissons la nécessité de relations entre le gestionnaire d'infrastructure unifié (GIU) et la SNCF. Je veux sauver le soldat SNCF si cela permet de conquérir des parts de marché, non pour vivre sur le passé ! Il faut aussi que la réforme soit euro-compatible. Dans le projet de loi, les pouvoirs du régulateur baissent. Pourtant, partout ailleurs en Europe, ils augmentent. Le ministre s'est engagé à revoir la question...

M. Raymond Vall, président . - Cette réforme est très importante mais on s'éloigne du débat budgétaire. Il faut cependant savoir que plus de la moitié du coût du transport ferroviaire est actuellement financé par le contribuable.

M. Michel Teston . - Nous parlerons de la réforme ferroviaire le temps venu.

M. Louis Nègre . - En attendant, je ne voterai pas le rapport proposé.

M. Vincent Capo-Canellas . - Le rapporteur a émis un avis favorable d'attente ; j'émettrai un avis défavorable d'appel. Je partage son analyse et son impatience sur l'écotaxe. Les conséquences de son report seront sensibles dès cette année. Le gouvernement devra nous indiquer ses arbitrages. Le budget qui nous est proposé n'est pas sincère car les chiffres ne tiennent pas compte du report de l'écotaxe. La réforme est suspendue ; il ne faudrait pas qu'elle disparaisse, car une suspension qui se prolonge, c'est une suppression.

Je partage le souci du rapporteur de ne pas augmenter la TVA sur les trains du quotidien. Mais cette notion est-elle aisée à définir juridiquement ? En outre il est illusoire de vouloir substituer à la hausse de la TVA une taxe sur le kérosène : la convention de Chicago du 7 décembre 1944 interdit de taxer le kérosène pour les vols internationaux. Il en va de même de la directive-cadre européenne 2003-96 sur la fiscalité de l'énergie. De plus, les avions iraient faire leur plein ailleurs, et les compagnies low cost seraient favorisées. Cette mesure aurait des conséquences négatives pour Air France. Le rapport Guillaume évaluait à un millier le nombre d'emplois susceptibles de disparaître en ce cas.

M. Jean-Jacques Filleul . - Je soutiens le rapporteur. Je m'étais étonné en son temps du coût d' Ecomouv' , mais le gouvernement m'avait indiqué qu'en raison des accords signés par la précédente majorité il ne disposait d'aucune marge d'action. L'écotaxe donne lieu à des emballements qui relèvent du délire collectif : personne n'a encore acquitté l'écotaxe en Bretagne ! Il y a des exonérations, et de plus son montant est modeste. Les craintes n'ont pas de fondement solide. En revanche les conséquences d'une suppression sont lourdes : 800 millions manqueront pour l'entretien du réseau routier ou les investissements dans le ferroviaire. Nous vivons une crise irrationnelle typiquement française : j'ai entendu un artisan du Doubs prétendre qu'il ne pouvait embaucher à cause de l'écotaxe...

En fait, ce ne sont pas les transporteurs qui paieront la taxe, mais bien les chargeurs. Répétons-le !

Je soutiens les amendements du rapporteur visant à revenir sur la hausse de la TVA sur les transports du quotidien. Les salariés qui se rendent sur leur lieu de travail ne doivent pas être pénalisés à nouveau, après la hausse décidée par la dernière majorité.

Le gouvernement débloque 380 millions pour les entreprises en difficulté de toute la France. Espérons que les Bretons seront convaincus de sa détermination à agir. J'ai apprécié que l'écotaxe ait été suspendue pour toute la France et non seulement en Bretagne. Nous souhaitons tous ici que l'écotaxe soit rétablie le moment venu.

M. Louis Nègre . - En effet !

Mme Laurence Rossignol . - Je voterai le rapport ainsi que les amendements proposés pour éviter la hausse de la TVA. Plutôt que d'écotaxe, parlons de taxe poids lourds. Ces amendements ne constituent pas une révolte de plus contre l'impôt. L'impôt est un élément du pacte social qui nous unit. Ce que notre commission souhaite, c'est un report du transport routier vers d'autres modes de transport. En affirmant notre attachement au maintien d'un taux réduit de TVA sur les transports du quotidien, nous prônons une certaine vision pour notre société. De même, en affirmant notre attachement à la taxe poids lourds, nous affirmons que l'avenir appartient au report modal. Aujourd'hui les poids lourds ne contribuent pas à l'entretien des routes ni au développement du réseau ferré. La taxe est le seul moyen pour y parvenir.

M. Roland Ries, rapporteur pour avis. - J'envisage de déposer deux amendements pour rétablir le taux de TVA de 5,5 % sur les transports du quotidien. Dans le premier, la compensation prend la forme d'une taxe sur le kérosène applicable sur les liaisons aériennes nationales, puisque des conventions internationales l'interdisent au niveau international. Comment comprendre que le kérosène soit le seul combustible fossile à échapper à la taxation ? Les transports du quotidien sont définis comme les transports collectifs de personnes, à l'exclusion des services d'intérêt national et des services internationaux. Le second amendement propose, comme gage, une hausse de la fiscalité sur le gazole, car celle-ci est très avantageuse en France et la proportion de moteurs diesel, de l'ordre de 70 %, est une exception en Europe.

Je déposerai également trois amendements techniques sur le versement transport. Ils visent à lutter contre l'optimisation fiscale en cas de fusion et de dépassement du seuil de neuf salariés ; de plus, quand une entreprise assure le transport de ses salariés, la valeur globale des financements sera prise en compte pour l'exemption du versement transport, et non pas le nombre de salariés transportés.

Avec l'opposition nous partageons les mêmes constats mais divergeons sur les préconisations. Monsieur Nègre, attention en comparant les budgets de 2013 et 2014 à ne pas céder à des effets d'optique car les périmètres des programmes ont changé !

La levée de boucliers contre l'écotaxe est largement irrationnelle. Les radars, qui font l'objet de destructions, n'ont aucun lien avec cet impôt ! Pourquoi en faire le bouc émissaire des difficultés de notre pays, alors qu'elle n'est pas encore entrée en vigueur ? Sans doute aussi une partie du mouvement est-il téléguidé, par d'autres groupes d'opposants.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « transports ferroviaires » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2014.

M. Raymond Vall, président . - En ce qui concerne vos deux amendements relatifs à la TVA sur les transports collectifs, peut-être souhaiterez-vous les déposer à titre personnel ? Nous sommes favorables à l'objectif poursuivi, mais la taxation du gazole pourrait être mal perçue et aggraver la crise liée à l'écotaxe, tandis que la taxation du kérosène est fortement préjudiciable pour Air France.

M. Roland Ries, rapporteur pour avis . - Il faut raison garder : la taxe envisagée n'est que d'un centime par litre !

M. Raymond Vall, président . - Pourquoi ne pas envisager la question sous l'angle de la pollution : certains gazoles sont plus polluants que d'autres. Deux régimes de taxation existent. Pourquoi ne pas créer une taxe unique ou alors augmenter la TIPP dans son ensemble ? En augmentant la fiscalité sur le gazole, nous rendrions un mauvais service au gouvernement engagé dans une négociation délicate sur l'écotaxe.

Mme Laurence Rossignol . - Ces amendements n'auront de chance d'être adoptés que si le gouvernement les soutient ; dès lors, la définition du gage est secondaire. A titre personnel je suis favorable à une hausse de la fiscalité sur le gazole, mais elle n'est pas souhaitable dans le climat tendu que nous connaissons. La taxation du kérosène ne susciterait pas d'inquiétude dans la population. Si le gouvernement souhaite bloquer les amendements il le fera, dans le cas contraire il définira lui-même le gage. C'est pourquoi je propose de retenir comme gage la taxe sur le kérosène, plus neutre politiquement.

M. Roland Ries, rapporteur pour avis . - Si l'on recherche la neutralité, privilégions la hausse de la TIPP ; l'écart entre l'essence et le diesel ne changerait pas.

Mme Laurence Rossignol . - Mais tous les automobilistes seraient mécontents !

M. Raymond Vall, président . - Peut-être pas : les prix des carburants ont baissé ces derniers temps. Sinon mieux vaut taxer le kérosène. Augmenter la fiscalité sur le diesel, c'est mettre le feu aux poudres.

M. Roland Ries, rapporteur pour avis . - Je prendrai contact avec le ministre Frédéric Cuvillier. Mais il a indiqué hier qu'il était hostile au principe de la baisse de la TVA.

M. Raymond Vall, président . - Que le rapporteur se rapproche du gouvernement est la meilleure solution. Ne prenons pas position sur les amendements : notre vote risquerait d'être mal interprété par l'opinion.

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