B. LES PERFORMANCES DES ÉQUIPES DE RECHERCHE FRANÇAISES AUPRÈS DES PROGRAMMES DE FINANCEMENT EUROPÉENS
1. Des marges de progression à exploiter dans le taux de retour de la France sur le PCRDT
En recueillant 3,9 milliards d'euros sur la période 2007-2013 au titre financements attribués par le 7 e PCRDT, soit un taux de retour de 12,79 %, la France est le troisième pays bénéficiaire des financements sur projet européens, derrière l'Allemagne et le Royaume-Uni. Cette performance apparaît en léger retrait par rapport au taux de 13 % enregistré pour le 6 e PCRDT, les baisses les plus importantes dans l'obtention des financements ayant été enregistrées en 2011 et 2012. Pour rappel, la contribution de la France au budget de l'Union européenne s'établit à 16,4 %, ce qui révèle une marge de progression encore significative.
Si les acteurs français de la recherche répondent comparativement moins que leurs partenaires européens aux appels à projet européens (5 e rang des déposants), ils enregistrent un taux de succès moyen plus important, de 24 % (3 e rang des bénéficiaires, derrière la Belgique et les Pays-Bas). Les organismes de recherche perçoivent plus de la moitié des fonds attribués à la France sur le 7 e PCRDT (50,5 %), devant les acteurs privés (26,23 %) et les établissements d'enseignement supérieur (14,59 %). Le CNRS s'est imposé comme l'institution européenne qui a le plus remporté de projets de recherche, le CEA atteignant la quatrième place.
En revanche, aucune université française ne figure parmi les cinquante premières universités en nombre de contrats signés sous le 7 e PCRDT (le classement étant largement occupé par les universités britanniques, suisses, belges, danoises, allemandes et suédoises) 31 ( * ) !
Les organismes de recherche disposent, en interne, de services aux compétences solides pour l'accompagnement de leurs équipes de recherche dans les réponses aux appels à projet européens, notamment au travers d'un soutien méthodologique renforcé apporté aux candidats aux bourses de l'ERC. L'INSERM et l'alliance AVISEAN, en coopération étroite avec le CNRS, vont ainsi organiser chaque année des sessions d'accompagnement pour les jeunes chercheurs candidats à l'ERC qui seront soumis à une audition dans le cadre de la seconde étape d'évaluation de l'ERC. A également été mis en place un réseau de 20 points de contact nationaux (PCN) thématiques (« Santé, évolution démographique, bien-être », « ERC », « Marie Curie », « Légal et financier »...), accueillant des représentants de la direction générale « Recherche et innovation » de la Commission européenne, pour faciliter le montage des projets en vue d' « Horizon 2020 », qui devrait être doté de 70,2 milliards d'euros pour sept ans.
Ces capacités de soutien au montage de projets sont encore embryonnaires au sein des universités, malgré quelques exemples encourageants (Bretagne, Alsace...). La Coordination des universités de recherche intensive françaises (CURIF) a réaffirmé, lors d'un séminaire consacré à la stratégie européenne des universités en octobre 2013, l'urgence pour les universités de se « dot [er] d'une cellule stable réunissant des personnes ayant acquis des compétences professionnelles réelles de montage et de management des projets européens » 32 ( * ) .
Le dispositif français de pilotage de la participation des équipes de recherche au PCRDT est organisé autour de quatre grands types de structures et d'acteurs :
- les représentants français au sein des comités de programme (RCP) : la définition du programme de travail dans lequel sont fixés les thèmes de recherche ouverts, le contenu des appels à propositions et les budgets disponibles font l'objet d'une décision de la Commission européenne. Celle-ci exerce cependant cette responsabilité sous le contrôle des États membres réunis en comité de programme, qui se prononcent et peuvent notamment amender les programmes de travail ;
- pour chaque configuration des comités de programmes du PCRDT, la délégation française est en général composée d'un représentant du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et d'un représentant du ministère technique concerné par la thématique considérée. Le rôle de la délégation consiste à contribuer à l'élaboration du programme de travail et à valider les projets sélectionnés à l'issue de leur évaluation. Dans le cadre du 7 e PCRDT, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche était ainsi représenté dans les 20 configurations de comité de programme. Il sera aussi représenté dans les 14 configurations de comité du programme « Horizon 2020 » (soit 7 ETP) ;
- une coordination d'ensemble des délégations en RCP est assurée par la direction générale pour la recherche et l'innovation du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Un demi ETP est consacré à cette fonction au sein du département des affaires européennes et internationales de la direction générale précitée, qui organise par ailleurs avec la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services du ministère de l'économie et des finances, en lien avec le secrétariat aux affaires européennes (SGAE), une coordination interministérielle globale et un échange régulier de bonnes pratiques ;
- les groupes techniques nationaux (GTN) : afin d'aider les représentants français dans les comités de programme, le dispositif français de pilotage du PCRDT repose sur des structures de consultation des acteurs de la recherche et de l'innovation : les groupes techniques nationaux, qui permettent d'apporter une expertise de terrain en vue de la préparation des programmes de travail annuels et de les orienter de manière à les rendre conformes aux intérêts et aux compétences de la communauté scientifique française dans le domaine considéré. Les GTN sont animés par les représentants français dans les comités de programme, en lien avec les points de contact nationaux, avec lesquels ils procèdent également à l'analyse des résultats de chaque appel ;
- les points de contact nationaux (PCN) : le réseau des PCN est composé, pour chaque ligne d'action du PCRDT, d'un consortium réunissant des représentants des différentes institutions de recherche et d'innovation. La coordination générale est assurée par la DGRI. Cette mission est remplie par trois ETP au sein du département des affaires européennes et internationales de la direction générale pour la recherche et l'innovation du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ce ministère dispose, en outre, d'une enveloppe de 300 000 euros annuels répartis entre les différents consortia de PCN, afin de les aider à remplir leur mission.
Le réseau des PCN sera largement soutenu par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche afin de garantir un succès plus important de la France dans le programme « Horizon 2020 ».
Sur un plan national, plusieurs démarches ont été entreprises afin de stimuler la réponse des acteurs français aux appels européens :
- les modalités du programme « Jeunes chercheurs » ont été adaptées pour inciter les bénéficiaires à déposer des projets aux appels de bourses « Starting Grants » de l'ERC, les bénéficiaires s'engageant à déposer une proposition à l'ERC avant la fin de leur projet financé par l'ANR ;
- la structuration du plan d'action de l'ANR pour 2014 reprend très largement celle du programme-cadre « Horizon 2020 » au travers de défis sociétaux et la nature des projets attendus se situe pour la plupart des domaines en amont des appels européens ;
- les modalités d'évaluation des projets 2014 déposés à l'ANR tiendront compte de la non redondance avec des appels européens en cours ou à venir.
2. L'alignement sur les normes internationales de présentation en coûts complets et l'indispensable renforcement du préciput
Les acteurs de la recherche, tant les organismes de recherche que les universités, ont rappelé à votre rapporteur pour avis l'absolue nécessité de rehausser le taux de préciput mis en oeuvre par les agences de moyens françaises dans le financement des projets de recherche, afin de prendre en compte correctement les frais de gestion associés. Les analyses comparatives européennes et internationales montrent un sous-calibrage évident en France de cette composante, pourtant fondamentale pour la soutenabilité financière et donc l'avancement d'un projet de recherche 33 ( * ) .
En application de l'article L. 329-5 du code de la recherche, les financements attribués par l'ANR aux organismes de recherche intègrent les frais de gestion, à hauteur de 4 %, qui s'ajoutent aux coûts directs du projet sélectionné. Un préciput égal à 11 % de l'aide attribuée est par ailleurs versé aux tutelles hébergeantes des équipes de recherche pour les bénéficiaires publics (soit 86 % des bénéficiaires de l'ANR).
Si l'on compare ces taux aux taux de frais généraux, fondés sur une comptabilité analytique, affichés, par exemple, par la Fondation nationale américaine pour la science (« National Science Foundation » - NSF -) en faveur de l'Institut de technologie du Massachussetts (« Massachussetts Institute of Technology » - MIT -) (52 %) ou des universités américaines plus « moyennes » (environ 25 %), la part des frais d'environnement et de structure (taux d' « overheads ») couverte en France apparaît faible au regard de la nécessité de financer une part des amortissements immobiliers ou d'équipements scientifiques particulièrement lourds. L'ANR rappelle, toutefois, la particularité du système de recherche français qui s'appuie essentiellement sur des personnels statutaires dont la masse salariale est financée par la subvention pour charges de service public versée par l'État aux EPST et aux universités.
Tout recalibrage du taux de préciput soulève la question préalable de la définition des coûts indirects dans les EPST et les universités. En raison notamment de l'absence de compatibilité analytique, il est actuellement très difficile de les identifier et leur niveau est sans doute très variable d'un établissement à un autre. Seuls les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) sont les seuls à avoir généralisé la présentation en coûts complets de leurs projets. Un nombre croissant d'EPST et d'universités s'engagent néanmoins dans le développement d'outils de comptabilité analytique.
L'objectif devrait être d'élever, au moins à moyen terme, le taux de prise en charge des frais de gestion et d'environnement de 15 % à 20 %. L'un des principaux motifs de création de l'ANR consistait précisément à conforter l'environnement scientifique du chercheur, ce qui suppose de donner aux établissements les moyens d'accueillir des équipes d'un haut niveau d'excellence scientifique. À terme, les règles du financement sur projet par les agences de moyens en France doivent s'aligner sur celles mises en oeuvre par les programmes européens de financement : une couverture à 100 % des coûts directs éligibles et un forfait de 25 % de ces coûts au titre du financement des coûts indirects pour les projets portés par une entité publique.
Votre rapporteur pour avis se félicite des efforts entrepris par les organismes de recherche et les universités afin de faciliter la vision consolidée de l'ensemble des ressources mises à disposition des unités mixtes de recherche (UMR), qui vont dans le sens du développement d'une comptabilité analytique au niveau des activités de recherche. Depuis janvier 2010, 17 universités ont signé une convention avec le CNRS plaçant 66 UMR en délégation globale de gestion (dont 37 sous délégation exercée par le CNRS) et six universités ont signé une convention du même type avec l'INSERM. De plus, l'application « Dialog », créée et diffusée par le CNRS, harmonise le format du dialogue de gestion en permettant aux unités de transmettre leurs demandes de crédits aux tutelles et à celles-ci de leur notifier leurs arbitrages. L'application de gestion de la dépense « Geslab » permet, elle, à chaque UMR de disposer d'un outil unique de gestion interfacé avec les systèmes d'information financiers et comptables de chaque tutelle.
* 31 http://ec.europa.eu/research/evaluations/index_en.cfm?pg=fp7-monitoring
* 32 Dépêche n° 189528 de l'agence d'informations spécialisées AEF en date du 31 octobre 2013.
* 33 Rapport d'information de Mme Dominique Gillot et M. Philippe Adnot, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finances, n° 547 (2012-2013) - 24 avril 2013.