EXAMEN EN COMMISSION
Lors de sa réunion du 27 novembre 2013, sous la présidence de Jean-Louis Carrère, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport pour avis.
Après l'exposé des rapporteurs, un débat s'est engagé.
Mme Josette Durrieu. - Les structures existaient, bien sûr, mais cette priorité à la diplomatie économique me paraît nouvelle. Les chefs d'entreprise le disent au sujet de l'Iran : la notion de « task force » est importante : pourriez-vous la préciser ? Même si cela ne sera pas facile, nos entreprises doivent être présentes en Iran ; au contraire de ce qui s'est passé en Libye.
M. Jean-Claude Requier. - Nous avions visité l'ambassade à Tripoli avant l'attentat ; va-t-elle être prochainement relocalisée ?
M. Jean Besson. - Compte tenu de la situation des finances publiques, on peut se demander s'il faut maintenir toutes nos représentations dans de petits pays, je pense en particulier à l'Amérique centrale, voire à l'Asie centrale.... Il faudrait que nous ayons le courage de ne pas être partout...
Mme Kalliopi Ango Ela. - La France est déjà passée du 2 ème au 3 ème rang pour son réseau diplomatique et consulaire... Nous devons veiller à ce que les redéploiements ne privilégient pas nos intérêts économiques -en Asie- au détriment de nos intérêts stratégiques -en Afrique-. Vous avez cité Madagascar : la situation y est très difficile, notre influence culturelle, importante, y diminue ; les problèmes consulaires et d'état civil ne doivent pas non plus être sous-estimés. Sur l'immobilier, j'attire votre attention sur la maison de France à Berlin, qui me parait un symbole politique fort. Attention à ne pas faire passer les intérêts économiques avant les gestes politiques.
M. Pierre Bernard-Reymond. - L'idée de mutualiser nos implantations diplomatiques et consulaires avec nos partenaires européens a-t-elle prospéré ?
M. Christian Cambon. - Quand on voit qu'on demande à l'AFD de réaliser 85% de ses interventions en Afrique, je me demande s'il est raisonnable de vouloir être partout ? J'ai parfois le sentiment, notamment pour les OPEX, que moins la France a de moyens plus elle agit... Dans nos sphères d'influence nous avons de moins en moins de moyens, et même dans les grandes ambassades les réceptions du 14 juillet sont sponsorisées par des entreprises privées. Est-ce digne de la France de se « marchandiser » à ce point ?
M. Jean-Louis Carrère, président. - Sur la mise en commun de nos moyens diplomatiques avec les pays de l'Union européenne, c'est comme pour l'Europe de la défense : il faut cesser de parler, et agir. Il en va de notre survie. Mais j'avais moi-même pu constater lors d'une mission à ce sujet que les difficultés suscitées par la co-localisation étaient nombreuses -et d'ailleurs les diplomates n'y tenaient pas vraiment-.
Vous dites que la France, dont les moyens se réduisent, se lance davantage dans des OPEX : mais toutes les formations politiques ont soutenu ces engagements ! Qui à part la France peut empêcher que certaines zones en Afrique ne deviennent le champ clos des terroristes, des trafics, des violences inter-ethniques et interreligieuses ? La situation en RCA nous interpelle.
M. Christian Cambon. - Nos positions ne sont pas antinomiques : je ne souhaite pas que la France se désengage, mais je considère qu'elle ne devrait pas agir seule. J'ai été stupéfait de la réaction de nos partenaires allemands lorsque nous les avions rencontrés ensemble au sujet du Mali. Il faut mieux de France et plus d'Europe, y compris pour les OPEX, mais pas seulement. Avant l'intervention, il y avait à Bamako 20 actions indépendantes de coopération des pays européens, sans autre coordination qu'informelle. Cette situation n'est pas satisfaisante. Nous pourrions de la même façon coopérer davantage avec les Britanniques et conduire ensemble des actions d'aide au développement.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Je souscris à votre analyse mais je crains que les échéances électorales à venir ne fassent pas progresser l'idée européenne dans notre pays.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. - Notre ambassade en Libye va être relocalisée, y compris en ce qui concerne les logements des agents, qui doivent être sécurisés. Vous trouverez la liste des projets de mutualisation et de co-localisation, franco-allemande, franco-britannique, franco-finlandaise ou franco-européenne dans le rapport écrit : il y a au total plus de 10 projets, en Corée, au Sierra Leone, à Katmandou... les choses se font petit à petit.
Pour les réceptions du 14 juillet, c'est simple : sans financement extérieur, pas de réception, car il n'y a plus de crédits ! Plus globalement, je ne suis pas choqué que nos ambassadeurs doivent s'orienter vers des problématiques économiques : c'est aussi leur rôle de soutenir nos entreprises.
Mme Leila Aïchi, rapporteur pour avis. - Il faut faire avec les moyens dont on dispose. Faisons confiance à nos ambassadeurs pour mobiliser des financements innovants. Je voulais souligner aussi que les contributions de la France aux opérations de maintien de la paix sont en baisse dans le budget 2014.
M. Jean-Louis Carrère, président. - J'approuve la mutualisation des espaces de réception dans les capitales : nous avons pu observer en certains lieux une multiplicité de résidences...
Mme Leila Aïchi, rapporteur pour avis. - Je voulais vous citer les chiffres de nos 10 premières implantations diplomatiques pour illustrer la nécessité de redéployer : États-Unis, 412 personnes, Maroc, 334, Chine, 301, Algérie, 284, Sénégal, 231, Allemagne, 217, Inde 217, Russie, 208, Brésil, 196, Madagascar, 181....
L'idée des « task forces » est de partir des besoins exprimés localement plutôt que de continuer dans la logique, moins performante, où l'on se projette depuis Paris. J'ai constaté des marchés perdus (en Algérie face aux Coréens par exemple, actifs pendant plusieurs jours au sein d'une forte délégation ministérielle) par insuffisance de mobilisation de tous les acteurs concernés -il nous manquait, en l'espèce, la brique « formation universitaire », pourtant indispensable. D'autres savent, comme les Chinois par exemple, présenter une offre complète et lisible, allant de l'aide au développement jusqu'à l'investissement et à la formation. Nous souffrons d'une multiplicité d'intervenants et d'une absence de lisibilité des dispositifs.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Je reviens sur le manque de crédits pour les réceptions dans les ambassades : elles ne sont pas seules concernées ; j'avais constaté en Afghanistan dans nos forces qu'il en allait de même pour le petit équipement des soldats -cela a été corrigé par la suite. La présence des ministres et leur mobilisation peut certes être décisive pour emporter des contrats : j'ai pu constater aux Émirats Arabes Unis combien le lien personnel de confiance entre notre ministre de la défense et le prince héritier avait en effet joué favorablement. Prenons garde toutefois à l'opinion publique française, qui ne porte pas toujours un regard positif sur les déplacements des ministres à l'étranger...
M. Robert del Picchia. - Le 14 juillet est aussi une occasion d'adresser des messages aux représentants officiels du pays hôte, qui sont présents ; c'est aussi de la diplomatie d'influence. Comment nos ambassadeurs peuvent-ils faire sans crédits ? Ils doivent bien innover !
Au cours de sa réunion du 27 novembre 2013, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État », les sénateurs des groupes UMP et CRC s'abstenant.