Avis n° 157 (2013-2014) de M. Roland COURTEAU , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 21 novembre 2013
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AVANT-PROPOS
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I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DU
PROGRAMME 174
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II. LE MAINTIEN DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS
POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE
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III. LA POLITIQUE DE SOUTIEN À LA
CONSOMMATION D'ÉNERGIE DES MENAGES
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IV. LE VERDISSEMENT DE L'OUTIL FISCAL
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V. UNE NÉCESSAIRE TRANSFORMATION DU
RÉGIME DES AIDES AUX ÉNERGIES RENOUVELABLES
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A. QUELLE POLITIQUE POUR LES TARIFS D'ACHAT ET LES
APPELS D'OFFRES ?
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1. Les charges de service public et la perspective
d'une réforme des outils de soutien
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2. Les incertitudes du secteur
photovoltaïque
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3. L'hydroélectricité : une
incertitude persistante
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4. La biomasse : un potentiel important mais
des dispositifs de soutien à améliorer
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5. La nécessité de soutenir la
recherche et développement ainsi que les nouvelles filières
émergentes
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1. Les charges de service public et la perspective
d'une réforme des outils de soutien
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B. LE DÉFI DE L'ADAPTATION DE LA PRODUCTION
À LA CONSOMMATION
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A. QUELLE POLITIQUE POUR LES TARIFS D'ACHAT ET LES
APPELS D'OFFRES ?
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I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DU
PROGRAMME 174
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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
N° 157
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME II
ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES
ÉNERGIE
Par M. Roland COURTEAU,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Martial Bourquin, Claude Bérit-Débat, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, M. Robert Tropeano , vice-présidents ; MM. Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Bruno Sido , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Roland Courteau, Marc Daunis, Claude Dilain, Alain Fauconnier, Didier Guillaume, Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Mireille Schurch, M. Yannick Vaugrenard . |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395, 1428 à 1435 et T.A. 239
Sénat : 155 et 156 (annexe n° 10 a) (2013-2014)
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
La commission des affaires économiques s'est saisie pour avis du programme 174 de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », qui regroupe les crédits consacrés à l'énergie.
Votre rapporteur pour avis souligne, ce qui n'est pas négligeable, la stabilité des crédits affectés à ce programme, à l'exception des crédits liés à l'après-mines dont la baisse est liée à la diminution des ayants droit.
D'une manière générale, ce budget est d'abord un budget d'attente dans la perspective de la future loi sur la transition énergétique, qui devra fixer des objectifs de long terme pour la production, mais aussi pour la consommation d'énergie, afin de favoriser la sobriété énergétique, de limiter les émissions de gaz à effet de serre et d'accroître l'autonomie énergétique au niveau national et local.
À cet égard, le projet de loi de finances pour 2014 comporte déjà des mesures fortes, au premier rang desquelles la contribution climat-énergie qui introduit une composante « carbone » dans la fiscalité des produits énergétiques.
Il convient aussi de souligner que ce budget prévoit trois nouveaux programmes qui mettent en oeuvre le nouveau plan d'investissements d'avenir dans le domaine de la transition énergétique.
Le budget réforme également - une fois de plus, pourrait-on dire, mais c'est dans le sens de la simplification - le crédit d'impôt développement durable (CIDD), outil indispensable pour accélérer les rénovations thermiques des bâtiments.
Votre rapporteur pour avis souligne à cet égard que cette réforme s'inscrit dans le cadre d'une politique d'ensemble de promotion des rénovations thermiques et de limitation de la hausse des factures d'énergie pour les ménages fragiles.
Il souligne toutefois que l'extension des tarifs sociaux ne doit être qu'une étape vers une refonte du mécanisme d'aide aux ménages fragiles : un mécanisme tel que le « chèque-énergie » permettrait de toucher l'ensemble des foyers, y compris ceux qui n'utilisent pas le gaz ou l'électricité pour se chauffer.
Enfin, votre rapporteur pour avis constate avec satisfaction le maintien des aides attribuées aux collectivités territoriales pour le financement de l'électrification rurale, l'ancien FACÉ, dont l'intégration au sein du budget de l'État avait présenté des difficultés tout au long de l'année 2012.
Au cours de sa réunion du 26 novembre 2013 , la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », concernant le programme 174 « Énergie, climat et après-mines ». |
I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DU PROGRAMME 174
L'analyse des crédits du programme 174 « Énergie, climat et après-mines », dont la structure n'a pas évolué par rapport à l'année précédente, fait apparaître une baisse de 13,1 % des autorisations d'engagement comme des crédits de paiement.
Cette baisse n'est qu'apparente . Elle s'explique par la diminution structurelle des sommes nécessaires pour financer les prestations versées aux anciens mineurs (-6,7 % sur la ligne « Gestion économique et sociale de l'après-mines ») ainsi que par le retour à une gestion courante du « bonus écologique » pour les acquéreurs d'automobiles émettant peu de gaz à effet de serre : les difficultés d'équilibrage de ce mécanisme avaient nécessité l'an passé un abondement exceptionnel, à hauteur de 50 millions d'euros, de la trésorerie de l'Agence de services et de paiement, ce qui explique la diminution des crédits sur la ligne « Lutte contre le changement climatique » entre 2013 et 2014.
Programme 174
|
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||||
2012 |
2013 |
2014 |
2012 |
2013 |
2014 |
|
Politique de l'énergie |
5 716 085 |
5 551 000 -2,9 % |
5 860 000 +5,6 % |
6 488 250 |
6 442 003 -0,7 % |
6 220 324 -3,4 % |
Gestion économique et sociale de l'après-mines |
634 817 711 |
589 178 962 -7,2 % |
549 516 962 -6,7 % |
642 347 046 |
594 158 772 -7,5 % |
554 416 962 -6,7 % |
Lutte contre le changement climatique |
29 382 344 |
85 009 358 +189 % |
35 003 844 -59 % |
29 382 344 |
85 009 358 +189 % |
35 003 844 -59 % |
Soutien |
1 947 446 |
1 847 446 -5,1 % |
1 847 446 = |
1 947 446 |
1 847 446 -5,1 % |
1 847 446 = |
Total |
671 863 586 |
681 586 766 +1,5 % |
592 228 252 -13,1 % |
680 165 086 |
687 457 579 +1,1 % |
597 488 576 -13,1 % |
Source : projet annuel de performances du projet de loi de finances pour 2013 (colonne 2012), projet annuel de performances du projet de loi de finances pour 2014 (colonnes 2013 et 2014)
A. LA DIMINUTION STRUCTURELLE DU BUDGET DE L'APRÈS-MINES
L'action « Gestion économique et sociale de l'après-mines » garantit aux anciens mineurs la préservation de leurs droits après l'arrêt de l'exploitation minière. Ces sommes sont gérées par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM). Les sommes consacrées à cette action baissent chaque année en raison principalement de la diminution progressive du nombre des ayants droit, qui étaient au 31 décembre 2012 au nombre de 145 000.
Ce programme contribue aussi au financement des travaux liés à la fermeture du site de stockage de déchets ultimes exploité par la société Stocamine, dans une ancienne mine de potasse en Alsace 1 ( * ) , ainsi qu'aux interventions du fonds d'industrialisation des bassins miniers (FIBM).
B. L'AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DE L'AIR : UNE PRIORITÉ DE LA POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE
L'action « Lutte contre le changement climatique », dotée de 35 millions d'euros, finance en particulier la politique d'amélioration de la qualité de l'air via le soutien au Laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air (5,9 millions d'euros), au Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (1,6 millions d'euros) et aux 26 associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (19,3 millions d'euros), qui assurent dans chaque région la collecte des données sur la qualité de l'air ambiant, l'information du public et le soutien aux pouvoirs publics.
La stabilité des crédits consacrés à la lutte pour l'amélioration de la qualité de l'air, dans le contexte budgétaire actuel, démontre la priorité donnée par l'État à cette politique.
Votre rapporteur pour avis souligne la nécessité de poursuivre l'effort : près de 12 millions de Français vivaient en 2011 dans des zones n'ayant pas respecté les valeurs limites annuelles relatives aux particules PM10 (particules en suspension d'un diamètre inférieur à 10 microns). La France est menacée de sanctions au niveau européen concernant le non-respect des valeurs limites de particules PM10 ainsi que pour les émissions de dioxyde d'azote. Les particules PM10 seraient responsables de la mort de 42 000 personnes en France 2 ( * ) .
Il approuve en conséquence la mise en oeuvre d'un plan d'urgence pour la qualité de l'air , préparé par le comité interministériel de la qualité de l'air (CIQA) et présenté en février dernier par la ministre de l'écologie, afin de répondre à cinq priorités :
- favoriser le développement de toutes les formes de transport et de mobilité propres par des mesures incitatives ;
- réguler le flux de véhicules dans les zones particulièrement affectées par la pollution atmosphérique ;
- réduire les émissions des installations de combustion industrielles et individuelles ;
- promouvoir fiscalement les véhicules et les solutions de mobilité plus vertueux en termes de qualité de l'air ;
- informer et sensibiliser nos concitoyens aux enjeux de la qualité de l'air.
C. LES AUTRES CRÉDITS DU PROGRAMME 174
L'action « Politique de l'énergie », dotée de 6,2 millions d'euros de crédits de paiement, comprend pour l'essentiel, à hauteur de 4 millions d'euros, une subvention versée à l'Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (ANDRA) pour la réalisation de l'inventaire triennal des déchets radioactifs et une intervention sur des sites pollués dont le responsable fait défaut.
Enfin, l'action « Soutien », avec un budget stable de 1,8 million d'euros, comprend des dépenses de fonctionnement, autres que de personnel, de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC).
II. LE MAINTIEN DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE
L'article 7 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 a créé un nouveau compte d'affectation spéciale intitulé « Financement des aides aux collectivités territoriales pour l'électrification rurale ». Il a remplacé l'ancien fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACÉ).
CAS FACÉ
|
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
2013 |
2014 |
2013 |
2014 |
|
Électrification rurale |
369 600 000 |
369 600 000 |
369 600 000 |
369 600 000 |
Opérations liées à la demande
|
7 400 000 |
7 400 000 |
7 400 000 |
7 400 000 |
Total |
377 000 000 |
377 000 000 |
377 000 000 |
377 000 000 |
Source : projet annuel de performances « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » annexé au projet de loi de finances pour 2014.
Ce compte d'affectation spéciale est alimenté par une contribution due par les gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité, dont le taux permet d'effectuer une péréquation entre les communes urbaines et rurales :
- 0,03617 centime d'euro par kilowattheure pour les communes de moins de 2 000 habitants ainsi que pour certaines communes dans les départements d'outre-mer ;
- 0,1807 centime d'euro par kilowattheure pour les autres communes 4 ( * ) .
• Votre rapporteur pour avis , qui avait souligné l'an passé les importantes difficultés administratives qui ont accompagné l'intégration du FACÉ dans les comptes de l'État, constate que , selon le rapport spécial de M. Marc Goua fait au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale 5 ( * ) , la situation semble désormais pleinement satisfaisante .
Il se réjouit également du maintien du budget prévu pour cette politique , qui permet de financer une partie de l'extension des réseaux mais aussi le remplacement des réseaux en fils nus par des réseaux enterrés ou en fil isolé torsadé, moins fragiles en cas d'intempéries.
• L'action « Opérations liées à la demande ou à la production d'énergie » permet, pour sa part, de financer des unités de production décentralisées d'électricité dans des sites isolés , notamment les départements et régions d'outre-mer.
L'absence de lien avec les grands réseaux électriques continentaux renchérit en effet les coûts de production de l'électricité et le recours à des sources d'énergies fossiles telles que le fioul accroît les émissions de gaz à effet de serre. Il est donc important de favoriser la production d'énergie locale, tout particulièrement à l'aide de sources d'énergie renouvelables.
Cette action finance également, au cas par cas, des installations de production d'électricité à partir d'énergies renouvelables hors outre-mer, ainsi que des actions de maîtrise de la consommation.
III. LA POLITIQUE DE SOUTIEN À LA CONSOMMATION D'ÉNERGIE DES MENAGES
Si l'objectif traditionnel de la politique de l'énergie était de garantir l'approvisionnement en énergie des ménages et des acteurs économiques : cet objectif est aujourd'hui atteint par l'action des entreprises de production et d'acheminement de l'énergie et financé pour l'essentiel par les consommateurs, le rôle de l'État se limitant à une régulation économique ainsi qu'à des actions spécifiques, précédemment décrites.
À cet objectif s'ajoutent aujourd'hui deux autres nécessités auxquelles votre rapporteur est particulièrement attaché et pour lesquelles l'État conserve un rôle d'impulsion et d'accompagnement essentiel : la limitation du coût de l'énergie pour les ménages d'une part, qui fait l'objet de la présente partie, et la promotion des énergies renouvelables et faiblement émettrices, évoquée dans les parties suivantes.
A. L'EXTENSION DES TARIFS SOCIAUX
Votre rapporteur pour avis se réjouit de l'extension de l'attribution des tarifs sociaux de l'électricité et du gaz , permise par la loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et son décret d'application du 15 novembre 2013 6 ( * ) .
Les décrets antérieurs attribuaient le bénéfice des tarifs sociaux en fonction d'un critère de revenus : revenus donnant droit à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) ou, depuis fin 2012, à l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé (ACS), ce qui permettait d'atteindre 1,7 million de foyers. Le nouveau décret ajoute un critère relatif au revenu fiscal de référence, qui doit permettre à terme à 4 millions de foyers de bénéficier des tarifs sociaux, sans démarche particulière des foyers concernés.
Votre rapporteur pour avis rappelle également que la même loi a prévu l'instauration d'une trêve hivernale sur les coupures d'électricité ou de gaz pour l'ensemble des consommateurs, qui est effective depuis le 1 er novembre 2013.
Il souligne toutefois que ces dispositions ne peuvent remplacer une réflexion de fond sur le dispositif de soutien aux ménages fragiles . L'aide apportée par les tarifs sociaux se limite en effet à une réduction moyenne de l'ordre de 100 à 150 euros sur la facture annuelle d'électricité ou de gaz pour les ménages qui en bénéficient.
De plus, les tarifs sociaux ne concernent que les consommateurs d'électricité et de gaz . Or de nombreux ménages en situation fragile, notamment en zone rurale, utilisent le fioul faute d'accès à un réseau de gaz naturel, et connaissent en conséquence une hausse préoccupante de leurs coûts de chauffage. Le médiateur national de l'énergie indique ainsi dans son rapport d'activité pour 2012 que « les tarifs sociaux ne sont pas un outil suffisamment efficace pour faire reculer la précarité énergétique ».
Il convient donc de souligner l'intérêt de la proposition d'instauration d'un « chèque énergie », faite notamment par le médiateur national de l'énergie et la fondation Abbé Pierre.
En remplaçant et simplifiant les aides existantes en matière d'énergie, le chèque énergie éviterait les limites et les biais des tarifs sociaux actuels . Il serait en effet versé aux consommateurs indépendamment de la forme d'énergie utilisée.
Votre rapporteur pour avis souhaiterait que l'instauration d'un chèque énergie soit considérée par le Gouvernement pour une mise en oeuvre, si possible, d'ici à l'hiver prochain.
B. LA RÉNOVATION THERMIQUE DES LOGEMENTS
Au-delà de l'aide au paiement des factures d'énergie, il est encore plus souhaitable d'aider l'ensemble des ménages à réduire leur consommation d'énergie. Les crédits affectés à cette politique devraient être orientés en priorité vers les ménages les plus fragiles, qui n'ont pas les moyens de mener des travaux de rénovation thermique alors même qu'ils en ont le plus besoin.
1. Une politique de long terme lancée par le Gouvernement
La rénovation thermique est une priorité du Gouvernement qui a enclenché un plan de rénovation énergétique dont les objectifs ont été exprimés dans le cadre du Plan d'investissement d'urgence pour le logement présenté en mars dernier. L'objectif est de rénover 500 000 logements par an d'ici à 2017, afin d'atteindre une diminution de 38 % des consommations d'énergie à l'horizon 2020 au moyen de quatre catégories de mesures :
- mesure 16 : mettre en place un service public de proximité au service de la rénovation thermique , comprenant des « points rénovation info service », un site Web (http://renovation-info-service.gouv.fr) et un numéro Azur ;
- mesure 17 : désigner des ambassadeurs de la rénovation énergétique , recrutés via le dispositif des emplois d'avenir, pour accompagner les ménages précaires les plus isolés ;
- mesure 18 : financer la rénovation énergétique des logements privés ;
- mesure 19 : accroître le rythme des rénovations énergétiques des logements sociaux ;
- mesure 20 : professionnaliser la filière de rénovation énergétique pour maîtriser ses coûts et sa qualité, notamment par la signature de la nouvelle convention FEEBAT le 14 mai dernier.
Dans le cadre de la mesure 18, une prime exceptionnelle de 1 350 euros pour les ménages à revenus moyens (revenu fiscal de référence inférieur à 35 000 € pour un couple) a été mise en place pour une période de deux ans, par décret du 17 septembre 2013, afin de permettre à des ménages sous conditions de ressources de réaliser des rénovations lourdes.
Une « aide de solidarité écologique » d'un montant de 3 000 euros est également disponible, par décret du 10 juillet 2013, pour les ménages les plus modestes (26 000 € pour un couple sans enfant en province).
Les travaux concernés par la prime de 1350 € doivent concerner au moins deux des catégories suivantes : - isolation thermique de la totalité' de la toiture ; - isolation thermique de la moitié au moins des murs extérieurs ; - isolation thermique de la moitié au moins des parois vitrées extérieures ; - installation de chaudières à condensation ou à micro-cogénération gaz ou de pompes a` chaleur autres que air/air ; - installation de chaudières ou d'équipements de chauffage ou de production d'eau chaude fonctionnant au bois ou autres biomasses ; - installation d'équipements de production d'eau chaude sanitaire utilisant une source d'énergie renouvelable. Les travaux concernés par la prime de 3 000 € doivent garantir une amélioration de la performance énergétique du logement d'au moins 25 % , avec l'accompagnement d'un spécialiste. Source : site renovation-info-service.gouv.fr |
2. Un objectif soutenu par la réforme de la TVA
L'article 7 ter du projet de loi de finances pour 2014, introduit par les députés à l'initiative de la commission des finances, prévoit la perception de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au taux réduit sur les travaux d'amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans.
Les matériaux et équipements utilisés doivent respecter des caractéristiques techniques et des critères de performances minimales fixés par arrêté.
Le coût de cet article, selon les travaux de l'Assemblée nationale, devrait être de 500 millions d'euros, ce qui correspond à un montant total de travaux de 10 milliards d'euros environ 7 ( * ) .
3. Une nouvelle réforme du crédit d'impôt développement durable et l'aménagement de l'éco-prêt à taux zéro
La mesure 18 annoncée dans le cadre du plan d'investissement pour l'habitat (voir supra ) incluait une nouvelle réforme du crédit d'impôt développement durable (CIDD), à enveloppe constante. Cette réforme est mise en oeuvre par l'article 56 du présent projet de loi :
- les dix taux actuels sont remplacés par deux taux : 15 % si la dépense est réalisée pour une action seule ou 25 % si elle fait partie d'un « bouquet » de travaux ;
- toutefois, le taux de 15 % sur les actions isolées n'est accessible qu'aux ménages modestes, tandis que le bénéfice du taux de 25 % sur les bouquets de travaux est ouvert à tous les ménages ;
- enfin, sont exclues les dépenses relatives aux équipements de production d'énergie solaire, aux appareils de régulation de chauffage ainsi qu'aux équipements de récupération et de traitement des eaux pluviales.
• L'Assemblée nationale est revenue partiellement sur le dernier point : sur la proposition de la commission des finances mais contre l'avis initial de son rapporteur général, elle a réintégré l'acquisition d'appareils de régulation de chauffage parmi les dépenses éligibles au CIDD.
Les députés ont également, sur la proposition de M. Denis Baupin et plusieurs de ses collègues, adopté un amendement tendant à permettre aux ménages d'échelonner sur deux années, et non une seule, la réalisation des « bouquets de travaux » ouvrant droit au taux bonifié du CIDD.
• Votre rapporteur pour avis comprend bien l'intérêt du recentrement du CIDD sur les bouquets de travaux. Il fait toutefois observer que l'outil fiscal est difficilement lisible et perd en efficacité lorsqu'il est modifié presque chaque année .
Or c'est bien le cas du CIDD, dispositif particulièrement instable dont le périmètre ou les taux n'ont guère cessé d'évoluer depuis sa création en 2000 et sa rénovation en 2005 8 ( * ) . Le précédent projet de loi de finances avait constitué une heureuse exception.
Il formule le souhait que soient définies des perspectives pluriannuelles pour l'évolution du CIDD , afin de donner une visibilité aux particuliers qui peuvent en bénéficier et aux professionnels dont une partie de l'activité en dépend.
L'examen de l'évolution de la dépense fiscale relative au CIDD montre une baisse importante depuis 2010 :
Chiffrage de la dépense fiscale relative au CIDD
Année |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
Montant
|
2 625 |
2 015 |
1 130 |
660 |
660 |
Source : projet annuel de performances, annexe aux projets de loi de finances pour 2012, 2013 et 2014.
• S'agissant enfin de l' éco-prêt à taux zéro , l'article 56 instaure une mesure d'éco-conditionnalité : l'entreprise qui réalise les travaux devra justifier de qualifications particulières. Cette mesure doit être saluée, car elle permettra de mieux garantir la qualité des travaux effectués et donc le gain réel pour les ménages en termes de consommation d'énergie.
IV. LE VERDISSEMENT DE L'OUTIL FISCAL
Le projet de loi de finances pour 2014 représente une étape importante dans la mise en place d'une fiscalité écologique qui touche particulièrement la consommation de produits énergétiques. Votre rapporteur souligne l'aspect vertueux de cette fiscalité , qui n'a pas pour but d'accroître la charge fiscale mais d'inciter les particuliers et les entreprises à consommer des produits moins polluants.
Outre les dispositions, présentées précédemment, relative au crédit d'impôt développement durable et à l'éco-prêt à taux zéro, les mesures fiscales concernent principalement la création d'une « taxe carbone » et la réforme de la fiscalité des biocarburants.
A. L'INTRODUCTION D'UNE COMPOSANTE « CARBONE » DANS LES TAXES INTÉRIEURES DE CONSOMMATION SUR LES PRODUITS ÉNERGÉTIQUES
L'article 20 propose l'une des principales mesures du présent projet de loi de finances : une augmentation des taux de taxe intérieure de consommation (TIC) proportionnée au contenu en dioxyde de carbone (CO 2 ) des différents produits énergétiques, couramment qualifiée de « taxe carbone » ou de « contribution climat-énergie ».
Pour mémoire, les taxes intérieures de consommation concernent : - la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE, tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes), qui concerne les produits pétroliers utilisés en tant que carburant ou combustible de chauffage ; - la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN, article 266 quinquies du code des douanes) utilisé comme combustible. Le gaz naturel véhicule (GNV, qui est un carburant et non un combustible) n'est donc pas soumis actuellement au paiement de cette taxe. De plus, les particuliers (y compris en habitat collectif) sont exonérés du paiement de cette taxe ; - taxe intérieure de consommation sur les houilles, lignites et coke (TICC, article 266 quinquies B du code des douanes), utilisés comme combustible. |
Le présent projet de loi revalorise le niveau des taxes intérieures de consommation afin de tenir compte de l' impact de chaque produit sur l'effet de serre , en intégrant une valeur de la tonne carbone de 7 € en 2014, 14,5 € en 2015 et 22 € en 2016.
Ce dispositif s'inspire de la proposition de directive restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité, présentée en 2011 par la Commission européenne.
La proposition de directive COM(2011) 169 présentée par la Commission européenne 9 ( * ) propose de fixer un taux minimal de taxation des produits énergétiques comportant deux parts : - une part fondée sur les émissions de gaz à effet de serre ; - une part fondée sur le contenu énergétique. Son adoption requiert un accord unanime parmi les États membres. |
• Dès 2014, le gaz naturel, le fuel lourd et le charbon verront ainsi leur niveau de taxation augmenter .
De plus, l'exonération de taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel pour les particuliers , y compris en habitat collectif, est supprimée .
De plus, cette taxation réduit légèrement l'écart entre la fiscalité du gazole et celle de l'essence.
• L'article 20 introduit également une exonération de la part « carbone » de la taxe intérieure de consommation pour les entreprises électro-intensives qui sont soumises au système d'échanges de quotas d'émission de gaz à effet de serre (SCEQE). Pour mémoire, le SCEQE est entré début 2013 dans sa troisième phase, qui va voir l'accroissement progressif de la part de quotas mis aux enchères, de 60 % en 2013 à 80 % en 2020 et 100 % en 2027. Cette exonération concerne leur consommation de combustible et non de carburant.
• Votre rapporteur pour avis est attentif à l'impact de ces dispositions sur le budget « énergie » des ménages , déjà lourdement affecté par les hausses en cours.
À cet égard, l'évaluation préalable du projet de loi indique que l'augmentation des factures de gaz devrait être de 25 euros par an et par logement en moyenne.
L'effet sur les finances publiques sera important , puisque la révision des tarifs de taxe intérieure de consommation est estimée à 2,41 milliards d'euros en 2015 et 4,05 milliards d'euros en 2016.
Ce produit devrait être globalement restitué aux entreprises et aux ménages.
Trois milliards d'euros issus du produit de la fiscalité écologique devraient en effet contribuer au financement du crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi (CICE). Il faut y ajouter, à destination des ménages, différentes mesures présentes dans le projet de loi d'origine ou adoptées par l'Assemblée nationale, en particulier le taux réduit de TVA applicable aux travaux de rénovation énergétique des logements (article 7 ter , introduit par les députés). D'autres réductions de TVA, sur le logement social et le logement intermédiaire, profiteront également indirectement aux ménages.
B. L'ACTION SUR LES TRANSPORTS
1. La réforme de la fiscalité des biocarburants
L'article 22 du projet de loi de finances modifie le régime fiscal des biocarburants , conformément aux annonces faites par le Premier ministre lors de la dernière conférence environnementale.
D'une part, il prévoit l' extinction progressive , d'ici à fin 2015, d e la défiscalisation de taxe intérieure de consommation (TIC) dont bénéficient les biocarburants.
D'autre part, il pérennise la réduction de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) qui concerne l'incorporation dans les carburants de biocarburants respectant des critères de durabilité.
2. Un nouvel aménagement du barème du malus automobile
L'article 37 poursuit l'adaptation du mécanisme de bonus/malus automobile .
Pour mémoire, ce dispositif comprend :
- une taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d'immatriculation, applicable aux véhicules à forte émission de gaz à effet de serre (malus) ;
- une aide accordée à l'achat de véhicules propres (bonus).
Les deux dispositifs sont en principe équilibrés dans le cadre du compte d'affectation spéciale « Aide à l'acquisition de véhicules propres ». La difficulté à prévoir la rapidité avec laquelle les nouveaux véhicules réduisent leurs émissions a toutefois eu pour effet un déséquilibre constant du mécanisme, évalué à 1,5 milliard d'euros pour la période 2008-2012 10 ( * ) .
Les véhicules mis sur le marché étant de moins en moins émetteurs de gaz à effet de serre, il est nécessaire d'adapter en conséquence le barème du malus en loi de finances, le barème du bonus relevant pour sa part du règlement.
Le seuil d'application du malus passe ainsi de 140 à 135 gCO 2 /km et le montant maximal passe de 3 600 à 6 000 euros. Le bonus, pour sa part, ne devrait plus être perçu que par des véhicules émettant moins de 91 gCO 2 /km, soit 7,2 % des ventes.
V. UNE NÉCESSAIRE TRANSFORMATION DU RÉGIME DES AIDES AUX ÉNERGIES RENOUVELABLES
A. QUELLE POLITIQUE POUR LES TARIFS D'ACHAT ET LES APPELS D'OFFRES ?
1. Les charges de service public et la perspective d'une réforme des outils de soutien
M. Philippe Martin, ministre de l'Écologie, du développement durable et de l'énergie, a annoncé le 22 octobre dernier, lors d'un colloque de l'Union française de l'électricité, le lancement d'une large consultation concernant les outils de soutien aux énergies renouvelables .
Une incertitude existe donc actuellement sur l'avenir des mécanismes actuels et tout particulièrement des tarifs d'achat de l'électricité produite, même si le ministre a exclu leur disparition immédiate.
Le coût de ces dispositifs est en effet amené à croître. La Comission de régulation de l'énergie, dans une communication du 18 novembre 2013, indique que les charges de service public, qui doivent être couvertes par la contribution au service public de l'électricité (CSPE), devraient être de 6,2 milliards d'euros en 2014, auxquels il faudrait ajouter 2,2 milliards d'euros au titre des charges non encore remboursées à EDF.
Votre rapporteur pour avis souligne que le dispositif des tarifs d'achat a présenté des avantages indéniables : par sa simplicité, il a permis à de nombreux particuliers ou petits professionnels de devenir des acteurs de la transition énergétique. Un système d'appels d'offres favorise au contraire des structures d'une taille relativement importante, capables de soumettre des dossiers et de participer à des procédures complexes.
Votre rapporteur pour avis sait toutefois que le tarif de rachat garanti, comme l'a indiqué le Président de la République lors de la deuxième Conférence environnementale le 20 septembre dernier, ne permet pas toujours de réguler au mieux et d'orienter correctement la production, alors que les appels d'offres permettent de mieux maîtriser les volumes d'énergie produits.
Il est en particulier conscient des dérives que le mécanisme a entraînées, notamment dans le domaine photovoltaïque où une « bulle » artificielle a été créée. Des entreprises, encouragées par la puissance publique, se sont lancées dans une filière dont les perspectives ont été brutalement remises en cause par la même puissance publique lors du moratoire de la fin 2010 et du début 2011. Les effets désastreux de cette politique de « stop and go » se font encore sentir dans le secteur.
Toutefois les appels d'offres , quelle que soit l'appétence de l'administration pour ces procédures sur lesquelles elle a plus de maîtrise, ne sauraient être vus comme une solution universelle . Non seulement ils excluent de fait les petits acteurs et ne favorisent guère les initiatives locales, mais ils ne garantissent pas toujours une production au moindre coût, comme on a pu le constater lors des appels d'offre pour la construction de parcs éoliens en mer mais aussi photovoltaïques.
Votre rapporteur pour avis souligne donc la nécessité de définir un régime d'aide qui favorise un développement équilibré des moyens de production d'énergie renouvelable. En particulier, les mesures prises devront donner aux installateurs et aux industriels une visibilité suffisante qui leur permette d'embaucher, d'investir et de structurer des filières industrielles d'avenir.
2. Les incertitudes du secteur photovoltaïque
Selon le tableau de bord éolien-photovoltaïque du Commissariat général au développement durable, des installations d'une puissance totale de 207 MW seulement ont été raccordées au premier semestre 2013, ce qui représente une baisse de 73 % par rapport au premier semestre 2012.
On peut certes considérer que, la puissance du parc s'élevant à 4 263 MW à la fin juin, les objectifs fixés par le Grenelle (5 400 MW en 2020) devraient être atteints avec plusieurs années d'avance.
Votre rapporteur pour avis considère toutefois que, compte tenu du retard accumulé dans la plupart des autres filières 11 ( * ) , des objectifs plus élevés devraient être assignés à la filière photovoltaïque, afin d'atteindre autant que possible l'objectif de porter la part des énergies renouvelables à au moins 23% de la consommation d'énergie finale d'ici à 2020.
Il approuve en conséquence le premier pas accompli par le Gouvernement en janvier dernier : doublement des volumes cibles pour les appels d'offre portant sur les grandes installations (400 MW en 2013 contre 200 MW en 2012) et revalorisation de 5 % du tarif d'achat pour les installations avec intégration simplifiée au bâti.
Pour mémoire, les tarifs sont révisés de manière trimestrielle par application du nouveau mode de calcul des tarifs d'achat défini en mars 2011.
Source : arrêté du 31 août 2010,
arrêté du 4 mars 2011, documents annexés aux
délibérations de la Commission de régulation de
l'énergie (CRE)
du 23 octobre 2012 et du 17 octobre 2013. Graphique
Sénat.
3. L'hydroélectricité : une incertitude persistante
Votre rapporteur pour avis a souligné, l'an passé, la nécessité de poursuivre la réflexion au sujet du programme de renouvellement des concessions qui avait été lancé par le précédent gouvernement puis suspendu par celui-ci.
Une mission d'information mise en place par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a conduit à la publication d'un rapport présenté par Mme Marie-Noëlle Battistel et M. Éric Straumann. Ces députés ont imaginé plusieurs scénarios en excluant le renouvellement au gré à gré : la remise en concurrence en favorisant la création de lots unifiés sur une même vallée avec une date d'échéance unique, la désignation par la loi d'un opérateur unique sur l'ensemble du parc, l'exploitation des concessions par un établissement public et enfin le passage du régime de la concession à celui de l'autorisation sur le modèle des réseaux de gaz et d'électricité. Chacune de ces solutions présente des avantages ou des inconvénients sur le plan du coût, de la complexité ou de la conformité au droit de la concurrence.
Votre rapporteur pour avis , pour sa part, a proposé en février dernier, par le dépôt d'une proposition de loi, une prolongation des concessions existantes . Il considère en effet qu'aucune raison de fond n'exige que la France s'impose une mise en concurrence qui n'existe pas chez un bon nombre de nos voisins.
Quoi qu'il en soit, il souligne la nécessité de préserver et, dans la mesure du possible, de développer cet outil indispensable que constitue le parc hydroélectrique qui remplit une double fonction pour la transition énergétique : production d'électricité « verte » et stockage d'énergie.
4. La biomasse : un potentiel important mais des dispositifs de soutien à améliorer
Votre commission a pu constater, lors d'une double table ronde sur la biomasse organisée le 2 octobre dernier conjointement avec la commission du développement durable et le groupe d'études de l'énergie, le potentiel mais aussi les difficultés du développement de la biomasse-énergie.
• Le fonds chaleur , fortement soutenu par l'Ademe, est un dispositif à l'efficacité reconnue .
Ainsi le rapport de la Cour des comptes de juillet 2013 sur la politique de développement des énergies renouvelables, fort critique sur d'autres dispositifs de soutien, considère que « même si son soutien aux filières géothermie, biogaz et solaire thermique doit être réévalué, les capacités du fonds chaleur ne doivent pas être limitées par les arbitrages budgétaires ». Le fonds chaleur paraît ainsi particulièrement approprié pour soutenir les projets de type « biomasse », pour lesquels la production d'électricité ne devrait pas être un objectif premier.
Engagement majeur du Grenelle Environnement, le fonds chaleur a pour objectif de financer les projets de production de chaleur à partir d'énergies renouvelables . Il favorise ainsi l'emploi et l'investissement dans ce secteur. Sont éligibles au fonds chaleur des installations de production de chaleur renouvelable au moyen de différentes techniques (solaire thermique, géothermie, chaudières à biomasse, énergies de récupération, réseaux de chaleur) : - des installations biomasse de grande taille dans les secteurs industriels et agricoles, gérés dans le cadre d'un appel à projets national « biomasse chaleur industrie, agriculture et tertiaire » (BCIAT) ; - des projets régionaux gérés par les directions régionales de l'ADEME en lien avec les régions. |
Alors que le fonds chaleur devait recevoir des dotations annuelles allant progressivement jusqu'à 500 millions d'euros en 2012, puis 800 millions d'euros en 2020, ces dotations ont en fait stagné autour de 240 millions d'euros en moyenne sur la période 2009-2013. En 2014, 220 millions d'euros sont destinés aux interventions du fonds chaleur.
Or le coût du fonds chaleur est particulièrement faible : le montant d'aide ADEME est d'environ 40 euros par tonne équivalent pétrole annuelle renouvelable produite, soit 3,4 €/MWh 12 ( * ) .
Votre rapporteur pour avis exprime donc son soutien à ce dispositif, qui est l'un des plus performants, et souligne la nécessité de le développer dans les années à venir .
• Il faut saluer également la présence d'un volet « forêt » dans le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt , déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 13 novembre 2013. L'exploitation de la biomasse est en effet liée à l'exploitation forestière, dont elle est (et doit demeurer) un sous-produit par rapport aux usages plus nobles. Il est donc essentiel de mieux mobiliser la ressource forestière.
• Ce projet de loi prévoit à cet effet l'élaboration d'un programme national de la forêt et du bois, décliné en programmes régionaux pour assurer une meilleure gestion de la forêt française, et surtout la création d'un fonds stratégique de la forêt et du bois, satisfaisant ainsi une demande ancienne.
5. La nécessité de soutenir la recherche et développement ainsi que les nouvelles filières émergentes
Dans un secteur aux perspectives encore incertaines et qui nécessite des investissements en capitaux souvent importants, l'identification des filières d'avenir est cruciale afin d'atteindre les objectifs de progression des nouvelles énergies tout en favorisant le développement économique et la création d'emplois. Votre rapporteur pour avis se réjouit par conséquent de l'accent mis sur la transition énergétique dans le nouveau programme d'investissements d'avenir, ainsi que du lancement d'une nouvelle filière dans le domaine des énergies marines.
a) Le nouveau programme d'investissement d'avenir : un outil pour la transition énergétique
Le Gouvernement a engagé, le 9 juillet 2013, un nouveau programme d'investissement d'avenir (PIA 2), qui fait suite à celui lancé en 2010. Le montant du PIA 2 est de 12 milliards d'euros et il a pour objet le soutien à la recherche et l'université, l'accompagnement de la transition énergétique et écologique ainsi que la construction urbaine durable, l'encouragement à l'innovation et à la recherche dans les filières industrielles.
Dans le cadre de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », le PIA 2 entraîne la création de trois nouveaux programmes qui contribuent tous trois à la transition énergétique.
En premier lieu, la réorientation stratégique de l'industrie suppose, au niveau de la recherche et de l'innovation , la réalisation de démonstrateurs, pour lesquels le programme 403 « Innovation pour la transition écologique et énergétique » est doté de 800 millions d'euros de crédits de paiement en 2014. Le même programme prévoit 300 millions euros pour des projets de recherche et développement dans le domaine des « transports de demain », plus sobres et moins polluants. L'opérateur de ce programme est l'Ademe.
En deuxième lieu, les différentes filières industrielles devront investir dans des projets qui permettent de mener à bien la transition énergétique et écologique. Le programme 404 « Projets industriels pour transition écologique et énergétique » est doté, en lien avec la Banque publique d'investissement (BPI), de 470 millions d'euros en 2014 sous la forme d'une part de garantie et bonification de « prêts verts » accordés à des PME et entreprises de taille intermédiaire, d'autre part de participation directe au financement de projets mis en oeuvre par les filières.
Votre rapporteur pour avis approuve cet engagement renouvelé de l'État pour une industrie d'avenir, créatrice d'emplois et exportatrice, dans le domaine de la transition énergétique .
Par ailleurs, le programme 414 « Ville et territoire durables » consacre 370 millions d'euros en 2014 d'une part à un fonds dédié aux projets territoriaux allant au-delà des normes en vigueur, d'autre part à des actions de rénovation urbaine visant une excellence environnementale.
b) Une nouvelle filière d'avenir : les énergies marines
Votre rapporteur pour avis souligne le potentiel particulier que représente, compte tenu de la configuration des côtes françaises, la production d'énergie par des installations marines.
Au-delà des installations éoliennes en mer qui font l'objet actuellement d'un second appel d'offres, qui porte sur une capacité totale de 1 000 MW, plusieurs technologies moins matures sont à l'étude : - l'énergie hydrolienne, produite par les courants marins ; - l'énergie marémotrice, pour laquelle la France a été pionnière avec l'usine marémotrice de la Rance ; - l'éolien en mer avec des aérogénérateurs flottants, susceptibles d'être installées dans des zones, par exemple en mer Méditerranée, où les différentes contraintes (environnementales, touristiques ou liées à la pente du sol marin) ne permettent pas d'envisager l'implantation d'éoliennes plantées dans le sol ; - l'énergie houlomotrice, engendrée par le mouvement des vagues ; - l'énergie thermique des mers, qui exploite le gradient thermique entre surface et grande profondeur selon le même principe que la géothermie ; - enfin l'énergie osmotique qui tire parti du gradient de salinité à l'embouchure des fleuves. |
La technologie la plus proche de l'exploitation industrielle semble être l'énergie hydrolienne, d'autant que la France dispose avec le raz Blanchard, au large du Cotentin, de l'un des sites les plus propices en Europe.
Votre rapporteur pour avis salue donc le lancement d'un premier appel d'offres pour la réalisation de « fermes » hydroliennes , lancé dans le cadre des investissements d'avenir le 1 er octobre dernier. La France a tout à gagner à se positionner sur une nouvelle filière d'avenir, d'autant qu'elle dispose déjà d'acteurs industriels capables de construire des turbines de grande dimension, ainsi que d'installations portuaires de haut niveau pour réaliser l'assemblage final des hydroliennes.
B. LE DÉFI DE L'ADAPTATION DE LA PRODUCTION À LA CONSOMMATION
Le prochain projet de loi relatif à la transition énergétique devra fixer des objectifs à 2030, voire 2050. Or l'analyse des besoins en énergie se fonde sur une comparaison entre la production et la consommation. Cet équilibrage est souvent présenté comme menacé par l'irruption des énergies renouvelables intermittentes, telles que l'électricité d'origine solaire ou éolienne.
C'est pourquoi votre rapporteur pour avis souhaite insister sur la nécessité de mettre l'accent, dans le long terme, sur la recherche au profit du stockage de l'électricité d'une part, et sur l'impact encore sous-estimé que pourrait représenter à moyen terme l'autoconsommation de l'électricité produite par les particuliers.
1. Le stockage, une nécessité à long terme et un enjeu industriel
Le développement des énergies renouvelables entraîne l'installation de nouvelles installations de production diffuses à travers le territoire (panneaux photovoltaïques sur des bâtiments, petit éolien, petites centrales à biomasse...) ou au contraire de grande taille (parcs éoliens en mer, fermes photovoltaïques, centrales à biomasse), dont le point commun est la remise en question de la géographie actuelle des réseaux, conçus pour desservir de grandes centrales nucléaires et autres installations (notamment hydrauliques) qui ne sont pas forcément proches des nouveaux lieux de production.
Le stockage sur place de l'électricité produite par les nouvelles installations permettrait d'éviter partiellement une extension coûteuse des réseaux, car l'électricité pourrait être diffusée sur le réseau existant au fur et à mesure des besoins, et non ponctuellement lors des pics de vent ou d'ensoleillement. Il éviterait également la construction de centrales à gaz destinées à produire de l'électricité lorsque les énergies intermittentes sont indisponibles.
Une étude publiée le 21 octobre dernier par l'ADEME, la DGCIS et l'Association technique énergie-environnement (ATEE) indique que le stockage de l'énergie d'origine électrique pourrait engendrer le développement d'une filière créant 10 000 emplois sur le territoire français dans les 15 ans à venir. La capacité de stockage dans des stations de transfert d'énergie par pompage (STEP), qui est actuellement de 5 GW en France, pourrait selon cette étude être accrue de 1 à 1,5 GW à court terme. Le stockage d'énergie thermique doit aussi être développé afin d'améliorer l'équilibre entre l'offre et la demande de chaleur.
L'enjeu du stockage est particulièrement important dans les zones non interconnectées, telles que les îles, car la possibilité de développement des énergies renouvelables y est limitée, en l'absence de stockage, par leur impact sur la stabilité des réseaux.
Votre rapporteur souhaite également souligner le potentiel de l'hydrogène comme solution de stockage de l'énergie.
Le stockage d'électricité ayant déjà été identifié comme une filière d'avenir pour l'industrie française par le Président de la République 13 ( * ) , il paraît donc essentiel , dans une perspective de long terme, de soutenir la recherche et développement et la mise en place d'outils de démonstration afin d'identifier les technologies les plus prometteuses compte tenu de leur potentiel de stockage, de leur réactivité mais aussi, concernant les batteries, des matières premières qu'elles emploient.
2. Le développement de l'auto-consommation
L'auto-consommation de l'électricité produite est également un enjeu prometteur pour la gestion des réseaux .
Actuellement, l'électricité produite par un particulier ou une entreprise au moyen de panneaux photovoltaïques installés sur son propre toit est rarement utilisée par cette personne pour ses propres besoins. Il est en effet beaucoup plus rentable de vendre cette électricité au tarif garanti à un opérateur et de consommer, à un prix beaucoup moins élevé, l'électricité provenant du réseau - c'est-à-dire très souvent du même opérateur.
L'auto-consommation de l'énergie aurait donc un intérêt évident du point de vue de la gestion du réseau en réduisant les besoins de renforcement. Elle contribuerait de plus à faire de chaque consommateur un acteur du système énergétique en l'encourageant par exemple à décaler sa consommation aux moments où il bénéficie d'une électricité produite localement : des équipements « intelligents » pourraient par exemple déclencher le fonctionnement de la machine à laver lorsque les panneaux photovoltaïques fonctionnent et que les autres équipements sont au repos. D'une manière générale, l'accroissement de l'autonomie énergétique , au niveau d'une maison, d'un quartier ou d'un territoire, va dans le sens de la transition énergétique.
Comme l'a montré le colloque organisé avec l'Institut national de l'énergie solaire (INES) et sous l'égide du groupe d'études de l'énergie du Sénat le 7 novembre 2013, l'auto-consommation est déjà une réalité en Allemagne et elle deviendra de plus en plus intéressante en France avec la baisse des coûts de production et la hausse du prix de l'électricité. Il sera en effet rentable de consommer sa propre électricité le jour où la parité réseau aura été atteinte, c'est-à-dire que la production d'électricité solaire ne sera pas plus coûteuse que celle qui vient des producteurs traditionnels.
Comme l'ont toutefois indiqué certains intervenants lors de ce colloque, l'auto-consommation présente aussi des limites : d'une part, si elle n'est pas couplée à un système de stockage efficace, il faudra bien maintenir des réseaux à une capacité importante pour assurer l'approvisionnement des consommateurs lorsque les panneaux photovoltaïques ne produisent pas ; d'autre part, cette électricité consommée sur place ne ferait logiquement pas l'objet d'une taxation au profit du gestionnaire de réseaux, ce qui pourrait poser des difficultés pour le financement de ceux-ci.
Il s'agit donc d'un enjeu complexe sur le plan technique , mais aussi économique et juridique .
Il faudra en effet déterminer comment l'autoconsommation pourrait bénéficier par exemple d'un tarif d'achat ou d'un autre mécanisme d'aide adossé à la contribution au service public de l'électricité (CSPE), mais aussi quel serait son impact sur le produit du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) et donc sur le financement des réseaux. Une solution envisagée serait de définir un droit forfaitaire d'accès au réseau, indépendant de la quantité consommée.
Votre rapporteur souligne la nécessité de poursuivre ces réflexions afin d'en faire l'un des thèmes de la prochaine loi sur la transition énergétique .
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
- Syndicat des énergies renouvelables : M. Jean-Louis Bal , président ; M. Alexandre de Montesquiou , consultant.
* 1 Ce site de stockage n'accueille plus de déchets depuis la survenance d'un incendie en 2002. La ministre chargée de l'écologie a retenu fin 2012 le scénario du confinement des déchets.
* 2 Chiffrage pour l'an 2000, étude « CAFE CBA: Baseline Analysis 2000 to 2020 », réalisée en 2005 pour la DG Environnement de la Commission européenne.
* 3 Le libellé complet de cette action est « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries ».
* 4 Arrêté du 21 août 2013, pris pour l'application de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales.
* 5 M. Marc Goua, annexe 15 du rapport n° 1395 fait au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2014.
* 6 Décret n° 2013-1031 du 15 novembre 2013 portant extension à de nouveaux bénéficiaires des tarifs sociaux de l'électricité et du gaz naturel, pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes.
* 7 Un calcul simple montre que l'application de la TVA au taux réduit (5,5 % selon l'article 6 bis du présent projet de loi de finances) et non au taux intermédiaire (10 %) représente une diminution de rentrée fiscale de 500 millions d'euros si le montant total des travaux est de 11 milliards d'euros.
* 8 M. Christian Eckert, rapporteur général au nom de l'Assemblée nationale, dresse une liste de ces multiples réformes en page 428 du tome II de son rapport n° 1428 fait au nom de la commission des finances sur le présent projet de loi.
* 9 Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/96/CE du Conseil restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité, présenté par la Commission européenne le 13 avril 2011.
* 10 Ces chiffres sont donnés par M. Christian Eckert, rapporteur général au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale.
* 11 Voir par exemple le bilan dressé par votre rapporteur l'an passé dans son avis n° 149 (2012-2013), fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de finances pour 2013.
* 12 Ademe, Fonds chaleur : lancement du 5ème appel à projets BCIAT et bilan des 4 premiers , 20 septembre 2012.
* 13 Intervention du Président de la République sur « la nouvelle France industrielle », 12 septembre 2013, lors de la présentation des 34 plans de reconquête industrielle.