B. LES EFFETS DE LA CRISE ÉCONOMIQUE
La réforme des retraites de 2010 est intervenue dans un contexte de crise économique . L'évolution du PIB a été négative en 2008 (- 0,1 %) et en 2009 (- 3,1 %). La perspective d'un rebond de la croissance en 2010 (+ 1,7 %) avait conforté le gouvernement de l'époque dans la définition d'hypothèses économiques conformes à un scénario de reprise, soit une croissance du PIB de 2 % en 2011 et de 2,5 % à partir de 2012. Ce scénario a toutefois été infirmé par la dégradation de la conjoncture économique en 2012, avec une croissance économique nulle.
Ainsi, la baisse du niveau d'emploi d'environ 5,5 % constatée en 2012 a eu pour conséquence une perte de recettes importante pour l'ensemble des régimes. En outre, la forte dégradation de la situation de l'emploi consécutive à la crise a entraîné une hausse importante des dépenses du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) au titre de la prise en charge des cotisations vieillesse des chômeurs. Entre 2011 et 2012, les prises en charge au titre du chômage ont ainsi augmenté de 9 %, pour s'élever à 10 milliards d'euros.
A long terme, les effets de la crise sur les ressources du système de retraites devraient s'atténuer. Mais l'impact négatif est d'autant plus important que le système de retraites dans son ensemble est devenu plus sensible à la croissance du PIB . L'économiste Didier Blanchet estime ainsi qu'un recul de 0,3 point du rythme de croissance se traduit par une hausse d'un point du ratio de dépenses de retraites par rapport au PIB 11 ( * ) . Il explique cette plus forte dépendance aux hypothèses de croissance par la façon dont la réforme des retraites de 1993 a cherché à réduire la progression des dépenses de retraites. En indexant les pensions sur le niveau des prix et non plus sur les salaires, les dépenses de pensions sont devenues plus élastiques à la croissance. Cette élasticité est d'autant plus forte que la croissance est rapide.
C. DES PREMIÈRES MESURES DE REDRESSEMENT DÈS JUILLET 2012
Le Gouvernement a entrepris, dès juillet 2012, de consolider la branche vieillesse du régime général en lui affectant l'essentiel des mesures de recettes adoptées dans le cadre de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 . Selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, l'amélioration du solde de la CNAV en 2012 tient principalement à l'affectation de recettes supplémentaires, notamment une fraction du forfait social et du produit généré par la majoration du taux de prélèvement social sur les revenus du capital.
En 2013, ces prélèvements contribuent à nouveau fortement à la progression des recettes du régime général avec 3,3 milliards d'euros de recettes supplémentaires.
Tableau n° 10 : Rendement des mesures de recettes supplémentaires affectées à la branche vieillesse et au FSV adoptées depuis juillet 2012
(en milliards d'euros)
2012 |
2013 |
2014 |
|
Fraction du forfait social |
0,20 |
1,10 |
1,20 |
Hausse du taux de prélèvement sur les revenus du capital |
1,20 |
2,20 |
2,10 |
Harmonisation de l'assiette de la C3S |
- |
0,06 |
0,06 |
Contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie |
- |
0,35 |
0,65 |
Total |
1,4 |
3,71 |
4 ,01 |
Source : commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2013
De plus, de nouvelles mesures de recettes ont été adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 12 ( * ) au bénéfice de la branche vieillesse : le produit issu de l'harmonisation de l'assiette de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S) et, temporairement, le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie ont notamment été affectés au FSV.
Enfin, le Gouvernement a suivi avec attention les négociations des partenaires sociaux gestionnaires des régimes de retraite complémentaires des salariés ( ARRCO ) et des cadres du secteur privé ( AGIRC ). L'accord conclu le 13 mars 2013 devrait permettre d'engager le retour à l'équilibre de ces régimes.
L'accord du 13 mars 2013 des régimes de retraite complémentaire obligatoires AGIRC et ARRCO La situation financière dégradée des régimes de retraite complémentaire obligatoires des salariés (ARRCO) et des cadres du secteur privé (AGIRC) a conduit les partenaires sociaux à entamer, en novembre 2012, les négociations d'un accord modifiant les paramètres des régimes. En effet, les déficits enregistrés par ces deux régimes en 2011 sont d'une ampleur jamais rencontrée jusqu'alors (- 1,69 milliard d'euros pour l'ARRCO et - 1,77 milliard d'euros pour l'AGIRC). Dans ce contexte, les réserves financières des régimes diminuent plus vite que prévu. Selon les estimations réalisées par les régimes*, les réserves financières des régimes devraient s'épuiser en 2017 pour l'AGIRC et en 2022 pour l'ARRCO. Situation financière des régimes AGIRC et ARRCO fin 2011 (en milliards d'euros)
Afin de redresser rapidement les comptes des régimes, l'accord du 13 mars 2013 prévoit notamment trois mesures « conservatoires » : - une moindre revalorisation des pensions sur une période de trois ans : au 1 er avril 2013, la revalorisation a été de 0,5 % à l'AGIRC et de 0,8 % à l'ARRCO, au lieu de 1,8 % prévu avant la réforme. En 2014 et 2015, le niveau de revalorisation devrait correspondre à l'évolution moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabacs, moins un point, sans que cela puisse aboutir à une baisse des pensions versées ; - une moindre revalorisation du salaire de référence , afin de maintenir le niveau de rendement des régimes sur la période 2013-2015 ; - une augmentation du taux de cotisation de 0,1 point en 2014 et de 0,1 point supplémentaire en 2015 . Impact financier de l'accord du 13 mars 2013 sur les régimes AGIRC et ARRCO à l'horizon 2017 (en milliards d'euros)
Ces mesures, ajoutées aux mesures de trésorerie, devraient permettre aux régimes d'économiser environ 3 milliards d'euros d'ici 2017 et de reconstituer en partie leurs réserves. * Sur le fondement du scénario B du COR. Source : Les cahiers de la retraite complémentaire n° 11, premier trimestre 2013 |
* 11 Didier Blanchet, « Retraites : vers l'équilibre en longue période ? », Note n° 3 de l'Institut des politiques publiques, février 2013.
* 12 Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale.