INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), et plus généralement l'ensemble des acteurs de la justice des mineurs, ont été confrontés au cours des récentes années à un certain nombre de bouleversements qui les ont contraints à adapter leurs méthodes et à évoluer dans leurs pratiques : séparation stricte entre la protection de l'enfance en danger - qui relève désormais de la seule compétence des conseils généraux - et de la prise en charge de l'enfance délinquante, qui relève de la compétence exclusive de la PJJ, interrogations sur le rôle du juge des enfants après la décision du Conseil constitutionnel du 8 juillet 2011, fortes diminutions de crédits dans un contexte global d'augmentation du nombre de mineurs délinquants confiés à la protection judiciaire de la jeunesse.

Face à ces évolutions importantes, les personnels de la PJJ se sont efforcés de trouver les moyens de continuer à prendre en charge de façon adaptée les mineurs que leur confie l'autorité judiciaire. Cette année encore, votre rapporteur pour avis tient à rendre hommage au professionnalisme et au dévouement de tous ceux pour lesquels la protection et l'éducation des mineurs sont une vocation bien davantage qu'un métier.

Le projet de loi de finances pour 2013 constitue à l'égard de ces évolutions une rupture salutaire. Non seulement les crédits alloués à la PJJ augmenteront en 2013 de façon significative - +1,09% en autorisations d'engagement et +2,41% en crédits de paiement -, mais, pour la première fois depuis plusieurs années, le plafond d'emplois alloués à la PJJ augmentera de 205 ETP, mettant ainsi un terme à l'hémorragie des postes dont votre commission des lois avait, à plusieurs reprises, souligné les effets néfastes.

Cette rupture ne produira pas d'effets bénéfiques pour l'ensemble des acteurs. En dépit d'un abondement exceptionnel de dix millions d'euros destiné à résorber les arriérés de paiement de l'État, le secteur associatif habilité est, cette année encore, mis à contribution et voit ses crédits diminuer. La situation financière délicate dans laquelle certaines associations se trouvent du fait de ces restrictions continues de crédits doit conduire à s'interroger sur le rôle qu'exerce le secteur associatif habilité dans la prise en charge des mineurs délinquants.

Enfin, après avoir fait état des questionnements auxquels font face à l'heure actuelle les juges des enfants, votre rapporteur évoquera, à la lumière du déplacement qu'il a récemment effectué à Douai, le grand intérêt des politiques partenariales dans la recherche de solutions de prise en charge adaptées.

*

* *

I. UN PROJET DE BUDGET QUI TRADUIT L'ATTENTION PARTICULIÈRE ACCORDÉE PAR LE NOUVEAU GOUVERNEMENT À LA JUSTICE DES MINEURS

Dans un contexte général de déflation de la dépense publique, le projet de loi de finances pour 2013 accorde à la PJJ une place toute particulière, reflet de la priorité accordée à la jeunesse par le nouveau Gouvernement, comme l'a indiqué Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, lors de son audition par votre commission.

Non seulement ses crédits et son plafond d'emplois augmentent, mais, en outre, le nouveau Gouvernement entend mettre l'accent sur la diversité des modes de prise des mineurs délinquants.

Ces deux aspects constituent une rupture par rapport aux évolutions engagées sous la précédente législature.

A. UN TOURNANT BUDGÉTAIRE

1. Les années 2008-2012 : une PJJ fortement mise à contribution

La protection judiciaire de la jeunesse s'est engagée en 2008 dans une démarche tendant à clarifier ses missions, à améliorer le pilotage de ses services et à renforcer la qualité de ses prises en charge. Formalisées dans le cadre d'un projet stratégique national (2008-2011), ces évolutions se sont traduites en particulier par un abandon de la prise en charge des mineurs en danger, désormais confiés aux soins des seuls conseils généraux.

Les missions de la PJJ ont été redéfinies dans le décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008 relatif à l'organisation du ministère de la justice, qui lui assigne trois missions :

- concevoir les normes et les cadres d'organisation de la justice des mineurs ;

- garantir à l'autorité judiciaire une aide à la décision tant en matière civile (protection de l'enfance en danger) qu'en matière pénale (application de l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante) ;

- prendre en charge les mineurs délinquants, en exécutant les mesures éducatives, sanctions éducatives et peines prescrites par les juridictions pour mineurs.

La mise en place de ces orientations s'est effectuée dans un contexte d'importantes diminutions des crédits . Ceux-ci ont en effet diminué de près de 6% sur la période 2008-2011 , passant de 804,4 millions d'euros à 757,6 millions d'euros. S'ils ont de nouveau augmenté en 2012, cette augmentation était principalement destinée à financer un nouveau programme de construction de centres éducatifs fermés (voir infra ).

Évolution des crédits alloués à la PJJ en loi de finances initiale depuis 2007

(en millions d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Total des crédits alloués
au programme n°182 :
« protection judiciaire de la jeunesse »

796,3

804,4

784,1

774

757,6

772

Source : DPJJ

Ces diminutions de crédits se sont accompagnées d'importantes réductions d'effectifs : - 556 ETPT entre 2008 et 2012 .

Évolution du plafond d'autorisation des emplois (PAE) de la PJJ

2008

2009

2010

2011

2012

2012 à périmètre constant

Effort consenti en ETPT sur le PAE entre 2008 et 2012

Plafond d'autorisation
des emplois inscrit au projet annuel de performances du programme n°182 : « protection judiciaire
de la jeunesse »

9 027

8 951

8 618

8 501

8 395

8 471

- 556

Source : DPJJ

La PJJ a fait face à ces réductions budgétaires de deux manières :

- d'une part, le recentrage de son action sur la seule prise en charge des mineurs délinquants (à l'exception des mesures d'investigation au civil qui continuent à être intégralement financées par l'État), qui s'est traduit par une diminution de 32% du nombre de mineurs en danger et de 88% du nombre de jeunes majeurs pris en charge par la PJJ entre 2007 et 2011, a permis de spécialiser les personnels de la PJJ sur les seuls mineurs délinquants, dont le nombre a quant à lui augmenté de 9% sur cette même période ;

- d'autre part, la PJJ s'est engagée dans une importante démarche de restructuration de ses services déconcentrés, de rationalisation de l'offre de prise en charge sur l'ensemble du territoire et de modernisation de ses pratiques.

Celle-ci s'est tout d'abord traduite par l'adoption, conjointement avec la direction de l'administration pénitentiaire, d'une nouvelle carte des directions interrégionales. La DPJJ est ainsi passée de 15 directions régionales à 9 directions interrégionales (DIR) au 1 er janvier 2009 .

Cette réorganisation régionale a été prolongée par l'adaptation de l'organisation départementale, par le regroupement de plusieurs départements au sein de territoires jugés pertinents au regard des missions de la PJJ. Depuis 2012 - année d'achèvement de cette restructuration -, l'organisation de la DPJJ comprend 54 directions territoriales (DT) (outre-mer inclus).

Cette démarche s'est poursuivie en 2012 par des mesures de mutualisation des fonctions support en région : six plateformes de gestion ont été mises en place en janvier 2012 par le regroupement des services du secrétariat général, de la direction de l'administration pénitentiaire et de la DPJJ. Deux nouvelles plateformes seront mises en place à compter de janvier 2013.

Ce mouvement de réorganisation a ainsi permis de mutualiser les moyens administratifs et d'encadrement et de limiter l'impact des réductions d'effectifs sur les fonctions éducatives. Selon la DPJJ, cette réforme s'est traduite par une diminution de 337 postes entre 2008 et 2012 affectés à la fonction « soutien et pilotage » .

Cette réforme de l'organisation territoriale a été menée conjointement avec une restructuration des services et établissements de la PJJ, dont les modalités ont été précisées par le décret n° 2007-1573 du 6 novembre 2007 relatif aux établissements et services du secteur public de la PJJ.

Parallèlement, dans un souci de rationalisation du fonctionnement des services, il a été décidé que les unités éducatives de milieu ouvert devraient avoir une « taille critique » d'au moins 6 ETP d'éducateurs et que les établissements de placement collectif ne devraient pas accueillir moins de 12 mineurs et les unités éducatives d'hébergement diversifié 24 mineurs. Cela s'est traduit par des fermetures de services trop petits ainsi que par l'augmentation de capacité de certains établissements, dans le but « d'optimiser » leur utilisation.

En ce qui concerne les établissements de placement du secteur public de la PJJ (hors centres éducatifs fermés), le nombre de structures a diminué significativement (-14 unités d'hébergement collectif, -26 unités d'hébergement diversifié), mais le nombre de places n'a pas diminué à due proportion (voir tableau ci-après).

Évolution du nombre d'unités et du nombre de places
en hébergement collectif et en hébergement diversifié entre 2009 et 2012

Hébergement collectif

Hébergement diversifié

Nombre d'unités

Nombre
de places

Nombre d'unités

Nombre
de places

Au 1 er janvier 2009

107

1 064

41

479

Au 1 er janvier 2012

93

1 041

15

336

Source : DPJJ

2. Un projet de budget pour 2013 qui propose une augmentation salutaire des crédits et des effectifs alloués à la PJJ

A l'égard de ce qui vient d'être rappelé, le projet de loi de finances pour 2013 constitue une rupture salutaire pour la PJJ.

Sans doute, la loi de finances initiale pour 2012 avait déjà marqué une pause dans les diminutions de crédits, prévoyant une augmentation de ceux-ci de 4,6% en autorisations d'engagement et de 2% en crédits de paiement. Toutefois, cet accroissement dissimulait une évolution contrastée, puisque l'essentiel de ces crédits supplémentaires étaient destinés à financer l'ouverture de vingt nouveaux centres éducatifs fermés (CEF) par transformation de foyers « classiques » existants. Parallèlement, le plafond d'emplois alloués à la PJJ avait à nouveau diminué globalement de 106 équivalents temps plein (ETP).

En 2013, les crédits alloués à la PJJ augmenteront de 1,09% en autorisations d'engagement et de 2,41% en crédits de paiement , atteignant 800,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 790,7 millions d'euros en crédits de paiement .

Présentation des crédits par titre et par catégorie

Titre et catégorie

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2012

Demandées pour 2013

Ouverts en LFI pour 2012

Demandées
pour 2013

Titre 2. Dépenses de personnel

432 946 409

442 230 612

432 946 409

442 230 612

Rémunération d'activité

262 236 258

266 182 672

262 236 258

266 182 672

Cotisations et contributions sociales

165 010 151

171 647 940

165 010 151

171 647 940

Prestations sociales et allocations diverses

5 700 000

4 400 000

5 700 000

4 400 000

Titre 3. Dépenses de fonctionnement

312 831 135

342 166 706

312 831 135

322 166 706

Dépenses de fonctionnement autres que celles de personnel

312 831 135

342 166 706

312 831 135

322 166 706

Titre 5. Dépenses d'investissement

43 113 636

13 211 325

23 113 636

23 211 325

Dépenses pour immobilisations corporelles de l'Etat

43 113 636

13 211 325

23 113 636

23 211 325

Titre 6. Dépenses d'intervention

3 160 000

3 100 000

3 160 000

3 100 000

Transferts aux ménages

1 600 000

1 629 215

1 600 000

1 629 215

Transferts aux autres collectivités

1 560 000

1 470 785

1 560 000

1 470 785

Total

792 051 180

800 708 643

772 051 180

790 708 643

Source : projet annuel de performances (PAP)

Parallèlement, le plafond d'autorisation d'emplois alloué à la PJJ augmentera de 205 ETP .

Ces nouveaux ETP ne se traduiront toutefois pas par des créations de postes à effectifs équivalents.

En effet, comme l'a expliqué à votre rapporteur pour avis M. Jean-Louis Daumas, directeur de la PJJ, ces 205 ETP correspondent à 177 équivalents temps plein travaillés (ETPT), desquels il convient de retirer 66 ETPT au titre de la RGPP (extension année pleine de -66 ETPT). Des 111 ETPT restants, il convient de déduire 32 emplois qui font l'objet d'un transfert à compter du 1 er janvier 2013 au programme n°310 : « conduite et pilotage de la politique de la justice » au titre de la création des plateformes interrégionales de service de Lille et de Nancy, ainsi que 4 emplois au titre des missions transverses informatiques. Au total, le nombre d'emplois effectivement créés s'élèvera en 2013 à 75 ETPT.

D'après les informations communiquées par le ministère de la Justice, ces 75 nouveaux emplois seront affectés en priorité à la réduction des délais de prise en charge en milieu ouvert, à l'accompagnement pédopsychiatrique au sein des CEF et à la diversification des prises en charge (établissements de réinsertion scolaire, classes relais) (voir infra ).

De ce point de vue, le projet de budget marque également une rupture.

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