D. UN EFFORT ACCENTUÉ EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE QU'IL CONVIENDRA DE RENFORCER À L'AVENIR
La seconde dotation du programme 174 à connaître une évolution sensible de ses crédits par rapport à 2012 est celle qui concerne la politique du changement climatique. Le Gouvernement a décidé d'attribuer des moyens plus conséquents pour l'amélioration de la qualité de l'air. Ces moyens sont toutefois encore modestes au regard des enjeux en matière de réchauffement climatique.
1. Des moyens renforcés pour l'amélioration de la qualité de l'air
La lutte contre le changement climatique et en particulier l'amélioration de la qualité de l'air a été inscrite comme une priorité. Il s'agit principalement de remédier à la situation actuelle de la pollution de l'air en France tout en poursuivant les engagements en faveur d'une politique publique de lutte contre le réchauffement climatique.
Ainsi, le budget dédié à la politique de l'air passera de 28,2 millions d'euros en 2012 à 33,4 millions en 2013, soit une hausse de 18,4 %. L'essentiel des moyens consacrés à la lutte contre le changement climatique (35,4 millions d'euros) est donc orienté en faveur de cette politique de l'air.
Le budget alloué pour 2013 traduit la priorité accordée à la politique de l'air en :
- soutenant plus fortement les Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l'Air (AASQA) dans le cadre de la réalisation de leurs mission, à hauteur de 19,3 millions d'euros, et le Laboratoire Central de Surveillance de la Qualité de l'Air (LCSQA), dispositif national chargé d'apporter un appui technique et scientifique aux AASQA, à hauteur de 5,9 millions d'euros ;
- assurant une subvention augmentée au CITEPA (Centre interprofessionnel technique d'étude de la pollution atmosphérique) pour la réalisation des inventaires annuels de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre, à hauteur de 1,6 million d'euros ;
- mettant en oeuvre les mesures décidées pour la prévention et la réduction de la pollution atmosphérique et le renforcement de la surveillance de la qualité de l'air, notamment par le biais des plans de protection de l'atmosphère, à hauteur de 5 millions d'euros ;
- réalisant les mesures dans le domaine du changement climatique (effet de serre, fonctionnement de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique) et de l'efficacité énergétique, le suivi de la gestion des actifs carbone et des marchés de carbone, à hauteur de 2,6 millions d'euros.
Les zones d'action prioritaire pour l'air (ZAPA) Les zones d'action prioritaire pour l'air sont issues de la loi Grenelle II (article 182). L'objectif est de réduire la pollution routière en zone urbaine quand celle-ci dépasse les seuils d'émissions de particules fines et d'oxyde d'azote. Le projet de ZAPA a été lancé en avril 2011 avec huit villes (Nice, Paris, Saint-Denis, Lyon, Grenoble, Bordeaux, Clermont-Ferrand et Aix-en-Provence). Le but était d'améliorer la qualité de l'air dans les centres-villes en y limitant l'accès des véhicules anciens, les plus émetteurs de polluants locaux. Des expérimentations, prévues sur trois ans, devaient être engagées sur la base d'un projet porté par les collectivités volontaires, présentant les actions les mieux adaptées à leur situation locale. Cependant, quinze mois plus tard, Nice a abandonné le processus, et en juillet dernier, aucune des sept autres villes n'a finalement déposé de dossier de candidature complet pour tester le dispositif de manière concrète. Le système est en effet jugé injuste socialement en l'état, et doit être replacé dans une réflexion plus large sur la fiscalité des carburants et la place du diesel dans le parc automobile français. La ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, Delphine Batho, a annoncé que le dispositif des ZAPA serait revu d'ici janvier 2013, dans le cadre d'un comité interministériel sur la qualité de l'air qui travaillera en concertation avec les villes. |
2. Une hausse de moyens justifiée par le caractère problématique de la situation actuelle
La situation actuelle de la qualité de l'air en France est peu satisfaisante à plusieurs titres.
La pollution de l'air est en effet responsable de près de 40 000 décès prématurés par an , selon les données fournies par le Conseil national de l'air. Le dépassement des normes autorisées pour les différents polluants atmosphériques est susceptible d'avoir à long terme des conséquences graves sur la santé publique comme sur l'environnement.
Par ailleurs, la France ne respecte pas les objectifs imposés par les directives européennes en matière de qualité de l'air . Ce manquement l'expose à des contentieux, avec risque de sanction financière à la clé. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) l'a ainsi assignée en mai 2011 pour non-respect des valeurs limites relatives aux particules fines dans 15 zones.
Si la France ne parvient pas à convaincre la Commission qu'elle a mis en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour respecter les valeurs limites imposées par la directive, elle s'exposera à un deuxième manquement et devra payer une amende de 11 millions d'euros et des astreintes journalières de l'ordre de 240 000 euros par jour, jusqu'à ce que la qualité de l'air soit retrouvée, soit près de 100 millions d'euros la première année puis 85 millions d'euros les années suivantes. Cette seconde condamnation pourrait aboutir fin 2013 ou début 2014, et les montants sont indicatifs.
Par ailleurs, un contentieux se profile du fait du non respect des valeurs limites de dioxyde d'azote (NO2). Les valeurs limites de NO2, en vigueur depuis 2010, ne sont en effet pas non plus respectées dans un certain nombre de sites. Une demande de report, jusqu'à 2015 au plus tard, a été formulée en 2012.
3. La nécessité d'améliorer la gouvernance du système de surveillance de la qualité de l'air
Le renforcement des moyens budgétaires consacrés à la politique en matière de qualité de l'air n'est pas suffisant.
Comme l'a souligné la Cour des comptes, dans son contrôle réalisé entre mars et décembre 2011 sur le dispositif de surveillance de la qualité de l'air entre 2007 et 2010 dans plusieurs régions, ce dispositif est original et techniquement performant. Pour autant, la Cour souligne que la multiplicité des acteurs rend parfois délicats la coordination et le pilotage d'ensemble.
Elle a donc formulé une série de recommandations , visant essentiellement à améliorer la question de la gouvernance du système. Ces recommandations sont les suivantes :
- améliorer la stratégie, la coordination des acteurs et le pilotage d'ensemble ;
- renforcer l'implication du Conseil national de l'air dans la définition de la politique de l'air ;
- rationaliser la politique d'agrément des AASQA, en établissant un référentiel ;
- assurer un suivi plus rigoureux de l'ensemble des crédits destinés à la politique de l'air ;
- conforter la position du LCSQA qui joue un rôle déterminant dans le dispositif ;
- finaliser les bases de données de la qualité de l'air et développer la modélisation de haute précision ;
- tendre à la mutualisation des moyens techniques des AASQA et maîtriser l'évolution de leurs charges.
La Direction générale énergie et climat et les AASQA ont largement repris à leur compte ces recommandations de la Cour, et ont manifesté leur volonté d'engager les efforts nécessaires afin de parvenir à un meilleur fonctionnement du dispositif de surveillance de la qualité de l'air.
4. Un effort budgétaire à poursuivre et à renforcer en matière de lutte contre le réchauffement climatique
La lutte contre le réchauffement climatique constitue plus que jamais un enjeu majeur des politiques publiques. Dans ce contexte, le budget 2013 va dans le bon sens, en accroissant les crédits dévolus à cette politique, mais les efforts effectués sont encore largement insuffisants au regard des enjeux du réchauffement.
Dans un rapport publié le 18 novembre à Washington, la Banque mondiale a annoncé redouter une hausse de la température de la planète de 4°C d'ici 2100 , voire dès 2060 en cas d'inertie des pouvoirs publics. Ce scénario est donc bien plus sérieux que les projections de hausse de 2°C généralement admises par la communauté internationale.
En tout état de cause, il faudrait que les émissions de gaz à effet de serre commencent à décroître globalement dès 2020 pour ne pas dépasser la barre fatidique des 2°C de hausse de température. La tendance actuelle est cependant à une hausse nette des émissions.
Le rapport souligne la forte imprévisibilité des conséquences d'une hausse de 4°C de la température au niveau mondial, hausse dont les incidences sont très difficiles à anticiper. Les auteurs du rapport établissent toutefois une liste des dangers qui menaceraient la planète, au nombre desquels il faudrait compter « des vagues de chaleur extrême, une chute des stocks alimentaires et une montée du niveau de la mer frappant des centaines de millions de personnes » .
De manière générale, et même si aucune zone géographique ne serait épargnée par une hausse de 4°C des températures, les pays en voie de développement seraient les plus fortement touchés dans un tel scénario. La Banque mondiale anticipe une aggravation des pénuries d'eau en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie du Sud, et une augmentation de la mortalité infantile en Afrique subsaharienne. Le caractère de plus en plus fréquent des événements climatiques extrêmes viendrait ainsi réduire à néant les efforts entamés pour réduire la pauvreté et favoriser le développement économique.
Le rapport de la Banque mondiale conclut à la nécessité d'une action internationale concertée et rapide pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre , action passant nécessairement par une utilisation plus efficiente de l'énergie et des ressources naturelles.
Dans ce contexte global alarmant, votre rapporteure pour avis ne peut que se féliciter que des crédits supplémentaires soient accordés dans le budget 2013 au titre de la lutte contre le réchauffement climatique et en faveur de la qualité de l'air.
Toutefois, il convient de souligner que cet effort devra à l'avenir être renforcé. Une hausse des crédits de quelques millions d'euros, ciblés sur la politique en matière de qualité de l'air, est aujourd'hui insuffisante compte tenu de l'enjeu du réchauffement climatique, comme en attestent les différents rapports récents sur l'évolution du climat. Cet effort budgétaire devra par ailleurs être pérennisé lors des budgets à venir et ne pas constituer une mesure ponctuelle.
Dans une période de maîtrise des dépenses publiques, il est enfin plus que jamais nécessaire de rappeler que les mesures permettant de limiter le réchauffement climatique sont avant tout des mesures favorables au développement économique.