N° 151
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2012 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2013 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
TOME IV
OUTRE-MER
Par M. Michel VERGOZ,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Gilbert Barbier , Mmes Isabelle Debré, Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Jacky Le Menn, Jean-Louis Lorrain, Alain Milon, Jean-Marie Vanlerenberghe, vice-présidents ; Mmes Aline Archimbaud, Claire-Lise Campion, Catherine Deroche, Chantal Jouanno , M. Marc Laménie, secrétaires ; M. Yves Daudigny, rapporteur général ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, MM. Jean-Noël Cardoux, Luc Carvounas, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mmes Muguette Dini, Odette Duriez, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin. |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 235 , 251 à 258 et T.A. 38
Sénat : 147 et 148 (annexe n° 19 ) (2012-2013)
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le 15 novembre 2012, le Parlement adoptait définitivement le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer. Après la constitution d'un ministère des outre-mer de plein exercice, les nouveaux outils ainsi prévus représentent un premier jalon dans la lutte contre les difficultés économiques et sociales des départements et collectivités ultramarins.
Faut-il en effet rappeler le constat de l'Insee selon lequel le niveau de vie médian des populations d'outre-mer apparaît inférieur d'environ un tiers en moyenne au niveau hexagonal tandis que les écarts de prix atteignent parfois jusqu'à 40 % sur les produits alimentaires ? Sur fond de chômage massif chez les jeunes (60 % en Martinique et à la Réunion contre 22 % dans l'hexagone) et de sentiment de relatif abandon, ces écarts ont contribué aux mouvements de contestation dans les Antilles en 2009, à la paralysie de Mayotte pendant quarante-quatre jours en 2011 et au conflit social à La Réunion début 2012.
Dans ce contexte, l'évolution des crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2013 témoigne d'une inflexion salutaire.
Après plusieurs années de diminution de l'effort budgétaire, les crédits de la mission s'élèveront l'année prochaine à plus de 2 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 5 % à périmètre constant par rapport à 2012.
Le budget de la mission se répartit en deux programmes :
- le programme 138 « Emploi outre-mer », qui concerne les actions de soutien aux entreprises et de l'aide à l'insertion et à la qualification professionnelle ; il représente environ 70 % des crédits de la mission ;
- et le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » qui prévoit notamment les crédits dédiés à la politique du logement social outre-mer inscrits sur la ligne budgétaire unique.
Pour 2013, votre rapporteur se félicite tout particulièrement du renforcement des crédits alloués au service militaire adapté et de la priorité redonnée à la ligne budgétaire unique dans le financement du logement social outre-mer. Il accueille avec grande satisfaction la relance de l'investissement public à travers le fonds exceptionnel d'investissement dont les autorisations d'engagement augmenteront de presque 200 %.
Il rappelle que les crédits retracés dans la mission « Outre-mer » ne représentent qu'une partie de l'effort total consenti en faveur des populations ultramarines. Celles-ci bénéficient en effet de crédits transversaux portés par 91 programmes relevant de 27 missions en 2013, soit 13,8 milliards d'euros de crédits de paiement en 2013 selon le document de politique transversale.
Après une présentation générale des crédits de la mission, votre rapporteur passera en revue chacun des deux programmes en insistant sur les actions ayant les liens les plus directs avec le champ des affaires sociales.
I. DES CRÉDITS POUR L'OUTRE-MER EN PROGRESSION DE 5 % : UNE INFLEXION TRÈS ATTENDUE
En 2013, à périmètre constant, les crédits de la mission « Outre-mer » s'élèveront à 2,16 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 2,01 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une progression de respectivement 4,5 % et 5 % par rapport à 2012.
Cette évolution, qui intervient après plusieurs années de diminution de l'effort de l'Etat en faveur des outre-mer, constitue une inflexion salutaire au regard des difficultés économiques et sociales auxquelles sont confrontés ces territoires.
A cet égard, votre rapporteur considère comme une nécessité le choix de maintenir les règles applicables aux dispositifs de défiscalisation spécifiques aux outre-mer. Il y voit un signe fort de l'engagement du Gouvernement vis-à-vis des économies et des populations ultramarines.
1. Un renforcement très attendu des crédits pour 2013
Au cours des dernières années, les départements et collectivités d'outre-mer ont largement participé à l'effort national de maîtrise de la dépense publique. Sous couvert d'appel au développement endogène, souvent ressenti comme un prétexte au désengagement de l'Etat, des coups de rabot successifs sur les dépenses fiscales sont venus remettre en cause la solidarité nationale.
Après la réduction des exonérations de charges sociales décidée dans le cadre de la loi pour le développement économique des outre-mer (Lodeom) 1 ( * ) , les crédits de la mission « Outre-mer » éprouvaient une chute dans les deux dernières lois de finances. En 2012, en particulier, il a été décidé une baisse de 53,5 millions d'euros en CP, affectant principalement les mesures de soutien aux entreprises et le service militaire adapté (SMA).
Dans son rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2012, votre rapporteur déplorait ainsi une diminution des crédits de la mission de 1,1 % en AE et regrettait la très faible progression des CP, de l'ordre de 0,5 %. Au regard d'une prévision d'inflation fixée à 1,7 %, il dénonçait un projet « injuste et décalé par rapport aux défis majeurs de l'outre-mer ».
En 2013, la mission « Outre-mer » demeurera préservée de la baisse générale des dépenses publiques . A périmètre courant, les crédits de la mission augmenteront de 3,4 % en AE et 3,8 % en CP. A périmètre constant, la hausse sera encore plus marquée, de l'ordre de 4,5 % et 5 % par rapport à 2012.
La maquette budgétaire de la mission « Outre-mer » connaît une double évolution de périmètre pour 2013.
- D'une part, la constitution du ministère des outre-mer se traduit par la création d'une action nouvelle au sein du programme 138 « Emploi outre-mer ». Intitulée « Pilotage des politiques des outre-mer » et rassemblant des crédits auparavant portés par le ministère de l'intérieur, elle sera dotée de 2,9 millions d'euros en 2013.
- D'autre part, le financement de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna a été transféré au programme 204 « Prévention sanitaire et offres de soins » qui relève du ministère de la santé, ce qui explique la baisse importante en 2013, par rapport à 2012, des crédits inscrits à l'action « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer ».
Comme l'indique le tableau ci-après, chacun des deux programmes de la mission « Outre-mer » connaîtra une progression soutenue en CP. Celle-ci atteindra 4 % pour le programme « Emploi outre-mer » et 7 % pour le programme « Conditions de vie outre-mer ».
Evolution des crédits de la mission « Outre-mer » à périmètre constant |
||||||
(en milliards d'euros) |
||||||
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
|||||
LFI 2012 |
PLF 2013 |
Evolution |
LFI 2012 |
PLF 2013 |
Evolution |
|
Total de la
mission
|
2,094 |
2,187 |
+ 4,5 % |
1,941 |
2,038 |
+ 5,0 % |
Programme 138
|
1,313 |
1,403 |
+ 6,8 % |
1,338 |
1,392 |
+ 4,0 % |
Programme 123
|
0,780 |
0,784 |
+ 0,5 % |
0,603 |
0,646 |
+ 7,0 % |
Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2013 |
Votre rapporteur salue ainsi la volonté de préserver une mission qui est l'une des rares dont les crédits progresseront en 2013 .
Il relève que cette augmentation très attendue des crédits n'empêche pas la mission « Outre-mer » de contribuer à l'effort de maîtrise de la dépense publique. En effet, le programme « Emploi outre-mer » prévoit un effort accru de productivité de la part du service militaire adapté (SMA) dont les dépenses de fonctionnement seront stabilisées. De même, l'agence de l'outre-mer pour la mobilité se verra appliquer la norme d'évolution des dépenses et des emplois en vigueur pour tous les opérateurs de l'Etat.
La programmation triennale associée au projet de loi de finances pour 2013 prévoit une poursuite de l'augmentation des crédits au rythme de 3,9 % entre 2013 et 2014 puis de 3,6 % entre 2014 et 2015. Les efforts significatifs engagés dans le présent projet de loi de finances pour 2013 se poursuivront donc au cours des prochaines années.
Plafonds des crédits de paiement de la mission
« Outre-mer »
|
|||
(en milliards d'euros,
|
|||
LFI 2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
1,896 |
1,992 |
2,069 |
2,144 |
Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2013 |
2. Le nécessaire maintien des dispositifs de défiscalisation spécifiques aux outre-mer
Les économies et les sociétés ultramarines sont devenues très dépendantes de la dépense fiscale, qui a été largement privilégiée par rapport à la dépense budgétaire.
En 2013, les dépenses fiscales représentent environ une fois et demie le montant des crédits de paiement prévus par la mission. Elles relèvent principalement du programme « Conditions de vie outre-mer » (2,789 milliards d'euros en 2013 contre 2,867 milliards d'euros en 2011). Le régime de TVA réduit dans les départements de La Réunion, de la Guadeloupe et de la Martinique (8,5 % pour le taux normal et 2,1 % pour le taux réduit) représente à lui seul 1,255 milliard d'euros, soit près de 40 % des dépenses fiscales totales en 2013. Il convient de souligner son importance au regard des problématiques de la vie chère outre-mer.
Les dépenses fiscales rattachées à la mission « Outre-mer » ont néanmoins enregistré une baisse régulière au cours des dernières années . Elles ont été ramenées de 3,414 milliards d'euros en 2011 à 3,264 milliards d'euros en 2012 et 3,138 milliards d'euros en 2013, soit une diminution de 8,1 % en 2013 par rapport à 2011.
Dès 2009, la Lodeom a entrepris la suppression graduelle de la dépense fiscale liée au logement libre et intermédiaire, pour une économie annuelle estimée à 251 millions d'euros en 2018. Elle prévoyait en outre une réforme des exonérations de charges sociales et de la TVA non perçue récupérable (NPR), soit une baisse des dépenses fiscales de près de 200 millions d'euros. La loi de finances pour 2011 2 ( * ) a, quant à elle, limité les avantages fiscaux accordés dans le cadre des dispositifs d'aide à l'investissement outre-mer, supprimé l'avantage fiscal relatif aux investissements réalisés dans la production d'énergie photovoltaïque et réduit le taux du crédit d'impôt sur le revenu en faveur des économies d'énergies, soit une baisse des dépenses fiscales d'environ 350 millions d'euros. Enfin, la loi de finances pour 2012 3 ( * ) a supprimé l'abattement d'un tiers sur le résultat des exploitations situées dans les Dom, prévu une nouvelle limitation des avantages fiscaux pour les investissements outre-mer et mis un terme au dispositif « Scellier outre-mer » à compter du 31 décembre 2012.
Pour 2013, le projet de loi de finances prévoit, à son article 56, un abaissement du plafonnement global des réductions et crédits d'impôt à caractère incitatif ou liés à l'investissement tel que mis en place à compter de l'imposition des revenus de l'année 2009. Jusqu'alors, ce plafonnement comprenait une part proportionnelle au revenu imposable de 4 % et une part forfaitaire de 18 000 euros. Il est prévu de ramener la part forfaitaire à 10 000 euros et de supprimer la part proportionnelle. Le Gouvernement a néanmoins fait le choix de préserver les dépenses fiscales outre-mer de cette mesure.
Compte tenu des grandes difficultés économiques des territoires ultramarins, votre rapporteur salue cette décision . La réduction des niches fiscales peut se justifier pour redresser les finances publiques. Elle est même impérative lorsque les niches fiscales et sociales sont improductives ou inefficaces. Mais votre rapporteur souhaite rappeler qu'il s'agit du principal outil utilisé par l'Etat pendant des années pour soutenir les départements et collectivités d'outre-mer. Sans alternative possible à ce jour, le retrait brutal de ces dépenses risquait de mettre en péril des pans entiers de ces économies qui font face dans leur environnement régional respectif à la concurrence d'économies à faibles coûts salariaux.
En outre, le choix qui a été opéré dans le projet de loi de finances ne préjuge pas de l'évaluation des niches fiscales outre-mer que devra réaliser le Gouvernement avant le 1 er mai 2013 , conformément aux engagements pris devant l'Assemblée nationale lors du débat du 15 novembre 2012.
Il s'agira d'apprécier objectivement l'efficacité des dispositifs d'incitation fiscale et de décider en toute connaissance de cause des évolutions qui devront leur être apportées. Votre rapporteur sera très attentif à la réalisation de ce projet.
Principales dépenses fiscales de la mission « Outre-mer » |
||
(en millions d'euros) |
||
2012 |
2013 |
|
Total |
3 264 |
3 138 |
Dépenses fiscales sur impôts d'Etat
contribuant au programme
|
369 |
369 |
- dont exonération de taxe sur la valeur ajoutée de certains produits pétroliers dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion |
190 |
190 |
- dont régime particulier de TVA dans les
départements de la Guadeloupe,
|
100 |
100 |
- dont abattement d'impôt sur le revenu et
d'impôt sur les sociétés applicable
|
74 |
74 |
Dépenses fiscales sur impôts d'Etat contribuant au programme « Conditions de vie outre-mer » |
2 895 |
2 769 |
- dont régime spécifique de TVA dans
les départements de la Guadeloupe,
|
1 225 |
1 255 |
- dont réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer, avant le 31 décembre 2017 |
480 |
410 |
- dont réduction d'impôt sur le revenu
au titre des investissements locatifs
|
355 |
265 |
- dont réduction de l'impôt sur le
revenu, dans la limite d'un certain montant, pour les contribuables des Dom
(30 % en Guadeloupe, Martinique
|
295 |
300 |
- dont déduction d'impôt sur les
sociétés des investissements productifs réalisés
dans les départements, territoires et collectivités territoriales
d'outre-mer
|
180 |
180 |
- dont exclusion des départements d'outre-mer du champ d'application de la taxe intérieure de consommation applicable aux carburants |
104 |
104 |
- dont réduction d'impôt sur le revenu
au titre des investissements effectués
|
210 |
nc |
Dépenses fiscales sur impôts locaux, prises en charge par l'Etat, contribuant au programme « Conditions de vie outre-mer » |
48 |
48 |
Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2013 |
* 1 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009.
* 2 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010.
* 3 Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011.