EXAMEN EN COMMISSION
La commission a examiné le présent rapport au cours de sa séance du mardi 20 novembre 2012.
M. Alain Néri, co-rapporteur - La mission « Immigration, asile et intégration » a été créée en 2007 et comprend deux programmes : le programme 303 porte sur « l'immigration et l'asile », le programme 104 sur « l'intégration et l'accès à la nationalité française ». Depuis cette création, votre commission se saisit pour avis sur le programme 303. Seule l'action 2 « garantie de l'exercice du droit d'asile » fait l'objet d'un examen par la Commission.
Cette action a pour objectif de garantir aux demandeurs d'asile un traitement optimal de leur demande, ainsi qu'une bonne prise en charge en termes de conditions matérielles d'accueil et d'accès aux soins pendant la durée d'instruction de leur demande. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis, en cas de recours, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui relève du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », instruisent les demandes d'asile.
Le programme 303 concentre la majorité des crédits dévolus à la mission Immigration, asile et intégration, soit 90 % des crédits totaux. Les autorisations d'engagement (596 millions d'euros en 2013 contre 553 millions en 2012, soit + 7,9 %) ainsi que les crédits de paiement (604 millions d'euros en 2013 contre 560 millions en 2012, soit + 8 %), sont en progression.
Au sein du programme 303, c'est l'action 2 « garantie de l'exercice du droit d'asile » qui concentre l'essentiel des dotations, puisqu'elle représente 84 % des autorisations d'engagement demandées pour 2013.
Les dépenses de fonctionnement regroupent les dotations versées à l'OFPRA. Elles sont cette année en augmentation de 2,75 millions d'euros par rapport à la LFI 2012 afin de permettre à l'OFPRA d'améliorer le délai de traitement des demandes enregistrées. Le plafond des emplois est également relevé de 10 ETP.
Les dépenses d'intervention sont relatives à la prise en charge sociale des demandeurs d'asile pendant toute la durée d'instruction de leur dossier. Elles regroupent les dotations liées aux centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), les dispositifs d'hébergement d'urgence, l'allocation temporaire d'attente (ATA), et l'accompagnement social spécifique des demandeurs d'asile.
Cette année, l'accent est mis sur l'hébergement des demandeurs d'asile en cours de procédure. En effet, la très forte augmentation des crédits alloués au programme 303 porte essentiellement sur les dotations relatives aux dispositifs de prise en charge des demandeurs d'asile (+24 %). Ainsi, le PLF 2013 prévoit la création de 1 000 places supplémentaires en CADA, portant leur nombre à 22 410 fin 2013. Indicateur de performance du programme 303, le taux d'hébergement en CADA des demandeurs d'asile en cours de procédure tend à s'améliorer et à progresser régulièrement pour atteindre 40 % en prévision 2012 et 45 % en cible 2015.
Outre les dispositions concernant les CADA, la dotation relative à l'hébergement d'urgence sera abondée de 34 millions en 2013. De même, les crédits relatifs au versement de l'ATA seront augmentés de 50 millions en 2013. C'est donc un effort conséquent qui est engagé sur cette question de la prise en charge des demandeurs d'asile. C'est d'autant plus louable et remarquable que le problème de l'insincérité budgétaire avait maintes fois été souligné lors des exercices précédents.
Fidèle à ses valeurs de protection et de défense des droits de l'homme, la France est le premier pays d'accueil des demandeurs d'asile en Europe. En 2011, la demande d'asile a connu sa quatrième année de hausse consécutive, avec 57 337 demandes enregistrées (mineurs accompagnants et demandes de réexamen inclus), soit +8,7 % par rapport à 2010. Les dix principaux pays de provenance des demandeurs d'asile sont le Bangladesh, la République démocratique du Congo, l'Arménie, le Sri Lanka, la Russie, la Chine, Haïti, le Kosovo, la Guinée et la Turquie.
Le taux d'acceptation est de 10,8 % des demandes d'asile en 2011 contre 13,5 % en 2010 (décisions OFPRA). Si l'on ajoute les recours déposés ensuite devant la CNDA et accordés, le taux d'accord global est d'environ 25 %.
M. Raymond Couderc, co-rapporteur . - J'en viens à la deuxième partie de notre présentation sur les limites de ce budget. On a une impression de tonneau des Danaïdes ! Tout d'abord, concernant le traitement des demandes par l'OFPRA et la CNDA : à l'OFPRA, un important plan de recrutement, visant à résorber le stock de dossiers, a été mis en oeuvre depuis 2010. Le projet de loi de finances pour 2012 prévoyait la poursuite de cet effort, portant les effectifs à 455 ETP fin 2012. Toutefois ces moyens n'ont jusqu'à présent pas permis de réduction du stock de dossiers en attente, ni du délai de traitement, du fait de l'augmentation parallèle et continue de la demande d'asile depuis 2008. Ainsi, le délai moyen d'examen d'une demande à l'OFPRA est de 179 jours au premier semestre 2012 !
Or, ce problème a des conséquences autant sur le plan humain que financier. Sur le plan financier, un tel délai a un coût et des conséquences non négligeables sur les finances publiques. Sur le plan humain, il est impensable de laisser un demandeur d'asile dans l'incertitude aussi longtemps, délai d'autant plus allongé si la réponse s'avère négative et est suivie d'un recours auprès de la CNDA. Depuis 2009, ce nombre de recours est à la hausse. Ainsi, en 2011, ce sont 31 983 recours qui ont été enregistrés, soit + 16,5 % par rapport à 2010. Néanmoins, et nous nous en félicitons, le plan d'action mis en oeuvre en 2010 à la CNDA a permis une progression très importante de sa capacité de jugement. En effet, le délai prévisionnel moyen de jugement, qui avoisinait 15 mois en 2010 a été réduit à 9 mois et 5 jours en 2011, soit six mois de moins en l'espace d'une année. Le délai prévisionnel moyen de jugement devrait être d'environ 8 mois fin 2012.
La question la plus épineuse, concernant l'asile, est celle de l'hébergement des demandeurs en cours de procédure. L'hébergement en centre d'accueil a été multiplié par quatre ces dix dernières années, portant à 21 410 le nombre de places fin 2011. Or, ce nombre est toujours insuffisant. Le PLF pour 2013 prévoit la création de 1 000 places supplémentaires, portant la capacité totale à 22 410 places, néanmoins au 8 août 2012 on comptait encore 33 000 personnes en attente d'une admission en CADA !
Or, ce manque de place a des répercussions sur les finances publiques, puisque les demandeurs non bénéficiaires d'une place en CADA perçoivent l'allocation temporaire d'attente (ATA), dont les crédits associés sont en progression et qui coûte plus cher que l'hébergement en CADA ou qu'un hébergement d'urgence. En effet, le coût unitaire moyen d'une place en CADA sera de 24 € par jour en 2013. En comparaison, le coût moyen journalier d'une place d'hébergement d'urgence s'élèvera à 15 € en 2013, auxquels il faudra ajouter le versement de l'ATA, et dont le montant est d'un peu plus de 11 € par jour, soit au total plus de 26 €.
Outre ces limites, une autre difficulté concernant l'asile tient à l'harmonisation complexe des législations européennes existant en la matière. Alors que la mise en place d'un régime d'asile européen commun (RAEC) était prévue pour fin 2012, l'établissement de normes communes est loin d'être simple et les négociations se poursuivent à Bruxelles sur la refonte de la directive « procédure » et du règlement « Dublin II ». Point positif, la directive « accueil » a, semble-t-il, été l'objet d'un accord politique le 25 octobre dernier lors du Conseil justice et affaires intérieures.
En conclusion, il s'agit d'un programme ambitieux qui voit son budget augmenter régulièrement depuis des années faisant ainsi honneur à la France en respectant sa tradition d'accueil. Pour autant et malgré une augmentation de l'investissement de l'Etat, tant en budget qu'en personnel dédié, les stocks de dossiers en attente ne se réduisent pas, avec les conséquences humaines et financières que je vous précisais plus tôt.
Sans réduction de temps d'examen des dossiers et avec une augmentation du nombre de demandeurs d'asile, il y a un fort accroissement de demandeurs non bénéficiaires d'une place en CADA, mais qui perçoivent une allocation temporaire d'attente (ATA) dont le coût est beaucoup plus élevé que celui de l'hébergement en CADA.
Aussi, je ne pense pas que ce budget réponde parfaitement à la situation actuelle. Pour cette raison, je vous propose de vous abstenir, comme je vais le faire moi-même, d'adopter les crédits du programme 303.
M. Alain Néri , co-rapporteur . - Certes, le traitement des dossiers est encore trop long et le nombre des places d'accueil et d'hébergement reste insuffisant. Mais en dépit de la situation d'un budget plus que contraint et très difficile, il convient de prendre en compte l'augmentation des autorisations d'engagement de l'ordre de 43 millions d'euros, soit près de 8 %, la progression des crédits de paiement de 44 millions d'euros, soit 8 % également, et la création de 10 postes supplémentaires de contractuels à l'OFPRA et de 1 000 places d'hébergement en CADA.
A l'évidence, cela marque la volonté d'améliorer la garantie de l'exercice du droit d'asile par un effort progressif et maintenu les prochaines années. C'est pourquoi je vous propose de donner un avis favorable au programme 303 et de l'adopter.
Par treize voix pour, zéro voix contre, et six abstentions, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission Immigration, asile et intégration.