C. UNE RÉFLEXION À POURSUIVRE : LE POUVOIR BUDGÉTAIRE DU COMMANDANT DE BASE DE DÉFENSE

1. Un « carcan » budgétaire qui condamne le commandant à gérer des inéluctables

Le rapport d'information précité de votre commission faisait le constat de la très faible marge de manoeuvre budgétaire des commandants de base de défense.

Non seulement en raison de la pénurie de crédits, réelle, mais également du fait d'une série de contraintes venant encore restreindre son champ d'action :

- Forte inertie et poids prédominant des dépenses « énergie-fluides »,

- Marchés d'externalisation qui, lorsqu'ils existent, sont « rigidifiants » dans la construction d'un budget, car « préemptés »,

- Exclusion des crédits d'alimentation, de maintenance spécialisée infrastructure, de bureautique ou d'ameublement du périmètre budgétaire géré par le commandant de base,

- Faible réactivité des marchés centralisés,

- Crédits non reportables d'une année sur l'autre,

- Cloisonnement total avec la masse salariale.

Il existe en effet une tension entre deux logiques contradictoires :

- Une démarche locale et transverse de responsabilisation des commandants de base de défense, dans un contexte de déconcentration de l'administration au plus près du terrain et d'irrigation par les bases de défense du tissu économique des territoires ;

- Une démarche nationale et verticale de cohérence fonctionnelle à l'échelle ministérielle, centrée sur les différents « métiers ».

C'est la deuxième option qui prévaut aujourd'hui, à la fois dans une logique d'économie d'échelle et du fait de la réorganisation en cours, métier par métier, des grandes chaînes fonctionnelles du ministère.

La conséquence est l'absence de pouvoir d'arbitrage budgétaire pour les commandants de base de défense.

2. Un « partage » inefficient des crédits d'infrastructure

Le rapport d'information précité a souligné le caractère byzantin des répartitions de rôles et de crédits entre le commandant de base de défense et le service des infrastructures qui relève du secrétariat général pour l'administration (SGA).

Schématiquement : le service d'infrastructure de la défense, (concrètement, sur place : l'USID), a les crédits d'infrastructure, mais le commandant de base fait le schéma directeur de la base et assure ensuite l'entretien du locataire (peinture, carreaux, petites réparations...).

Ces rôles sont parfois complexes à démêler ce qui n'est pas optimal surtout en période de pénurie budgétaire.

Une certaine « fongibilité » des crédits d'infrastructure a été expérimentée, au bénéfice des commandants de base, entre le programme 178 et le programme 212 (programme « Soutien de la politique de la défense » où sont les crédits du SGA).

Cette expérimentation concernant les crédits de maintenance de l'infrastructure s'est traduite par la création de droits de tirage accordés aux commandants de base de défense sur les crédits d'infrastructure leur permettant, dans le respect du principe de spécialité des crédits et des responsabilités « métier » dans le domaine infrastructure, d'exercer pleinement leur rôle en matière de définition, de priorisation et de programmation des dépenses d'infrastructure.

Votre commission considère que cette expérimentation tendait en fait à éviter les situations où l'absence de crédits sur le programme 178 conduirait à reporter indéfiniment l'entretien immobilier, ce qui peut conduire par la suite à des travaux bien plus importants.

Le rapport d'information précité de votre commission a donc engagé le ministère de la défense à aller plus loin en faisant durablement entrer ces crédits dans le périmètre décisionnel du commandant de base de défense.

L'audit budgétaire des bases de défense par le ministère de la défense a depuis relevé, sans surprise, qu'il convient de clarifier les responsabilités financières respectives du programme 178 « Préparation et emploi des forces » et du programme 212 en matière d'entretien de l'infrastructure....

Le projet de loi de finances transfère encore des crédits aux bases en contrepartie d'un élargissement de leur périmètre budgétaire. Ce mouvement va dans le bon sens.

On peut se demander toutefois s'il ne reste pas encore du chemin à faire. Ainsi par exemple, la prise en compte des contraintes opérationnelles dans les programmations de travaux d'infrastructure n'est pas toujours optimale. L'architecture complexe de la chaîne de décision ne permet pas toujours une hiérarchisation optimale des priorités. Certains retards de réalisation liés à la difficulté pour le service des infrastructures d'honorer son plan de charge peuvent avoir des conséquences importantes, comme par exemple pour les travaux relatifs à l'accueil du Rafale sur la base de Saint-Dizier.

Il faut noter que les infrastructures restent, dans les questionnaires de satisfaction sur la qualité du soutien, l'un des trois « points noirs » de la qualité de service (avec le domaine achat-finances et les ressources humaines).

3. Un accroissement de sa liberté d'action qui permettrait peut être au commandant de base d'être un véritable acteur pour la réalisation d'économies

On entend souvent dire que les bases de défense n'ont pas généré les économies attendues. Il est clair en effet que les dépenses de soutien sont devenues plus visibles qu'avant puisqu'elles sont par construction individualisées et affichées en tant que telles. Elles peuvent plus difficilement, aussi, être (volontairement ?) « sous-estimées » d'emblée.

Pour autant, votre commission s'inscrit en faux contre cette analyse qui oublie trop souvent que :

- le nombre de personnels en charge du soutien a diminué de 15 % avec leur mise en place ;

- les bases de défense ont « absorbé » la hausse des tarifs d'eau, d'électricité et de carburant, soit 30 à 40 millions d'euros par an ;

- le périmètre du soutien a été élargi (+ 40 millions d'euros de dépenses en 2012, + 30 millions d'euros en 2013) ;

Le ministère de la défense estime à 150 millions d'euros en 2013 l'effet de ces « hausses subies » par les bases en 2013.

Pour autant, le système a-t-il produit toutes les économies attendues et surtout peut-on en attendre d'autres ?

A chaque fois qu'ils abordent le sujet avec des acteurs du soutien au sein du ministère de la défense, vos rapporteurs sont frappés par la pertinence des rationalisations découlant de la nouvelle organisation, qu'il s'agisse de la densification des implantations rendue possible par les nouveaux schémas directeurs, ou encore d'exemples très concrets comme la diminution du parc automobile.

Les économies dégagées par les bases : quelques exemples concrets.

Globalisation des marchés et optimisation des contrats : contrat de blanchissage à Brest (550 000 € d'économies), contrats téléphoniques dans 4 bases (- 164 000 €), factures d'électricité dans 4 bases (- 245 000 €) ;

Regroupement des infrastructures : Verdun, 700 000 € d'économies

Mise en pool des matériels : voitures, ameublement. 1,2 million d'euros d'économies en ameublement (la direction des ressources humaines de l'armée de terre à Tours a été équipée avec des meubles « recyclés ». Cette opération aurait été impossible avec l'ancienne organisation.

D'après les entretiens de vos rapporteurs avec les responsables du ministère de la défense, des « normes de soutien » vont désormais venir s'appliquer pour chaque type de dépense, afin de limiter les cas particulier. Cela devrait encore accentuer l'effet rationalisateur de l'embasement.

Attention toutefois aux économies forcées qui sapent le moral et reportent les charges sur les exercices futurs...

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page