C. L'ARMÉE DE L'AIR : DES FRAGILITÉS BIEN IDENTIFIÉES MAIS PERSISTANTES
Lors de son audition devant votre commission, le chef d'état major de l'armée de l'air a fait part de son inquiétude concernant le maintien de l'activité aérienne pour nos équipages.
Il a déclaré : « Elle est essentielle pour garder des compétences, préserver un niveau suffisant de sécurité aérienne et garantir le moral de nos aviateurs. Nous sommes confrontés à la difficulté de contenir les coûts de maintien en condition opérationnelle (MCO). En 2012, l'écart entre les ressources disponibles et les besoins d'entretien programmé des matériels aéronautiques de l'armée de l'air a atteint 300 millions d'euros.
« Cela se traduit par une pression de plus en plus forte sur la formation et l'entraînement des forces et en conséquence une érosion du capital des savoir-faire opérationnels. Malgré les efforts que je salue du ministère sur le domaine, en 2013, le déficit d'activité sera d'environ 20 % par rapport au besoin nominal d'entraînement des équipages. C'est acceptable dans un budget d'attente, mais nous approchons d'un seuil qui pourrait devenir critique. Notre cohérence repose sur notre capacité à trouver le bon équilibre entre notre format et les ressources dédiées à l'entretien programmé de nos matériels » .
Le rapport précité de la Cour des comptes a également mis l'accent sur le fait que l'armée de l'air connaissait un déficit d'heures de vols, posant problème pour le maintien de certaines compétences. Force est de constater que les prévisions de crédits pour 2013 ne permettront que partiellement de redresser la situation décrite par la Cour.
NOMBRE D'HEURES DE VOL POUR L'ARMÉE DE L'AIR
Année |
Nombre d'HdV par pilote Chasse |
Nombre d'HdV par pilote Transport |
Nombre d'HdV par pilote Hélicoptères |
Référentiel |
2010 |
170 |
287 |
170 |
RAP 2010 |
2011 |
190 |
310 |
190 |
RAP 2011 |
1 er semestre 2012* |
81 |
121 |
97 |
DPG 2T 2012 |
Prévisions 2012 actualisées |
165 |
265 |
200 |
PAP 2012 |
Prévisions 2013 |
160 |
260 |
195 |
PAP 2013 |
Objectifs LPM 2009-2014 |
180 |
400 |
200 |
LPM 2009-2014 |
Source : ministère de la défense, réponse aux questionnaires budgétaires
a) Une difficile régénération de la chasse en 2012, des fragilités persistantes pour les hélicoptères et le transport
En 2011, si les pilotes de chasse expérimentés engagés dans l'opération en Libye ont connu une forte activité, la formation des pilotes plus jeunes a été ralentie et a nécessité un rattrapage en 2012.
Les pilotes de transport ont été, quant à eux, fortement mobilisés sur les missions logistiques liées aux opérations, ce qui a conduit à délaisser l'entraînement lié aux savoir-faire tactiques.
L'activité des pilotes d'hélicoptères est demeurée insuffisante. Cette situation pourrait menacer à court terme le maintien du savoir-faire dans le domaine de la recherche et du sauvetage des pilotes éjectés en zone hostile.
En 2012 (constat sur le premier semestre et prévisions) et 2013 (perspectives), l'insuffisance d'activité des équipages de chasse due au manque de disponibilité des matériels a pour conséquence un allongement de la phase de régénération des équipages (difficulté de formation pour les jeunes équipages en unité de combat et d'entretien de compétence pour les équipages expérimentés). Le ministère de la défense indique à vos rapporteurs dans sa réponse aux questionnaires budgétaires que « de ce fait, la mise en sommeil de certains savoir-faire pourrait être envisagée ».
Le faible niveau d'activité des équipages de transport tactique en 2012 s'explique par un format et une disponibilité de la flotte restés insuffisants, malgré la livraison des nouveaux CASA (des défauts techniques ont été constatés à leur réception). En 2013, l'arrivée des premiers A400M amorcera le début du redressement de la situation de la flotte transport.
Pour la composante hélicoptère , les équipages devraient parvenir à préserver leur niveau d'activité individuelle en 2012 et 2013. Cette population actuellement en sous-effectif est fortement mobilisée sur les théâtres d'opérations extérieures, ce qui lui permet d'atteindre de ce fait les objectifs du nombre d'heures de vol. La situation de la flotte Caracal, qui assure la mission de sauvetage au combat, demeure critique : la très forte sollicitation opérationnelle de cette micro-flotte contraint la préparation des équipages non engagés en opération. La situation devrait s'améliorer à compter du dernier trimestre 2012 avec la livraison de deux EC725.
b) Un niveau d'activité encore comparable à nos grands alliés mais des fragilités qui s'installent
En 2010 et 2011, l'activité des pilotes de l'armée de l'air est encore comparable à celle des États-Unis et du Royaume-Uni, tandis que l'Allemagne semble davantage décrocher et que les pilotes russes se situent en deçà.
COMPARAISON INTERNATIONALE DES NIVEAUX D'ENTRAÎNEMENT EN 2010 ET 2011
TYPE D'ACTIVITE |
France (2010/2011) |
Allemagne (2010) |
Royaume-Uni (2011) |
Russie (2010/2011) |
États-Unis (2010/2011) |
Heures de vol par pilote de chasse |
170/190 |
125 |
180 |
75 |
180 |
Heures de vol par pilote de transport |
287/310 |
134 |
450 |
75 |
200 |
Heures de vol par pilote d'hélicoptère |
170/190 |
78 |
240 à 380 selon type d'appareil |
65 |
200 |
L'armée de l'air a démontré à l'occasion des dernières opérations la maîtrise de savoir-faire rares, et une technicité partagée par peu d'alliés. Cependant certaines capacités apparaissent fragilisées.
En matière d'aviation de combat, l'engagement en Libye a notamment montré la capacité à « rentrer en premier » sur un théâtre d'opérations. Elle a également montré, grâce au Rafale, tout l'intérêt de disposer, sans période de montée en puissance, d'équipages d'emblée très polyvalents. La pérennisation de cette polyvalence du personnel navigant repose sur un niveau d'entraînement cohérent et conforme aux standards OTAN.
En revanche, les mesures de reports d'équipements nouveaux (rénovation M2000D et MRTT) ont déjà sensiblement fragilisé les capacités de l'armée de l'air. Les capacités manquantes du soutien opérationnel sont liées essentiellement au sous-dimensionnement et au vieillissement 17 ( * ) de la flotte ravitailleur C135, qui par ailleurs joue le rôle de transport stratégique de fret 18 ( * ) . Quant aux MRTT, les reports successifs de livraison entraînent un risque de rupture capacitaire lié au vieillissement de la flotte actuelle de ravitailleurs. Toutefois le ministre a assuré lors de son audition devant la commission que les commandes seraient passées en 2013 en vue d'une première livraison fin 2017.
* 17 48 ans d'âge moyen.
* 18 Sur 14 aéronefs en parc, 3 présentent des limitations opérationnelles (avionique ancienne, incompatible avec certaines normes internationales).