DEUXIÈME PARTIE - L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT FRANÇAISE DOIT CONCENTRER SON EFFORT BUDGÉTAIRE SUR LES PAYS LES MOINS AVANCÉS
Les rapporteurs de la commission des affaires étrangères, à l'occasion des missions sur le terrain, notamment au Mali et à Madagascar, et lors de leurs auditions, ont été frappés par le contraste entre la réalité des moyens sur le terrain et la place de la France dans les statistiques officielles de l'OCDE en matière d'aide au développement.
Alors que les autorités françaises sillonnent le globe de conférences internationales en symposium, en annonçant que la France est le troisième bailleur mondial de l'aide au développement, nombre de professionnels du secteur témoignent de la diminution d'interventions sur le terrain d'une coopération française dont l'influence se réduit.
Cette situation ne date pas du présent budget. Car de fait, on constate que les subventions projets de la France en 2004 étaient comparables en volume à celles de l'Allemagne et du Japon, alors qu`elles sont aujourd'hui deux fois moins élevées que celles de l'Allemagne et trois fois moins que celles du Japon.
Vos rapporteurs ont cherché à mieux comprendre un décalage qui concerne à la fois le volume de l'aide, mais également sa répartition.
S'agissant du volume déclaré à l'OCDE, ils ont pris conscience, au fur et à mesure de leurs travaux, que ce contraste n'était pas tant lié à la façon dont l'Etat français déclare son aide au Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE qu'à la façon dont le CAD définit cette aide qui apparaît de plus en plus déconnectée de la réalité des crédits effectivement disponibles sur le terrain pour financer des projets de coopération.
Ils en ont conclu que la mesure de l'APD par l'OCDE était non seulement un mauvais thermomètre de l'effort français en faveur de l'aide au développement, mais également un très mauvais guide pour la coopération.
Car le fétichisme qui entoure cet indicateur conduit naturellement les autorités politiques à favoriser une allocation des ressources qui maximise son niveau. Or l'allocation des ressources budgétaires qui en résulte ne contribue pas toujours à poursuivre les objectifs de développement que la France s'est par ailleurs fixés.
I. UNE AIDE PUBLIQUE FRANÇAISE ENCORE AUJOURD'HUI PILOTÉE AU REGARD D'UN THERMOMÈTRE LARGEMENT FAUSSÉ QUI A MASQUÉ UNE DIMINUTION DES MOYENS MIS EN OEUVRE
A. SELON LA MESURE DÉFINIE PAR L'OCDE, L'APD FRANÇAISE DECLARÉE, AVEC PLUS DE 10 MILLIARDS ET 3 % DE L'AIDE PROGRAMMABLE MONDIALE SERAIT L'UNE DES PLUS IMPORTANTES AU MONDE
Comme le souligne le document de politique transversale annexé à la loi de finances, la France déclare un volume d'APD déclaré supérieur à la moyenne des pays donateurs.
L'APD totale nette française déclarée n'a en effet cessé de croître entre 2007 et 2011, passant de 7,2 milliards d'euros à près de 10 milliards d'euros, soit une progression de 25 %. Cette augmentation est due, par ordre d'importance, à l'augmentation des concours multilatéraux, à l'effet net des prêts consentis par l'AFD et des concours communautaires.
Le ratio APD/RNB, qui mesure l'effort relatif de chaque pays en matière d'APD déclarée, s'élève à 0,46 % en 2011.
La France a été en 2011 le troisième bailleur mondial en volume d'APD nette déclarée , derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni.
En rapportant cette aide au revenu national brut, la France apparaît comme le 10 e contributeur en termes d'effort relatif par rapport au revenu national du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE.
Avec 0,46 %, la France a un niveau d'effort inférieur aux années 80 et 90, au-dessus de 0,6 %, comme l'illustre le graphique suivant.
Source : OCDE
Le suivi de cet indicateur ne présente cependant qu'un intérêt limité. Comme l'a souligné le ministre du Développement lors de la table ronde organisée par la commission le 3 octobre dernier : « On peut douter de la pertinence de cet indicateur dit structurant. ....Il n'a pas grand sens. A titre d'anecdote, la facture de chauffage des centres de rétention a longtemps été comptabilisée - et peut-être l'est-elle encore ! - dans l'aide au développement. Qu'on pousse la température de quelques degrés et l'on se rapproche de l'objectif...des 0,7 % ».
Il a été rejoint en cela par M. Jean Michel Severino qui observait qu'aussi « étonnant que cela puisse vous paraître, en tant que directeur général de l'AFD, je n'ai jamais compris la nature des chiffres communiqués à l'OCDE, tant ils avaient subi les transformations, les structurations et les triturations destinées à rendre notre discours présentable. Ni indicateur d'objectifs, ni indicateur de mesure, ni indicateur d'efficacité, notre indicateur d'APD ne semble servir qu'à nous tromper sur la communication et à nous sentir coupables. »
Si l'on prend un indicateur plus sincère de l'effort réellement consenti qu'est l'aide programmable 20 ( * ) , l'aide au développement française représente un peu plus de 9 % de l'APD des pays du CAD et 3 % de l'APD l'ensemble des donneurs.
Évolution absolue et relative de l'aide programmable française
en millions de dollars (US) courant |
Aide programmable par pays (APP) |
||||
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
|
France (valeur absolue) |
3 166 |
3 595 |
4 301 |
4 171 |
4 836 |
Donneurs du CAD, total |
41 727 |
44 714 |
53 496 |
54 873 |
57 173 |
Part relative France/Donneurs du CAD (en %) |
8% |
8% |
8% |
8% |
8% |
Agences Multilatérales, total |
23 537 |
28 160 |
32 024 |
37 415 |
35 839 |
Donneurs du CAD et Agences Multilatérales |
65 264 |
72 874 |
85 520 |
92 288 |
93 012 |
Part relative France/(Donneurs du CAD et Agences Multilatérales) (en %) |
5% |
5% |
5% |
5% |
5% |
Pays Non-CAD, total |
4 105 |
5 457 |
8 130 |
4 759 |
4 743 |
Part relative France/Pays non-CAD(en %) |
77% |
66% |
53% |
88% |
102% |
Total tous les donneurs |
134 633 |
151 206 |
179 170 |
189 336 |
190 766 |
Part relative France/Tous donneurs(en %) |
2% |
2% |
2% |
2% |
3% |
Membres du G7 |
32 073 |
32 818 |
39 610 |
41 201 |
43 747 |
Part relative France/Membres du G7 (en %) |
10% |
11% |
11% |
10% |
11% |
B. LES CRITÈRES RETENUS POUR LA DÉCLARATION DE L'APD NE PERMETTENT CEPENDANT PAS DE MESURER L'ARGENT EFFECTIVEMENT DISPONIBLE POUR FINANCER DES PROJETS DE DÉVELOPPEMENT
1. Même si elle en a une lecture assez large, la France respecte les critères de déclaration définis par l'OCDE
L'ensemble des dépenses contribuant à l'effort français en faveur du développement est comptabilisé par le Comité aide au développement (CAD) de l'OCDE.
Pour être comptabilisées à ce titre, ces dépenses doivent répondre à quatre critères qui ont été définis au sein de l'OCDE par les pays membres.
Les bénéficiaires doivent être des pays ou des territoires considérés en développement par le CAD, ou une institution multilatérale de développement. Les apports doivent émaner d'organismes publics (Etats, collectivités locales ou autres organismes publics).
Ces apports doivent avoir pour but essentiel de favoriser le développement économique et l'amélioration du niveau de vie du pays bénéficiaire. Ces apports peuvent être des dons ou des prêts présentant des conditions plus favorables que celles du marché.
La liste des pays bénéficiaires est révisée tous les trois ans et est basée sur les données de revenu national brut par habitant. Les contributions de chaque pays aux organismes internationaux peuvent être comptabilisées au titre de l'APD, en totalité ou seulement en partie, selon la nature de l'organisme.
Cet agrégat constitue le thermomètre de l'engagement de chaque pays en faveur du développement. Il est la référence pour la comptabilisation des engagements en faveur des objectifs du millénaire pour le développement et notamment ceux visant une APD de 0,7 % du revenu national brut.
Les principales catégories de dépenses de l'APD française peuvent être répertoriées dans quatre catégories : aide bilatérale, aide multilatérale, aide européenne transitant notamment pas le Fonds Européen de Développement et opérations sur dette.
APD de la France par type d'activité
(données 2000-2010 et prévisions pour 2011-2013)
En millions d'euros ; source : DG Trésor 2011 et base de données du CAD
Source : DPT 2012
Les pouvoirs publics français sont régulièrement critiqués sur la composition de l'APD déclarée à l'OCDE.
Mais force est de constater que ces déclarations, qui font l'objet d'une vérification de la part de l'OCDE, sont conformes aux règles fixées. La France a pu par le passé, et peut parfois encore aujourd'hui, avoir une interprétation large des catégories de dépenses susceptibles d'être déclarées, mais elle s'en tient aux règles fixées par l'ensemble des bailleurs de fonds du CAD.
Ainsi, les règles de l'OCDE autorisent les Etats à déclarer des dépenses d'écolage. La France a longtemps eu une interprétation très large de ces dépenses. D'autres pays, comme la Grande-Bretagne, ne déclarent pas ces dépenses, considérant que des étudiants étrangers issus des pays en développement dans les instituts d'enseignement supérieur ne relevaient pas de l'aide au développement. De ce fait, les critiques formulées à l'encontre de la déclaration française portent en réalité sur les règles de l'OCDE.
2. L'APD déclarée constitue cependant un mauvais thermomètre de l'effort français en faveur du développement
a) L'APD au sens de l'OCDE ne prend pas en compte nombre d'efforts qui relèvent clairement d'une aide au développement
L'APD au sens de l'OCDE ne prend pas en compte nombre d'efforts qui relèvent clairement d'une aide au développement, comme les garanties apportées par l'Agence française de développement, les prises de participation de Proparco, le montant des dotations privées des organisations non gouvernementales (ONG) bénéficiant de déductions fiscales.
Il s'agit de montants importants, comme l'a montré la Cour des comptes. On peut relever :
- les dépenses fiscales résultant de la déductibilité des dons aux organisations de solidarité internationale, visée par l'article 200 du code général des impôts ont été évaluées récemment par l'inspection générale des finances entre 600 et 800 millions d'euros par an ;
- les garanties publiques octroyées à des entreprises ou à des banques des pays en développement, qui représentent une part croissante de l'activité de l'Agence française de développement s'élèvent à 167 millions d'euros en 2011 ;
A l'inverse, la France a traditionnellement eu une interprétation large des critères lui permettant de gonfler sa déclaration avec des dépenses dont l'objet n'était pas strictement de l'aide au développement.
b) Figurent au sein des dépenses déclarées au titre de l'APD française prés de deux milliards d'euros de crédits qui ont un rapport très lointain avec une aide de terrain effective.
(1) Les coûts d'accueil des étudiants issus de pays en développement dans les universités françaises sont comptabilisés à hauteur de plus de 600 millions d'euros
La France a, depuis deux ans, suite aux observations du CAD, notamment lors de la revue par les pairs de 2008, effectué des efforts de sincérité dans sa déclaration, en particulier, dans l'évaluation des coûts d'accueil des étudiants issus de pays en développement dans les universités françaises, appelés « écolages ».
La France comptabilisait, en effet, dans son APD, le coût que représente la présence dans les universités françaises de tous les étudiants issus de pays en développement, qu'ils retournent ou non dans leur pays à la fin de leurs études, quelles que soient les disciplines étudiées, sans que leur présence ne reflète un accord de coopération avec leur pays d'origine, ainsi que les étudiants étrangers vivant en France et ayant obtenu leur baccalauréat en France.
Depuis 2008, la déclaration française d'APD au CAD exclut notamment les étudiants de nationalité étrangère ayant obtenu un baccalauréat en France, pour lesquels les probabilités de retour sont notoirement faibles.
L'écolage est ainsi passé de 879 millions d'euros en 2007 à 693,5 millions d'euros en 2011 .
La comptabilisation reste cependant large, puisqu'elle continue à inclure tous les autres étudiants issus de pays en développement, qu'ils retournent dans leur pays ou pas à la suite de leurs études et que leur présence relève ou non d'un accord spécifique.
Montant de l'écolage déclaré en APD
Ecolage, en millions € |
|
Année |
Montant |
2007 |
878,4 |
2008 |
636,5 |
2009 |
665,2 |
2010 |
696,8 |
2011 |
693,5* |
Source : OCDE DG Trésor
*hors subventions spécifiques en faveur de certains PED
De plus, selon les directives pour l'établissement des rapports statistiques, du CAD, , les coûts comptabilisés dans l'APD doivent refléter « la mise en oeuvre par le pays d'accueil d'une politique délibérée de coopération pour le développement, c'est-à-dire, au minimum, que ces coûts soient expressément mentionnés dans le budget du gouvernement et que les instances chargées des programmes d'APD participent de manière adéquate à l'élaboration de la politique d'accueil et de formation d'étudiants originaires de pays bénéficiaires de l'aide, compte tenu de facteurs nationaux particuliers. ».
Or la politique de la France en la matière se caractérise par une absence notable de sélection, de stratégie et pour tout dire de politique. En tout état de cause, elle méconnaît les exigences de la directive de l'OCDE relatives à « la définition des disciplines et des niveaux d'enseignement ; l'évaluation des compétences ou des qualifications particulières dont les bénéficiaires de l'aide intéressés ont besoin ; la détermination du nombre d'étudiants ou de stagiaires à accueillir et les critères de sélection ; les possibilités d'adapter l'enseignement aux besoins des étudiants originaires de pays en développement ; l'organisation d'échanges de vues avec les pays bénéficiaires sur les moyens de faire coïncider les places disponibles dans le système éducatif du donneur avec les besoins de chaque pays ; la mise en place de mesures spécialement destinées à éviter l'exode des cerveaux ; l'aide à la réintégration des étudiants dans leur pays d'origine ».
(2) Les coûts d'accueil des réfugiés issus des pays en développement sont comptabilisés à hauteur de plus de 300 millions d'euros
Dans le même temps, la France continue à déclarer des sommes importantes au titre de l'accueil des réfugiés, comme l'illustre le tableau suivant :
Montant des dépenses liées à l'accueil des réfugiés déclarées en APD 21 ( * )
en millions d'euros |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
APD réfugiés |
276 |
256 |
272 |
328 |
392 |
Source : OCDE
Sur le principe, votre commission a du mal à comprendre en quoi les dépenses concernant les plates-formes d'accueil des demandeurs d'asile peuvent être considérées comme des dépenses concourant au développement des pays du Sud.
On peut concevoir qu'il s'agisse de dépenses de solidarité avec les populations des pays du Sud. Que ces dépenses concourent au développement de long terme de ces pays, c'est contestable.
Certes, les règles de l'OCDE l'autorisent. D'autres pays déclarent des sommes comparables, certains pays cependant, comme le Royaume-Uni, s'y refusent.
Il convient de souligner qu'il s'agit de sommes considérables puisqu'elles s'élèvent à un montant proche de la contribution française au fonds mondial contre le Sida.
Comme l'a souligné le ministre du développement lors de la table ronde organisée par la commission « la facture de chauffage des centres de rétention a longtemps été comptabilisée - et peut-être l'est-elle encore ! - dans l'aide au développement. Qu'on pousse la température de quelques degrés et l'on se rapproche de l'objectif (des 0,7 %)... ».
(3) Les dépenses liées à la diffusion de la francophonie dans les pays en voie de développement sont comptabilisées à hauteur de 100 millions d'euros
Une partie du coût des établissements de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est également comptabilisée dans l'aide publique au développement française.
La fraction retenue correspond au pourcentage des dépenses relatives aux élèves étrangers scolarisés dans les établissements de l'AEFE dans les pays éligibles à l'APD.
Les principales dépenses liées à l'AEFE comptabilisables en APD, mesurant l'effort de l'Etat envers les élèves étrangers, sont les frais généraux de scolarité des élèves étrangers scolarisés dans les réseaux d'établissements français, les rémunérations des professeurs et les bourses d'études
en millions d'euros |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
Montants AEFE comptabilisés en APD |
90 |
95,9 |
88 |
105,4 |
106,7 |
Source : OCDE
(4) Les dépenses liées à la zone franc sont comptabilisées à hauteur de 70 millions d'euros
D'autres dépenses déclarées à l'OCDE ne sont pas spontanément celles auxquelles on pense en matière d'aide au développement, comme les dépenses liées au franc et à la rémunération des dépôts des avoirs des banques centrales de la zone franc (BCEAO, BEAC et BCC), comptabilisables en APD 22 ( * ) , qui se sont élevées, respectivement en 2010 à plus de 73 millions d'euros.
Montant des dépenses liées aux Francs CFA et à la rémunération des dépôts des banques centrales des pays de la zone franc comptabilisées dans l'APD française
En M€ |
APD 2007 |
APD 2008 |
APD 2009 |
APD 2010 |
BCEAO |
26,73 |
32,29 |
34,70 |
28,71 |
BEAC |
56,65 |
45,29 |
45,99 |
43,73 |
BCC |
- |
0,69 |
0,61 |
0,79 |
TOTAL |
83,38 |
78,27 |
81,29 |
73,23 |
Source : OCDE
L'ensemble de ces dépenses, qui ont un rapport lointain avec l'aide au développement, représente près de 2 milliard d'euros, soit 18 % de l'APD française déclarée.
c) Le poids des annulations de dettes qui représentent, selon les années, 8 à 40 % de l'aide déclarée explique l'essentiel des variations annuelles de l'APD française.
L'évolution du volume total de l'APD française depuis 2002 est marquée par le rôle essentiel de la comptabilisation des annulations de dettes.
La France est, en effet, l'un des principaux contributeurs de l'initiative Pays pauvres très endettés (PPTE). Ainsi, après avoir largement contribué à la hausse de l'APD française jusqu'en 2006, la chute de l'APD en 2007 s'expliquait essentiellement par la baisse des allègements de dettes.
La hausse de l'APD annoncée en 2009 s'explique à nouveau par la comptabilisation d'importants allègements de dettes qui s'élèvent en effet à 2,7 milliards de dollars en 2009, soit 22 % de l'APD, contre 2 % en moyenne pour les donateurs du CAD.
Ces annulations de dettes sont, pour une grande partie, négociées dans le cadre du Club de Paris, notamment la contribution de la France à l'initiative PPTE.
La France est, en effet, le premier contributeur à l'initiative PPTE, sous laquelle des montants très importants ont été annulés entre 2002 et 2004.
France (versements nets) |
|||||||
(en M$) |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
APD totale |
7 253,09 |
8 472,56 |
10 026,22 |
10 600,59 |
9 883,59 |
10 907,55 |
12 600,02 |
Allègements de dette |
2 718,75 |
1 753,68 |
3 363,55 |
3 500,80 |
1 497,57 |
973,75 |
2 773,52 |
% allègements de dettes/APD totale |
37,48% |
20,70% |
33,55% |
22,01% |
15,15% |
8,93% |
22,01% |
Source : OCDE
Le rôle des allégements de dette est très nettement supérieur en France par rapport aux autres pays du CAD.
Source : OCDE
Le poids des allégements de dette dans l'APD française va demeurer important selon le projet de loi de finances.
En effet, le document de politique transversale prévoit des annulations de dette de plus de 1 milliard en 2015, soit 17 % de l'aide bilatérale et 11 % du total.
DPT 2013 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
Aide bilatérale |
6 130 |
6 676 |
6 634 |
6 484 |
7 262 |
annulations de dettes et refinancements |
817 |
1 194 |
896 |
616 |
1 247 |
Aide multilatérale |
3 254 |
3 029 |
3 192 |
4 048 |
3 654 |
Total |
9384 |
9 705 |
9 826 |
10 531 |
10 916 |
part des annulations de dette dans l'aide bilatérale |
13,3% |
17,9% |
13,5% |
9,5% |
17,2% |
part des annulations de dette dans l'APD |
8,7% |
12,3% |
9,1% |
5,8% |
11,4% |
La comptabilisation de ces annulations est, à certains égards, légitime.
Ces annulations de la dette des pays les plus pauvres sont une condition de leur développement. L'assainissement de leurs finances a d'ailleurs probablement contribué à leur relative résistance à la crise financière. Elles constituent, par ailleurs, une perte de créance pour l'Etat français et les contribuables français.
Cependant, dans de nombreux cas, ces annulations portent sur des créances impayables, qui n'auraient jamais pu être remboursées. Elles relèvent donc, dans ce cadre, plus d'un jeu d'écriture comptable que d'une véritable contribution au financement du développement.
Dans son estimation de l'APD « réelle », Coordination SUD, la coordination nationale des ONG françaises de solidarité internationale, déduit 90 % du montant total des allègements de dettes de l'APD officielle.
Elle se fonde sur la recommandation d'une étude réalisée par Daniel Cohen sur les annulations de dettes des PPTE. Estimant que la grande majorité des allègements de dettes constitue un effacement comptable de créances impayables, il recommande en effet que seuls 10 % de ces annulations soient comptabilisés en APD, les 90 % restants devant être inscrits en pertes sur allègements 23 ( * ) .
d) Les flux net de prêts, parfois à des taux proches du marché, représentent plus d'un milliard d'euros d'APD
L'évolution de l'APD française est enfin marquée par le poids des prêts.
Au total, les flux nets liés aux prêts représentent 1,1 milliard d'euros dans l'APD nette de la France, soit 12,3 %.
Les prêts ainsi notifiés comportent un degré de bonification et doivent financer des projets développement.
La croissance de la part des prêts dans l'APD française suscite trois séries de questions.
(1) La question du degré de concessionnalité des prêts ou jusqu'où peut-on considérer des prêts à des taux de marché comme de l'APD
Parmi ces prêts, certains sont à des taux très éloignés des conditions des marchés financiers et bénéficient d'une intervention publique significative, d'autres, en revanche, sont à des conditions de taux et de durée proches de celles du marché.
Vos rapporteurs estiment qu'il est contestable d'intégrer dans l'aide publique au développement des prêts proches des conditions du marché.
Il leur apparaît paradoxal que les prêts consentis par exemple à la Chine, dont on leur assure qu'ils ne coûtent rien aux contribuables français, soient comptabilisés au titre de l'aide au développement dans des proportions telles que la Chine, sur la période 2007-2009, soit le quatrième de l'APD bilatérale française. Certes, la moitié de cette APD est constituée d'écolage dont on peut, par ailleurs, contester la comptabilisation. Mais le reste est bien constitué de prêts de l'AFD dans un pays dont on a du mal à considérer qu'il est en développement au même titre que l'Afrique subsaharienne. Il s'agit de prêts à des conditions proches de celles du marché dans un pays qui est en passe de devenir la première puissance économique mondiale dont les capacités financières lui permettent de racheter la dette du Portugal et de la Grèce.
En résumé, ces prêts ne sont pas de l'aide dans la mesure où, d'une part, les taux sont proches de ceux du marché et où, d'autre part, l'AFD, compte tenu de son mode de tarification, dégage de ses activités en Chine ou en Inde une marge bancaire proportionnelle au montant important des financements consentis. Il ne s'agit pas non plus d'un effort public dans la mesure où ces prêts ne font pas l'objet de bonification puisqu'on nous assure que le coût pour l'État est désormais nul. Cela ne correspond pas non plus à une assistance à un pays en développement, ni à une activité de développement au sens strict, puisque l'AFD n'intervient que dans des projets liés à la lutte contre le réchauffement climatique afin de défendre les intérêts des entreprises françaises.
Autrement dit, peuvent être comptabilisés chaque année plus de 200 millions d'euros au titre de l'aide publique au développement des financements qui ne sont ni de l'aide, ni un effort public, ni du développement.
Il s'agit là d'une situation paradoxale qui mériterait un examen attentif. Au-delà de la Chine se pose la question des taux d'intérêt des prêts consentis susceptibles d'être déclarés.
Pour être notifiés à l'OCDE au titre de l'APD, les éléments de libéralité des prêts doivent atteindre le minimum requis de 25 %. Comme l'a souligné la revue à mi-parcours de la France par le CAD : « Certains de ces prêts ont des taux d'intérêt proches du niveau du marché (en comparaison, par exemple, avec le taux d'actualisation différencié), même si leur élément de libéralité atteint le minimum requis de 25 %. ».
La France a maintenu qu'elle considérait bien ces prêts comme concessionnels : d'une part, les pays bénéficiaires n'obtiendraient pas ces fonds à de telles conditions sur le marché, et, d'autre part, les risques encourus par le prêteur ne sont pas facturés aux bénéficiaires.
Le Secrétariat de l'OCDE estime que les risques encourus par le prêteur sont déjà couverts dans les statistiques du CAD par la possibilité de notifier en APD, en cas de défaut, les éventuelles annulations de ces prêts. Ceci implique que le niveau de concessionnalité de ces prêts devrait être considéré plutôt du point de vue du donneur (« coût d'opportunité » pour le donneur plutôt qu'« avantage procuré à l'emprunteur »).
Vos rapporteurs souhaitent que la définition de la concessionalité des prêts soit donc à nouveau discutée dans l'enceinte du CAD. Mais ils attirent l'attention sur les conséquences d'une révision des règles de comptabilisation sur le niveau de la déclaration française qui pourrait être amputée de plusieurs centaines de millions d'euros.
Au-delà de la question de la notification, vos rapporteurs soulignent que les prêts et les dons n'ont évidemment pas, en termes de générosité publique, la même signification, ni la même portée pratique. Ils concèdent volontiers qu'il existe une continuité entre des prêts très concessionnels et les dons, mais trouvent abusif de considérer de la même façon des prêts aux conditions du marché et des dons.
(2) La question de la dynamique de la croissance des prêts et son incidence sur l'évolution future de l'APD française.
Les prêts en direction des pays en développement sont en effet déclarés comme APD au moment du décaissement et viennent au moment des remboursements en soustraction des dépenses d'APD, de sorte que, sur le long terme, seul le coût brut du prêt pour le prêteur est comptabilisé au titre de l'aide, comme l'illustre le graphique suivant.
Les prêts nets représentent le volume des décaissements réalisés desquels est déduit le volume des remboursements de prêts perçus la même année.
En 2006, le volume des remboursements était supérieur au montant des décaissements, d'où un impact global négatif sur l'APD française comme l'illustre le tableau suivant :
Année |
Prêts |
APD nette totale |
|
Nets |
Bruts |
||
2005 |
-405 |
812 |
10 026 |
2006 |
-979 |
934 |
10 601 |
2007 |
-344 |
1 072 |
9 884 |
2008 |
594 |
2 026 |
10 908 |
2009 |
1 451 |
2 704 |
12 602 |
2010 |
1 926 |
3 154 |
12 915 |
A partir de 2008, cependant, cet impact est redevenu positif, du fait de la très forte augmentation des décaissements des nouveaux prêts.
Les remboursements des prêts contractés dans les années 90 risquent d'avoir, dans ces conditions, des effets sensibles sur la déclaration française d'APD. Compte tenu de la multiplication des prêts par quatre de 2006 à 2010, l'arrivée de la période de remboursement entraînera une diminution massive de notre APD.
Le montant prévisionnel des remboursements qui viendront en déduction de l'APD brute dans les cinq prochaines années est retracé dans le tableau ci-dessous :
Remboursements de prêts en M€ |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
AFD |
424 |
489 |
560 |
714 |
808 |
RPE |
404 |
380 |
359 |
329 |
309 |
FMI |
41 |
40 |
93 |
174 |
nd |
Total |
870 |
909 |
1 012 |
1 218 |
1 117 |
Autrement dit, le début des remboursements de la vague de prêts des années 80 va amputer la déclaration de la France de plus d'un milliard d'euros par an à partir de 2013.
De plus en plus la situation de la France ressemble à celle du Japon. Quand on regarde les flux d'APD négative, c'est-à-dire les remboursements du capital des prêts concessionnels, le Japon représente à lui seul 64% du total des remboursements.
Il a développé, au milieu des années 80, une politique d'APD basée sur les prêts qui a permis au Japon d'accroître son poids dans l'aide du CAD de 10 à 25 % pour revenir aujourd'hui à 8 % avec un effet net des prêts proche de 0.
Cette situation illustre l'aspect transitoire de la création d'APD par les prêts à engagement constant. Dans cette perspective la seule solution pour limiter l'effet de ces remboursements serait d'augmenter sans discontinuer le montant des prêts. Or on voit bien les limites d'un processus qui n'est pas soutenable pour l'AFD, ne serait-ce que pour des raisons prudentielles.
(3) La question du bon équilibre entre les dons et les prêts au regard des objectifs géographiques de la coopération française.
Les prêts sont bien adaptés pour intervenir dans les pays et les secteurs les plus dynamiques où leur effet de levier permet d'espérer une influence significative. En revanche, ils ne permettent pas d'intervenir dans les pays les plus pauvres, qui sortent à peine d'un processus de désendettement dans les situations de crise ou dans les secteurs sociaux.
Vos rapporteurs y reviendront plus longuement dans l'étude de l'aide bilatérale.
Un chiffre résume la situation : en 2010, sur plus de 3 milliards de prêts engagés, l'AFD a consenti un peu plus de 300 millions d'euros de prêts dans les PMA, comme l'illustre le tableau suivant :
Source : AFD
C. UNE INTERPRÉTATION LARGE DES CRITÈRES DE L'OCDE QUI FAUSSE LES COMPARAISONS INTERNATIONALES
Le recours à une interprétation large des critères de l'OCDE conduit à fausser les comparaisons internationales. Ainsi, si l'on considère la déclaration de la France et de la Grande-Bretagne en 2009, on constate que sur la dizaine de milliards déclarés par les deux pays la France déclarait au titre des écolages et des annulations de dettes plus de 2 milliards là où la Grande-Bretagne ne déclarait que 42 millions.
France |
Royaume-Uni |
|
APD |
12 601,55 |
11 282,61 |
Écolages |
931,44 |
0 |
Annulations de dette |
1 405,25 |
42,59 |
APD-annulation de dettes et écolage |
10 264,86 |
11 240,02 |
Source OCDE en millions de dollars
Les deux pays pouvaient afficher un taux d'effort, c'est-à-dire une APD rapportée au revenu national brut de 0,51 %, mais en réalité, si l'on supprime les écolages que la Grande-Bretagne se refuse à déclarer et les annulations de dettes qui ne sont pas évaluées à leur juste valeur, le taux d'effort réel de la France n'est plus que de 0,38 %.
Selon les données préliminaires d'APD 2011, la France et la Grande-Bretagne ont déclaré au titre de l'APD des sommes comparables. Toutefois, en dehors de la question des modes de comptabilisation, les chiffres français et britannique reposent sur des instruments différents.
en M$ courants |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011* |
France |
9 884 |
10 908 |
12 602 |
12 915 |
12 994 |
Grande-Bretagne |
9 848 |
11 500 |
11 283 |
13 053 |
13 739 |
* sur la base des données préliminaires d'APD 2011
en % RNB |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011* |
France |
0,38% |
0,39% |
0,47% |
0,50% |
0,46% |
Grande-Bretagne |
0,36% |
0,43% |
0,51% |
0,57% |
0,56% |
* sur la base des données préliminaires d'APD 2011
Entre 2006 et 2010, la répartition de l'aide bilatérale entre dons et prêts est restée plutôt stable en Grande-Bretagne, alors que la part des prêts dans l'aide bilatérale triplait en France.
Répartition entre dons et prêts de l'aide bilatérale brute
% dons / prêts |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011* |
France |
87% / 13% |
76% / 24% |
69% / 31% |
73% / 27% |
70% / 30% |
Grande Bretagne |
89% / 11% |
90% / 10% |
93% / 7% |
92% / 8% |
nd |
* sur la base des données préliminaires d'APD 2011
D. L'AIDE PILOTABLE ET L'EFFORT FINANCIER DE L'ETAT QUI SONT DES CRITÈRES PLUS PERTINENTS POUR ORIENTER LE NIVEAU DE L'AIDE FRANÇAISE DOIVENT FAIRE L'OBJET D'UNE PUBLICATION ET D'UN SUIVI
La définition de l'aide publique au développement au sens de l'OCDE qui sert essentiellement à mesurer notre effort pour atteindre les 0,7 % a perdu beaucoup de sa pertinence pour mesurer les moyens effectivement disponibles sur le terrain pour des projets de coopération.
Dès qu'un interlocuteur veut parler de l'effort réel en faveur d'un pays, ou bien de l'argent effectivement disponible pour financer des projets, il évoque d'autres critères dont l'aide programmable, autrement dit, l'aide dont on a enlevé les annulations de dette, les coûts d'écolage et de prise en charge des réfugiés, et autres éléments moins en rapport avec le développement et l'effort financier de l'Etat.
Aide publique programmable en valeur absolue et en pourcentage
en millions de dollars (US) courant |
Aide programmable par pays (APP) |
||||
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
|
Donneurs du CAD, total |
41 727 |
44 714 |
53 496 |
54 873 |
57 173 |
Agences Multilatérales, total |
23 537 |
28 160 |
32 024 |
37 415 |
35 839 |
Donneurs du CAD et Agences Multilatérales |
65 264 |
72 874 |
85 520 |
92 288 |
93 011 |
Pays Non-CAD, total |
4 105 |
5 457 |
8 130 |
4 759 |
4 743 |
Total tous les donneurs |
134 633 |
151 206 |
179 170 |
189 335 |
190 766 |
France (valeur absolue) |
3 166 |
3 595 |
4 301 |
4 171 |
4 836 |
Part relative France/Donneurs du CAD (en %) |
8% |
8% |
8% |
8% |
8% |
Part relative France/(Donneurs du CAD et Agences Multilatérales) (en %) |
5% |
5% |
5% |
5% |
5% |
Source : OCDE
« L'aide programmable pays » (APP) se calcule, selon la définition de l'OCDE, à partir de l'APD bilatérale brute de laquelle on déduit un certain nombre de postes qui correspondent à des dépenses non programmables, soit parce qu'elles sont imprévisibles (aide humanitaire, annulation de dettes), soit parce qu'elles n'entraînent pas de flux transfrontaliers (écolage, réfugiés), soit parce qu'elles n'entrent pas dans des accords entre gouvernements (aide aux ONG, aide allouée par les collectivités locales), soit parce qu'elles ne peuvent pas être ventilées (PED non ventilés).
Au regard de l'aide programmable, l'aide française représente 4 milliards soit 3 % de l'aide mondiale 24 ( * ) .
Si on se situe au niveau des pays récipiendaires, les études de terrain montrent que les montants vraiment disponibles sont encore plus limités. Une enquête de l'OCDE sur 55 pays a établi que, sur les 8 milliards de dollars d'aide publique au développement brute française, seulement 1,7 milliard de dollars était effectivement disponible pour des projets bilatéraux d'aide au développement.
Ainsi, sur 8 milliards déclarés en 2008 par la France, seulement quatre sont programmables et un peu moins de deux ont été délivrés de façon bilatérale dans les pays récipiendaires.
On constate, par ailleurs, que la France est l'un des pays où la part relative de l'aide programmable par rapport à l'ensemble de l'APD est la plus faible. Pour la moyenne des pays du CAD, l'aide programmable représente 63 % de l'APD, en France, elle ne représente que 37 % de l'aide déclarée en 2010.
Cette situation explique que la progression de l'APD globale soit en décalage avec celle de l'aide programmable. Si l'aide programmable a augmenté depuis 2000, sa progression a été plus lente que l'APD globale : alors qu'elle représentait plus de la moitié de l'APD en 2000, son poids est seulement de 37 % en 2010.
Evolution de l'aide programmable (versements en millions de dollars)
Source : OECD.Stat
Cette évolution illustre une capacité de plus en plus limitée à orienter les crédits vers les axes prioritaires de la politique d'aide française.
L'APD française se caractérise également par une part décroissante de l'aide programmable (même si elle a augmenté en volume entre 1998 et 2010), notamment lorsqu'on la compare avec la moyenne des pays membres de l'OCDE, qui limite sa capacité à piloter et contrôler les crédits en fonction de ses priorités. Sur près de 10 milliards d'euros comptabilisés au titre de l'APD au sens du CAD en 2010, moins de 5 milliards correspondent à des crédits effectivement programmables au titre de l'aide bilatérale (37% de l'APD nette de la France contre une moyenne de 63% pour les pays donateurs du CAD).
*
Les observations précédentes attestent que l'on juge notre effort public en faveur du développement à l'aune d'un thermomètre largement faussé. Les batailles de chiffres auxquelles donne lieu le débat budgétaire sur l'aide publique au développement n'ont pas toujours de sens.
Les observations précédentes soulignent combien la définition actuelle de l'aide publique au développement à l'OCDE mesure mal la réalité qu'elle est supposée appréhender.
Les défauts de cet agrégat ont des conséquences sur la conduite de la politique d'aide au développement et introduisent un biais dans ses orientations.
La pression exercée afin que les Etats remplissent leur engagement en termes de pourcentage d'aide publique au développement dans le revenu national, avec les 0,7 %, conduit, sur le long terme, les gouvernements à maximiser des dépenses qui entrent dans l'agrégat, au détriment d'autres types d'interventions qui peuvent s'avérer tout aussi utiles sinon plus.
Autrement dit, cet agrégat constitue non seulement un problème statistique, mais également un problème politique.
C'est pourquoi il importe de diversifier les instruments de mesure de l'OCDE.
Vos rapporteurs demandent à ce que la France plaide au sein de cette enceinte pour une évolution des critères de comptabilisation en complétant l'indicateur actuel par d'autres indicateurs plus pertinents.
Le document-cadre prévoit de « promouvoir l'utilisation complémentaire d'un indicateur plus large permettant de mieux rendre compte de l'ensemble des efforts consentis en faveur du financement du développement ».
La France a, par le passé plaidé, avec d'autres membres du G8, pour la construction d'un indicateur dit « APD+ », qui aurait vocation à compléter l'indicateur actuel en incluant les investissements directs à l'étranger, les transferts des migrants, les prêts non concessionnels et les financements innovants.
Certains craignent que notre pays ait plus à perdre qu'à gagner dans une redéfinition des modes de comptabilisation, la prise en compte des dépenses fiscales ou des garanties ne suffisant pas à compenser une rigueur accrue dans la comptabilisation des prêts et de certaines dépenses controversées.
Vos rapporteurs estiment qu'il importe avant tout d'avoir des indicateurs pertinents dont le suivi permet de piloter cette politique.
La définition d'un indicateur large est un élément important des discussions à venir sur le cadre post 2015.
Comme il a été précédemment indiqué, cet indicateur large pourrait être complété par une mesure de l'effort budgétaire en faveur du développement et une plus grande utilisation de l'aide pilotable.
L'aide programmable est un concept du CAD qui insiste sur la prévisibilité de l'aide du point de vue du bénéficiaire.
L'aide pilotable est un concept original qui prend le point de vue du donateur (nous) et vise à ne s'intéresser qu'à ce qui peut faire l'objet d'une maîtrise de la part des pouvoirs publics. Elle exclut donc les écolages et les annulations de dettes multilatérales mais comprend aussi bien l'aide bilatérale classique (aide projet, aide budgétaire, C2D, ...) que notre part d'aide multilatérale qui peut être orientée par nos représentants.
Votre commission estime en conclusion de cette partie que l'effort financier de la France en faveur de la coopération au développement doit être suivi à travers trois indicateurs supplémentaires qui devraient figurer dans le DPT : - l'aide pilotable afin d'isoler dans les crédits notifiés ceux sur lesquels le gouvernement a une maîtrise réelle et peut exercer un pilotage, des arbitrages bref une programmation ; - l'effort financier de l'Etat en faveur du développement qui correspond in fine à la contribution des contribuables ; - et un indicateur de flux financiers vers les pays en développement du type APD + ; Elle demande au Gouvernement d'inclure ces indicateurs dans les documents budgétaires et dans sa communication et de les promouvoir au sein des instances internationales et au premier chef au sein de l'OCDE. |
* 20 c'est-à-dire l'APD bilatérale brute de laquelle on déduit un certain nombre de postes qui correspondent à des dépenses non programmables, soit parce qu'elles sont imprévisibles (aide humanitaire, annulation de dettes), soit parce qu'elles n'entraînent pas de flux transfrontaliers (écolage, réfugiés), soit parce qu'elles n'entrent pas dans des accords entre gouvernements (aide aux ONG, aide allouée par les collectivités locales), soit parce qu'elles ne peuvent pas être ventilées (PED non ventilés).
* 21 La détermination des dépenses comptabilisables en APD se fait à partir du programme 303 « immigration et asile », selon une clé de répartition, déterminée à partir des statistiques de l'OFPRA. Seules sont retenues les dépenses concernant les plates-formes d'accueil, centres d'accueil pour demandeurs d'asile (hébergement), hébergements d'urgence et d'accompagnement social, dont la comptabilisation est clairement prévue par les directives du CAD. En 2010, 82,5 % des demandes émanaient de ressortissants d'Etats entrant dans le champ de l'APD. C'est donc ce pourcentage qui a été appliqué au montant des dépenses budgétaires « limitées » effectuées en 2010 au titre de la prise en charge sociale des demandeurs d'asile, pour déterminer le montant à retenir au titre de l'APD.
* 22 Est donc comptabilisée en APD bilatérale la part de rémunération supérieure au taux du marché accordée par la France à la BCEAO et la BEAC sur une partie de leurs réserves de change déposées au Trésor. Cette contribution constitue une aide à la stabilité des réserves de change. De même, la part de rémunération supérieure aux taux de marché versée à la Banque centrale des Comores (ECCB) est comptabilisée en aide publique au développement bilatérale.
* 23 Coordination SUD - L'aide publique au développement dans le projet de loi de finances 2012 -
* 24 3 % si on compte les donneurs hors CAD, 5 à 8 % si on compte que les donneurs CAD et agences multilatérales,