C. L'AIDE À LA SCOLARITÉ

1. La suppression de la prise en charge de la scolarité des lycéens par la loi de finances rectificative d'août 2012

Le Président de la République avait pris l'engagement, pendant la campagne électorale, de supprimer la prise en charge des frais de scolarité des lycéens et de redéployer les moyens correspondants vers les bourses scolaires. Le projet de loi de finances rectificatif pour 2012 du 16 août 2012 a donc effectué cette suppression, dans son article 42.

Cette mesure s'applique dès la rentrée de septembre 2012 pour les pays du rythme nord, et début 2013 pour les pays du rythme sud.

M. Jean-Marc PASTOR, co-rapporteur, souligne que l'engagement présidentiel est tenu et que les crédits consacrés à la PEC sont bien reversés sur les bourses dans le cadre du triennum budgétaire. Les bourses sont portées de 93,6 millions à 110 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2013. Puis, elles s'élèveront à 118 millions pour 2014 et à 125,5 millions en 2015, ce qui correspond bien à l'enveloppe des crédits votés en loi de finances initiale pour 2012. Cette programmation sur trois ans donnera en outre une meilleure visibilité.

M Robert del PICCHIA, co-rapporteur, a développé dans l'avis budgétaire de l'an dernier et dans la discussion du collectif cet été les arguments de fond qui motivent son opposition à une telle suppression. Il ne juge pas utile aujourd'hui de rouvrir un débat dans lequel il s'est totalement engagé au cours de l'année 2012. Considérant qu'un responsable politique doit tenir ses engagements, il prend acte de la suppression de la PEC, annoncée et réalisée par le Président de la République. Cette annonce avait été reprise par les candidats à la députation. Il observe toutefois que l'intégralité des crédits de la PEC ne sera reportée sur les bourses qu'à « horizon 2015 », comme le prévoit la loi de programmation des finances publiques, et non dès 2013, puisque le projet de loi de finances initiale pour 2013 prévoit un total d'aide à la scolarité (110 M€) inférieur de 15 M€ aux crédits totaux ouverts en loi de finances initiale pour 2012 (125 M€), soit une baisse de 12% des crédits totaux d'aide à la scolarité.

Vos deux rapporteurs se sont en outre particulièrement penchés sur l'exécution budgétaire 2012 des crédits d'aide à la scolarité.

Le gouvernement ayant annoncé que des « mesures exceptionnelles » seraient mises en place à la rentrée 2012 pour soutenir les familles que la suppression de la PEC mettrait en difficulté, les consulats recevant pour instruction de les contacter afin qu'elles puissent déposer une demande de bourse lors des secondes commissions locales, ils ont voulu connaitre quels seraient exactement les montants et le nombre de familles concernées.

D'après les informations communiquées par la ministre à vos rapporteurs, sur les 7 500 familles concernées par la suppression de la prise en charge, 680 ont déposé un dossier de demande de bourse .

Vos rapporteurs voient plusieurs explications dans le faible taux de dépôt de bourses de la part des anciens bénéficiaires de la PEC :

- alors que les consulats avaient pour instruction de contacter les familles, l'écart entre le nombre de familles potentiellement bénéficiaires et le nombre de dossiers effectivement présentés laisse penser que l'information ne serait pas bien passée ;

- d'autre part, certaines familles ont vraisemblablement renoncé à déposer une demande de bourse, estimant que leurs revenus étaient trop importants compte tenu des plafonds.

Sur ces 680 demandes, l'AEFE n'a pas encore communiqué le nombre de dossiers acceptés.

D'après les estimations des différents responsables du ministère des affaires étrangères, ces demandes de bourses complémentaires devraient consommer aux alentours de 1,5 million d'euros de crédits complémentaires sur la dotation de l'année 2012 (l'administration a prévu un « réservoir » de crédits ouverts de 2,5 millions d'euros à cet effet, mais l'enveloppe ne devrait pas être consommée en totalité).

M del Picchia, estimant que le coût moyen de la PEC par lycéen du rythme nord était de 3 851 € et en tenant compte de la hausse des frais de scolarité, considère que l'AEFE accordera une bourse - partielle ou totale - à environ la moitié des demandeurs. Il estime que ce chiffre très faible s'explique par le fait que, si le gouvernement a annoncé des « mesures exceptionnelles », les conditions d'attribution des bourses scolaires n'ont pas été modifiées. Des élus à l'Assemblée des français de l'étranger ayant participé aux commissions locales des bourses font remarquer que la plupart des dossiers auraient déjà dû être acceptés en 1 ère commission au titre des bourses scolaires et non de la PEC, les familles répondant parfaitement aux critères.

Or, ce sont en réalité 12,5M€ de crédits 2012 qui ont été annulés par la suppression de la PEC. Il reste donc 10 à 11 millions d'euros théoriquement « disponibles » pour l'aide à la scolarité. Votre commission a vérifié qu'ils seraient bien consacrés à de l'aide à la scolarité à l'étranger, et a obtenu du Gouvernement la réponse suivante sur cette exécution budgétaire :

QUE SONT DEVENUS LES 12,5 M€ DE PEC SUPPRIMÉS EN AOÛT 2012 ?

LA RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À VOS RAPPORTEURS

31,9 M€ ont été inscrits en LFI 2012 pour le financement de la PEC.

Ces crédits ont servi à financer :

- le solde de la PEC pour l'année scolaire 2011/2012 rythme nord (mois de janvier à juin 2012) ;

- la totalité du coût de la PEC pour l'année scolaire 2012 du rythme sud. Ainsi, l'intégralité du coût de l'année 2012 a déjà été financée.

Cette dépense de PEC pour 2012 avait été estimée à 19,4 M€ : le montant de crédits PEC résiduel aurait ainsi été de 12,5 M€ (31,9 - 19,4).

Or cette dépense s'établit à ce jour à 18,98 M€, effet change inclus. Elle est légèrement inférieure aux prévisions du fait du plafonnement de la PEC, qui a amené un certain nombre des bénéficiaires de la PEC à solliciter une bourse scolaire.

En outre, 2,99 M€ de crédits de PEC ont été gelés (réserve de précaution et surgel en juillet 2012).

Le solde des crédits PEC s'établit donc à ce jour à 9,93 M€ (soit 31,9 - (18,98 + 2,99)).

Sur ce montant, il a été réservé un montant estimé à 2,5 M€ pour financer les mesures d'accompagnement (bourses résultant de la suppression de la PEC).  A ce stade, 10% supplémentaires de familles ont été identifiées par les consulats et les CLB pour toucher une bourse alors qu'elles n'en avaient pas fait la demande.

Le solde disponible s'établit donc à 7,43 M€.

En parallèle, la dépense de bourses scolaires en 2012 a connu une forte dynamique (+18 % enregistré en 1ère commission nationale) sous l'effet notamment de l'augmentation du nombre de lycéens boursiers suite au plafonnement de la PEC.

Ainsi, restent à ce jour à financer pour les bourses scolaires en 2012 :

- un besoin supplémentaire maximum d'environ 5 M€ ;

- l'effet change enregistré sur 2012 (2,43 M€ enregistrés pour les bourses scolaires).

L'intégralité des crédits ouverts (après gel) sera donc consacrée à l'aide à la scolarité, comme le Président de la République s'y était engagé.

Source : DFAE, ministère des affaires étrangères

D'après les informations communiquées à vos rapporteurs, les crédits rendus disponibles par la suppression de la PEC ont donc été consommés en 2012 par :

- la réserve légale de précaution qui affecte systématiquement 6% des crédits votés et le « surgel » de cette ligne budgétaire à l'été 2012 à hauteur de 1M€ ;

- l'effet change défavorable ;

- une augmentation spontanée très dynamique des bourses (approximativement chiffré dans les chiffres communiqués à vos rapporteurs à « un maximum d'environ 5 M€ ») qui aurait « absorbé » le volant de crédits restant disponibles.

Vos rapporteurs n'ont pas encore obtenu la réponse de l'administration sur l'exécution du budget des bourses scolaires.

M. del Picchia rappelle que l'article 142 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 dispose que :

« Le Gouvernement joint au projet de loi de finances de l'année une annexe faisant apparaître au sein des crédits destinés à l'aide à la scolarité des élèves français dans les établissements d'enseignement français à l'étranger la part affectée à la prise en charge des frais de scolarité et la part affectée aux bourses scolaires . »

M. del Picchia regrette en conséquence la présentation de l'exécution du budget de la PEC faite par l'administration. En effet, cette présentation ne répond pas à l'exigence du texte de loi précité. De plus, elle n'apparait pas sincère puisque la totalité des charges qui concernent tant les bourses que la PEC est imputée sur le seul budget de la PEC (gel, surgel, effet change, les bourses résultant de la suppression de la PEC, et même le « besoin supplémentaire maximum d'environ 5 M€ » de bourses concernant toutes les classes depuis la maternelle...).

Vos rapporteurs regrettent que des chiffres précis, pourtant demandés, ne leur aient pas été communiqués, pour expliquer cette évolution spontanée particulièrement dynamique des demandes de bourses sur la fin 2012, qui a conduit à « absorber » les crédits libérés par la suppression de la PEC. Pourtant, les dernières commissions locales s'étant réunies, des données précises devraient être disponibles.

2. La réforme du système des bourses
a) Un nouveau système de calcul dont les effets réels sont difficiles à évaluer

Le Gouvernement a indiqué que la suppression de la PEC était la première étape d'une réforme plus globale du système d'aide à la scolarité à l'étranger, dont la deuxième étape serait la réforme du système d'attribution des bourses.

Le Gouvernement poursuit comme objectifs que :

- le système soit ouvert à davantage de familles ;

- qu'il soit plus équitable et ce faisant tienne mieux compte des réalités des coûts de la vie locaux par rapport à l'ancien système des « points de charge » dont le gouvernement estime qu'il était inéquitable et conduisait à privilégier dans certains cas des familles à « train de vie élevé »;

- qu'il soit plus simple et plus transparent pour faciliter la tâche des agents consulaires et des services centraux et plus lisible pour les familles ;

- qu'il soit compatible avec le cadre budgétaire, c'est-à-dire qu'il soit « pilotable » par l'administration, compte tenu de la vive croissance des demandes et du caractère contraint des enveloppes budgétaires.

Dans le système antérieur, une famille avait droit à une bourse en fonction de la comparaison entre les frais de scolarité qu'elle supportait et son revenu disponible , après prise en compte des dépenses réelles (notamment le logement) et d'une évaluation forfaitaire du montant nécessaire pour vivre dans le pays considéré, appelé « revenu minimum ».

Le gouvernement souligne les limites qui marquent à son sens un tel mode de calcul :

- la prise en compte des dépenses réelles, appelées « points de charge négatifs », conduisait à prendre en compte des choix de consommation des familles pour l'attribution des bourses, en particulier leur loyer ;

- les « revenus minima » fixés localement, manquaient de cohérence lorsqu'on les comparait à un indice du coût de la vie ;

- des familles ayant des revenus du simple au décuple bénéficiaient d'un taux de 100% des bourses ;

Les objectifs poursuivis par la réforme du système des bourses sont tout à la fois de rendre le système mieux « pilotable », d'atteindre davantage d'équité, d'élargir le dispositif aux familles à revenus intermédiaires et d'obtenir une plus grande facilité de gestion.

Dans le nouveau système proposé par le gouvernement, c'est le quotient familial réel net des frais de scolarité qui fondera l'ouverture de droit à bourse, et plus précisément le revenu net disponible par unité de consommation après prise en compte des frais de scolarité et pondération au moyen d'un indice de parité de pouvoir d'achat, qui permet d'annuler les effets de la variation du cout de la vie entre les pays.

La formule de calcul devrait être la suivante :

Qf = ((Rn - Fs)/P) x (100/IM)

Qf est le quotient familial réel net des frais de scolarité, en € Paris

Rn est le revenu net

Fs sont les frais de scolarité au sens strict (hors frais parascolaires)

P est le nombre de parts associé à la famille (2,5 parts pour un couple avec un enfant, 2 parts pour une famille monoparentale avec un enfant et 0,5 part par enfant supplémentaire)

IM est l'indice Mercer qui est un indice de parité de pouvoir d'achat permettant de comparer le cout de la vie entre les différents pays.

Si la famille a un quotient inférieur à 3000 € Paris elle bénéficie d'une bourse à 100% ; si le quotient est supérieur à 21 000 € Paris il n'y a pas de droit à bourse, entre les deux l'ouverture du droit à bourse est proportionnel.

En outre, la première année, à titre transitoire et pour lisser les effets pour les familles qui verraient leurs droits diminuer, personne ne peut « perdre » plus de 20 points de droit à bourse.

Malgré des questions répétées sur le sujet il a été impossible à vos rapporteurs d'obtenir l'estimation précise des effets sur les familles de la mise en place de ce nouveau système. Ils le regrettent vivement et ne sont pas ainsi en mesure d'estimer précisément les conséquences de la réforme.

Lors de son audition devant la commission, Mme CONWAY-MOURET a précisé que 300 nouvelles familles entreraient dans le dispositif.

D'autres devraient en sortir, d'autres encore devraient voir leur quotité de droit à bourse modifiée.

M. Robert del Picchia, co-rapporteur, estime que, comparés aux 32 683 élèves qui bénéficiaient soit d'une bourse soit de la PEC l'année passée, le nombre des boursiers, 28 000 au maximum, montre que l'objectif d'ouvrir l'aide à la scolarité à davantage de familles n'est pas atteint ;

M. Jean-Marc Pastor co-rapporteur, juge quant à lui que l'objectif d'équité est atteint par la réforme, car dans le précédent système 1 000 familles (sur 14 257) ayant des revenus nets supérieurs à 20 000 € par an étaient attributaires de bourses à 100%.

Plus précisément, d'après de premières estimations données à l'oral à vos rapporteurs par les personnes auditionnées, 52% des familles bénéficiaient de bourses à 100% et 68% étaient entre 80 et 100% dans l'ancien système, pourcentages qui passeraient à, respectivement , 35% à 100% et 56% entre 80 et 100%. Les bourses à 100% seraient donc plus concentrées sur les familles aux revenus les plus faibles.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES DE L'AIDE À LA SCOLARITÉ

Source : AEFE

b) Un « ticket modérateur » susceptible d'induire à l'avenir un transfert de charges supplémentaire vers les familles ?

Le gouvernement souhaite que le nouveau système permette un « pilotage » des enveloppes budgétaires consacrées aux bourses, dont l'augmentation très dynamique a été de plus de 13% par an en moyenne entre 2007 et 2011, et a même atteint 18% l'année dernière.

Plusieurs effets se cumulent pour expliquer cette croissance : la hausse des frais de scolarité, l'augmentation du nombre des familles et la dégradation de leurs conditions de vie, la hausse des frais parascolaires, et l'effet change pour des prestations payées dans les monnaies locales.

Dans ce cadre est introduite une « contribution additionnelle des familles », « ticket modérateur » qui est en réalité une contribution additionnelle à la charge des familles, qui fonctionne comme un abattement sur la bourse. Ainsi si le calcul du quotient net donne une ouverture de droit à bourse de 70%, l'attribution réelle se fera sur 68% des frais de scolarité.

L'idée est que cette contribution est déterminée ex ante (par exemple : 2 points d'abattement sur le taux de bourse auquel on pourrait prétendre en fonction de ses revenus), puis peut être ajustée au moment de la Commission nationale des bourses au vu des remontées en Commissions locales des bourses et de la consommation prévisionnelle des enveloppes.

Ce mécanisme d'abattement ne touchera pas les boursiers à 100 % et frappera dans des proportions moindres les boursiers entre 80 et 100 % (1 point d'abattement au lieu de 2). Ce mécanisme accentue donc l'effet redistributif.

Agissant comme un ticket modérateur ajustable, votre commission redoute que ce système, destiné à garantir la soutenabilité financière du système, n'occasionne des transfert de charge vers les familles, ou ne serve à réguler la dépense.

c) Quel rôle pour les commissions locales des bourses ?

Les commissions locales des bourses répartissent aujourd'hui entre les bénéficiaires les crédits délégués par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, dans le respect de critères généraux fixés par l'instruction générale sur les bourses scolaires de l'AEFE.

D'après les informations obtenues par vos rapporteurs, il apparait que, bien que le nouveau mode de calcul des bourses paraisse finalement très « mathématique » et donc laissera peu de marge à la modulation en fonction des situations locales, le Gouvernement entende toutefois doter les commissions locales de pouvoirs d'appréciation, soit pour porter à 100% des quotités de bourses qui seraient à 90%, soit pour apprécier telle ou telle « situation dérogatoire ».

Les commissions auraient, de plus, le pouvoir de fixer des « seuils d'exclusion » en matière de patrimoine mobilier et immobilier des familles.

Vos rapporteurs approuvent l'idée d'une certaine autonomie d'appréciation et de décision des commissions locales des bourses, pour permettre une analyse la plus fine possible des situations humaines.

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