C. UNE PARTICIPATION FINANCIÈRE IMPORTANTE AUX OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX
1. Un poids croissant dans le budget du Quai d'Orsay
Les opérations de maintien de la paix sont le bras armé par excellence de l'ONU. Elles représentent un investissement considérable en moyens financiers et humains et en crédibilité politique, qui dépasse tout le reste de l'activité de l'organisation.
Les opérations de maintien de la paix se sont multipliées ces dernières années et sont devenues multidimensionnelles et complexes , ce qui a provoqué l'adoption de mandats plus difficile à mettre en oeuvre.
S'agissant des effectifs des opérations, alors que les Casques bleus étaient 12 000 en 1996, et 20 000 en 2000, ils sont au nombre d'environ 97 500 aujourd'hui : au 30 juin 2012, plus de 81 070 militaires étaient déployés, plus de 14 093 policiers, ainsi que près de 2 290 observateurs militaires.
Les plus importantes missions sont la MINUAD (mission hybride Nations unies - Union africaine au Darfour) avec plus de 22 445 personnels en uniforme, la MONUSCO (République démocratique du Congo) avec environ 19 144, la FINUL (Liban) avec environ 11 571, l'ONUCI (Côte d'Ivoire) et la MINUSTAH (Haïti) avec chacune près de 11 000, la MINUL (Liberia) avec 9 200 et la MINUSS (Soudan du Sud) avec 6 112.
Au 30 juin 2012, 120 États membres contribuaient aux effectifs des OMP. 14 États fournissent chacun plus de 2 000 hommes. Parmi eux, le sous-continent indien, qui fournit plus de 30 000 Casques bleus, soit le tiers du total, constitue de loin le premier contributeur de troupes. Le Bangladesh, le Pakistan, l'Inde et l'Éthiopie sont les quatre premiers contributeurs.
Parallèlement à ce développement quantitatif, on constate une complexité et une diversité croissantes des missions. La fin de la guerre froide a accéléré un changement considérable dans les opérations de maintien de la paix des Nations unies. Le Conseil de sécurité a mis en place des missions de maintien de la paix plus importantes et plus complexes, souvent en vue de faciliter la mise en oeuvre d'accords de paix globaux entre des protagonistes intra-étatiques.
La plupart de ces missions sont multidimensionnelles, englobant la construction d'un Etat de droit, la protection des droits de l'Homme, le soutien au processus politique, l'assistance économique et humanitaire, les processus de désarmement, démobilisation et réinsertion, la réforme des secteurs de la sécurité... Les missions dépassent donc bien souvent le strict cadre sécuritaire du maintien de la paix, et s'avancent sur le terrain de la consolidation de la paix.
Les opérations de maintien de la paix représentent aujourd'hui 16 opérations, près de 100 000 personnels en uniforme, et 7,8 milliards de dollars de dépenses.
Votre commission estime que l'efficacité de ces opérations suppose leur professionnalisation et leur articulation avec les autres modes d'intervention (aide humanitaire, réhabilitation, développement) dans un véritable continuum intégré .
LA PARTICIPATION FRANÇAISE AUX OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX La France est le 26 ème pays contributeur de troupes aux OMP (2 ème membre de l'UE, 2 ème des membres permanents du Conseil de sécurité), avec 1 009 hommes déployés (56 policiers et gendarmes, 21 observateurs militaires et 932 soldats) principalement au sein de la FINUL au Liban et de la MINUSTAH en Haïti. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité, sa quote-part au budget des OMP est majorée à 7,54 % (contre 6,12 % au budget ordinaire) soit une contribution de 379 millions d'euros pour l'année 2011-2012. La contribution des pays de l'Union Européenne s'élève à 38,39 %. |
Les opérations de maintien de la paix de l'ONU |
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Acronyme français |
Acronyme anglais |
Nom français |
Nom anglais |
BNUB |
BNUB |
Bureau des Nations unies au Burundi |
United Nations Office in Burundi |
FINUL |
UNIFIL |
Force intérimaire des Nations unies au Liban |
United Nations Interim Force in Lebanon |
MANUA |
UNAMA |
Mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan |
United Nations Assistance Mission in Afghanistan |
MANUI |
UNAMI |
Mission d'assistance des Nations unies pour l'Iraq |
United Nations Assistance Mission for Iraq |
MINUL |
UNMIL |
Mission des Nations unies au Libéria |
United Nations Mission in Liberia |
MINURSO |
MINURSO |
Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental |
United Nations Mission for the Referendum in Western Sahara |
MINUSS |
UNMISS |
Mission des Nations unies au Soudan du Sud |
United Nations Mission in the Republic of South Sudan |
MINUSTAH |
MINUSTAH |
Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti |
United Nations Stabilization Mission in Haiti |
MINUT |
UNMIT |
Mission intégrée des Nations unies au Timor-Leste |
United Nations Integrated Mission in Timor-Leste |
MISNUS |
UNSMIS |
Mission de supervision des Nations unies en République arabe syrienne |
United Nations Supervision Mission in Syria |
MONUSCO |
MONUSCO |
Mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RD Congo |
United Nations Organization Stabilization Mission in the DR Congo |
ONUCI |
UNOCI |
Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire |
United Nations Operation in Côte d'Ivoire |
ONUST |
UNSTO |
Organisme des Nations unies chargé de la surveillance de la trêve |
United Nations Truce Supervision Organization |
UNFICYP |
UNFICYP |
Force des Nations unies chargée du maintien de la paix à Chypre |
United Nations Peacekeeping Force in Cyprus |
UNISFA |
UNISFA |
Force intérimaire de sécurité des Nations unies pour Abyei |
United Nations Interim Security Force for Abyei |
UNMOGIP |
UNMOGIP |
Groupe d'observateurs militaires des Nations unies dans l'Inde et le Pakistan |
United Nations Military Observer Group in India and Pakistan |
Source : Représentation permanente de la France auprès des Nations unies
2. Une lisibilité budgétaire perfectible
Les contributions aux opérations de maintien de la paix exercent une double pression budgétaire sur le ministère des affaires étrangères : de part la croissance des dépenses, d'une part, mais aussi de par leur caractère difficilement prévisible et la déconnexion des appels de fonds par rapport aux exercices budgétaires nationaux.
a) Des décaissements 2013 difficilement prévisibles
L'exercice budgétaire 2013, pour la part consacrée aux opérations de maintien de la paix, est particulier car le barème qui fixe les quotes-parts fera l'objet d'une révision à la fin 2012. En conséquence, les appels à contribution, traditionnellement lancés à partir de juillet pour les 12 mois suivants, ne couvrent cette année que le premier semestre. Afin d'éviter un report de charges trop important sur le budget 2013, il sera proposé au Secrétariat général des Nations unies de procéder avant la fin 2012 au paiement par anticipation de la contribution de la France pour la période courant jusqu'au 30 juin 2013.
Sous réserve du résultat des négociations budgétaires qui se tiendront à l'ONU et qui détermineront le montant du budget des OMP pour la période courant à partir du 1 er juillet 2013, le montant des contributions françaises devrait évoluer en 2013 suivant deux facteurs contradictoires :
- à la hausse , du fait du renforcement de l'AMISOM décidé à la suite du sommet de Londres du 23 février 2012 ;
- à la baisse , en raison des efforts d'économies sur l'ensemble des missions pour lesquelles la France et ses partenaires européens considèrent qu'il existe des marges budgétaires. Les missions d'évaluations des OMP relatives à la MINUL et à l'ONUCI recommandent une réduction du format des troupes et pourraient donner lieu à des réductions des budgets de ces missions pour les exercices à venir, sous réserve de l'issue des négociations de mai 2013. Cela pourrait également être le cas de la MINUAD. Le mandat de la MINUT se termine le 31 décembre 2012. La MINUS a été définitivement arrêtée mais partiellement reprise par la FISNUA et la MINUSS.
Il est donc particulièrement difficile d'avoir une claire vision de l'évolution de ces dépenses pourtant très prégnantes au sein du budget du Quai.
b) Des sommes potentiellement impactées par la renégociation des quotes-parts
Les OMP sont financées sur la base d'un barème de contributions distinct de celui du budget ordinaire de l'Organisation des Nations unies. Ce barème, profondément réformé en 2000, répartit les États membres de l'ONU en 10 catégories (A à J). Les pays dont le revenu par habitant est inférieur à deux fois la moyenne mondiale bénéficient d'une réduction proportionnelle, de 20 à 90 % par rapport à leur quote-part au budget ordinaire.
Certains pays dont le revenu par habitant est supérieur à ce seuil ont pu toutefois préserver un abattement de 7,5 %. La plupart des pays dont le revenu est supérieur à ce seuil paient la même quote-part au barème spécial pour les OMP qu'au barème ordinaire.
Enfin, les membres permanents du Conseil de Sécurité , y compris la France, sont classés en A, et prennent en charge , au prorata de leur quote-part au budget ordinaire, le dégrèvement accordé aux pays classés aux groupes C à J. En application de ce système, la quote-part de la France est actuellement de 7,564 % (contre 6,123 % pour le budget ordinaire de l'ONU).
La méthodologie d'établissement du barème de contributions doit être révisée avant le 31 décembre 2012. Selon l'issue des négociations tenues en cinquième commission, les contributions françaises à compter du 1 er janvier 2013 pourront être plus ou moins élevées.
c) Des modalités de financement et de remboursement complexes
En outre, la mécanique du financement des opérations de maintien de la paix est particulièrement complexe et illisible.
Les appels à contribution sont émis selon une périodicité très irrégulière qui dépend de la durée des mandats adoptés par le Conseil de Sécurité et de l'articulation entre les décisions du Conseil en matière de mandats et celles de l'Assemblée Générale en matière budgétaire (le cycle budgétaire annuel des OMP courant du 1 er juillet au 30 juin). Les budgets peuvent en outre être révisés en cours d'exercice, en cas d'urgence ou de création de nouvelles opérations.
Les remboursements versés par l'ONU aux pays contributeurs de troupes portent sur les contingents, le matériel et éventuellement les prestations liées :
- au titre des contingents : la mise à disposition de personnels militaires (« casques bleus ») est remboursée sur la base d'un tarif commun à toutes les OMP. Les taux actuels de remboursement versés par l'ONU aux pays fournisseurs de contingents sont, par casque bleu et par mois : 1 028 dollars de solde et d'allocation ; 303 dollars de prime supplémentaire pour les spécialistes ; 68 dollars pour les uniformes et l'équipement ; et 5 dollars pour les armes personnelles ;
- au titre du matériel militaire : le département des opérations de maintien de la paix (DOMP) négocie avec les pays fournisseurs un contrat de location du matériel, sur la base d'une nomenclature onusienne. La location peut être effectuée avec services, formule selon laquelle le pays fournisseur assure l'entretien du matériel, ou sans services (entretien assuré par l'ONU) ;
- autres prestations : à la demande de l'ONU, les États peuvent également contribuer à la prestation de biens consommables (rations alimentaires), d'équipements (pièces détachées, véhicules...) ou de services (transports), pour lesquels ils sont remboursés sur facture.
La procédure de remboursement auprès du ministère de la Défense est longue et complexe. Ces remboursements ne viennent pas abonder le budget du ministère des Affaires étrangères, qui acquitte les contributions financières aux OMP, mais viennent alimenter, par fonds de concours, ceux des ministères de la Défense et de l'Intérieur , qui assument le coût des contributions en troupes , forces de gendarmerie et de police, de même qu'en matériel .
Chaque OMP est budgétairement individualisée, en recettes et en dépenses, sans possibilité d'abondement par d'autres sources budgétaires. Le calendrier des remboursements dépend donc de l'état de la trésorerie de l'ONU et peut varier sensiblement d'une année sur l'autre. Pour l'exercice 2010-2011, et sous réserve du paiement des contributions par les états membres, les mouvements de décaissement devraient être trimestriels. Il peut arriver parfois qu'une mission fasse l'objet d'un décaissement annuel lorsque la trésorerie n'est pas suffisante pour assurer un paiement régulier (exemple : ONUCI en 2009).
Dans les faits, un décalage important est constaté entre la dépense supportée par les forces armées et le remboursement effectué par l'ONU, qui intervient en général dans un délai de 6 mois à 1 an après la réalisation de la dépense. Un paiement par virement est effectué par l'ONU auprès de la représentation permanente de la France auprès des Nations unies, qui le retransmet ensuite à l'état-major des Armées.
SOMMES REMBOURSÉES À LA FRANCE PAR L'ONU AU TITRE DE LA CONTRIBUTION EN TROUPES (EN MILLIONS D'EUROS) :
2004 |
7,42 |
2005 |
15,25 |
2006 |
7,92 |
2007 |
23,10 |
2008 |
40,66 |
2009 |
34,55 |
2010 |
36,50 |
2011 |
33,60 |
2012 (perçus) |
28,60 |
2013 (prévisions) |
20 |