B. LA COMPÉTITIVITÉ A OPPORTUNÉMENT ÉTÉ REMISE AU CENTRE DES PRÉOCCUPATIONS
Les mérites du rapport de M. Louis Gallois et son caractère consensuel ont été amplement soulignés.
Votre rapporteure pour avis sans intention polémique mais par souci de lucidité économique, a estimé utile de souligner, de la façon la plus objective possible, deux aspects qui n'ont été évoqués que de façon marginale mais qu'il est essentiel de ne pas écarter du débat relatif au commerce extérieur, à la compétitivité et à l'attractivité de la France.
Tout d'abord, en réponse à la question des 35 heures que votre rapporteure a soulevée lors de l'audition du 7 novembre dernier de M. Louis Gallois, ce dernier a répondu en rappelant ses réserves au moment de l'adoption de cette mesure mais a considéré qu'il s'agissait désormais d'un fait social établi. Puis il a estimé que le problème principal tenait aujourd'hui au taux d'emploi de nos concitoyens, qui rentrent particulièrement tard - 28 ans - sur le marché du travail et en sortent tôt - 58 ans en moyenne, avant de conclure que la population active est, en France, plus petite qu'ailleurs et les charges sociales qui pèsent sur elle, plus lourdes. De façon plus précise, son rapport du 5 novembre 2012, constate que la productivité horaire du travail en France est encore une des plus fortes d'Europe mais que cet avantage est compensé de manière négative par la « faiblesse du couple durée du travail - taux d'emploi qui coûte cher et limite la croissance potentielle de l'économie ».
L'incidence de la réduction de la durée du travail à 35 heures, assortie du maintien de la rémunération correspondant à 39 heures, sur le déclin de la compétitivité de notre « secteur exposé » à la concurrence mériterait sans doute de pouvoir être analysée de façon objective et lucide - en la resituant, bien entendu, dans l'ensemble plus vaste des causes de cette dégradation. L'utilité d'un tel examen rétrospectif, illustré par l'encadré ci-dessous, est, pour l'avenir, de prendre conscience de la nécessité de ne pas affaiblir les dispositifs permettant aux salariés d'augmenter à la fois leur pouvoir d'achat et leur durée du travail, sur la base d'une négociation au sein de l'entreprise.
Les conséquences de la réduction du temps de travail . « Une réduction de la durée du temps de travail de 39 à 35 heures payées 39 représente potentiellement un choc de coût du travail ex ante de 11,4 %. C'est un choc supérieur à celui des années quatre-vingt (hausses salariales, hausses des cotisations sociales, baisse autoritaire de la durée de 40 à 39 heures entièrement compensée). Ces chocs avaient été à l'époque suivis d'une perte de compétitivité, d'une augmentation massive du chômage (augmentation de 4 points du taux de chômage de 1980 à 1986) et d'un recul industriel sans précédent que nous avons enrayé mais que nous n'avons jamais effacé. Les contraintes sont aujourd'hui plus grandes ; nous avons renoncé à l'arme défensive de la dévaluation et la concurrence mondialisée est plus intense qu'il y a quinze ans. ». |
Source : Extrait du premier rapport publié en 1997 par le Conseil d'Analyse Economique, créé à l'initiative du Premier ministre .
Par ailleurs, lors de son audition au Sénat, M. Louis Gallois, préalablement à la présentation de son rapport, a évoqué les faiblesses structurelles de notre économie en soulignant, entre autres, le niveau élevé des dépenses publiques qui alourdit la fiscalité pesant sur nos entreprises avant de déplorer l'empilement administratif, la sur-réglementation, l'instabilité réglementaire qui brouillent l'horizon des firmes. Il a indiqué qu'il partageait sur tous ces sujets, l'essentiel du diagnostic établi par les travaux de la Commission pour la libération de la croissance française présidée par M. Jacques Attali.
Votre rapporteure pour avis estime que ces enjeux structurels continuent d'exercer une influence majeure sur le déclin de la compétitivité de notre économie. En complément du débat relatif à la compétitivité prix ou coût ainsi qu'à la compétitivité fiscales de la France, il lui semble utile d'insister sur le concept moins galvaudé mais tout aussi pertinent de la « compétitivité - temps ». Dans son rapport publié en juillet 2012 sous l'égide de Terra Nova « Investir dans l'avenir - Une politique globale de compétitivité pour la France », M. Louis Schweitzer, Président d'honneur de Renault, ancien directeur du budget et ancien président de la HALDE, rappelle que « le temps, c'est de l'argent. En France, les investisseurs en perdent beaucoup plus qu'ailleurs : le temps administratif préalable aux autorisations, permis de construire, enquêtes publiques, concertation, la lenteur des procédures de plans sociaux...) et les délais aval (temps judiciaire notamment) comptent parmi les plus élevés de l'OCDE ». A son avis, tout cela « terrifie littéralement les investisseurs étrangers. ».
Ce propos mérite à la fois d'être approuvé et nuancé en faisant observer que les praticiens du commerce international, entendus au cours des auditions, ont rappelé que le parcours de l'exportateur français était également semé d'embuches, en particulier dans un certain nombre de pays émergents.
OBSERVATION RELATIVE AUX CRÉDITS CONSACRÉS AU TOURISME Le programme 134, support du volet commerce extérieur, concernant également le tourisme, votre rapporteure pour avis tient à rappeler que la France demeure la première destination touristique mondiale avec, en 2011, plus de 81 millions de visiteurs étrangers. L'enjeu est immense : il se chiffre à près de 40 milliards d'euros de recettes, un solde net de 7,5 milliards d'euros d'entrées de devises, un million d'emplois directs et autant d'emplois indirects sur l'ensemble de nos territoires. Elle constate que certains acteurs de terrain se sont déclarés choqués par le traitement budgétaire de ce secteur vital pour notre pays. En effet, le tourisme ne fait plus l'objet d'un programme comme l'année dernière. Le projet de loi de finances pour 2013 les intègre en tant qu'action n° 21 au programme 134, renommé pour l'occasion « Développement des entreprises et du tourisme ». Certes, l'image du tourisme en France ne se limite pas à sa nomenclature budgétaire, et certains font valoir que le mécanisme de « fongibilité » des crédits ne s'applique qu'à l'intérieur d'un même programme, ce qui pourrait permettre de mutualiser les moyens de ce dernier au bénéfice de l'action consacrée au tourisme. Toutefois, la baisse des crédits consacrés au tourisme pour 2013 atteint 13,4 % et va principalement diminuer les moyens de l'agence de développement touristique Atout France dont la subvention à hauteur de 31,8 millions d'euros représente 84 % des crédits de l'action Tourisme. Alors que l'essor de la demande touristique mondiale demeure une opportunité économique essentielle pour la France, votre rapporteure pour avis estime nécessaire d'investir davantage dans sa promotion et la qualité de son offre . |