II. UN EFFORT PORTÉ SUR LA RÉDUCTION DES DÉLAIS D'INSTRUCTION DES DEMANDES D'ASILE
La charge budgétaire de la demande d'asile reposant essentiellement sur l'hébergement des demandeurs d'asile (194 millions d'euros inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 s'agissant du financement des CADA, 90,91 millions d'euros s'agissant du financement de l'hébergement d'urgence) et sur l'allocation temporaire d'attente (89,65 millions d'euros inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012), le Gouvernement compte sur une réduction des délais d'instruction des demandes d'asile pour parvenir à une diminution de cette charge budgétaire. En effet, à l'issue de l'instruction de sa demande par l'OFPRA et, le cas échéant, par la CNDA, le demandeur d'asile se trouve soit débouté de sa demande - et dans ce cas, sauf s'il sollicite un réexamen de celle-ci, il n'est plus éligible aux différentes aides mentionnées ci-dessus -, soit il est reconnu réfugié ou bénéficiaire de la protection subsidiaire - et dans ce cas également, il « sort » du dispositif.
Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, M. Stéphane Fratacci, secrétaire général à l'immigration et à l'intégration, a estimé à environ 15 millions d'euros l'économie globale réalisée par la diminution d'un mois du délai moyen d'instruction des demandes d'asile.
Le Gouvernement utilise deux moyens distincts pour réduire les délais d'instruction des demandes :
- d'une part, l'allocation de moyens supplémentaires à l'OFPRA et la CNDA, afin de permettre à ces derniers d'examiner plus rapidement les demandes qui leur sont soumises ;
- d'autre part, un recours accru à la procédure prioritaire.
S'il y a lieu de saluer la démarche consistant à diminuer les délais d'instruction des demandes d'asile devant l'OFPRA et la CNDA - en ce qu'elle permet aux demandeurs d'asile de bonne foi d'obtenir plus rapidement une décision sur leur situation et de sortir du dispositif précaire que constitue le statut de demandeur d'asile -, il y a lieu en revanche de s'inquiéter d'un recours excessif à la procédure prioritaire, qui limite significativement l'exercice de leurs droits par les personnes concernées.
A. L'AFFECTATION DE MOYENS SUPPLÉMENTAIRES À L'OFPRA ET À LA CNDA
1. L'OFPRA
Créé en 1952, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est un établissement public administratif de l'Etat placé, depuis le 15 novembre 2010, sous la tutelle du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Son financement est assuré presque intégralement par une subvention pour charges de service public versée par ce ministère. Depuis l'entrée en vigueur de la loi n°2003-1176 du 10 décembre 2003 précitée, il instruit l'ensemble des demandes d'asile formulées auprès des autorités françaises (asile conventionnel et constitutionnel, protection subsidiaire).
Au cours des années récentes, l'OFPRA s'est engagé dans une démarche, formalisée par un contrat d'objectifs et de moyens signé le 9 décembre 2008, visant à améliorer la qualité de son travail.
En 2010, il a bénéficié d'un budget de 32,4 millions d'euros et d'un plafond d'emplois fixé à 412 ETP. 87,6 de ces 412 ETP étaient des contractuels.
Afin de lui permettre de répondre à l'accroissement continu de la demande d'asile depuis 2008 et à l'objectif de résorption du stock existant au 31 décembre 2010, ses moyens ont été provisoirement revus à la hausse avec le recrutement à partir du 1 er janvier 2011 de 30 nouveaux officiers de protection contractuels, initialement prévu pour une période de 18 mois. En 2011, l'OFPRA a ainsi disposé d'un budget de 34,5 millions d'euros et d'un plafond d'emplois porté à 442 ETP.
Parmi ces emplois, le nombre d'agents spécialement affectés à l'instruction des demandes d'asile est passé de 106 ETP en 2007 à 155 en 2011 - chaque agent instructeur ayant pour objectif l'examen de 385 dossiers dans l'année.
Afin de faire face à la poursuite de l'augmentation de la demande d'asile en 2011 et au risque corrélatif d'augmentation des délais de traitement des demandes et des dossiers en attente, le Gouvernement a décidé en septembre 2011 de pérenniser le recrutement des 30 officiers de protection supplémentaires et des 10 agents contractuels recrutés en 2011, dont le financement était assuré jusqu'à mi-décembre 2012, et de créer 5 emplois d'officiers de protection supplémentaires. Il a annoncé qu'un amendement au PLF pour régulariser en ce sens le plafond d'emplois de l'OFPRA serait déposé au cours de la discussion budgétaire . En revanche, le budget de l'Office diminuerait légèrement en 2012, passant de 34,5 millions d'euros en 2011 à 34,35 millions d'euros l'an prochain.
Jusqu'à présent, l'octroi de ces moyens supplémentaires à l'OFPRA ne lui a pas permis de compenser l'augmentation significative du nombre de demandes d'asile : le délai moyen de traitement d'une demande d'asile (toutes décisions confondues) est passé de 100 jours en 2008 à 118 jours en 2009 puis à 145 jours en 2010 . Au début de l'année 2011, le délai moyen constaté d'examen d'une demande par l'OFPRA était de 159 jours (5,3 mois), soit 14 jours de plus que l'année précédente, mais il était de 184 jours s'agissant des premières demandes (6,13 mois), soit 18 jours de plus qu'au début de l'année 2010.
Délai moyen d'examen des demandes par l'OFPRA
(*) Données provisoires six mois
Remarques : tous les délais sont exprimés en jours calendaires.
Délai de traitement = nombre de jours écoulés entre la date de dépôt et la date de décision d'accord ou de rejet de l'OFPRA.
Délai médian = 50% des dossiers traités l'ont été en moins de x jours.
Jusqu'en 2005, ce délai ne prenait en compte que les décisions prises sur les premières demandes. A partir de 2006, compte tenu de la part croissante des réexamens dans l'activité (22,3% en 2008), mais aussi de la hausse des délais consécutive à la réduction des stocks et notamment de l'effort porté sur les dossiers de plus d'un an, ce délai a été mesuré sur l'ensemble des décisions, premières demandes et réexamens.
Source : ministère de l'Intérieur (secrétariat général à l'immigration et à l'intégration)
L'objectif du Gouvernement, retracé dans l'indicateur 2.1 du projet annuel de performances, est de revenir à un délai moyen d'examen de 130 jours en 2012 et de 115 jours en 2013.
2. La CNDA
Successeur de la Commission des recours des réfugiés (CRR), qui relevait administrativement de l'OFPRA, la Cour nationale du droit d'asile a été rattachée en 2009 au programme n°165 : « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives », ce qui lui a permis d'acquérir son indépendance budgétaire et comptable à l'égard de l'établissement public administratif - l'OFPRA - dont elle a la charge de contrôler les décisions.
Environ 85% des décisions de l'OFPRA font à l'heure actuelle l'objet d'un recours devant la CNDA.
Depuis le 1 er septembre 2011, la CNDA est organisée en douze divisions, composées de rapporteurs (qui instruisent les dossiers) et de secrétaires d'audience, et présidées par un magistrat permanent de l'ordre administratif ou de l'ordre judiciaire. Les décisions sont rendues par des formations de jugement présidées soit par le président permanent de la division, soit par un président vacataire, qui a la qualité de magistrat de l'ordre administratif, de l'ordre judiciaire ou relevant des juridictions financières. La Cour compte ainsi à l'heure actuelle 12 présidents permanents et 70 présidents vacataires. Les formations de jugement comportent en outre deux assesseurs vacataires ; l'un d'entre eux est désigné par le vice-président du Conseil d'État, sur proposition de l'un des ministres représentés au conseil d'administration de l'OFPRA, le second par le Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR) sur avis conforme du vice-président du Conseil d'État. A l'heure actuelle, la Cour dispose ainsi d'un peu plus de 80 formations de jugement . En 2010, elle a été saisie de 27 445 recours et a rendu 23 934 décisions.
La Cour nationale du droit d'asile est confrontée à l'heure actuelle à un double enjeu :
- d'une part, un accroissement massif du nombre de recours (+15% en 2009, +9,6% en 2010), mécaniquement amplifié en 2011 par l'augmentation de la capacité d'instruction de l'OFPRA (le Gouvernement estimant à environ 5 000 en 2011 et 3 000 en 2012 le nombre de recours induits par la seule activité des 30 officiers de protection supplémentaires recrutés en 2011 par l'Office) ;
- d'autre part, un fort développement des demandes d'aide juridictionnelle, depuis qu'a été supprimée le 1 er décembre 2008 la condition d'entrée régulière sur le territoire. Au cours des années 2009-2010, la Cour a été confrontée à un nombre de demandes formulées parfois le jour même de l'audience, multipliant de ce fait le nombre de renvois et accroissant mécaniquement le délai moyen de jugement. Cette difficulté a été récemment réglée par l'encadrement des conditions d'accès à l'aide juridictionnelle devant cette juridiction (voir infra ).
Du fait de la conjonction de ces deux éléments, le délai moyen de jugement des recours devant la Cour nationale du droit d'asile n'a cessé de croître, atteignant environ 15 mois en 2009 et 2010 .
Afin d'enrayer ce mouvement, le Gouvernement a mis en oeuvre un plan d'action ambitieux visant à renforcer significativement la capacité de jugement de la Cour. Celui-ci s'est traduit par le recrutement de rapporteurs supplémentaires , dont le nombre est passé de 70 fin 2009 à 135 fin 2011 . Quinze recrutements supplémentaires sont prévus pour l'année 2012.
Cet effort très important a permis à la Cour de tenir 3 000 audiences et de rendre 38 000 décisions en 2011 (contre 24 000 en 2010). Elle devrait rendre 47 000 décisions fin 2012, sous réserve du recrutement de présidents et d'assesseurs vacataires supplémentaires.
Corrélativement, le délai prévisible moyen de jugement a significativement diminué, permettant d'envisager un délai moyen de neuf mois dès la fin de l'année 2011 et de six mois à la fin de l'année 2012.
Lors de son audition, Mme Martine Denis-Linton, présidente de la Cour nationale du droit d'asile, s'est félicitée de cet effort réalisé en faveur de la Cour par le Conseil d'Etat, lui donnant ainsi les moyens de fonctionner dans des conditions satisfaisantes.
Délai prévisible moyen de jugement par la CNDA
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
Prévision 2011 |
|
Délai prévisible moyen de jugement |
5 mois et 21 jours |
12 mois et 29 jours |
10 mois et un jour |
10 mois et trois jours |
15 mois et 12 jours |
14 mois et 28 jours |
9 mois |
NB : Les délais de jugement mentionnés ci-dessus sont les délais moyens prévisibles, qui expriment le temps moyen nécessaire pour qu'un recours soit jugé. Ils expriment ainsi la capacité de jugement de la juridiction.
Source : Ministère de l'intérieur (secrétariat général à l'immigration et à l'intégration)