C. PROROGATION DES ZONES FRANCHES URBAINES À TRAVERS L'ARTICLE 64 RATTACHÉ
L'article 64 rattaché du projet de loi de finances pour 2012 proroge de trois ans - jusqu'au 31 décembre 2014 - les exonérations en cours, tout en renforçant les contreparties d'emploi : pour bénéficier des exonérations sociales et de certaines exonérations fiscales, les entreprises qui se créeront ou qui s'implanteront en ZFU à partir du 1 er janvier 2012 devront employer au moins la moitié de salariés résidant en ZFU ou en ZUS, contre un tiers auparavant , ce taux ne s'appliquant précédemment que pour les exonérations sociales. Les députés, sur proposition de M. François Pupponi, ont prolongé le délai jusqu'au 31 décembre 2016, avant de revenir sur leur décision en seconde délibération .
La prorogation des ZFU est la seule « bonne nouvelle » de ce projet de loi de finances. Cependant, votre rapporteur pour avis s'interroge sur l'efficacité de la nouvelle clause d'emploi .
Créées en 1996, les ZFU visent à renforcer la diversité fonctionnelle des quartiers de la politique de la ville, en encourageant des entreprises à y poursuivre leur activité ou à venir s'y installer, tout en y encourageant l'emploi des habitants de ces quartiers et de leur voisinage. Les territoires concernés sont sélectionnés à partir d'un indice d'acuité des difficultés économiques et sociales. Les PME qui s'y trouvent ou s'y installent (dans des communes de plus de 8 500 habitants) bénéficient d'exonérations fiscales et de cotisations sociales à taux plein pendant cinq ans , puis à taux dégressif pendant trois à neuf ans (selon la taille de l'entreprise) 100 ( * ) . En contrepartie, elles doivent satisfaire une clause d'embauche : compter parmi leurs salariés au moins un tiers d'habitants de ZUS ou de ZFU.
Au gré des trois « générations » de zones franches, les bilans ont avec constance souligné tout à la fois leur efficacité pour maintenir et attirer de l'activité dans les territoires concernés , mais également le relatif échec de leur volet emploi : des entreprises viennent s'installer ou se maintiennent dans les ZFU 101 ( * ) , elles embauchent - 11 000 emplois en 2009, selon l'Onzus - mais la situation des habitants des ZUS vis-à-vis de l'emploi ne s'améliore pas . Les quelque 100 ZFU comptent aujourd'hui environ 55 000 entreprises, représentant environ 300 000 salariés, mais le chômage dans les ZUS a continué de progresser, en particulier pour les jeunes : il atteint 43 % pour les jeunes hommes et 37 % pour les jeunes femmes, et l'Onzus s'alarme du retrait du marché de travail de la part en particulier de femmes, découragées face aux difficultés d'accès à l'emploi 102 ( * ) .
Les analyses locales démontrent que l'un des principaux freins à l'emploi des habitants des ZUS résulte de leur plus faible niveau de qualification et d'expérience d'emploi : les entreprises , même lorsqu'elles veulent « jouer le jeu » de l'emploi local, trouvent difficilement à embaucher dans les quartiers eux-mêmes . Des expériences locales ont montré, de leur côté, l'utilité des diverses formules de « mise à l'emploi » pour les populations qui en sont les plus éloignées et l'importance d'assortir les mécanismes « aveugles » comme les ZFU, d'intermédiation ciblée sur des populations.
Le dispositif arrivant à sa fin au 31 décembre 2011 , de nombreuses voix ont demandé sa prorogation, soulignant son impact pour l'emploi dans les territoires en difficulté. Le groupe de travail présidé par notre collègue député M. Eric Raoult, appelant au maintien des ZFU, a souhaité une inflexion pour accentuer l'obligation d'emploi des habitants des ZUS et mieux mobiliser les partenaires pour obtenir davantage de foncier et sécuriser les investissements dans les zones franches.
Votre rapporteur pour avis se félicite de la prorogation des ZFU et souligne que la mesure aura un impact budgétaire limité pour 2012 : les allégements de charges sociales conséquentes sont évaluées à 11 millions d'euros imputés sur le programme 147 103 ( * ) . Le nombre d'embauches en ZFU est évalué à 9 500 pour l'an prochain, dont les trois quart dans des entreprises bénéficiant du dispositif. Dans ces conditions , si le « durcissement » de la clause d'emploi devait réduire trop l'attractivité du dispositif, il faudrait revenir à une clause plus large dans les meilleurs délais . Votre rapporteur pour avis propose de suivre de près le différentiel du taux d'installation des entreprises : si l'écart devait se réduire de manière sensible dès l'an prochain, il faudrait en tenir compte lors de la prochaine loi de finances.
Enfin, la prorogation du dispositif jusqu'en 2016 apparaît très utile. Les ZFU, pour être attractives, nécessitent des aménagements urbains : un délai trop court pourrait dissuader les acteurs locaux à réaliser ces aménagements indispensables . Sur proposition de votre rapporteur pour avis, la commission a donc adopté un amendement prorogeant les ZFU jusqu'au 31 décembre 2016 .
* 100 Les PME bénéficient d'une exonération de cotisations sociales patronales de sécurité sociale (hors accidents du travail et maladie professionnelle), de cotisation au titre du fonds national d'aide au logement et de versement « transport ». L'exonération s'applique aux salaires des employés en CDI (ou en CDD d'au moins douze mois) présents dans l'entreprise ou embauchés dans les cinq ans suivant la création ou le transfert dans la ZFU. L'exonération est de 100 % pendant cinq ans sur la fraction de la rémunération inférieure à 140 % du SMIC, puis elle est dégressive jusqu'à zéro lorsqu'elle atteint un seuil de sortie (2,4 SMIC en 2009, 2 SMIC en 2011). Les entreprises peuvent également bénéficier d'exonérations d'impôt sur les bénéfices, d'impôt sur les sociétés, de cotisation sur la valeur ajoutée et de taxes foncières.
* 101 Les taux d'installation de nouveaux établissements sont en moyenne de 10 points supérieurs dans les ZFU comparativement aux unités urbaines de référence. L'écart, cependant, s'estompe progressivement. Les activités représentées en ZFU sont relativement diversifiées, quoique prédominent les entreprises liées à la construction et au bâtiment (38 %), les activités de commerce et, dans une moindre mesure, celles touchant à la santé. Voir Rapport 2010 de l'Onzus.
* 102 Rapport 2010 de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus),
* 103 Le coût augmenterait cependant pour les années suivantes, puisque la prorogation se traduit par une nouvelle génération de bénéficiaires. A partir de 2013, les compensations d'exonérations de charges sociales représenteraient 22 millions d'euros annuels, si le rythme de 9 500 créations d'emplois était maintenu. S'y ajouteraient le coût fiscal, de 31 millions d'euros en 2013 et 62 millions d'euros en 2014.