B. LA COUVERTURE DU TERRITOIRE EN RÉSEAUX DE TÉLÉPHONIE MOBILE
1. La procédure d'attribution des licences 4G
Quatrième génération de standard pour la téléphonie mobile, après la 2G et la 3G, la technologie 4G devrait offrir des débits théoriques de l'ordre d'une centaine de Mbit/s et ainsi permettre d'accéder aux nouveaux usages du numérique, en mobilité de surcroît.
Du point de vue de l'aménagement du territoire, ce nouveau « saut technologique » est capital dans la mesure où la bande de fréquences des 800 MHz , issue du « dividende numérique » résultant de l'arrêt de la télévision analogique hertzienne, permettra une plus large couverture ; elle devrait donc être particulièrement bien adaptée aux zones rurales, jusqu'ici mal desservies par les réseaux mobiles. Pour les zones urbaines, la bande des 2,6 GHz , qui possède de plus grandes facultés de propagation et permet une meilleure réception dans les bâtiments, semble également bien adaptée.
L'année 2011 a vu l'État français mettre aux enchères les licences de téléphonie mobile pour la bande des 2,6 GHz. Il a retenu un processus d'enchères combinatoires à un tour portant sur quatre bandes de fréquences (A, B, C, D) respectivement de 10,5, 5 et 10 MHz duplex, avec possibilité de cumul jusqu'à 15 MHz duplex, les fréquences étant attribuées pour une durée de 20 ans.
Les candidats devaient respecter diverses contraintes :
- une couverture du territoire national de 98 % et 99,6 % à respectivement 12 ans et 15 ans, une couverture des axes routiers prioritaires à 15 ans, une couverture de la zone prioritaire (représentant environ 18 % de la population métropolitaine) de 40 % et 90 % à respectivement 5 ans et 10 ans, et une couverture par département de 90 % à 12 ans ;
- une obligation de mutualisation dans les communes des programmes zones blanche à 15 ans et une obligation de faire droit aux demandes raisonnables de mutualisation de tout ou partie de la zone prioritaire pour les bandes A, B, C ;
- en cas de candidature à des lots de plusieurs bandes de fréquence, l'obligation de fournir un accueil en itinérance aux opérateurs disposant de licences d'utilisation de fréquences 2,6 GHz.
Par ce « cahier des charges », le Gouvernement poursuivait un triple objectif :
- l' aménagement du territoire . L'article L. 42-2 du code des postes et communications électroniques (CPCE), issu de la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique dans sa version rédigée à l'initiative du Sénat, dispose en effet que les modalités d'attribution des fréquences 4G « tiennent prioritairement compte des impératifs d'aménagement du territoire ». Il s'agit d'un point essentiel sur lequel notre assemblée a toujours insisté de façon consensuelle ;
- la concurrence . L'article L. 32-1 du CPCE dispose ainsi que le ministre chargé des communications électroniques et l'ARCEP veillent « à l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques » ;
- enfin, la valorisation du patrimoine immatériel de l'État . La jurisprudence du Conseil constitutionnel exige en effet que les biens de l'État ne soient pas grevés de droits réels au profit de personnes privées sans contreparties appropriées. Cet objectif a pu être perçu comme étant privilégié au détriment des deux autres, et notamment du premier, le Gouvernement ayant annoncé chercher à récupérer jusqu'à 2,6 milliards d'euros.
C'est finalement le 11 octobre dernier que l'ARCEP a attribué les premiers lots de fréquences 4G aux opérateurs mobiles :
- Orange et Free Mobile ont obtenu les plus grosses parts, avec un lot de 20 MHz de fréquences chacun. Orange avait proposé un montant de 287 millions d'euros environ, et Free de 271 millions ;
- les candidatures de Bouygues Telecom et de SFR ont été retenues pour une quantité de fréquences de 15 MHz. Le premier a proposé un montant de 228 millions d'euros environ, et le second de 150 millions d'euros.
Au total, les quatre opérateurs se sont engagés à payer 936 millions d'euros pour obtenir ces licences dans la bande des 2,6 MHz, pour une mise à prix de départ de 700 millions d'euros.
Puis l'ARCEP a détaillé le cahier des charges portant sur les conditions d'utilisation des fréquences attribuées. En particulier, l'ARCEP a précisé le calendrier de déploiement de la 4G, le taux de couverture attendu et les conditions d'accueil des opérateurs de réseau mobile virtuel (MVNO).
Les exigences de couverture seront identiques pour les quatre opérateurs en lice. Orange, SFR, Bouygues Télécom et Free Mobile devront assurer une couverture de 25 % de la population métropolitaine d'ici quatre ans, à compter de la date d'attribution de l'autorisation. En 2019, les quatre sociétés devront atteindre un niveau de couverture de 60 %, puis 75 % en 2023.
Pour que la couverture soit de qualité, l'ARCEP a listé des critères que les opérateurs devront respecter. L'accès à la 4G doit ainsi permettre « un débit maximal théorique pour un même utilisateur d'au moins 60 Mbit/s dans le sens descendant ». Le réseau doit par ailleurs offrir un taux de réussite minimale permettant d'assurer 95 % des tentatives de connexion, à l'extérieur des bâtiments et 24 heures sur 24, notamment aux heures chargées. Enfin, la disponibilité des fréquences sera étalée jusqu'en 2014 région par région.
La prochaine étape consistera, l'année prochaine, en la procédure d'attribution de la bande 800 MHz, pour laquelle la date de dépôt des candidatures a été fixée au 15 décembre 2011. Le Gouvernement espère en retirer 1,8 milliard d'euros.
Votre rapporteur pour avis s'interroge toutefois sur le respect du critère d'aménagement du territoire . Certes, les taux de couverture sont ambitieux, mais ils doivent être atteints d'ici à douze ans pour la bande des 2,6 GHz et quinze ans pour celle des 800 MHz, soit un délai paraissant long par rapport à la rapidité d'évolution des besoins en matière de bande passante.
2. Les problèmes de couverture persistants des réseaux 2G et 3G
Votre rapporteur pour avis souhaite ici soulever à nouveau une problématique discutée de façon récurrente dans notre assemblée, celle de la couverture du territoire en réseau mobile de deuxième et troisième génération (2G et 3G).
Selon l'ARCEP, au 1er janvier 2009, 97,8 % de la population était couverte en 2 G par les trois opérateurs mobiles ; 100 000 personnes, représentant 2,3 % de la surface du territoire métropolitain, étaient situées en zone blanche ; 50 % des zones blanches étaient concentrées dans treize départements. S'agissant du réseau 3G, et après avoir été mis en demeure par l'ARCEP de tenir leurs engagements, Orange, SFR et Bouygues Telecom ont signé, en février 2010, un accord tripartite dans lequel ils s'engageaient à atteindre d'ici fin 2013 une couverture équivalente à celle de la 2G, soit 99,8 % de la population.
Or, la valeur de ces statistiques de couverture, en 2G comme en 3G, est sujette à caution , notamment parce que l'instrument de mesure utilisé est insatisfaisant dans les communes non encore desservies et bénéficiant du programme d'extension de la couverture en « zone blanche ». En effet, il conduit à considérer comme couverte celles de ces communes dont seul le bourg-centre est desservi.
Il parait donc indispensable à votre rapporteur pour avis de s'accorder sur des critères pertinents pour déterminer les taux de couverture . Il semble tout aussi nécessaire d'achever la réalisation des programmes de résorption des zones blanches, et de traiter les zones grises 12 ( * ) . La mutualisation entre opérateurs est à privilégier dans cette optique, pour les réseaux existants comme pour la réalisation du futur réseau à très haut débit mobile.
* 12 C'est-à-dire les territoires desservis par seulement un ou deux opérateurs.