2. Le mariage forcé : l'intégration de TV5 Monde dans l'AEF
TV5 Monde a un statut multilatéral spécifique et l'entente intergouvernementale conclue entre les partenaires limite fortement les possibilités de synergies entre l'AEF et TV5 Monde.
Le rapport de l'IGF considère même que le positionnement institutionnel de TV5 Monde et la propriété des parts par l'AEF entrainent une inadaptation de la gouvernance :
- « ne possédant pas de représentant au conseil d'administration de TV5 Monde, l'État ne poursuit pas de dialogue direct avec la direction générale de la chaîne : la subvention française aÌ TV5 Monde est noyée dans la subvention de l'État aÌ l'AEF, dont la direction est tenue comptable de la bonne utilisation de l'ensemble de l'enveloppe ;
- la direction de l'AEF ne se considère pas non plus comptable de la bonne utilisation des fonds, dans la mesure ouÌ l'AEF n'est pas actionnaire majoritaire de TV5 Monde, et ouÌ la France s'est engagée aÌ la stabilitéì de la subvention accordée aÌ TV5 Monde.
Dans ce contexte, le responsable du pilotage stratégique de TV5 Monde n'est pas identifieì, ni la direction générale de l'AEF ni aucun service de l'État ne se sentant investi de cette mission .
L'effet déresponsabilisant de ce schéma institutionnel est démultipliéì par la gouvernance multilatérale de la chaîne, et par les possibilités d'évocation au niveau politique des décisions du conseil d'administration mises en place par la charte constitutive de TV5 Monde ».
Pour sortir de cette situation, la mission envisage trois scénarios nécessitant en tous les cas une renégociation de la charte constitutive de TV5 Monde : le regroupement des parts de la France de TV5 Monde au sein de l'AEF , le regroupement des parts de la France au sein d'un autre groupe audiovisuel français , ou l'autonomisation de la chaîne .
Quelle que soit l'option choisie, il paraît nécessaire qu'un choix soit fait rapidement afin que la tutelle puisse jouer pleinement son rôle.
3. Un remariage possible ?
Les liens entre les acteurs de l'audiovisuel extérieur et de l'audiovisuel public national sont anciens et importants.
Ainsi entre France Télévisions et France 24, un contrat a été passé d'approvisionnement en images d'actualités pour un prix forfaitaire annuel de 1 million d'euros. France Télévisions est ainsi, de facto, une source d'images majeure de la chaîne d'information en continu. De même, la chaîne fait très régulièrement appel aux correspondants de France Télévisions. Le groupe a, au demeurant, une aura internationale très importante , due en partie à une reprise de certains programmes sur TV5 Monde, mais également au phénomène de débordement satellitaire, qui permet à de nombreuses populations arabes de recevoir les chaînes du groupe.
Mme Martine Martinel, rapporteur des crédits des médias au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, a souligné que M. Rémy Pflimlin considérait qu'un adossement de l'AEF à France Télévisions aurait une logique, qui est celle de la BBC, où BBC World Service fait partie de la grande maison BBC.
Votre rapporteure estime à tout le moins qu'un rapprochement capitalistique entre France 24 et France Télévisions aurait une valeur ajoutée supérieure à celui entre France 24 et l'AEF.
De même, RFI et Radio France sont liées fonctionnellement (les deux entreprises gèrent un même média), historiquement (RFI a été rendue indépendante de Radio France par la loi du 30 septembre 1986 précitée) et géographiquement (le siège de RFI est actuellement situé à la Maison de la Radio) et probablement culturellement.
La encore, un rapprochement serait assez pertinent.
En conclusion, votre rapporteure souhaiterait ouvrir un débat plus large relatif aux moyens d'influence de la France dans le monde. Cette volonté de rayonnement politique et culturel lui semble pertinente : d'une part, elle considère que la France a un message universel à faire passer et d'autre part, nos intérêts nous poussent à renforcer l'utilisation de notre langue et de nos valeurs.
Pour autant, dans un contexte budgétaire difficile, un questionnement sur les priorités à accorder aux différentes politiques est nécessaire. S'agissant de l'audiovisuel extérieur, elle constate une augmentation importante des crédits sur les dix dernières années en raison de la création de France 24, les moyens atteignant presque ceux alloués à l'Agence des établissements français à l'étranger (AEFE). Une évaluation des avantages comparés de chacune des politiques en matière d'influence serait certainement très instructive, bien qu'elles ne soient évidemment pas exclusives l'une de l'autre.
Par ailleurs, il apparaît que la voix de la France dans le monde, pour être entendue, doit dorénavant le plus souvent s'unir avec celle de nos partenaires européens. A cet égard, on peut avoir l'impression que les dépenses des pays européens en matière d'audiovisuel extérieur (près d'un milliard d'euros par an) créent une situation concurrentielle et peu efficace entre des pays proches culturellement et politiquement. L'État français ne participe plus au financement d'Euronews dont le siège est situé sur son sol. Votre rapporteure estime pourtant qu'un projet européen ambitieux mériterait certainement d'être aujourd'hui étudié.