2. La réforme l'AAH : la recherche d'économies au détriment des personnes handicapées
a) Les objectifs gouvernementaux : dégager des économies et harmoniser les pratiques
L'AAH représente une dépense particulièrement dynamique qui croît très fortement chaque année en raison d'un « effet-volume » - la hausse du nombre de bénéficiaires - et d'un « effet-prix » - la revalorisation de son montant de 25 % sur cinq ans.
A titre d'illustration, elle a suscité une dépense d'environ :
- 5,65 milliards d'euros en 2008 ;
- 6,15 milliards en 2009 ;
- 6,6 milliards en 2010 ;
et devrait s'établir à 7,15 milliards en 2011.
Outre l'augmentation sensible des dépenses, se pose le problème de l'harmonisation des pratiques des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), qui attribuent l'AAH.
En effet, il est apparu que chaque MDPH disposait d'une certaine marge de manoeuvre pour accorder ou non l'AAH. En particulier, l'allocation peut être versée à une personne dont le taux d'incapacité permanente est compris entre 50 % et 79 % pour autant que lui soit reconnue « une restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi ». Or, faute de texte réglementaire précisant cette notion, celle-ci fait l'objet d'interprétations diverses de la part des MDPH. Il en résulte donc une inégalité de traitement entre personnes handicapées sur l'ensemble du territoire.
Pour endiguer la montée en charge de l'AAH et harmoniser les pratiques entre les départements, le Gouvernement a procédé au cours de l'année 2011 à une réforme de l'AAH par voie réglementaire . Celle-ci s'est faite en deux étapes :
- la première étape, qui a lieu en janvier, a consisté à modifier les règles d'évaluation des ressources des allocataires ;
- la seconde, intervenue au cours de l'été, a eu pour objectif de préciser la notion de « restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi » et de raccourcir la durée d'octroi de l'AAH.
Ces mesures ont suscité de très vives critiques de la part des associations. Et pour cause : sous le prétexte de clarifier les modalités d'attribution de l'AAH et de les harmoniser, elles en restreignent les conditions d'octroi .
b) De nouvelles règles d'évaluation des ressources très critiquables
Jusqu'à présent, la condition de ressources pour le droit à l'AAH s'appréciait au regard des revenus perçus au cours de l'année civile de référence , c'est-à-dire l'avant-dernière année précédant la période de paiement. Par exemple, pour les allocations versées à compter du 1 er janvier 2011, il s'agit des revenus 2009.
Cette règle a été modifiée par le décret du 16 novembre 2010 qui opère une distinction entre, d'une part, les bénéficiaires de l'AAH inactifs ou travaillant en établissement et service d'aide par le travail (Esat), d'autre part, ceux exerçant une activité professionnelle en milieu ordinaire .
Pour ces derniers, la condition de ressources s'apprécie désormais au regard des revenus perçus au cours du trimestre de référence . Ce dernier s'entend des trois mois civils précédant la période de droit à l'allocation. La situation demeure inchangée pour les bénéficiaires de l'AAH inactifs et pour ceux travaillant en Esat.
L'instauration de plafonds de ressources trimestriels implique que les personnes concernées remplissent une déclaration trimestrielle des ressources alors que jusqu'à présent, une seule déclaration par an était requise.
Comme l'ont indiqué les associations de personnes handicapées à votre rapporteure, ces nouvelles règles ne constituent en rien une avancée sociale , bien au contraire :
- la déclaration trimestrielle est une démarche administrative supplémentaire pour des personnes dont la vie quotidienne est déjà semée de déclarations et de formulaires à remplir ;
- en cas de manquement à la déclaration trimestrielle, l'AAH pourra purement et simplement être suspendue ;
- aucune action d'information n'a été entreprise auprès du public concerné. Certes, de nombreuses personnes seront attentives à renvoyer la première déclaration, mais le seront-elles tout autant les trimestres suivants ?