B. ....MALGRÉ DES PROGRÈS RÉCENTS
Il serait injuste d'affirmer cependant qu'aucune initiative n'a été prise pour mieux rendre compte, au Parlement et à l'opinion publique, de l'efficacité de l'action de la France en faveur du développement.
Ainsi, le Comité interministériel sur la coopération internationale et le développement (CICID) de juin 2009 a demandé (point 2.8 « Pilotage de l'aide » du relevé de décisions) que soit élaborée une matrice d'indicateurs des résultats et de l'impact de l'aide française, assortie d'un tableau interministériel de suivi, en complément des indicateurs de moyens existants.
Le document-cadre de coopération au développement adopté cette année souligne, quant à lui, que : « Mesurer la qualité des interventions menées et apprécier leurs résultats est indispensable. Il s'agit d'une exigence démocratique à l'égard du Parlement et des citoyens français comme des populations et des autorités des pays bénéficiaires. Cette analyse des résultats est également nécessaire pour améliorer la pertinence et l'efficacité des opérations conduites, responsabiliser les acteurs chargés de leur mise en oeuvre et permettre de capitaliser sur les expériences passées ».
Il prévoit également que des indicateurs synthétiques sur les résultats prévus et obtenus seront mis au point : « Un tableau d'indicateurs rendant compte des effets attendus des programmes financés au niveau bilatéral, communautaire et multilatéral et fournissant une appréciation sur les résultats obtenus à l'issue de leur mise en oeuvre, sera mis en place et permettra de communiquer de façon simple et explicite sur l'action du gouvernement ».
Le ministre de la coopération s'est, quant à lui, engagé à ce qu'un rapport d'ensemble sur la mise en oeuvre de la politique française de coopération au développement soit remis au Parlement tous les deux ans.
Le ministère des affaires étrangères s'est, par ailleurs, engagé à conduire une évaluation décennale de politique de coopération en 2012.
La commission a été invitée à participer au groupe de pilotage de ces évaluations. Elle s'en félicite et compte bien s'y investir.
Votre commission attend, par ailleurs, avec intérêt, les rapports de Cour des comptes sur la politique française de développement qui devraient être publiés d'ici la fin de l'année.
Au niveau des organismes chargés de l'évaluation des projets de coopération, de nombreuses initiatives ont été prises pour améliorer la coordination de leurs travaux et renforcer leur production.
Pour la première fois, en 2010, l'ensemble des acteurs de la coopération française (ministère des Affaires étrangères et européennes, ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, Agence française de développement) ont transmis de manière conjointe les résultats des évaluations des trois structures au Parlement.
Parallèlement, dans le cadre de sa réorganisation, la direction générale de la mondialisation du ministère des Affaires étrangères et européennes a défini un pôle de l'évaluation qui doit notamment renforcer les capacités en évaluation de nos pays partenaires.
De son côté, l'AFD a créé fin 2009 un comité des évaluations chargé d'examiner chaque année le programme d'évaluation de l'AFD, de rapporter sur les travaux d'évaluation de l'AFD, de formuler des avis, le cas échéant sur le dispositif d'évaluation à l'AFD, la pertinence et la qualité des travaux réalisés et de rendre compte régulièrement des travaux d'évaluation auprès du Conseil d'administration.
La Direction générale du Trésor du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie a, quant à elle, renforcé les ressources, le champ d'intervention et rôle de son unité d'évaluation. Elle a, sous l'impulsion de l'unité d'évaluation des activités de développement, notamment effectué un travail de méthodologie remarquable et des évaluations remarquées. Ces réformes ont notamment abouti à la publication récente d'un guide précisant la politique et les méthodes que la Direction générale du Trésor met en oeuvre pour l'évaluation des actions qu'elle finance au titre de l'aide publique au développement. Le champ d'application de ces évaluations s'est, en outre, élargi et ne concerne plus seulement des projets ponctuels, des instruments, des institutions mais également des secteurs, des pays ou des politiques.
À l'AFD, un comité des évaluations a été créé pour analyser la qualité des évaluations et leur programmation. Les travaux de ce comité ont commencé et témoignent d'une volonté de sensibiliser l'ensemble des acteurs de la coopération à la nécessité d'une meilleure évaluation des résultats.
L'ensemble de ces initiatives ne semble toutefois pas avoir pour l'instant radicalement modifié la situation.
Les évaluations sont encore très procédurales et pas assez centrées sur l'impact des projets évalués et l'utilisation des évaluations à des fins d'amélioration opérationnelle ou stratégique semble encore très limitée .
S'agissant d'indicateurs quantitatifs illustrant les résultats de la politique d'aide au développement.
Vos rapporteurs sont bien conscients des difficultés méthodologiques inhérentes à la production de tels indicateurs.
Ils ont pleinement conscience des difficultés relatives à l'évaluation de l'impact des contributions multilatérales.
Une politique d'aide au développement ne se traduit pas par quelques chiffres, fussent-ils très illustratifs. On ne saurait résumer un budget, des projets, une politique en suivant le nombre d'enfants vaccinés, le nombre d'enfants scolarisés ou le nombre de foyers connectés à un réseau d'eau potable.
Ces difficultés ne doivent pas conduire les administrations à renoncer à produire ces statistiques notamment pour l'aide bilatérale.
Le parlement, les O.N.G., l'opinion publique attend ces chiffres.
Les fondations comme la « Bill and Melinda Gates Foundation » ou l'ONG One avec le site internet Living proof http://one.org/livingproof/fr/factsandfigures/ ou des agences de coopération comme le DIFD dont le slogan est « changer des vies, produire des résultats » ont, dans ce domaine, pris de l'avance. Les chiffres mis en avant par ces institutions ont naturellement des biais, même s'ils résultent d'enquêtes statistiques fiables, ils constituent néanmoins des puissants moteurs de légitimation de l'action en faveur du développement.
Les scrupules méthodologiques ne doivent pas servir de prétexte pour ne pas mettre en place les outils de suivi qui permettront de délivrer ces données de façon rigoureuse.
Votre commission estime que, trop longtemps, la politique de coopération s'est contentée de produire des indicateurs de moyens.
Vos rapporteurs l'ont observé lors de l'examen du contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD dans lequel ne figure aucun indicateur de résultats.
Il serait heureux que l'établissement d'un tableau d'indicateurs de résultats de l'aide bilatérale n'aboutisse pas à des résultats similaires où serait recensés plus d'indicateurs de moyens que de résultats.
Vos rapporteurs n'ignorent pas la difficulté de l'exercice. Le choix des objectifs et des indicateurs est délicat. Certains indicateurs, comme le taux de scolarisation, peuvent masquer des réalités différentes selon que la scolarisation conduit à une véritable alphabétisation ou non. La démarche par les résultats, prônée par les conférences relatives à l'efficacité de l'aide, est difficile à mettre en oeuvre. Elle peut conduire à méconnaître les difficultés à atteindre les mêmes objectifs dans des environnements différents. Elle peut même conduire à orienter l'aide vers les terrains les plus faciles, afin d'atteindre plus aisément les résultats escomptés.
Mais on ne peut se contenter de rassembler les différents indicateurs de concentration de l'aide française que l'on retrouve aussi bien dans le document-cadre que dans le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD.
Nous n'aurions pas beaucoup avancé si la réflexion menée depuis 2009 sur ce tableau d'indicateurs n'aboutissait qu'à établir une liste que l'on peut aisément dresser à partir d'indicateurs existants comme ceux figurant dans le tableau suivant :
Indicateurs de moyen de la politique de
coopération française couramment utilisés
dans les
documents stratégiques.
1 |
Part de l'effort financier de l'Etat (subventions, coût-Etat des prêts, C2D, ABG) consacrée à l'ensemble de l'Afrique sub-saharienne |
2 |
Part des dons (subventions et ABG) consacrée aux pays pauvres prioritaires définis par le CICID |
3 |
Au sein des dons (subventions et ABG) aux pays pauvres prioritaires, part consacrée aux pays sahéliens |
4 |
Autorisations de financements du Groupe AFD en faveur du secteur privé en Afrique (Initiative du Cap) |
5 |
Part des dons consacrés aux OMD affectée aux pays pauvres prioritaires (hors interventions dans les pays en sortie de crise et subventions non ventilables par pays) (indicateur LOLF) |
6 |
Part des dons affectés au secteur de l'éducation et de la formation professionnelle en Afrique sub-saharienne (OMD 2) |
6 |
Part des dons affectés au secteur de l'éducation de base en Afrique sub-saharienne |
7 |
Subventions (prog. 209) ayant trait à la santé maternelle et infantile dans les pays prioritaires (OMD 4 et 5 - engagement du G8 de Muskoka) |
8 |
Autorisations d'engagement (prêts et subventions) du Groupe AFD en soutien à l'agriculture en Afrique sub-saharienne (engagement du sommet de la FAO) |
9 |
Part de l'effort financier de l'Etat consacrée aux pays méditerranéens |
10 |
Part de l'effort financier de l'Etat consacrée aux financements concessionnels dans les pays émergents |
Votre commission plaide pour la mise en place, tout au long de la chaîne de gestion, des projets de coopération d'un dispositif de récolte des données pour établir des données sur ce que changent les projets de coopération que la France finance dans les secteurs de la santé, de l'éducation et de la formation professionnelle, de l'agriculture et de la sécurité alimentaire, du développement durable et du climat, de l'eau ou du développement urbain.
Cet objectif suppose notamment que l'AFD prenne en compte, dès le démarrage des projets, l'information nécessaire pour traiter les questions d'impact.
Il importe, dans chacun de ces secteurs, de définir des indicateurs de résultats pertinents, susceptibles d'être agrégés au fur et à mesure des évaluations et qui puissent faire l'objet d'un suivi.
Vos rapporteurs ont reproduit en annexe la liste officielle des indicateurs associés aux OMD dans laquelle on trouve de nombreux indicateurs de résultats qui leur semblent intéressants à suivre. 57 ( * )
* 57 Cf Annexe IV -Liste officielle des indicateurs associés aux OMD