II. UN POIDS CROISSANT DES FONDS VERTICAUX DONT LES CONTREPARTIES SONT PEU LISIBLES
Le nombre d'organisations internationales ou de fonds spécialisés éligibles à l'APD auxquels la France a contribué, soit par le versement de contributions obligatoires, de contributions volontaires, ou par la reconstitution de fonds concessionnels s'est accru ces dernières années : il s'établissait à une trentaine jusqu'en 2004, 38 en 2005, 56 en 2006, 60 en 2007, 61 en 2008, 66 en 2009 et 64 en 2010.
Cet accroissement du nombre de contributions doit toutefois être relativisé dans la mesure où six institutions perçoivent l'essentiel de l'aide multilatérale française 31 ( * ) .
Il n'en demeure pas moins un phénomène important qui s'explique en grande partie par le poids croissant des fonds verticaux. Ces fonds ont vocation à récolter des contributions de bailleurs de fonds nationaux et multilatéraux pour un secteur donné à l'image du fonds mondial de lutte contre le sida.
L'avantage de ces dispositifs est d'agréger les efforts de nombreux acteurs dans un domaine spécialisé de façon à mutualiser les actions et à offrir une forte visibilité à la mobilisation internationale ainsi obtenue. Il présente en revanche l'inconvénient de sanctuariser des sommes pour des secteurs très spécialisés avec le risque de laisser certains besoins de côté et de fragmenter l'effort de la communauté internationale en autant de fonds spécialisés.
A. LE POIDS CROISSANT DES FONDS VERTICAUX
Pour se rendre compte de la multiplication des fonds verticaux et de leur poids croissant dans la programmation budgétaire française, il suffit de consulter le projet annuel de performance annexé à la loi de finances pour 2012 pour le programme 110. On trouve dans la partie consacrée à la justification au premier euro du programme 110 un inventaire de l'ensemble des fonds auxquels la France contribue. Cet inventaire à la Prévert illustre le dynamisme avec lequel la communauté internationale suscite la création de fonds verticaux et avec lequel la France y adhère.
On trouve ainsi, dans ce document, notamment, les fonds suivants avec les crédits correspondants demandés pour le projet de loi de finances pour 2012 :
- Fonds fiduciaires au profit de pays sortant de crise : la France apporte son soutien au processus de reconstruction des pays sortant de crise (Afghanistan, Palestine, etc.). Cette assistance passe notamment par des fonds fiduciaires gérés par des institutions multilatérales. Il est demandé, à ce titre, pour le PLF 2012, 4 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.
- Fonds fiduciaire LAB/LAT : 0,067 million d'euros en crédits de paiement. La France a décidé, en 2008, de participer au financement d'un fonds fiduciaire dédié à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LAB/LAT), créé par le Fonds Monétaire International (FMI). Ce fonds finance :
- Initiative StAR : 0,10 million en autorisations d'engagement et crédits de paiement. L'initiative StAR (« Stolen Assets Recovery Initiative ») a été créée en 2007 par la Banque mondiale et l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) pour aider au recouvrement des avoirs détournés par leurs dirigeants. StAR agit dans trois domaines : 1°) assistance technique pour aider les États dans les procédures engagées à l'étranger pour le recouvrement d'actifs ; 2°) mise en oeuvre d'actions de sensibilisation et de formation (guides pratiques etc.) ; 3°) contribution aux réflexions et aux travaux des différentes enceintes (ONU, G20).
- METAC : Dans le cadre du PLF 2012, il est demandé 0,36 million en crédits de paiement pour ce fonds. Créé à Beyrouth (Liban) en 2004, le METAC dessert dix pays du Moyen-Orient (Afghanistan, Égypte, Irak, Jordanie, Liban, Libye, Soudan, Syrie, Cisjordanie et bande de Gaza, Yémen). Après avoir contribué au financement de ce centre à hauteur de 1 million sur la période 2008-2010 (autorisations d'engagement engagées en 2008), la France s'est engagée à apporter une contribution au titre de la nouvelle phase (2011-2015) du METAC, d'un montant global de 1,8 million d'euros décaissé sur cinq ans.
- AFRITAC : 1,04 million d'euros en crédits de paiement. Cinq centres régionaux d'assistance technique (AFRITAC) ont été créés en Afrique. La France cible son action sur deux d'entre eux, qu'elle finance depuis leur création : l'un en Afrique de l'ouest (couvrant le champ des huit États membres de l'Union économique et monétaire ouest africaine ainsi que la Guinée, la Mauritanie et le Ghana), l'autre en Afrique Centrale. Pour la période 2010-2014, la contribution de la France s'élève à 5,2 millions d'euros en autorisations d'engagement, engagées en 2009 et 2010, dont 3,6 millions pour AFRITAC ouest et 1,6 million pour AFRITAC centre. Les crédits de paiements demandés pour 2012 (1,04 million d'euros) correspondent au paiement respectif des deuxième et troisième annuités.
- Facilité financière internationale pour la vaccination (IFFIm) : 27,65 millions d'euros en crédits de paiement. La Facilité financière internationale pour la vaccination est une initiative lancée conjointement par le Royaume-Uni et la France. Elle doit permettre de lever 4 milliards de dollars sur dix ans, à travers 9 émissions obligataires, afin de financer des programmes de vaccination et de renforcement des capacités des systèmes sanitaires dans 72 pays pauvres.
- Initiative pour l'alimentation en eau et l'assainissement en milieu rural en Afrique : 4,5 millions d'euros en crédits de paiement. Cette initiative de la Banque africaine de développement, mise en place en 2005, a pour objectif premier de mobiliser les gouvernements africains et les bailleurs internationaux pour accélérer l'accès à des structures durables d'alimentation en eau potable et d'assainissement des populations vivant en zones rurales.
- Le Fonds du sarcophage de Tchernobyl (« Chernobyl Shelter Fund » -CSF) et le Compte pour la Sûreté Nucléaire (NSA, « Nuclear Safety Account ») : 10 millions d'euros de crédits de paiement. Le Fonds du sarcophage de Tchernobyl, géré par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), avait été reconstitué en mai 2005 afin de pouvoir conclure le contrat pour la construction du nouveau sarcophage.
- Le Fonds pour l'Environnement Mondial a été créé en 1991 à l'initiative de la France et de l'Allemagne, afin d'apporter des ressources financières aux pays en développement et en transition, dans le but de financer les coûts additionnels induits par la mise en oeuvre de programmes, de projets et d'activités de protection de l'environnement mondial. Le FEM est un fonds multilatéral hébergé à la Banque mondiale alimenté par des contributions volontaires ; il réunit plus de 180 membres. Il est demandé pour ce fonds par le PLF 2012, 64 millions d'euros en crédits de paiement.
- Participation au FIAS, programme d'appui à l'amélioration du secteur privé en Afrique : 2 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 1 million de crédits de paiement. S'inscrivant dans le cadre de l'initiative pour le secteur privé en Afrique approuvée par le CICID de juin 2006, la contribution française au FIAS (« Foreign Investment Advisory Services ») a pour objectif d'améliorer l'environnement des affaires en Afrique, notamment en Afrique francophone.
- Fonds fiduciaire de la Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat (FEMIP ) : 1,5 million de crédits de paiement. Lancée en 2002, la FEMIP est le bras financier de la Banque Européenne d'Investissement (BEI) dans le bassin méditerranéen. Dans le cadre de la politique européenne de voisinage et de l'Union pour la Méditerranée, elle a pour mission de promouvoir le développement économique et financier des pays partenaires méditerranéens.
- La facilité pour le partenariat oriental, créée par décision unanime du Conseil d'administration de la BEI en 2009, propose la création d'un fonds fiduciaire (« Eastern Partnership Technical Assistance Trust Fund », EPTATF) dont l'objectif serait d'encourager le développement du secteur privé en fournissant une assistance technique pour améliorer la qualité et l'impact sur le développement des opérations de la BEI dans les pays suivants : Ukraine, Moldavie, Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie et Biélorussie.
- Fonds Doha - Fonds Cadre intégré renforcé pour les PMA : 6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 2 millions de crédits de paiement. Convaincue du rôle favorable du commerce mondial à la croissance et au développement, la France s'est engagée à soutenir l'intégration des pays en développement dans le système commercial mondial.
Cette liste est loin d'être exhaustive, la France participe à de nombreux autres fonds spécialisés à travers le programme 209.
Au plan multilatéral, elle a par exemple joué un rôle moteur dans la conception et la mise en oeuvre de l'Initiative Fast-Track (FTI) depuis 2002 et la mise en place d'une expertise technique rénovée et reconnue dans le domaine de l'éducation en Afrique. La France fait partie des 18 donateurs du fonds catalytique de FTI, elle y a contribué à hauteur de 20 millions d'euros sur 3 ans (2005-2008) et s'est engagée à verser 47,5 millions d'euros pour 2011/2013 au nouveau fonds unifié (fonds de l'Education pour Tous).
Votre commission s'interroge sur la cohérence d'ensemble de cette politique de financement de fonds verticaux. Elle reste relativement sceptique devant la multiplication des initiatives très spécialisées. Elle se questionne sur la cohérence qu'il y a à, d'un côté, défendre lors de la conférence de Busan sur l'efficacité de l'aide des positions contre la fragmentation de la coopération internationale et, de l'autre côté, participer à autant d'initiatives sectorielles.
* 31 L'Union Européenne, le FMI, la Banque mondiale, le Fonds Mondial pour la lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme, la Banque africaine de développement et UNITAID.