EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 3 novembre 2011, sous la présidence de M. Yvon Collin, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis, sur le projet de loi n° 73 (2011-2012), adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2012.

EXAMEN DU RAPPORT POUR AVIS

M. Jean-Pierre Caffet , rapporteur pour avis . - L'Assemblée nationale a profondément remanié le texte, qui est passé de 68 à 122 articles. Je me contenterai donc d'une présentation générale.

Le financement de notre protection sociale a subi des transformations importantes au cours des deux dernières années. En 2010, le déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) a atteint un record : 29,6 milliards d'euros, soit 1,5 point de PIB, trois fois le déficit de 2007. En 2011, malgré une réduction de 5,6 milliards d'euros, grâce à la modération des dépenses, à une bonne tenue de la masse salariale et à d'importantes recettes supplémentaires provenant de la réforme des retraites, le déficit total s'établit encore à 24 milliards d'euros, soit 1,2 point de PIB. Le tendanciel 2012 est préoccupant : hors mesures de redressement, le déficit total serait de 27,4 milliards, dont 21,2 milliards pour le régime général.

Cette situation est certes due en partie à la crise et au ralentissement de la croissance, mais la crise n'explique pas tout. Selon la Cour des comptes, les facteurs structurels expliquent 0,7 point du déficit du régime général en 2010, un déficit qui a représenté 1,2 point de PIB.

L'accumulation de ces déficits a eu pour conséquence la modification du rôle des deux acteurs intervenant dans la gestion de la dette sociale : la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

La loi organique relative à la gestion de la dette sociale ainsi que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 ont procédé à l'opération de reprise de dette la plus importante depuis la création de la Caisse en 1996. Ce transfert, de 130 milliards d'euros sur la période 2011-2018, est exceptionnel par son ampleur, son étalement dans le temps, et son mode de financement. Celui-ci repose sur l'allongement de quatre ans de la durée d'amortissement de la dette sociale, l'adossement du Fonds de réserve des retraites à la Cades et l'affectation de 0,28 point de CSG en provenance de la branche famille. Il en résulte un accroissement des ressources de la Caisse de 7 milliards et une diversification de celles-ci : la CRDS, ressource originelle de la Caisse, ne représente plus que 40 % de son financement ; la CSG, plus du tiers.

L'article 20 du présent projet loi prévoit une nouvelle reprise de dette en provenance de la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles, à hauteur de 2,5 milliards.

Pour financer ce transfert, la loi de finance rectificative votée en septembre a aménagé le régime fiscal des plus-values immobilières. En outre, le présent texte a réduit l'abattement des assiettes de CSG et de CRDS pour frais professionnels.

Il est à prévoir que de nouvelles dettes seront prochainement transférées à la Cades, car le schéma esquissé il y a un an n'apporte pas de solution au déficit des branches maladie et famille, qui pourrait excéder 20 milliards d'euros sur la période 2012 - 2015.

J'en viens à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

En principe, cette institution doit absorber les décalages de trésorerie subis par les branches de la sécurité sociale, un objectif régulièrement détourné pour couvrir à court terme certaines dettes allant être transférées à la Cades. C'est pourquoi le plafond d'avances de trésorerie de l'ACOSS a connu en 2010 un niveau record - 65 milliards d'euros - ayant contraint l'agence à diversifier son mode de financement et à recourir aux marchés financiers. La reprise de dette décidée à l'automne dernier a soulagé la trésorerie de l'agence. Son plafond d'avances de trésorerie a été ramené à 18 milliards d'euros en 2011 et est fixé à 21 milliards d'euros pour l'an prochain par le présent projet de loi.

La dernière modification importante de notre système de protection sociale concerne son financement.

La tendance à la fiscalisation de ses ressources est incontestable sur le long terme ; une nouvelle étape a été franchie l'an dernier, puisque des recettes fiscales supplémentaires, pour 5 milliards d'euros, ont été affectées à la sécurité sociale. Ainsi que l'a noté notre collègue Nicole Bricq, rapporteure générale, dans son rapport préalable au débat sur les prélèvements obligatoires, les organismes de sécurité sociale auront été les destinataires quasiment exclusifs des augmentations nettes de recettes décidées pendant cette législature. En 2012, la sécurité sociale bénéficiera de presque 60 % des mesures de réduction du déficit public annoncées en août dernier par le Gouvernement.

J'en viens au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année prochaine.

Les mesures présentées sont censées réduire de 8 milliards d'euros le déficit tendanciel des régimes obligatoires de base, avec un important effort sur les recettes. Il reste que le déficit à venir demeure inquiétant.

Commençons par les hypothèses macro-économiques qui sous-tendent le cadrage du texte. Le PLFSS pour 2012 prévoit une croissance du PIB de 1,75 % et de la masse salariale de 3,7 % en 2011.

Ces hypothèses semblent extrêmement optimistes, puisque la croissance économique atteindra au maximum 1 % et qu'elle sera peut-être nulle. Dans ces conditions, comment la masse salariale pourrait-elle progresser de 3,7 % ? Les comptes sociaux sont extrêmement sensibles à ce paramètre, puisqu'une variation d'un point de masse salariale engendre un déficit supplémentaire du régime général de 2 milliards d'euros, dont la moitié environ pour l'assurance-maladie. Un dérapage d'un point par rapport à l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) entraîne un déficit supplémentaire d'1,4 milliard d'euros. Enfin, compte tenu de l'indexation de certaines prestations sur la hausse des prix, une variation d'un point de prévision d'inflation conduit à 1,2 milliard de dépenses supplémentaires.

Les mesures de recettes pour 2012 pour la sécurité sociale s'élèvent à 6,4 milliards d'euros, dont 4,1 milliards pour la branche maladie. La moitié environ de ces mesures ont déjà été adoptées dans la loi de finances rectificative pour 2011, votée en septembre : soit l'augmentation des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, le nouveau régime fiscal des plus-values immobilières et le doublement de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance, dite « taxe sur les mutuelles », qui a été relevée de 3,5 % à 7 %.

M. Yvon Collin, président . - Une disposition très populaire !

M. Jean-Pierre Caffet , rapporteur pour avis . - La première de ces mesures devrait rapporter 1,3 milliard d'euros, l'incidence de la deuxième avoisinant 553 millions.

S'agissant des mesures proposées par le PLFSS pour 2012, celles-ci concernent la réintégration des heures supplémentaires dans le calcul du coefficient des allégements généraux sur les bas salaires, la réduction de l'abattement des assiettes de CSG et CRDS pour frais professionnels et l'augmentation du forfait social de 6 % à 8 %. Une curiosité : l'assujettissement à la CSG du complément de libre choix d'activité a été supprimé par l'Assemblée nationale, mais gagé une première fois par la commission des finances et une seconde fois par le Gouvernement. Il faudrait donc supprimer le gage du Gouvernement.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2012 comporte d'autres mesures de redressement en faveur de la sécurité sociale, comme la taxe sur les boissons sucrées. S'ajouteront certaines dispositions réglementaires, comme la hausse du prix des tabacs.

L'action sur les dépenses concerne principalement l'ONDAM, qui devrait n'augmenter que de 2,8 %, grâce à des mesures d'économies atteignant 2,1 milliards d'euros. Les dispositions proposées à cette fin sont traditionnelles, comme la maitrise médicalisée ou la baisse de prix de certains produits de santé.

Malgré ces efforts considérables en recettes et en dépenses, - dont certaines mesures ne me paraissent pas acceptables - le déficit des régimes obligatoires de base et du FSV atteindra encore 19,4 milliards d'euros l'an prochain, soit le double du montant constaté en 2007. Cette situation est préoccupante, puisque ce montant devrait s'élever à 20 milliards d'euros en 2013, avant de s'établir à 17 milliards d'euros en 2014 et à 14 milliards d'euros en 2015. Faute de mesures supplémentaires, un nouveau transfert de dette sera donc inévitable.

J'observe à ce propos que certaines réformes engagées demeurent inabouties sur le plan financier - c'est le cas de la réforme des retraites - ou ont été reportées. Dans son dernier rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes estime que le Gouvernement a surévalué l'impact de la réforme des retraites. Elle a insisté sur l'optimisme des hypothèses macro-économiques retenues.

M. Yvon Collin , président . - Merci pour la concision de ce rapport si bien documenté.

Je regrette de ne pas avoir signalé plus tôt la présence de M. Daudigny, rapporteur général de commission des affaires sociales.

M. Yves Daudigny , rapporteur général de la commission des affaires sociales . - Je tiens à souligner la clarté de l'exposé, ainsi que la très grande pertinence des observations faites. Nous sommes parfaitement en phase avec l'analyse et les amendements présentés. Merci de m'avoir invité.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR POUR AVIS

Article additionnel avant l'article 10 A

M. Jean-Pierre Caffet , rapporteur pour avis. - L'amendement n° 1 tend à supprimer le doublement de la taxe sur les mutuelles, car nous craignons sa répercussion sur les assurés.

Dans son rapport, le comité d'évaluation des niches fiscales et sociales, dit « Comité Guillaume » a donné à cette exonération la note maximale en termes d'efficacité.

La suppression de la majoration de la taxe entraînera une perte de recettes de 1 050 millions d'euros, d'où les gages qui accompagnent cet amendement : une hausse du forfait social et des prélèvements sociaux sur les revenus du capital. Au total, le gage est plutôt supérieur à la recette perdue.

L'amendement n° 1 est adopté.

Article additionnel avant l'article 11

M. Jean-Pierre Caffet , rapporteur pour avis . - Avec l'amendement n° 2, nous supprimerons l'article premier de « la loi Tepa », un dispositif amputant de 3,4 milliards les recettes des organismes de protection sociale. Curieusement, il n'a pas été possible d'identifier le manque à gagner imputable aux cotisations patronales, compris entre 800 et 1 300 millions d'euros... L'efficacité de cette exonération pour l'emploi est tout sauf avérée, le conseil des prélèvements obligatoires allant jusqu'à penser que l'incidence pour le PIB pourrait être inférieure au coût du dispositif !

M. Pierre Jarlier . - Je vote pour cet amendement.

L'amendement n° 2 est adopté.

Article 36

M. Jean-Pierre Caffet , rapporteur pour avis. - Cet amendement n° 3 concerne le nouveau fonds d'intervention régional, qui globalisera les crédits en provenance aujourd'hui de différents autres fonds de financement. Selon le Gouvernement, il s'agit de donner davantage de marges de manoeuvre aux agences régionales de santé.

Quoi qu'il en soit, l'amendement n° 3 dispose que la dotation de ce fonds sera fixée non par arrêté ministériel, mais dans la loi de financement de la sécurité sociale, ce qui rétablit le contrôle du Parlement sur l'alimentation du fonds et l'utilisation de ses crédits.

Mme Michèle André . - Cet amendement indispensable nous permettra un meilleur suivi des crédits. Songez que le directeur de l'ARS d'Auvergne a déclaré n'avoir pas de comptes à rendre aux élus, puisqu'il était nommé par le Président de la République en conseil des ministres !

L'amendement n° 3 est adopté à l'unanimité.

Article 40

M. Jean-Pierre Caffet , rapporteur pour avis . - L'amendement n° 4 tend à supprimer l'article 40, dont le dispositif autorise tout établissement de santé à pratiquer un « tarif VIP » lorsqu'il accueille des « patients étrangers fortunés » non assurés sociaux.

Aujourd'hui, un riche étranger paye un tarif unique, déterminé par ailleurs au niveau national. Chaque établissement de santé serait en mesure de fixer de manière discrétionnaire les prix qu'il applique.

Par ailleurs, l'article n'exclut de ce dispositif que les patients étrangers pouvant prétendre à l'aide médicale d'État, soignés au titre de l'aide humanitaire ou atteints d'une urgence médicale évidente. Sa rédaction est extrêmement floue. Son rendement semble limité, puisque le Gouvernement l'estime à 5 millions d'euros.

M. Jean Germain . - Pourquoi un hôpital public ne devrait-il pas profiter budgétairement du fait qu'il soigne une personne très riche ? Je ne perçois pas bien les motivations de l'amendement.

Il est normal que le service public s'occupe des personnes dénuées de ressources, mais pourquoi ne pas faire payer ceux qui ont de l'argent ?

M. Pierre Jarlier . - Qu'entend-on par « étrangers fortunés » ?

Au demeurant, il s'agit de séjours programmés. Si le patient présente des exigences particulières, la facturation de suppléments est ipso facto justifiée.

M. Jean-Pierre Caffet , rapporteur pour avis . - L'article ne définit pas la notion d'étrangers fortunés, sinon, en creux, par le fait d'avoir des ressources supérieures au plafond de l'aide médicale d'État. Je ne vois pas d'objection à l'idée de faire payer une personne riche, mais la rédaction est trop imprécise.

Mme Nicole Bricq , rapporteure générale . - L'amendement a sa pertinence s'il a pour but de contraindre le Gouvernement à expliciter une disposition mal rédigée.

M. Yves Daudigny , rapporteur général de la commission des affaires sociales . - Notre commission a voté hier un amendement identique, mais pour des raisons quelque peu différentes. En effet, par principe, les remboursements de la sécurité sociale ne sont pas liés aux revenus. La commission des affaires sociales n'a donc pas souhaité introduire une distinction de ce type. Le terme «VIP », qui figure dans l'étude d'impact accompagnant ce texte, pose un problème de principe.

L'amendement n° 4 est adopté.

Article 51 septies

M. Jean-Pierre Caffet , rapporteur pour avis . - L'amendement n° 5 a pour objet de supprimer l'article 51 septies , introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, qui propose d'étendre à l'ensemble des étrangers non communautaires la condition de résidence préalable pour l'accès à l'allocation de solidarité aux personnes âgées et de porter la durée de celle-ci à dix ans, au lieu de cinq. Il est regrettable que cette mesure soit mise en parallèle avec le coût du dispositif.

L'amendement n° 5 est adopté.

Article 58 bis

M. Jean-Pierre Caffet , rapporteur pour avis . - L'Assemblée nationale a supprimé l'article 13 du projet de loi initial, qui aurait assujetti à la CSG et à la CRDS le complément de libre choix d'activité. Cette décision ayant diminué les ressources sociales de 140 millions d'euros, l'abattement pour frais professionnels appliqué aux revenus d'activité soumis à la CSG a été réduit de 2 % à 1,75 %. Mais le Gouvernement a gagé une seconde fois la suppression de l'article 13 en reportant de trois mois la revalorisation des prestations familiales. L'amendement n° 6 tend à supprimer le gage introduit à l'initiative du Gouvernement.

L'amendement n° 6 est adopté.

Le rapport pour avis est adopté.

M. Jean-Pierre Caffet , rapporteur pour avis . - Nous examinerons en séance le texte dans la rédaction de l'Assemblée nationale. Je fais confiance à la commission des affaires sociales pour nous proposer des amendements autrement plus nombreux que les six discutés aujourd'hui. Je propose d'attendre le résultat des délibérations pour déterminer notre vote final.

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