EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er (Article 34 de la Constitution) Institution d'un monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires et création des lois-cadres d'équilibre des finances publiques
Commentaire : cet article attribue aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale le monopole de l'édiction des règles applicables aux prélèvements obligatoires. Il crée en outre un nouveau type de lois, les lois-cadres d'équilibre des finances publiques.
I. Le projet de loi constitutionnelle initial
Le présent article du projet de loi constitutionnelle initial modifie l'article 34 de la Constitution , qui définit le domaine de la loi.
Son 1° exclut du domaine de la loi les règles relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions.
Son 2° précise que la loi détermine les principes fondamentaux du droit de la sécurité sociale, sous réserve des dispositions insérées par le 3°.
Son 3° constitue le coeur du dispositif du présent article . Il a deux objectifs :
- il institue le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale pour l'édiction des règles applicables aux prélèvements obligatoires . Il prévoit en effet que les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale fixent les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature. Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent quant à elles les principes fondamentaux concernant les autres ressources de la sécurité sociale ;
- il crée un nouveau type de lois : les lois-cadres d'équilibre des finances publiques . Ces lois ont vocation à définir les normes d'évolution et les orientations pluriannuelles des finances publiques, ceci afin d'assurer l'équilibre des comptes des administrations publiques. Leur contenu, la période qu'elles couvrent ainsi que les dispositions qu'elles contiennent et qui s'imposeront aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale seront précisés par une loi organique.
Son 4° supprime, en conséquence, l'alinéa de l'article 34 faisant référence à la définition des orientations pluriannuelles des finances publiques par des lois de programmation et affirmant l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques.
II. Les modifications introduites par l'Assemblée nationale
Les députés ont modifié le présent article, afin de préciser les règles relatives aux lois-cadres d'équilibre . Ils ont ainsi introduit les éléments suivants :
- ces lois s'appliqueront sur une période d'au moins trois ans ;
- elles détermineront également les règles de gestion des finances publiques ;
- elles fixeront pour chaque année un objectif constitué d'un maximum de dépenses et d'un minimum de recettes s'imposant aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale . Les écarts constatés lors de l'exécution des premières ou de l'application des secondes seront compensés dans les conditions prévues par une loi organique ;
- la modification des lois cadres d'équilibre pourra avoir lieu dans les conditions prévues par une loi organique ;
- une loi organique précisera enfin les dispositions des lois-cadres, autres que l'objectif annuel évoqué précédemment, qui s'imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.
III. La position de votre commission pour avis
Votre commission pour avis approuve pleinement la création des lois-cadres d'équilibre prévue par l'article 1 er , mais ne peut, pour les raisons détaillées dans l'exposé général, en faire autant pour le dispositif du monopole.
C'est pourquoi elle a adopté un amendement supprimant celui-ci et le remplaçant par un dispositif alternatif, maintenant les droits du Parlement tout en augmentant le contrôle des dépenses fiscales et sociales par les LF et les LFSS. Pour cela, l'amendement prévoit que l'entrée en vigueur des mesures relatives à la fiscalité et aux ressources de la sécurité sociale serait différée au 1 er janvier de l'année suivant leur adoption, afin de permettre leur réexamen à l'occasion des LF et des LFSS.
Votre commission pour avis vous propose d'adopter cet amendement et cet article ainsi modifié. |
Article 2 bis (nouveau) (Article 41 de la Constitution) Procédure d'irrecevabilité des dispositions méconnaissant le monopole
Commentaire : cet article institue une procédure d'irrecevabilité des dispositions législatives allant à l'encontre du monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.
I. L'initiative de l'Assemblée nationale
A l'initiative de M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, les députés ont introduit le présent article qui modifie l'article 41 de la Constitution portant sur l'irrecevabilité réglementaire des amendements parlementaires et des propositions de loi.
Le présent article prévoit que l'irrecevabilité pourra désormais être opposée par le Gouvernement ou par le Président de l'assemblée à tout amendement ou à toute proposition de loi :
- allant à l'encontre du monopole institué au profit des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ;
- allant à l'encontre des dispositions des deuxième et quatrième alinéas de l'article 72-2 de la Constitution, tels que modifiés par l'article 11 du présent projet de loi constitutionnel, qui réserve aux lois de finances la compétence en matière de fiscalité locale.
Cet article additionnel instaure en pratique le monopole des lois des finances et de financement de la sécurité sociale en matière fiscale.
La procédure relative à la recevabilité des amendements ou des propositions de loi s'agissant du partage entre domaine réglementaire et législatif est ainsi organisée par l'article 45 du règlement du Sénat :
« L'irrecevabilité (...) peut être opposée par le Gouvernement ou par le Président du Sénat à une proposition ou à un amendement avant le commencement de sa discussion en séance publique. Lorsqu'elle est opposée par le Gouvernement ou par le Président du Sénat en séance publique, la séance est, s'il y a lieu, suspendue jusqu'à ce que le Président du Sénat ou, selon le cas, le Gouvernement ait statué, si l'irrecevabilité est opposée à une proposition ; si elle est opposée à un amendement, la discussion de celui-ci et, le cas échéant, celle de l'article sur lequel il porte est réservée jusqu'à ce que le Président du Sénat ou, selon le cas, le Gouvernement ait statué ».
Il convient d'ajouter que, dans une décision de 2009, le Conseil constitutionnel a précisé que, « d'après les articles 40 et 41, le Gouvernement peut s'opposer, dès l'examen en commission , à la recevabilité des propositions et amendements (...) lorsque ces propositions ou ces amendements ne sont pas du domaine de la loi » 26 ( * ) .
Ainsi, au terme du texte adopté par l'Assemblée nationale, le Gouvernement ou le président de l'assemblée pourront, dès le stade de la commission, opposer à ces amendements ou à ces propositions de loi l'irrecevabilité : seul leur dépôt serait donc garanti.
II. La position de votre commission pour avis
Par coordination avec son amendement à l'article 1 er , la commission a adopté un amendement de suppression de cet article.
Votre commission pour avis vous propose de supprimer cet article. |
Article 9 bis (nouveau) (Article 61-2 (nouveau) de la Constitution) Censure par le Conseil constitutionnel des dispositions méconnaissant le monopole
Commentaire : cet article prévoit le contrôle systématique par le Conseil constitutionnel du respect du monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.
I. L'initiative de l'Assemblée nationale
Le présent article est issu d'un amendement du Gouvernement, modifié par un sous-amendement de M. Charles de Courson.
Il introduit , au sein du titre VII de la Constitution relatif au Conseil constitutionnel, un nouvel article 61-2 : cet article prévoit que le Conseil, quand il est saisi d'une loi autre qu'une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale, examine la conformité à la Constitution des dispositions méconnaissant le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.
Actuellement, le Conseil constitutionnel ne censure pas les dispositions à caractère réglementaire car il estime que le Gouvernement a le pouvoir, y compris après l'adoption d'un texte, par le biais de l'article 37-1, d'assurer la protection du domaine réglementaire contre d'éventuels empiètements de la loi. Dans le cas de la protection du monopole, cet argument tombe puisqu'il n'existe pas l'équivalent de l'article 37-1 : on peut donc raisonnablement penser que le Conseil censurerait toutes les dispositions empiétant sur le monopole reconnu par la Constitution.
II. La position de votre commission pour avis
Par coordination avec son amendement à l'article 1 er , la commission a adopté un amendement de suppression de cet article.
Votre commission pour avis vous propose de supprimer cet article. |
Article 11 (Article 72-2 de la Constitution) Monopole des lois de finances en matière de fiscalité locale et de compensation des transferts, création ou extension de compétence des collectivités territoriales
Commentaire : cet article institue un monopole des lois de finances pour fixer les recettes des collectivités territoriales et déterminer les ressources visant à compenser les transferts de compétences entre l'État et les celles-ci.
I. Le projet de loi constitutionnelle
Le présent article modifie l'article 72-2 de la Constitution :
- il précise au deuxième alinéa que les lois de finances peuvent autoriser les collectivités territoriales à fixer l'assiette et le taux des impositions de toutes natures qu'elles reçoivent ;
- il indique au quatrième alinéa que les transferts de compétence de l'État vers les collectivités territoriales, lorsqu'ils ont pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales, sont accompagnés de ressources déterminées par la loi de finances.
Cet article n'a pas été modifié par les députés.
II. La position de votre commission pour avis
Par coordination avec son amendement à l'article 1 er , et pour les raisons exposées plus haut, la commission a adopté un amendement de suppression du monopole prévu par cet article pour les ressources des collectivités territoriales.
Votre commission pour avis vous propose d'adopter cet amendement et cet article ainsi modifié. |
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Au cours de sa réunion du jeudi 9 juin 2011, votre commission pour avis a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi constitutionnelle assorti des amendements qu'elle a adoptés. |
* 26 Décision n° 2009-579 DC du 9 avril 2009 sur la loi organique relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.