N° 464
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011
Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 avril 2011 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , portant dispositions particulières relatives aux quartiers d' habitat informel et à la lutte contre l' habitat indigne dans les départements et régions d' outre-mer ,
Par M. Serge LARCHER,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , président ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mmes Annie David, Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Milon , vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger, Anne-Marie Payet , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Roselle Cros, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Gérard Dériot, Mme Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Mme Valérie Létard, M. Jean-Louis Lorrain, Mme Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, Alain Vasselle, François Vendasi, André Villiers. |
Voir le(s) numéro(s) :
Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : |
3043 , 3084 et T.A. 601 |
|
Sénat : |
267 , 424 et 425 (2010-2011) |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Est-il besoin de le rappeler ? La question du logement outre-mer est extrêmement critique, marquée à la fois par la faiblesse de la production de logements sociaux et par la persistance d'un habitat insalubre. Notre commission le répète, année après année, lors de l'examen de chaque projet de loi de finances et une mission récente, en Martinique et en Guyane, a pu se rendre compte sur le terrain des spécificités de ces territoires, par exemple en visitant le quartier Trénelle de Fort-de-France ou les bidonvilles de Cayenne ou de Saint-Laurent du Maroni.
Au regard de l'ampleur du problème, il est indispensable d'apporter des réponses diversifiées mobilisant l'ensemble des acteurs concernés : améliorer la planification foncière et faciliter l'aménagement de terrains à un prix compatible, soutenir des collectivités territoriales souvent exsangues financièrement, contribuer à la baisse des coûts de construction, relever les crédits de paiement de la ligne budgétaire unique, arme principale du budget de l'Etat en faveur du logement outre-mer, à un niveau suffisant etc.
Selon les données fournies à Serge Letchimy, député, auteur en septembre 2009 d'un rapport qui fait référence en matière de lutte contre l'habitat indigne dans les départements d'outre-mer, quelque 50 000 logements y sont insalubres et abritent plus de 150 000 personnes. Rapportés à la population de métropole, ce pourcentage correspondrait à six millions de personnes... Et ce, sans compter Mayotte.
Or, les opérations de résorption de l'habitat insalubre ne fonctionnent pas ; elles achoppent régulièrement sur une question juridique spécifique : la présence de bâtiments construits par des personnes qui ne disposent pas de droit ou de titre sur le terrain d'assiette. L'édification de ces locaux est souvent ancienne et a été progressive, de cases faites de tôles à des maisons en dur plus ou moins salubres. Le rapport Letchimy évalue à 50 000 le nombre de ménages concernés par cette situation dans les quatre Dom.
C'est dans ce contexte que Serge Letchimy a présenté à l'Assemblée nationale la présente proposition de loi qui vise principalement à prendre en compte la présence d'occupants sans droit ni titre, d'une part, lorsqu'une collectivité souhaite procéder à un aménagement urbain, d'autre part, dans le cadre des mesures de police prises par une autorité administrative en cas de danger ou de péril.
Cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 26 janvier 2011, avec le soutien du Gouvernement. Elle a ensuite été renvoyée, pour examen au fond, à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du Sénat, qui a désigné Georges Patient, sénateur de Guyane, en qualité de rapporteur. Ceci étant, notre commission ne pouvait être absente de ce débat qui touche à la lutte contre l'habitat insalubre et au droit à un logement décent.
Les dispositions prévues par ce texte peuvent paraître exorbitantes du droit commun ou singulières, lorsqu'on le lit avec des yeux métropolitains. Mais il répond pleinement et de manière pragmatique à des situations concrètes auxquelles les élus des départements d'outre-mer sont quotidiennement confrontés. En ce sens, il s'agit de donner toute sa place à l'article 73 de la Constitution qui prévoit que les lois et règlements « peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières » des départements et régions d'outre-mer.
I. UNE CRISE AIGUË DU LOGEMENT OUTRE-MER
A. LE DÉFICIT ACCRU DE LOGEMENTS SOCIAUX
1. Un diagnostic partagé
Plus que toute autre partie du territoire national, les collectivités ultramarines connaissent une crise du logement qui s'illustre notamment par un déficit en logement social. Cette situation concerne l'ensemble des Dom, quoiqu'à des degrés variables.
Demandes de logements sociaux |
Logements neufs livrés
|
|
Guadeloupe |
14 525 |
1 658 |
Martinique |
environ 8 000 |
449 |
Guyane |
plus de 13 000 |
511 |
La Réunion |
23 000 |
2 150 |
Mayotte |
- |
126 |
Projet de loi de finances pour 2011, réponses au questionnaire budgétaire |
En Martinique , la production de logements, notamment sociaux, est particulièrement atone malgré la forte demande : sur la période 2006-2009, seuls 612 logements neufs, dont 474 en locatif et 138 en accession à la propriété, ont été financés chaque année par l'Etat, contre 1 523 en Guadeloupe pour une population sensiblement de même niveau.
En Guyane , le secteur locatif social connaît un déséquilibre structurel : le parc comprend 11 000 unités, alors que plus de 13 000 demandes ne peuvent être satisfaites, et 80 % de la population répondent aux conditions de ressources du logement locatif social .
A La Réunion , les projections mettent en exergue un accroissement rapide de la population dans les vingt prochaines années, avec plus d'un million d'habitants contre environ huit cent mille aujourd'hui. Cela nécessiterait, selon le Gouvernement, de construire en trente ans 250 000 logements neufs. Alors que 74 % des foyers ont des revenus inférieurs aux plafonds de ressources du logement social, seuls 30 % des constructions relèvent aujourd'hui de ce secteur.