N° 114

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2010

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2011 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VI

Fascicule 2

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES
PRESSE

Par M. David ASSOULINE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Legendre , président ; MM. Ambroise Dupont, Serge Lagauche, David Assouline, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Ivan Renar, Mme Colette Mélot, MM. Jean-Pierre Plancade , Jean-Claude Carle vice-présidents ; M. Pierre Martin, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Christian Demuynck, Yannick Bodin, Mme Béatrice Descamps , secrétaires ; MM. Jean-Paul Amoudry, Claude Bérit-Débat, Mme Maryvonne Blondin, M. Pierre Bordier, Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Bruguière, M. Jean-Claude Carle, Mme Françoise Cartron, MM. Jean-Pierre Chauveau, Yves Dauge, Claude Domeizel, Alain Dufaut, Mme Catherine Dumas, MM. Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Mme Françoise Férat, MM. Jean-Luc Fichet, Bernard Fournier, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jean-François Humbert, Soibahadine Ibrahim Ramadani, Mme Marie-Agnès Labarre, M. Philippe Labeyrie, Mmes Françoise Laborde, Françoise Laurent-Perrigot, M. Jean-Pierre Leleux, Mme Claudine Lepage, M. Alain Le Vern, Mme Christiane Longère, M. Jean-Jacques Lozach, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Philippe Nachbar, Mmes Mireille Oudit, Monique Papon, MM. Daniel Percheron, Jean-Jacques Pignard, Roland Povinelli, Jack Ralite, Philippe Richert , René-Pierre Signé, Jean-François Voguet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 2824, 2857, 2859 à 2865 et T.A. 555

Sénat : 110 et 111 (annexe n° 17 ) (2010-2011)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le programme 180, auparavant uniquement consacré à la presse, inclut, dans la version initiale du projet de loi de finances pour 2011, les crédits consentis à la politique de l'État dans les domaines du livre et des industries culturelles entendues au sens large. Votre rapporteur pour avis s'interroge sur le sens et l'opportunité d'un tel regroupement.

En effet, le soutien financier de l'État en faveur de la presse est justifié par la nécessité de garantir un débat citoyen et démocratique dynamique, nourri par une information libre, indépendante et pluraliste. En revanche, les subventions accordées aux secteurs de l'édition et des industries culturelles obéissent à des impératifs propres à la création culturelle et à la protection de l'écrit et des patrimoines.

La décision de regrouper ces politiques pourtant distinctes au sein d'un même programme ne lui semble pas, par conséquent, aller nécessairement dans le sens d'une meilleure lisibilité de la dépense publique.

Il se réjouit donc qu'en première lecture, l'Assemblée nationale ait substitué au programme 180 « Presse, livre et industries culturelles » trois nouveaux programmes intitulés « Presse », « Livre et lecture » et « Industries culturelles ».

L'État maintient globalement son effort financier exceptionnel en faveur de la presse dans le projet de loi de finances pour 2011. Ce plan de soutien vise à favoriser l'adaptation du secteur aux bouleversements de son environnement technologique et à la concurrence de nouveaux supports et sources d'information, et à accompagner les mutations du modèle économique des entreprises de presse.

Toutefois, la mission confiée à M. Aldo Cardoso, en 2010, sur la gouvernance des aides publiques à la presse a permis de disposer d'une vision plus globale du soutien public accordé à la presse. Celui-ci est évalué à près d' 1,4 milliard d'euros , addition faite des diverses aides publiques directes et indirectes à la presse, réparties sur plusieurs programmes budgétaires, mais aussi des dépenses non inscrites au budget général de l'État et, le cas échéant, consenties par d'autres organismes publics (comme La Poste, par exemple).

Or, le système d'aides publiques à la presse, qui remonte à une loi du 4 thermidor de l'an IV posant le principe d'une aide au transport postal de la presse, se caractérise traditionnellement par son extrême fragmentation et l' absence d'une véritable stratégie cohérente assortie d'indicateurs d'évaluation régulièrement actualisés .

En conséquence, derrière l'affichage d'une politique publique particulièrement généreuse à l'endroit de la presse, il faut constater l'indigence de l'effort en termes de cohérence stratégique, qui nuit profondément à l'efficacité des aides publiques accordées à la presse.

Car il est trop aisé de prétendre accorder 12 millions d'euros au renforcement du pluralisme de la presse, alors que la presse quotidienne d'information politique et générale, en particulier locale, se caractérise par un degré de concentration sans précédent . En réalité, rien n'est véritablement fait face à la fusion croissante des titres pour préserver la diversité et l' indépendance des rédactions . Toute initiative parlementaire qui s'inscrit dans le sens d'un encadrement de la concentration dans le secteur des médias est balayée sans autre forme de procès par le Gouvernement et sa majorité, au seul motif qu'elle émane de l'opposition. Le simple fait de proposer la reconnaissance juridique des rédactions est injustement perçu comme un brûlot révolutionnaire susceptible de semer l'anarchie au sein des titres de presse.

Il y a pourtant des questions fondamentales concernant la liberté, l'indépendance et le pluralisme de la presse que l'injection de millions d'euros ne saurait résoudre à elle seule.

Il faut avoir le courage de partir d'un diagnostic honnête et rigoureux pour élaborer des réformes responsables et ambitieuses, dans le plus large consensus possible compte tenu de la très grande sensibilité du secteur concerné.

Votre rapporteur pour avis souligne, ainsi, que des avancées peuvent être réalisées, dans une démarche constructive, en matière de réforme de la gouvernance dans le secteur de la presse , notamment en ce qui concerne la distribution de la presse (dans le respect des principes fondamentaux de la loi « Bichet ») et l' Agence France-Presse (AFP) (en préservant l'économie du statut fondateur de 1957). Votre rapporteur pour avis s'emploiera dès lors, dans le cadre du présent rapport, à déterminer les voies possibles de réforme sur chacun de ces sujets, dans une réflexion constamment guidée par les principes d'indépendance et de pluralisme de l'information.

I. LE SYSTÈME DES AIDES PUBLIQUES À LA PRESSE PÂTIT DE L'ABSENCE D'UNE COHÉRENCE D'ENSEMBLE

A. 2011 SERA LA DERNIÈRE ANNÉE DE MISE EN oeUVRE DU PLAN DE SOUTIEN EXCEPTIONNEL DE L'ÉTAT EN FAVEUR DE LA PRESSE

Les moyens du plan de soutien exceptionnel de l'État en faveur de la presse sont maintenus en 2011, conformément aux engagements pris par le chef de l'État à la suite des États généraux de la presse écrite de l'automne 2008. Le montant total des crédits consentis au secteur de la presse s'établit, sur le programme 180 dans le projet de loi de finances pour 2011, à 420,5 millions d'euros en crédits de paiement, dont 115,4 millions seront affectés aux abonnements de l'État à l'AFP et 305,1 millions seront dédiés aux aides à la presse .

L'année 2011 constituera la dernière année de mise en oeuvre du programme de modernisation et d'investissement, d'un montant total annoncé en janvier 2009 de 600 millions d'euros sur la période 2009-2011 , auquel s'était engagé l'État pour accompagner les réformes structurelles du secteur de la presse préconisées par les États généraux.

La santé financière des entreprises de presse demeure fragile. Les mesures exceptionnelles intervenues dans le prolongement des États généraux de la presse écrite étaient principalement justifiées par une crise structurelle profondément ancrée du secteur, doublée d'un effondrement spectaculaire du marché publicitaire en 2009. Après avoir reculé de près de 10,5 % en 2009, le marché publicitaire mondial devrait, néanmoins, progresser de façon significative en 2010, entre + 3,5 % 1 ( * ) et 4,8 % 2 ( * ) selon les estimations de divers instituts, ce qui laisse espérer une embellie des recettes publicitaires de la presse. Toutefois, l'augmentation des investissements publicitaires dans le média presse devrait profiter principalement à la presse magazine , qui table en France sur une tendance comprise entre 5 % et 10 % selon les secteurs, et à la presse en ligne portée par la progression de la publicité sur Internet, évaluée à + 13,5 % au niveau mondial.

La direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère de la culture, dans son étude annuelle sur l'état de la presse écrite pour l'année 2009, estime que « les mesures mises en place dans la logique des États généraux de la presse, et plus particulièrement les soutiens à la diffusion et à la vente, auront sans doute protégé le secteur d'une plus grande dégradation encore des résultats » 3 ( * ) .

Les constats dressés par cette étude n'en demeurent pas moins préoccupants. La presse éditeur emploie plus de 50 000 salariés pour un chiffre d'affaires global évalué, en 2009, à 9,65 milliards d'euros , soit une perte de - 7,7 % en euros courants . En euros constants, la dégradation est encore plus prononcée puisque la décennie 2000 pourrait s'achever sur la perte d'un quart de sa valeur indiciaire en euros constants (indice 76 pour le chiffre d'affaires total en 2009 sur base 100 en 2000) !

La DGMIC souligne que « jamais depuis la création de cette enquête la totalité des postes de recettes n'avaient été en évolution négative sur l'année précédente ».

Source : État de la presse en 2009 - Enquête annuelle de la direction générale des médias et des industries culturelles.


* 1 Prévision de l'agence média du groupe Publicis.

* 2 Prévision de ZenithOptimédia.

* 3 Enquête annuelle de la direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture sur l'état de la presse en 2009 :

http://www.dgmic.culture.gouv.fr/IMG/pdf/Enquete_rapide_2009.pdf

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