2. Orphelins et des victimes de spoliation : une dotation budgétaire en forte hausse
a) Une campagne d'indemnisation d'un milliard et demi d'euros
Trois dispositifs d'indemnisation, financés par le programme 158 39 ( * ) , en faveur des victimes de la Seconde Guerre mondiale et de leurs ayants cause ont été instaurés à partir de 1999 :
- une indemnisation 40 ( * ) à destination des victimes de spoliation intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation, pour laquelle les demandes sont instruites par commission pour l'indemnisation des victimes de spoliation (CIVS) ;
- une mesure de réparation 41 ( * ) en faveur des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ;
- enfin, une aide financière 42 ( * ) à l'intention des orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale.
Dans les deux derniers cas, l'indemnisation prend la forme, au choix du bénéficiaire, d'une indemnité en capital de 27 440,82 euros ou d'une rente viagère mensuelle de 480,50 euros dont le montant est désormais revalorisé chaque année de 2,5 % ; les dossiers sont instruits par les services du ministère de la défense et des anciens combattants et la mise en paiement effectuée par l'Onac.
Or, et contrairement aux deux années précédentes où la baisse des dotations budgétaires était en ligne avec la décrue prévisible du nombre de demandes nouvelles et la résorption progressive du stock de dossiers en attente, les crédits de paiement inscrits au titre du programme 158 progressent cette année de 18,7 % (pour une enveloppe globale de plus de 115 millions d'euros).
Outre l'effet des revalorisations annuelles de 2,5 %, décidées à compter du 1 er janvier 2009, sur le montant des rentes versées aux orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ou d'actes de barbarie, cette hausse s'explique, pour l'essentiel, par l' augmentation du coût moyen des dossiers d'indemnisation des spoliations 43 ( * ) .
Initialement évalué à 18 622 euros pour 2010, ce coût s'établit en fait à 21 242 euros sur les huit premiers mois de l'année, des dossiers à forts enjeux financiers ayant été instruits sur la période. A contrario , l'année 2009 avait été marquée par le traitement de nombreux dossiers emportant des levées de parts réservées 44 ( * ) , les montants alloués dans ce cas étant en règle générale plus faibles que ceux attribués aux ayants droit directs ou ayants cause au premier degré.
Ainsi, le coût moyen prévisionnel pour 2011 (21 652 euros) paraît-il traduire avec plus de justesse l'évolution des demandes restant à instruire, parmi lesquelles figurent encore les dossiers les plus délicats, et auxquelles s'ajoutent encore, à un rythme soutenu - une soixantaine de dossiers déposés par mois -, de nouvelles demandes, aucune date de forclusion du dispositif n'ayant été arrêtée.
Depuis le début de la campagne d'indemnisation et jusqu'au 31 août 2010, le Premier ministre, sur la base des avis émis par la CIVS, a traité plus de 18 000 recommandations qui, compte tenu des partages successoraux, ont concerné plus de 40 000 bénéficiaires .
Indemnisation des victimes de spoliations |
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Nombre de recommandations traitées |
Nombre de bénéficiaires |
Coût
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Total 1 |
18 353 |
40 413 |
407,49 |
1 Données arrêtées au 31 août 2010. |
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Source : services du Premier ministre |
S'agissant de l'indemnisation des orphelins de victimes de persécutions antisémites, la dotation, de l'ordre de 37 millions d'euros , n'augmentera en 2011 qu'à raison de la revalorisation annuelle des rentes concédées, les quelques entrées potentielles devant être couvertes par les sorties du dispositif.
Quant à l'aide financière versée aux orphelins des victimes d'actes de barbarie, la forte hausse des crédits dédiés (15,1 %, pour une dotation de près de 51,5 millions d'euros) intègre en particulier l'arrivée prévisible de deux cents nouveaux dossiers représentant une dépense supplémentaire estimée à 3,7 millions d'euros , aucune date de forclusion n'ayant, là encore, été prononcée.
Depuis leur création, ce sont plus de 35 100 personnes qui auront été indemnisées au titre des décrets de 2000 et de 2004, pour un montant total d' 1,1 milliard d'euros .
Indemnisation des orphelins |
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Nombre de demandes |
Nombre de bénéficiaires |
Coût
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Décret de 2000 |
Décret de 2004 |
Total |
Décret de 2000 |
Décret de 2004 |
Total |
Décret de 2000 |
Décret de 2004 |
Total |
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Total 1 |
17 748 |
31 020 |
48 768 |
13 462 |
21 693 |
35 155 |
518,41 |
619,30 |
1 137,71 |
1 Données arrêtées au 31 août 2010 |
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Source : services du Premier ministre |
Au total, ces trois mesures auront conduit, depuis 1999, au versement de plus d'1,5 milliard d'euros d'indemnisations à plus de 75 500 bénéficiaires .
Votre rapporteur pour avis ne peut cependant que s'associer au rapporteur spécial de la commission des finances lorsqu'il exprime le souhait d'une « prévisibilité renforcée en matière d'évolution des crédits de ce programme, tout en reconnaissant la difficulté de l'exercice ». On peut toujours s'étonner, au passage, de ce que l'architecture budgétaire du programme rassemble, au sein d'une même action, les mesures de réparation pourtant distinctes des spoliations et celles prévues par le décret de 2000 tout en retraçant, au sein d'une seconde action, l'indemnisation au titre du décret de 2004.
b) Un décret unique en cours de finalisation
En réponse aux demandes récurrentes d'une extension du droit à réparation à tous les orphelins de guerre et conformément aux engagements du Président de la République, le Gouvernement a confié une mission d'expertise au préfet honoraire Jean-Yves Audouin dont le rapport, remis au ministre en mars 2009 45 ( * ) , présente les différentes hypothèses envisageables : aménagement des décrets de 2000 et de 2004, indemnisation globale de tous les orphelins de la Seconde Guerre mondiale, voire indemnisation des orphelins de tous les conflits antérieurs ou postérieurs, avec des implications financières potentiellement considérables 46 ( * ) .
Au vu de ces propositions, le Gouvernement a mis en place une commission nationale de concertation - réunissant représentants des associations d'orphelins et d'anciens combattants et services de l'Etat - dont les travaux ont servi de base à l'élaboration du nouveau cadre juridique. Si celui-ci est en cours d'achèvement, ses grandes lignes sont déjà connues : l'élargissement du dispositif aux orphelins de tous les conflits n'a pas été envisagé , tant pour des raisons de coût que de principe. Une telle généralisation aurait en effet rompu avec la justification fondamentale des mesures existantes : la reconnaissance spécifique des conditions d'extrême barbarie de certaines disparitions survenues entre 1939 et 1945 47 ( * ) . La solution retenue devrait viser, pour l'essentiel, à corriger les principales inégalités, liées notamment à la grande marge d'interprétation qui s'attache à la notion de « victime d'acte de barbarie ».
C'est tout le sens du mandat confié par le Premier ministre, le 7 juillet dernier, aux ministres chargés de la défense et des anciens combattants pour « rédiger un décret unique, qui devra répondre à l'exigence de lisibilité et de correction des principales imperfections constatées, tout en restant fidèle à la spécificité d'une réparation liée à la notion de barbarie nazie » 48 ( * ) dont le projet devait lui être proposé à la fin du mois d'octobre avant d'être soumis à l'avis des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Tout en adhérant à la démarche de clarification et d'équité mise en oeuvre ainsi qu'au périmètre probable du futur dispositif, votre commission regrettera seulement que la représentation nationale n'ait pas été associée à cette réflexion en amont, au regard de l'importance, tant financière que symbolique, du sujet.
* 39 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale », ce programme étant placé sous la responsabilité du Premier ministre qui prononce les décisions d'attribution des mesures de réparation financière.
* 40 Instituée par le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999.
* 41 Créée par le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000.
* 42 Prévue par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004.
* 43 Dont on rappellera qu'il traduit mal la très grande diversité des patrimoines spoliés et partant, les disparités considérables entre les indemnités accordées.
* 44 Il s'agit d'indemnités non encore versées, et donc « réservées », au motif que les ayants droit ne sont pas connus ou que les héritiers sont clairement établis mais n'ont pas été associés à la requête pour différentes raisons (volonté délibérée, absence de contacts familiaux, etc.). Ces parts sont débloquées sur demande des personnes concernées auprès de la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliation (CIVS) qui recommande, une fois leur identité et filiation établies, une « levée de part ».
* 45 Rapport sur les orphelins de guerre au regard de l'application des décrets n os 2000-657 du 13 juillet 2000 et 2004-751 du 27 juillet 2004.
* 46 Le rapport évoque « l'engagement d'une dépense globale de trois à quatre milliards d'euros » et encore précise-t-il qu'il s'agirait là « d'un minimum ».
* 47 Ainsi que le rappelle le préfet Audouin, les décrets de 2000 et 2004 se sont attachés à singulariser les circonstances de certaines morts survenues durant la Seconde Guerre mondiale, « sans aucun rapport avec les lois classiques de la guerre ».
* 48 Tel que décrit par le secrétaire d'Etat à la défense et aux anciens combattants lors de son audition en commission élargie à l'Assemblée nationale le 11 octobre 2010.