N° 112
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2010 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 2011 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME IX
SÉCURITÉ
GENDARMERIE
NATIONALE
Par M. Jean FAURE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Jean-Pierre Bel, René Beaumont, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca. |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 2824, 2857,2859 à 2865 et T.A. 555
Sénat : 110 et 111 (annexe n° 27 ) (2010-2011)
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Les crédits du programme 152 « gendarmerie nationale » de la mission « Sécurité », dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, sont marqués par une forte contrainte budgétaire.
La gendarmerie nationale participe, en effet, comme l'ensemble des administrations publiques, à l'effort de réduction du déficit public.
Ce budget s'inscrit dans un cadre pluriannuel , qui résulte à la fois de la loi de programmation triennale des finances publiques pour la période 2011-2013 et du projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2) , qui couvre la période 2009-2013. Il tient également compte des mesures d'économies prévues au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).
Le budget de la gendarmerie pour 2011 se traduit par une légère augmentation des dépenses de personnel , une « sanctuarisation » des dépenses de fonctionnement courant et une forte baisse des crédits d'investissement , et cette tendance devrait se prolonger sur la période 2011-2013.
En outre, l'application à la gendarmerie de la règle de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite devrait se traduire par la suppression de 957 postes en 2011 et environ 3 000 sur la période 2011-2013.
Après une première partie consacrée à la mise en oeuvre du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur et à ses résultats en matière de lutte contre la délinquance et l'insécurité routière, une deuxième partie du présent rapport décrit les perspectives de financement de la gendarmerie sur la période 2011-2013.
Les crédits de la gendarmerie pour 2011 et la répartition par type de dépenses sont présentés dans la troisième partie du rapport.
Enfin, dans une quatrième partie , votre rapporteur pour avis a souhaité insister tout particulièrement sur quatre sujets de préoccupations :
- le maintien de la capacité opérationnelle de la gendarmerie et de la densité de son « maillage » territorial, au regard de la politique de réduction des effectifs ;
- les conséquences du report des grands programmes d'équipement, comme le renouvellement des hélicoptères et des véhicules blindés ;
- l'état de l'immobilier de la gendarmerie, compte tenu de la forte diminution des crédits d'investissement sur les prochaines années ;
- enfin, la sous-dotation des crédits destinés à couvrir l'engagement des militaires de la gendarmerie nationale engagés en opérations extérieures.
I. LA GENDARMERIE NATIONALE A DESORMAIS TROUVÉ SA PLACE AU SEIN DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR
A. LA MISE EN oeUVRE DU RATTACHEMENT DE LA GENDARMERIE NATIONALE AU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR
Le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie nationale au ministre de l'Intérieur avait été annoncé par le Président de la République, lors de son intervention du 29 novembre 2007 devant 1 800 gendarmes et policiers réunis à la Grande Arche de la Défense.
Avant même l'annonce de cette réforme, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat avait décidé de constituer en son sein un groupe de travail chargé de réfléchir à l'avenir de l'organisation et des missions de la gendarmerie.
Présidé par votre rapporteur pour avis, ce groupe de travail était composé de Mme Michèle Demessine et de MM. Hubert Haenel, Philippe Madrelle, Charles Pasqua, Yves Pozzo di Borgo et André Rouvière.
A l'issue de ses travaux, le groupe de travail avait présenté dix-sept recommandations, qui ont été adoptées à l'unanimité par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, et reprises dans un rapport d'information, publié le 10 avril 2008 1 ( * ) .
La loi sur la gendarmerie nationale , qui a été adoptée par le Parlement le 23 juillet 2009 et promulguée le 3 août 2009 , organise le rattachement organique de la gendarmerie nationale au ministre de l'Intérieur , après son rattachement budgétaire intervenu avec la loi de finances de 2009.
Ce rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l'Intérieur constitue moins une rupture que l'aboutissement d'une évolution commencée en 2002.
À la suite de l'élection présidentielle de mai 2002, la gendarmerie nationale a été placée pour emploi auprès du ministre de l'Intérieur pour l'exercice des missions de sécurité intérieure, par un décret du 15 mai 2002.
Le décret du 31 mai 2007 avait établi une responsabilité conjointe du ministère de la Défense et du ministère de l'Intérieur s'agissant de la définition des moyens budgétaires attribués à la gendarmerie nationale et de son suivi.
La gendarmerie restait cependant placée sous l'autorité du ministère de la Défense pour ses missions militaires et les questions de personnels, le statut des gendarmes étant commun à celui des autres militaires.
La loi du 3 août 2009, dont votre rapporteur pour avis a été le rapporteur au Sénat, organise le transfert du rattachement organique de la gendarmerie nationale du ministre de la Défense au ministre de l'Intérieur.
Le ministre de l'Intérieur est désormais responsable de l'organisation de la gendarmerie nationale, de sa gestion, de son emploi et de l'infrastructure militaire qui lui est nécessaire. Il exerce également une compétence de principe en matière de gestion des ressources humaines à l'égard des personnels de la gendarmerie.
Ainsi, le rattachement de la gendarmerie au ministre de l'Intérieur permet de réaliser le rapprochement des deux forces de sécurité et de renforcer la coopération entre la police et la gendarmerie en matière de lutte contre la criminalité.
Les missions de sécurité intérieure représentent 95 % de l'activité de la gendarmerie nationale, contre seulement 5 % pour ses missions militaires.
L'action des groupes d'intervention régionaux (GIR), qui présentent l'originalité de regrouper au sein d'une même structure des gendarmes, des policiers, des douaniers et des agents d'autres administrations, pourra être amplifiée. L'échange d'informations entre les différents services nécessite également d'être systématisé.
Ce rapprochement permet également de développer les synergies et les mutualisations de moyens entre les deux forces.
Ce rattachement n'entraîne pas la disparition du statut militaire de la gendarmerie nationale et sa fusion avec la police . La gendarmerie nationale et la police nationale restent deux forces distinctes, l'une à statut civil, l'autre à statut militaire. La direction générale de la gendarmerie nationale demeure une direction autonome au sein du ministère de l'Intérieur.
La gendarmerie nationale reste placée sous l'autorité du ministre de la Défense pour l'exécution des missions militaires et de l'autorité judiciaire pour l'exécution de ses missions judiciaires.
Le ministre de la Défense continue d'exercer sa compétence à l'égard des militaires de la gendarmerie en matière de discipline et participera à la gestion des ressources humaines de la gendarmerie dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les gendarmeries spécialisées (comme la gendarmerie de l'armement ou la gendarmerie de l'air) restent également placées sous son autorité et le ministère de la Défense assure certaines prestations de soutien au profit de la gendarmerie.
Ainsi, la gendarmerie reste en réalité placée sous une triple tutelle (Intérieur, Défense, Justice), même si elle n'est plus placée sous la tutelle organique du ministre de la Défense, mais sous celle du ministre de l'Intérieur.
En outre, à l'initiative du Sénat, la loi relative à la gendarmerie nationale a prévu qu'un rapport sera remis au Parlement, tous les deux ans, afin d'évaluer les modalités concrètes de ce rattachement.
La loi relative à la gendarmerie nationale est entrée en vigueur le 7 août 2009.
La promulgation de cette loi nécessite, pour son application, l'intervention de 37 décrets et de 36 arrêtés , répartis en quatre volets principaux : « organisation », « ressources humaines », « emploi » et « soutien et finances ».
A ce jour, le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur est réalisé à hauteur de 68 % (29 décrets et 20 arrêtés ont été publiés).
Le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur a été réalisé à 100 % par l'édiction de 4 décrets et 2 arrêtés.
La Direction générale de la gendarmerie nationale fait désormais partie intégrante de l'administration centrale du ministère de l'Intérieur. L'inspection de la gendarmerie est devenue une inspection générale et a été restructurée pour être en phase avec l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et l'Inspection générale de l'administration (IGA). Les attributions des préfets en matière d'ordre public et de police administrative ont été intégrées aux articles du code de la défense relatifs à l'organisation générale de la gendarmerie.
Le rattachement dans le domaine des ressources humaines est réalisé à 73 %.
Le ministre de l'Intérieur est devenu responsable de la gestion et de l'administration quotidiennes des militaires de la gendarmerie (recrutement, nomination, avancement, etc.). Le ministre de la Défense reste compétent pour les domaines structurants de l'état militaire que sont la formation initiale et la discipline. Depuis le 1 er janvier 2010, le transfert de compétences du ministre de la Défense au ministre de l'Intérieur pour la gestion des personnels militaires de la gendarmerie nationale est totalement réalisé, par l'entrée en vigueur de 9 décrets en Conseil d'Etat, 1 décret simple et de 5 arrêtés.
Un décret en Conseil d'Etat et deux arrêtés doivent également donner compétence au ministre de l'Intérieur en matière de santé, de sécurité au travail et de prévention médicale à l'égard du personnel militaire de la gendarmerie nationale. Le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) et le Conseil d'Etat ont émis, fin juin, un avis favorable sur ce projet de texte.
La gestion des personnels civils nécessite l'adoption de trois décrets en Conseil d'Etat, un décret simple et quatre arrêtés interministériels : deux décrets en Conseil d'Etat ont déjà été publiés fin 2009, la publication des derniers textes interviendra fin 2010. Depuis le 8 mars 2010, la majorité des personnels civils (fonctionnaires et contractuels des filières administratives et techniques, soit environ 1 200 agents) ont été transférés au ministère de l'Intérieur par la voie du détachement d'office sans limitation de durée. Les ouvriers de l'Etat et les contractuels spécifiques au ministère de la Défense (environ 800 personnels) conservent leur statut « Défense » et restent gérés par ce ministère tout en étant placés sous l'autorité du ministère de l'Intérieur.
Le rattachement dans le domaine de l'emploi des forces est réalisé à 60 %.
Sept décrets (4 décrets en Conseil d'Etat et 3 décrets simples) et trois arrêtés sont nécessaires pour parachever le dispositif engagé en 2002 lors du placement pour emploi de la gendarmerie auprès du ministre de l'Intérieur.
Le 8 juillet 2010, six décrets ont été publiés : ils modifient plusieurs codes afin de transférer les attributions du ministre de la Défense au ministre de l'Intérieur. En outre, le corpus juridique relatif à l'exécution des missions de maintien de l'ordre a été modifié, pour tirer les conséquences de la disparition de la réquisition de la gendarmerie par le ministre de l'Intérieur (décret en Conseil d'Etat relatif à l'emploi de la force pour le maintien de l'ordre et décret simple modifiant plusieurs articles du code de la défense).
Enfin, concernant le domaine « soutien et finances », le transfert est réalisé à 60 %.
Ce dernier volet du rattachement de la gendarmerie à l'Intérieur nécessite de modifier 10 décrets (dont 3 en Conseil d'Etat) et 20 arrêtés, afin de donner à ce ministre pleine compétence sur la gendarmerie dans divers domaines (marchés publics, immobilier, logistique, indemnitaire). Sept décrets et onze arrêtés sont d'ores et déjà entrés en vigueur. En outre, un projet de texte à caractère statutaire (avantage spécifique d'ancienneté) a reçu un avis favorable du CSFM le 18 juin dernier et doit à présent être examiné par le Conseil d'Etat.
Convention de délégation de gestion entre le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Défense du 28 juillet 2008 sur les prestations de soutien qui resteront assurées par le ministère de la Défense au profit de la gendarmerie 01. Le soutien immobilier 02. Le soutien santé 03. Le paiement des soldes et des pensions 04. l'action sociale 05. Le maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques assuré par la SIMMAD 06. Le maintien en condition opérationnelle des matériels en OPEX 07. Le dépannage auto interarmées 08. Le contentieux 09. La protection juridique 10. Les formations 11. La gendarmerie maritime 12. La gendarmerie de l'air 13. La gendarmerie de l'armement 14. Les prestations fournies par le SEA 15. Les archives 16. Le transport de fret par moyens militaires 17. Le transport par voie aérienne civile (TACITE) 18. L'immatriculation des véhicules 19. L'alimentation et les mess 20. L'utilisation des terrains de manoeuvres nationaux 21. Les munitions 22. Le service de la poste interarmées 23. Les adresses électroniques (e-mail) 24. Les aumôneries 25. Les commissaires détachés auprès de la DGGN 26. Les programmes d'armement et technologies de sécurité 27. La commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL) 28. Les prestations informatiques et de télécommunications 29. La convention SNCF 30. Les gîtes d'étape 31. Le soutien central de la DGGN 32. La reconversion 33. L'éligibilité de la gendarmerie à la mission « innovation » du ministère de la défense 34. Le transport opérationnel de militaires de la gendarmerie 35. La gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires |
* 1 Rapport d'information n°271 (2007-2008) intitulé « Quel avenir pour la gendarmerie ? », fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat par le groupe de travail chargé d'une réflexion sur l'avenir de l'organisation et des missions de la gendarmerie présidé par M. Jean Faure.