Article 96 - (art. L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles ; art. L. 116-4 du code de la mutualité ; art. L. 1335-2-1, L. 1335-2-2, L. 1335-2-3 et L. 6163-6 du code de la santé publique ; art. L. 324-1 et L. 932-51 du code de la sécurité sociale ; article 9-6-2 de l'ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977) - Suppression de renvois à des décrets
Objet : Cet article propose de supprimer des renvois à des décrets non parus, soit parce que l'intervention de ces décrets serait inutile, soit, dans le cas contraire, pour inciter le pouvoir réglementaire à prendre les dispositions réglementaires indispensables à l'application de la loi.
I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article comportait, dans le texte initial de la proposition de loi, sept paragraphes. Deux d'entre eux ont été supprimés par la commission des lois de l'Assemblée nationale (les paragraphes VI et VII), un troisième (le paragraphe I) a fait l'objet, lors de la discussion de la proposition de loi en séance publique, d'un amendement de suppression du Gouvernement.
Le paragraphe I propose de supprimer le cinquième alinéa de l'article L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles, relatif aux dépenses de santé qui peuvent être prises en charge par l'aide médicale d'Etat (AME).
Depuis la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU) 17 ( * ) , l'AME a remplacé l'aide médicale gratuite (AMG) qui finançait les dépenses de soins aux personnes non affiliées à l'assurance-maladie.
L'AME, financée exclusivement par l'Etat, est destinée aux personnes relevant antérieurement de l'AMG et qui n'ont pas vocation à bénéficier de la CMU, soit essentiellement les personnes étrangères en situation irrégulière.
L'AME assure la prise en charge totale des prestations en nature de l'assurance maladie, en dispense d'avances de frais. La définition du « panier de soins » couvert correspond à celui de la CMU « de base ».
La loi de finances rectificative pour 2003 18 ( * ) a réservé le bénéfice de l'AME aux personnes résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois et créé parallèlement un dispositif spécifique d'aide médicale d'urgence couvrant les dépenses de soins d'urgence « dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou de l'enfant à naître » .
Les dépenses consacrées à l'aide médicale dite « de droit commun » bénéficiant aux personnes résidant depuis plus de trois mois en France étaient estimées à 481 millions d'euros par la loi de finances pour 2010 19 ( * ) .
Comme l'a relevé le rapport d'une mission d'audit de modernisation 20 ( * ) , ces dépenses ont augmenté très fortement entre 2000 et 2002 sous l'effet de la montée en charge du dispositif, et ont connu entre 2002 et 2006 une « évolution erratique, avec une tendance de fond à la hausse » .
Afin de ralentir la croissance des dépenses de l'AME « de droit commun » et de responsabiliser les bénéficiaires, l'article 57 de la loi de finances rectificative pour 2002, issu d'un amendement présenté par Anne-Marie Montchamp, députée, a modifié l'article L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles pour instaurer une participation des bénéficiaires aux dépenses de soins de ville calquée sur le « ticket modérateur » du régime général de sécurité sociale, et leur étendre le paiement du forfait journalier pour les frais d'hospitalisation, sauf pour les mineurs.
Loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002) Article 57 I. - L'article L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié : 1° Dans le premier alinéa, après les mots : « assortie de la dispense d'avance des frais », sont insérés les mots : « pour la part ne relevant pas de la participation du bénéficiaire ». Dans le deuxième alinéa (1°), les mots : « 7° et 8° » sont supprimés ; 2° Le 2° est complété par les mots : « pour les mineurs et, pour les autres bénéficiaires, dans les conditions fixées au dernier alinéa du présent article » ; 3° Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés : « Sauf lorsque les frais sont engagés au profit d'un mineur ou dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4°, 10°, 11°, 15° et 16° de l'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale, une participation des bénéficiaires de l'aide médicale de l'Etat est fixée dans les conditions énoncées à l'article L. 322-2 et à la section 2 du chapitre II du titre II du livre III du même code. « Les dépenses restant à la charge du bénéficiaire en application du présent article sont limitées dans des conditions fixées par décret. » II. - Les a et b du 3° de l'article L. 111-2 du même code ainsi que, dans le dernier alinéa dudit article, les mots : « au b du 3° et, » sont abrogés. III. - Dans le premier alinéa de l'article L. 251-1 du même code, les mots : « autres que celles visées à l'article L. 380-5 de ce code » sont supprimés. L'article L. 380-5 du code de la sécurité sociale est abrogé. IV. - Les dispositions du I, du II et du III sont applicables à compter de la date d'entrée en vigueur du décret d'application. |
Pour tenir compte du niveau de ressources généralement très faible des personnes concernées, le cinquième alinéa du texte ainsi modifié de l'article L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que « les dépenses restant à la charge des bénéficiaires en application du présent article sont limitées dans des conditions prévues par décret » .
Ce décret n'est jamais paru et, comme le souligne le rapport de l'Assemblée nationale, « en raison de l'inertie du pouvoir réglementaire, la disposition voulue par le Parlement (...) n'est jamais entrée en vigueur » 21 ( * ) .
Pour mettre un terme à cette situation, la commission des lois de l'Assemblée nationale proposait donc de supprimer le cinquième alinéa, ce qui aurait pour effet que « le ticket modérateur s'appliquerait désormais aux bénéficiaires de l'aide médicale dans les conditions du droit commun » .
Il n'est pas certain que la mesure proposée ait cet effet car le dernier paragraphe de l'article 57 de la loi de finances rectificative pour 2002 prévoyait que l'ensemble des modifications qu'il apportait à l'article L. 251-2 seraient « applicables à compter de la date d'entrée en vigueur du décret d'application » .
Ce paragraphe n'a naturellement pas été codifié mais il est toujours en vigueur 22 ( * ) . Par ailleurs, le texte modifié par l'Assemblée nationale ne pourrait être d'application directe.
Quoi qu'il en soit, l'Assemblée nationale a supprimé le paragraphe I en adoptant un amendement du Gouvernement accepté par la commission.
Cet amendement n'a fait l'objet d'aucun débat mais son exposé des motifs, tout en relevant que la portée de la disposition proposée dépassait « largement l'ambition initiale de cette proposition de loi de simplification du droit » , faisait valoir que la mesure proposée :
- conduirait certains étrangers en situation irrégulière à renoncer à se faire soigner, ce qui pourrait présenter un risque sanitaire pour le reste de la population ;
- augmenterait le recours aux urgences des étrangers non soignés à temps, pour un coût plus élevé pour les finances publiques.
Il soulignait aussi que l'application d'un ticket modérateur entraînerait également la fin du tiers-payant, « faisant ainsi peser le risque financier sur les professionnels de santé qui accepteraient de soigner des bénéficiaires de l'AME » .
Ces arguments paraissent tout à fait recevables, et il ne paraît pas raisonnable à votre commission de vouloir traiter un problème aussi complexe au détour d'une proposition de loi de simplification du droit. Elle est donc favorable au maintien de la suppression du paragraphe I de cet article.
Le paragraphe II de l'article propose de supprimer, à l'article L. 116-4 du code de la mutualité , le renvoi à un décret déterminant les informations devant figurer dans le rapport annuel que le conseil d'administration d'une mutuelle doit présenter à l'assemblée générale pour lui rendre compte, le cas échéant, des opérations d'intermédiation en assurance et de délégation de gestion autorisées par son statut.
Cet article étant appliqué sans décret, le maintien de ce renvoi ne semble en effet pas indispensable - d'autant moins que sa suppression n'empêcherait en rien l'intervention d'un décret s'il apparaissait à l'avenir nécessaire ou souhaitable de préciser les conditions de l'information des assemblées générales des mutuelles.
Le paragraphe III de l'article modifie le code de la santé publique :
- le 1° tend à abroger trois articles ( L. 1335-2-1 à L. 1335-2-3 ) insérés dans ce code par la loi du 9 août 2004 23 ( * ) relative à la politique de santé publique et issus d'un amendement gouvernemental.
L'objet de ces dispositions était d'enrayer les épidémies communautaires de légionellose constatées entre 1998 et 2003 et causées par des installations sanitaires, des installations de climatisation et des dispositifs industriels de refroidissement.
Elles prévoyaient à cette fin de soumettre à un dispositif de déclaration et de contrôle les tours aéro-réfrigérantes (TAR), ou tours de refroidissement à voie humide, génératrices d'aérosols et susceptibles de ce fait de diffuser la légionelle, qui n'étaient pas soumises à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement.
En l'absence de parution des mesures d'application prévues par le dernier de ces articles, la proposition de loi initiale proposait de l'abroger, là aussi pour sanctionner l'inertie du pouvoir réglementaire et l'inciter à élaborer les textes nécessaires.
Le Conseil d'Etat a suggéré d'abroger l'ensemble du dispositif, les TAR ayant été intégrées en décembre 2004 dans le champ d'application de la législation sur les installations classées.
De fait, le décret n° 2004-1331 du 1 er décembre 2004 a modifié la nomenclature des installations classées pour y inclure une nouvelle rubrique (n° 2921) relative à toutes les tours de refroidissement à voie humide, soumises, selon leur puissance et leur type, à déclaration ou à autorisation.
Deux arrêtés du 13 décembre 2004 ont défini les prescriptions générales applicables, respectivement, aux installations soumises à autorisation et à déclaration.
Il est par conséquent souhaitable d'abroger les articles L. 1335-2-1 à L. 1335-2-3 du code de la santé publique, devenus sans objet ;
- le 2° du même paragraphe tend à supprimer, à l' article L. 6163-6 du même code, relatif au capital social des sociétés coopératives hospitalières 24 ( * ) , le renvoi à un décret fixant le montant minimal de la valeur nominale des parts sociales.
Ce décret n'a jamais été publié mais cela ne fait aucun obstacle à la constitution des coopératives hospitalières de médecins, formule qui ne semble d'ailleurs pas avoir rencontré à ce jour un grand succès. Il n'y a donc aucun inconvénient à supprimer le renvoi à un décret, dont on rappellera que l'absence n'interdit pas qu'il soit pris.
Le paragraphe IV modifie deux articles du code de la sécurité sociale :
- le 1° supprime le dernier alinéa de l'article L. 324-1 de ce code, relatif aux protocoles de soins établis conjointement par le médecin traitant et le médecin conseil de la sécurité sociale et que doivent suivre, pour continuer à bénéficier des prestations, les patients atteints d'une affection de longue durée (ALD) en cas d'interruption de travail ou de soins continus pendant une certaine durée.
Ce dernier alinéa renvoyait à un décret la définition, « notamment » , des conditions dans lesquelles l'assuré prend connaissance du protocole et le communique au médecin lors de la prescription.
L'article L. 324-1 a été modifié par la LFSS pour 2004 25 ( * ) et prévoit désormais que le protocole est signé par l'assuré qui doit, sauf urgence, le communiquer au médecin consulté pour bénéficier de la réduction ou de la suppression du ticket modérateur. Le décret prévu au premier alinéa n'est donc plus nécessaire ;
- le 2° modifie l'article L. 932-51 du même code, relatif à l'information des assemblées générales des institutions de prévoyance sur leurs éventuelles opérations d'intermédiation et de délégations de gestion. Ses dispositions sont symétriques de celles prévues, pour les mutuelles, par l'article L. 116-4 du code de la mutualité et, symétriquement avec la modification proposée au II, le texte adopté par l'Assemblée nationale propose de supprimer le renvoi à un décret précisant les informations qui doivent être communiquées aux assemblées générales des institutions de prévoyance.
Le paragraphe V tend à supprimer un renvoi à un décret, à l'article 9-6-2 de l'ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977 portant extension à Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales.
La loi du 4 mars 2002 26 ( * ) , dont l'article 124 a complété sur divers points le régime d'invalidité applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon, a étendu, au nouvel article 9-6-1 de l'ordonnance, le régime de l'allocation supplémentaire invalidité à toute personne résidant sur le territoire de la collectivité territoriale et justifiant d'une certaine durée de résidence à Saint-Pierre-et-Miquelon ou en métropole, dans un département ou un territoire d'outre-mer ou à Mayotte.
L'article 9-6-2 précise que les charges en résultant pour la caisse de prévoyance sociale de la collectivité territoriale sont couvertes par une subvention spécifique de l'Etat « dont les modalités de versement sont fixées par décret » .
Ayant reçu l'assurance que ce décret n'avait pas été nécessaire pour appliquer cette disposition, qui ne concerne qu'un nombre très restreint de personnes, la commission des lois de l'Assemblée nationale a estimé inutile le maintien de la référence à un décret.
Cette suppression, qui rend d'application directe la disposition prévoyant la compensation par l'Etat des dépenses imposées à la collectivité territoriale, ne peut qu'être approuvée.
Les paragraphes VI et VII de l'article ont été supprimés par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur proposition de son président, auteur de la proposition de loi.
- Le paragraphe VI tendait à supprimer, pour non-parution de ce décret - le renvoi à un décret pour l'application de l'article 16 de la loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie 27 ( * ) . Mais il s'est avéré que les mesures d'application nécessaires étaient incluses dans le décret d'application de cette loi (décret n° 2001-1086 du 20 novembre 2001).
- Le paragraphe VII proposait de supprimer une disposition de l'article 31 de la loi précitée du 13 août 2004 28 ( * ) prévoyant d'établir, par décret en Conseil d'Etat, la charte de qualité des pratiques professionnelles des visiteurs médicaux si cette charte n'était pas établie par convention entre le comité économique des produits de (Ceps) et les représentants de l'industrie pharmaceutique (article L. 162-17-8 du code de la sécurité sociale). La charte a été conclue mais le maintien de cette disposition demeure pertinent : la commission des lois de l'Assemblée nationale a donc renoncé à supprimer cette disposition.
II - La position de votre commission
Votre commission demande à la commission saisie au fond d' adopter cet article sans modification.
* 17 Loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle (Titre III).
* 18 Loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 (article 97).
* 19 Sur la base d'une dépense constatée en 2008 de 476,5 millions d'euros.
* 20 Rapport de la mission d'audit de modernisation sur la gestion de l'aide médicale d'Etat, établi par l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires sociales (mai 2007).
* 21 Le rapport précité d'audit de modernisation impute cette « inertie » à la difficulté technique d'application de la disposition.
* 22 Et ne comporte pas, comme cela aurait dû être le cas, de date limite d'entrée en vigueur de la loi.
* 23 Loi n° 2004-806.
* 24 Les sociétés coopératives hospitalières sont des sociétés d'exercice professionnel constituées entre des médecins ou des médecins et d'autres professionnels de santé pour exercer en commun la médecine « en qualité d'établissement de santé ». Elles ont été créées par la loi précitée du 4 mars 2002 relative aux droits des malades.
* 25 Loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 (article 38-1).
* 26 Loi n° 2002-203 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
* 27 Loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001.
* 28 Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.