EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 23 juin 2010, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Charles Guené, rapporteur, sur le projet de loi n° 527 (2009-2010) de réforme des collectivités territoriales (deuxième lecture), dans le texte n° 560 (2009-2010) adopté par la commission des lois.
M. Jean Arthuis , président . - Avec ce projet de loi qui revient de l'Assemblée nationale nous allons examiner un texte important auquel nous allons consacrer pas moins de 55 heures de débat en séance publique, à partir de la semaine prochaine.
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - En nous saisissant pour avis, en première lecture, des articles de ce texte qui avaient une incidence financière ou fiscale, nous avions pris position sur la création des métropoles et la réforme de la procédure de fusion de communes par l'institution des communes nouvelles.
Si nous avions pu faire adopter les mesures de coordination rendues nécessaires par la suppression de la taxe professionnelle et par la réforme de la fiscalité locale, nous n'avions pu faire prévaloir, en séance publique, notre conviction qu'une réforme novatrice était devenue nécessaire face aux grandes difficultés financières de l'État et des collectivités territoriales. Nous proposions en particulier de doter les métropoles d'un dispositif fiscal et budgétaire très intégré, qui les différencie nettement des communautés urbaines, et de favoriser la dynamique de rationalisation du découpage territorial par la voie des communes nouvelles.
Nous n'avions pas jugé utile de modifier l'article 35 du texte, relatif à la clarification des compétences des collectivités territoriales, en estimant qu'il restait d'ordre général et sans impact sur les besoins de financement des collectivités.
La suite de l'examen du projet de loi, à l'Assemblée nationale comme en commission des lois du Sénat, a apporté deux éléments nouveaux sur lesquels la commission des finances est fondée à faire valoir une appréciation particulière : l'Assemblée nationale a retenu une position intermédiaire sur le régime financier et fiscal des métropoles, position que la commission des lois du Sénat a repoussée ; des développements de nature normative sur la répartition des compétences entre les niveaux de collectivités territoriales et les règles applicables aux financements croisés ont été introduits dans le texte.
La commission des finances s'est donc saisie des seules dispositions financières et fiscales. Il n'est pas question ici d'aborder par exemple le mode d'élection des conseillers territoriaux ou les règles de répartition des compétences entre les catégories de collectivités territoriales.
Concernant les métropoles, la commission des lois du Sénat a réduit au maximum les transferts de compétences ou de ressources financières entre les métropoles et les communes. Elle n'a donc permis le transfert de la DGF des communes à la métropole qu'à l'unanimité des communes membres, et non à la majorité qualifiée, en conservant dans cette hypothèse le principe d'une dotation de reversement qui pourra avoir une vocation péréquatrice ; elle a supprimé le transfert à la métropole de la taxe foncière sur les propriétés bâties, tel qu'il avait été retenu par l'Assemblée nationale comme position intermédiaire.
En effet, entre la version initiale du projet de loi, qui accordait aux métropoles une double spécificité financière par le transfert de plein droit au niveau métropolitain de l'intégralité du produit de la fiscalité directe communale et le versement à la métropole sous forme d'une « dotation communale » de la DGF des communes membres, et la version de première lecture, issue des travaux du Sénat, le texte adopté par l'Assemblée nationale préservait l'autonomie communale tout en proposant un cadre novateur et ambitieux pour le régime financier de la métropole : cette position était intermédiaire.
Dans le texte que nous examinons aujourd'hui, les métropoles se distinguent très peu des communautés urbaines : nous regrettons ce manque d'ambition.
Il ne m'a pas paru utile de présenter, au nom de la commission des finances, des amendements que le Sénat a repoussés en première lecture, car nous connaissons le sort qui leur aurait été réservé. J'exprimerai toutefois une certaine déception lors de mon intervention à la tribune.
Je vous proposerai en conséquence d'adopter les modifications suivantes : un amendement pour lever certains obstacles financiers à la création des métropoles, notamment en matière de régime des attributions du FCTVA ; un deuxième pour inciter davantage les communes à la territorialisation de la DGF, faute de quoi cette possibilité ne sera jamais exploitée, ce qui serait regrettable ; enfin, des amendements pour limiter certains avantages dont pourraient bénéficier les métropoles au détriment des autres communes et intercommunalités alors qu'elles ne subissent aucune contrainte accrue par rapport aux communautés urbaines.
A notre initiative, le Sénat avait adopté, en première lecture, des amendements de coordination avec la réforme de la taxe professionnelle. L'Assemblée nationale a enrichi nos articles additionnels : je vous propose de les adopter dans la rédaction de nos collègues députés.
S'agissant des communes nouvelles, l'Assemblée nationale est revenue sur un élément ajouté par le Sénat à notre initiative et relatif à l'indexation des montants de la part garantie de la DGF perçus par les anciennes communes l'année de création de la commune nouvelle. Sur ce point, je vous proposerai un amendement de compromis.
De manière générale, comme pour les métropoles, je ne peux que regretter que l'on aboutisse à un projet de texte peu ambitieux. Sur les fusions de communes, ce que l'on nous propose est souvent plus contraignant que le dispositif de la loi Marcellin, qui date de 1971, alors que l'objectif était d'adopter un dispositif plus opérationnel.
L'Assemblée nationale a modifié sur quatre points financiers les articles relatifs au développement et à la simplification de l'intercommunalité. Elle a supprimé l'article 34 ter, qui révisait la compensation versée par un EPCI à une commune membre en fonction du coût de certains équipements transférés à l'EPCI, en l'occurrence des piscines. Le dispositif adopté par le Sénat faisait supporter deux fois par l'EPCI le coût des déficits de fonctionnement de certains équipements publics dont la réalisation avait été décidée par une des communes membres : cela ne me paraît pas très juste, je suis donc favorable à la suppression de cet article.
L'Assemblée nationale, ensuite, a précisé, avec les avis favorables de sa commission des lois et du Gouvernement, que la commission locale chargée d'évaluer les transferts de charges entre un EPCI et ses communes membres, est « créée par le conseil communautaire qui en détermine la composition à la majorité simple » : c'est plus sûr juridiquement, j'y suis donc également favorable.
L'Assemblée nationale propose encore d'étendre la territorialisation de la DGF à l'ensemble des EPCI. Les communes membres d'un EPCI pourront, à l'unanimité, transférer leur DGF à leur EPCI, en échange d'un reversement dont le montant global sera égal à la DGF transférée, mais avec des règles plus péréquatrices entre collectivités territoriales. Je vous proposerai une incitation, via le FCTVA, pour utiliser cette possibilité, faute de quoi elle risque de l'être trop peu.
Enfin, l'Assemblée nationale ouvre la possibilité d'harmoniser les taux des différentes impositions directes locales au sein d'une intercommunalité à fiscalité propre, sous réserve de l'unanimité des communes membres : c'est intéressant et je vous proposerai un amendement pour rendre ce dispositif plus opérationnel.
En première lecture, constatant que les dispositions relatives aux compétences étaient déclaratoires, nous n'avions pas proposé de les modifier. Cependant, l'Assemblée nationale a prévu depuis de limiter la compétence des départements et des régions aux domaines de compétences que la loi leur attribue, elle a ouvert la possibilité, pour une région et les départements qui la composent, d'adopter des « schémas d'organisation des compétences et de mutualisation des services », elle a précisé que les régions ne pourront participer qu'aux opérations « d'envergure régionale » menées par les départements, les communes ou les intercommunalités et, enfin, elle a disposé que les collectivités maîtres d'ouvrage d'un investissement devront le financer au moins à 20 % pour les communes de moins de 3 500 habitants et les EPCI de moins de 50 000 habitants et de 30 % pour les autres collectivités et EPCI.
Sur les questions traitant strictement de la répartition des compétences, j'ai pris acte de la position de la commission des lois du Sénat, qui a largement validé les dispositions insérées à l'Assemblée nationale.
En ce qui concerne la limitation des cofinancements, dont la commission des finances s'est saisie, plusieurs ajustements me semblent devoir être adoptés : il n'y a pas de raison d'attendre l'élection des conseillers territoriaux pour permettre aux régions et aux départements de s'entendre sur la répartition de leurs compétences ; la notion, assez floue, de projets « d'envergure régionale » doit être clarifiée ; les modalités d'application de la règle de participation financière minimale du maître d'ouvrage au projet financé doivent également être précisées.
Enfin, la commission des lois du Sénat a, de manière assez imprévue, supprimé l'article 35 quater introduit à l'Assemblée nationale. Cet article interdisait de cumuler les subventions départementales et régionales, sauf pour les projets décidés par les communes de moins de 3 500 habitants ou les EPCI de moins de 50 000 habitants. L'article prévoyait une interdiction totale de cumul des subventions entre 2012 et 2015, sauf pour quelques secteurs puis, à partir de 2015, une interdiction conditionnée à l'absence d'un schéma de répartition des compétences réglant leurs cofinancements.
Je crois utile d'inciter les régions et départements à organiser leurs cofinancements à travers la négociation de schémas : la seconde phase, prévue à compter du 1er janvier 2015, peut être reprise. En revanche, la période transitoire semble excessivement contraignante : je vous proposerai de supprimer l'interdiction et de rétablir l'article 35 quater ainsi modifié.
M. Jean Arthuis , président . - Merci pour vos lumières sur un texte dont le Sénat va débattre pendant deux semaines au moins. Parmi les facteurs de changement dans nos collectivités locales, je me demande si la crise financière ne pèsera pas davantage, finalement, que les normes dont nous allons débattre. Je retiens aussi de votre propos que la DGF serait plus facile à distribuer aux 3 000 intercommunalités qu'aux 37 000 communes de France...
M. Philippe Dallier . - Le texte créé les métropoles, mais je me demande bien ce qu'il en restera dans les faits : à force de rendre tout optionnel, d'imposer l'unanimité, on ne fait que de l'affichage ! Et que dire des dispositions relatives à l'Île-de-France !
Le texte rend possible une répartition de la DGF au sein de l'intercommunalité, avec un levier de péréquation plus importante. Je suis assez favorable à cette idée, à condition d'avoir au préalable une vraie réforme de la péréquation afin de partir sur des bases équitables. Le risque est en effet qu'on nous dise que la péréquation se fera au niveau local : cela sera bien pour les riches, mais pour les autres ? Les dotations intercommunales sont une bonne idée si elles ne sont pas détournées.
Comment fonctionnera-t-on pendant la période transitoire et y aura-t-il des résultats différents au sein des régions ? Que se passera-t-il en cas de désaccord politique entre la région et certains départements ?
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - Nous sommes sur la même ligne pour les métropoles. Malgré nos efforts, nous n'avons pas réussi à imposer notre point de vue dans l'hémicycle en première lecture. On profitera peut-être dans certains cas de cette apparence de métropole, de cette métropole « Canada Dry », pour capter des ressources sous des prétextes fallacieux.
Nous souhaitons faciliter la territorialisation de la DGF, y inciter, notamment parce qu'elle peut aider à mettre en place une vraie péréquation, mais celle-ci sera difficile à mettre en oeuvre et je partage vos inquiétudes. Deux cabinets de consultants sont venus hier nous exposer les méthodes de péréquation en Europe ; nous avons vu que les points de vue sont très éloignés du nôtre.
Sur les compétences, le texte de l'Assemblée nationale marque une avancée. Nous n'avions rien, nous avons maintenant une proposition. Il peut en effet y avoir des oppositions avec les départements au sein d'une région, mais cette situation ne saurait être selon moi durable. On ne peut pas laisser le vide créé par la commission des lois en refusant le texte de l'Assemblée nationale. L'esprit du projet de loi, nous le savons, est de réaliser des économies d'échelle, de réguler, de favoriser les mutualisations. Si nous restons sur cette position négative, l'Assemblée nationale en reviendra à sa position initiale et instaurera une période transitoire complexe, alors que le texte que je vous propose ne s'appliquera qu'à compter de l'année 2015. Or les élus, surtout, s'ils sont communs aux deux niveaux, s'entendront car leurs électeurs leur reprocheraient qu'il en soit autrement.
M. Pierre Jarlier . - On a l'impression d'une perte de lisibilité car on ajoute de nouvelles strates au mille-feuille. La commission des finances aurait pu se saisir du coût de ces assemblées pléthoriques : je ne suis pas sûr qu'avec 256 conseillers territoriaux en Midi-Pyrénées, on dégage des économies. D'ailleurs est-il opportun, en cette période de relance, de modifier des structures institutionnelles qui marchent plutôt bien au dire des acteurs de terrain ?
Le principe de spécialisation des compétences pose des problèmes dans les territoires les plus ruraux où les collectivités locales ont un large champ d'intervention. Les financements croisés et les compétences partagées permettent de soutenir des projets qui dépassent l'intérêt local, d'agir efficacement en matière d'aménagement du territoire. L'Assemblée nationale avait interdit les cofinancements aux communes de plus de 3 500 habitants qui ont pourtant des charges de centralité. Les communes et les EPCI seront-ils soumis à des accords politiques entre région et département ? Les conventionnements marquent un recul : puisque la souplesse a fait ses preuves avec de multiples interventions sur des projets structurants, pourquoi établir un carcan qui se révélera vite inadapté et qu'il faudra renégocier ? Je regrette qu'on s'engage dans cette direction. Quid enfin des collectivités situées dans des régions où il n'y aura pas d'accord sur la base d'une convention ? Elles subiront la double peine !
M. Jean Arthuis , président . - C'est la régulation budgétaire...
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - S'agissant de l'opportunité du texte, nous en sommes restés sur nos fondamentaux, d'ordre financier, mais vous aurez l'occasion de vous exprimer sur le fond de la réforme en séance publique. Nous aurions certes pu nous saisir du coût des élus, mais le coeur du sujet est de réguler la dépense par la mise en place du conseiller territorial et la rationalisation des moyens. On parle d'une masse de 20 milliards d'euros d'économies sur les doublons, et, même si l'on ne réalise pas d'économies avec les nouveaux élus, les sommes en cause ne sont pas comparables à ces 20 milliards d'euros.
Vous avez également évoqué la nécessité d'obtenir un accord sur le conventionnement. C'est la philosophie même du projet. Le Sénat doit pouvoir débattre sur le texte tel qu'il sort des travaux de la commission des lois, qui a complètement gommé cet article 35 quater. Nous n'obtiendrons pas forcément gain de cause ; il convient néanmoins de donner un signal à l'Assemblée nationale. Nous proposons une solution de compromis, avec application à partir de 2015, ce qui constitue une solution intéressante. Faute de quoi l'Assemblée nationale pourrait rétablir l'interdiction des financements croisés dans la période 2012-2014. Bien sûr, les élus peuvent ne pas s'entendre. Reste que la démarche du projet de loi consiste à obtenir des gains sur la répartition des compétences. Faire sauter cela viderait la réforme de son sens.
M. Philippe Adnot . - Comment vider de son sens une chose qui n'en a pas ?
M. François Fortassin . - Tout le monde comprendra que l'on répartisse plus facilement la DGF entre 3 000 collectivités plutôt qu'entre 36 000. Expliquez-moi pourtant en quoi une DGF territorialisée est péréquatrice ?
M. Philippe Dallier . - Elle pourrait l'être !
M. François Fortassin . - La solidarité locale n'existe pas, malgré les discours généreux de ceux qui ne veulent rien donner. Cette réforme n'a aucune lisibilité pour le citoyen. Comment faire fonctionner un conseil régional de 255 membres ? Je suis plutôt favorable à ce que les conseils général et régional soient administrés par les mêmes personnes, grâce à un fléchage respectueux du suffrage universel.
M. Jean-Paul Alduy . - Comme cela avait été prévu au départ.
M. François Fortassin . - Je plains le président de la région Midi-Pyrénées qui aura face à lui les huit présidents de conseil général avec leurs troupes, plus le président d'une métropole ! On pourrait éviter des télescopages qui ne sont pas seulement politiques car si mon département est favorable à la neige de culture, d'autres ne le sont pas qui ne sont pas montagnards, et la Haute-Garonne voudra-t-elle inciter à un développement rapide de l'hydraulique agricole ?
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - Il n'est pas question de généraliser la territorialisation de la DGF puisqu'ont été prévues des délibérations concordantes de tous les membres. La rédaction que nous proposons pour l'article 34 quater précise les règles de redistribution. Dans notre pays, il faut ouvrir l'expérimentation avant de généraliser.
M. Jean Arthuis , président . - L'État a tout fait pour qu'il n'y ait pas de regroupements communaux parce qu'ils auraient marginalisés ses représentants dans les territoires. Les sous-préfets souhaitaient rester des points de passage obligés pour les communes. Répartir la DGF entre 37 000 communes devient un défi. Selon quels critères ? Les EPCI seront les véritables instances de mutualisation. La crise financière suscitera sans doute l'imagination afin de faire face à la réduction de crédits publics.
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - C'est pourquoi il faut achever la carte de l'intercommunalité. Les entités doivent atteindre une taille suffisante, ce qui n'est pas le cas des communes. Cela permettra de tenir compte des charges de centralité et des services au public. La maille des communes n'est pas pertinente.
M. Jean-Paul Alduy . - J'abonde dans votre sens. Je fais en effet partie des grands déçus de l'évolution de cette loi. Au démarrage, l'idée était forte, qui consistait à rassembler des blocs afin de mieux réguler la dépense, de mutualiser et de gagner en lisibilité. Et nous voilà obligés de bricoler pour voir comment départements et régions peuvent se mettre d'accord tandis qu'on s'interroge sur les petites communes : on n'a pas avancé d'un mètre. Il ne faut tout de même pas oublier que les maires des petites communes sont obligés de se prosterner devant le président du conseil général quand ils ont besoin d'une subvention.
On a échoué parce que le fait intercommunal n'a pas été traité. Quand on s'engage sur de vrais territoires, les petites communes disposent de vrais moyens, quitte à n'avoir que 1 500 intercommunalités. Des intercommunalités de vallée réuniront 10 000 habitants et auront des services techniques. On n'aura plus un quart de secrétaire ici, un autre quart ailleurs. Sans de telles intercommunalités, on ne peut pas traiter l'aménagement du territoire. Il en est de même en milieu urbain où l'on pratique déjà de la péréquation avec la dotation de solidarité communautaire. Cependant, on a tout fait à l'Assemblée pour interdire les fusions. L'AMF a déployé un génie particulier pour inspirer des amendements qui empêchent de rien faire. Quand le texte initial demandait la majorité qualifiée de la nouvelle intercommunalité, on requiert en plus celle de tous les EPCI fusionnés : ceux qui auront été intégrés de force diront non. Une carte ambitieuse de l'intercommunalité est la seule solution. Accélérons le dispositif pour mutualiser et péréquer, au lieu de jouer à bricoler en espérant que le navire gardera le cap.
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - Voilà une excellente introduction au débat sur la péréquation.
M. Jean-Pierre Fourcade . - Je suis très réservé sur ce texte qui se traduira par une grande insatisfaction des grands électeurs. Devoir agrandir tous les hémicycles est absurde.
Je suis très favorable à l'article 34 quater, car c'est au niveau de véritables EPCI que l'on pratique une vraie péréquation. Notre rapporteur doit défendre cet article.
Pourquoi parler à la fois de métropole et de pôle métropolitain ? Cette dualité qui me choque enlève toute crédibilité au système et l'on atteint au comble de l'horreur juridique quand on écrit que le pôle métropolitain statuera sur l'intérêt métropolitain des compétences qui lui seront transférées. Ou bien l'on établit les métropoles, ou bien l'on crée des pôles métropolitains. En Île-de-France, nous aurons la région, deux pôles, une métropole, plus les départements. M. Guené devrait plaider pour qu'on fasse un choix. Le pôle métropolitain correspond à ce que l'on fait pour Saclay qui recouvre quatre EPCI. Ce peut être un préalable.
L'article 34 quinquies sur l'harmonisation des mécanismes fiscaux permet une homogénéisation des taux. Il faut aller dans cette voie, comme nous l'avons fait dans nos intercommunalités avec la convergence des taux de taxe professionnelle. Ce devrait être la règle pour les pôles métropolitains.
S'il y a des compétences exclusives et des compétences partagées, tout le monde continuera à faire n'importe quoi.
M. Jean Arthuis , président . - Vous êtes donc favorable à une question préalable !
M. Jean-Pierre Fourcade . - Sans aller jusque là, nous pourrions supprimer l'absurde conjonction des métropoles et des pôles métropolitains.
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - Je partage votre point de vue sur l'article 34 quater. J'ai déposé un amendement pour aller plus loin dans ce sens. De la même manière, je propose de retenir pour l'harmonisation le mécanisme déjà prévu pour la TPU.
Vos deux autres questions nous amèneraient à empiéter sur les compétences de nos amis de la commission des lois. Il est difficile de revenir sur le texte tel qu'il est formaté, surtout là où nous n'avions pas été saisis en première lecture. Peut-être pourrez-vous lancer le débat à titre personnel.
M. Philippe Dallier . - Je le ferai !
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - Il y a déjà de grands débats en ligne.
M. Jean-Pierre Fourcade . - Nous ferons un pôle métropolitain à l'ouest.
M. Philippe Dallier . - Et avec la super-métropole à Paris, nous aurons sept couches de collectivités.
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - On part sur un système expérimental dans lequel le conseiller territorial est intelligent.
M. Jean-Pierre Fourcade . - On va instituer le droit de retour anglais.
M. Philippe Adnot . - La télévision vient de m'interroger sur la situation de certains départements qui seraient obligés d'emprunter pour financer le RSA à partir de septembre. Voilà un vrai problème ! Le rapporteur a repris un propos du ministre sur les doublons qui coûteraient 20 milliards. Peut-on en donner le premier euro de preuve ? Les cofinancements ne changent pas le coût d'une école. Le chiffre de 20 milliards relève de la désinformation et vous seriez incapables de le justifier. Nous n'avons pas le droit de faire courir ce genre de bruits si l'on ne peut présenter une liste.
M. Jean Arthuis , président . - Avec la multiplication des donateurs, on peut construire plus grand ou plus confortable. Plus il y a d'argent, et plus les coûts augmentent.
M. Jean-Paul Alduy . - Et après on ferme des classes !
M. Philippe Adnot . - On ment quand on dit qu'il y a 20 milliards de doublons. Il ne faut pas répéter cela. Un cofinancement n'est pas un doublon.
M. Jean Arthuis , président . - L'instruction des dossiers est doublonnée.
M. Philippe Adnot . - Je connais nos modes de subvention et je peux vous assurer que nous savons maîtriser ce genre de dérives en fixant un prix au mètre carré.
Comment financera-t-on la DGF des intercommunalités qui vont se former ? Jusqu'à maintenant, il y avait un préciput prélevé sur ceux qui n'étaient pas en intercommunalité. Nous en sommes à 2,5 milliards et il faut 500 millions pour finir l'intercommunalité. Puisque l'Etat ne pourra pas dégager de nouveaux moyens, pourquoi ne pas proposer de supprimer la DGF des communes sur la part transférée ? Il faut en finir avec l'hypocrisie qui consiste à continuer à financer des compétences transférées. Jean-Paul Alduy oublie que l'intercommunalité a eu trente ans pour faire ses preuves et que la Cour des comptes souligne qu'elle a provoqué une augmentation de la dépense en générant des dépenses de fonctionnement. Mon intercommunalité est intégrée à plus de 60% ! En réalité, on ne va pas vers une maîtrise de la dépense publique mais vers un gaspillage, car comment les 20% d'intercommunalités à faire dégageront-ils les économies qu'on n'a pas réalisées sur les premiers 80% ?
Me confirmez-vous qu'avec la suppression de l'article 1er A, l'Assemblée nationale décidera seule du conseiller territorial avant que la CMP ne tranche ? Le Sénat ne verra donc pas cette disposition.
L'article 35 installe l'insécurité juridique et ce sera le juge qui décidera de ce que nous avons le droit de faire ou de ne pas faire.
A quelles mutualisations entre la région et les départements le rapporteur pense-t-il ? J'en vois plutôt entre départements et communes de manière à éviter une inflation de dépenses avec des intercommunalités se dotant de services techniques qui ne seraient utiles qu'occasionnellement : depuis que l'État a perdu sa compétence de conseil des petites communes, c'est le département qui l'assure.
M. Jean-Paul Alduy . - Nous sommes dans la phase expérimentale de l'intercommunalité.
M. Philippe Adnot . - Depuis quarante ans ?
M. Jean-Paul Alduy . - Peut-être dans certaines régions comme la Bretagne, mais ailleurs, elle est très récente et, comme les rassemblements se sont opérés pour des raisons politiques, certains enchevêtrements étonnent. Avec des périmètres non pertinents et des compétences en mouvement décidées sur la base du volontariat, on est obligé de faire des concessions, d'où des surcoûts de fonctionnement. Nous serons plus efficaces demain car, quand des communes transfèrent la compétence ordures ménagères, on peut mutualiser et les coûts deviennent plus pertinents. On répartit mieux les équipements structurants et l'on emprunte à de meilleurs taux. Comment, à l'échelle des communes, lutter contre les inondations ou s'occuper du trait de côte ? L'intercommunalité, c'est la dimension pertinente ! Quand on va à Rennes, on peut mesurer l'efficacité redoutable d'une intercommunalité qui a trente ou quarante ans : elle permet même de répartir le logement social, comme je le mesure chez moi. Je suis totalement convaincu que le défi français est là, et que tant que nous ne l'aurons pas relevé, nous ne pourrons réformer.
M. François Fortassin . - Si la métropole s'occupe des collèges, de la voirie, du SDIS, il y aura des chevauchements avec les départements.
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - Non !
M. Philippe Adnot . - Si !
M. François Fortassin . - Il faudra bien que le conseil général continue à s'occuper du reste du territoire départemental !
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - J'ai cité le chiffre de 20 milliards de doublons en répondant à M. Jarlier, pour comparer les masses en jeu. J'ai employé les chiffres habituellement cités, mais j'avoue ne pas être en mesure d'en donner le détail.
La DGF des intercommunalités est une addition ; c'est pourquoi mes amendements reviennent sur les avantages accordés aux métropoles et aux communautés urbaines au détriment des autres intercommunalités.
M. Philippe Adnot .- Où trouver la DGF ?
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - Après quinze à vingt années de vaches grasses, l'heure est arrivée de territorialiser la DGF.
Votre lecture de l'article 1er A est tout à fait exacte. Faire quelque chose est pour le Sénat une affaire de crédibilité par rapport à l'article 39 de la Constitution. Je vous rejoins sur l'article 35 du projet et sur l'insécurité juridique ; je propose donc que le juge ne fixe pas l'intérêt régional, qui sera clairement défini par le vote des élus.
Vice-président de conseil général, je pense à des mutualisations dans le domaine des collèges ou des nouvelles technologies.
M. Jean Arthuis , président . - Le personnel technique des collèges et des lycées...
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - Des mutualisations sont également possibles avec les intercommunalités, malgré le risque d'éventuelles tutelles.
Examen des amendements du rapporteur
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - L'amendement n° 1 supprime l'indexation préférentielle de la dotation d'intercommunalité des métropoles au préjudice des intercommunalités.
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - L'amendement n° 2 est un amendement de coordination qui supprime une mention inutile.
L'amendement n° 2 est adopté.
L'amendement rédactionnel n° 3 est adopté.
Article additionnel après l'article 5
M. Charles Guené , rapporteur pour avis. - Avec cet amendement, les métropoles qui se substituent à des communautés d'agglomération continueront de percevoir le FCTVA pour les investissements de l'année en cours et celles qui se substituent à des communautés urbaines ayant participé au plan de relance continueront à le percevoir pour les investissements de l'année n-1. L'amendement n° 4 incite en outre les communes-membres à transférer leur DGF en leur accordant le bénéfice des attributions du FCTVA pour les investissements de l'année n-1.
L'amendement n° 4 est adopté.
M. Charles Guené , rapporteur pour avi s. - L'amendement n° 5 supprime l'indexation préférentielle de la dotation d'intercommunalité des communautés urbaines.
L'amendement n° 5 est adopté.
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - L'Assemblée nationale a supprimé l'indexation du complément de garantie que nous avions prévue, parce qu'elle peut être négative. L'amendement n° 6 la rétablit quand elle est positive.
M. Philippe Adnot . - Que se passe-t-il pour une commune nouvelle ?
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - Elle reste dans une intercommunalité.
M. Philippe Adnot . - Mais quand la commune nouvelle se substitue à une intercommunalité ?
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - Elle sera obligée d'adhérer à une intercommunalité.
M. Jean Arthuis , président . - Ce n'est pas très juste. Il faut dire « halte au feu ! »
M. Charles Guené , rapporteur pour avis. - Tout dépend de la taille de la commune et du contexte.
M. Jean Arthuis , président . - On ne va pas demander à une intercommunalité de se grouper dans une autre.
M. Charles Guené , rapporteur pour avis. - Ce n'est pas ce qui est attendu.
M. Philippe Adnot . - Et les communes qui veulent rester isolées ?
M. Jean Arthuis , président. - Comment dégager des économies s'il n'y a jamais de perdant ?
M. François Fortassin . - On connaît...
L'amendement n° 6 est adopté.
M. Charles Guené , rapporteur pour avis. - L'amendement n° 7, relatif aux attributions du FCTVA, est de clarification.
L'amendement n° 7 est adopté.
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - L'amendement n° 8 assure l'harmonisation des taux que j'ai évoquée tout à l'heure. Il est en effet inutile d'attendre un nouveau dispositif pour l'appliquer.
M. Philippe Adnot . - M. Jarlier m'a donné un pouvoir pour voter contre les amendements à ces articles.
M. Jean Arthuis , président. - Toute délégation de vote doit être remise au secrétaire général du Sénat mais je prends note de l'opposition de M. Jarlier.
L'amendement n° 8 est adopté.
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - Il serait contreproductif de ne pas permettre l'élaboration de schémas d'organisation des compétences et de mutualisation des services avant la création des conseillers territoriaux, d'où l'amendement n° 9.
M. Jean Arthuis , président . - On ignore comment ils seront élus !
Mme Michèle André . - Ce qui a été supprimé, c'est le mode d'élection et le tableau annexé.
M. Philippe Adnot . - Comme je suis contre ces articles, je suis contre cet amendement.
M. François Fortassin . - Le conseiller territorial est un élu, il est absurde de ne pas définir son mode d'élection.
M. Jean Arthuis , président. - C'est la référence à l'élection qui a été supprimée.
L'amendement n° 9 est adopté.
M. Charles Guené , rapporteur pour avis. - Je ne connais pas « l'envergure régionale », mais les élus peuvent par leurs votes définir « l'intérêt régional ». C'est l'objet de l'amendement n° 10.
L'amendement n° 10 est adopté, ainsi que l'amendement de repli n° 11.
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - Afin de ne pas pénaliser le maître d'ouvrage, l'amendement n° 12 précise que le calcul de sa contribution se fait par rapport aux seuls financements publics.
L'amendement n° 12 est adopté.
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - L'amendement n° 13 rétablit l'article 35 quater, qui s'appliquera à compter du 1er janvier 2015 sans instaurer de contrainte pour les départements et les régions. Ne prenons pas le risque que l'Assemblée nationale adopte un texte plus restrictif : cette rédaction de compromis marque la position du Sénat sur le sujet important de la période transitoire.
L'amendement n° 13 est adopté.
M. Jean Arthuis , président. - Je suis extrêmement réservé sur l'ensemble de ce texte, car j'ai du mal à surmonter le sentiment qu'il aurait fallu partir des institutions plutôt que du conseiller territorial : pourquoi les communes n'ont-elles pas reçu de nouvelles compétences lors de la décentralisation ? Parce 34 000 des 37 000 communes n'auraient pas pu les assumer. Voilà par où il aurait fallu commencer.
M. Charles Guené , rapporteur pour avis. - Je n'ai pas osé aller jusque là.
A l'issue de ce débat, la commission des finances a donné un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi dont elle s'est saisie (articles 5, 5 bis A, 5 ter , 8, 10, 34 ter , 34 quater , 34 quinquies A, 34 quinquies , 35, 35 bis , 35 ter , 35 quater et 35 quinquies ) ainsi modifiés.