II. ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, FORMATION ET RECHERCHE CONCENTRENT L'ESSENTIEL DES CRÉDITS DU GRAND EMPRUNT
A. UN RAPPEL DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DÉJÀ ALLOUÉS À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET À LA RECHERCHE
Ainsi que l'ont souligné les rapporteurs pour avis de votre commission à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2010 2 ( * ) , les dernières années ont été marquées par la claire volonté tant du Gouvernement que du Parlement de réformer en profondeur les secteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche, cette réforme étant la condition nécessaire et équitable d'un renforcement conséquent des moyens financiers que la Nation leur consacre.
Les réformes engagées depuis 2006 dans le domaine de l'enseignement supérieur et de recherche constituent un effort sans précédent : réforme du système de recherche avec la création de l'Agence nationale de la recherche et le développement des appels à projets, libertés et responsabilités élargies pour les universités avec la loi LRU de 2007, augmentation du budget annuel de l'enseignement supérieur et de la recherche de 1,8 milliard d'euros par an pendant cinq ans, « Opération Campus » pour remettre à niveau l'immobilier universitaire et l'entretenir dans la durée (3,7 milliards d'euros aujourd'hui), revalorisation des carrières des enseignants-chercheurs et des chercheurs, etc.
A cette fin, en 2010, les crédits de la MIRES s'établissent à environ 25 milliards d'euros.
Ces moyens sont au service d'une stratégie à moyen terme, dont les objectifs sont les suivants :
- des universités autonomes et puissantes ;
- des pôles à visibilité internationale ;
- une meilleure réussite des étudiants, de la licence au doctorat ;
- une recherche d'excellence et mieux coordonnée ;
- un soutien continu à la recherche et développement (R&D) privée.
B. 19 MILLIARDS DIRECTEMENT CONSACRÉS À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, LA FORMATION ET LA RECHERCHE, ET 22 MILLIARDS D'EUROS IMPUTÉS À LA MIRES
Avec 19 milliards d'euros, l'enseignement supérieur et la recherche concentrent donc 54 % des crédits. Votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication a porté sa réflexion plus particulièrement sur cette « enveloppe », qui recouvre les deux programmes suivants : « pôles d'excellence » et « projets thématiques d'excellence ».
Mais si l'on ajoute les fonds relatifs aux thématiques de recherche plus sectorielles, la mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) est concernée à hauteur de 21,9 milliards d'euros, soit 62,5 % des crédits.
Ces moyens doivent aider notre pays à achever la mutation de son système d'enseignement supérieur et de recherche en corrigeant des faiblesses structurelles, des complexités d'organisation, et des cloisonnements historiques entre universités, grandes écoles et sphère socio-économique qui brident depuis trop longtemps son développement et son rayonnement. Il s'agit d'avoir des acteurs académiques et technologiques mondialement reconnus, qui attirent les meilleurs, à l'image de la plupart des grandes nations de l'innovation.
1. Le programme « pôles d'excellence » : 15,4 milliards d'euros
Le projet de loi de finances rectificative tend à créer des pôles d'excellence afin d'accélérer la dynamique de transformation du système d'enseignement supérieur et de recherche.
a) Les objectifs
Les objectifs sont les suivants :
- doter la France de quelques campus à forte visibilité internationale à la gouvernance rénovée ;
- soutenir d'autres initiatives d'excellence (valorisation, laboratoires, instituts hospitalo-universitaires), en leur donnant les moyens financiers nécessaires pour se hisser au meilleur niveau international, et s'ouvrir sur leur environnement économique par des partenariats féconds ;
- permettre le rapprochement entre universités, écoles, organismes de recherche et entreprises.
b) La stratégie
A cette fin, la stratégie proposée vise à :
- faire émerger cinq à dix pôles d'excellence de rang mondial, en mobilisant deux leviers : la création de campus d'excellence et l'amplification de l'Opération Campus. Le projet de Saclay recevra en outre une dotation spécifique ;
- accélérer la professionnalisation du dispositif de valorisation de la recherche publique ;
- renforcer les moyens des laboratoires d'une grande qualité scientifique, adossés à des parcours de formation de qualité, qui seraient situés en dehors des campus d'excellence ;
- créer des instituts hospitalo-universitaires (IHU) pour répondre à certaines faiblesses de la recherche médicale publique française.
c) Les six actions proposées
Il est proposé de répartir les crédits du programme entre 6 actions.
Numéro de l'action |
Intitulé de l'action |
Montant des autorisations d'engagement (en euros) |
Montant des crédits de paiement (en euros) |
01 |
Campus d'excellence |
7 700 000 000 |
7 700 000 000 |
02 |
Opération Campus |
1 300 000 000 |
1 300 000 000 |
03 |
Opération du plateau de Saclay |
1 000 000 000 |
1 000 000 000 |
04 |
Valorisation |
3 500 000 000 |
3 500 000 000 |
05 |
Laboratoires d'excellence |
1 000 000 000 |
1 000 000 000 |
06 |
Instituts hospitalo-universitaires |
850 000 000 |
850 000 000 |
(1) Les « campus d'excellence » : 7,7 milliards
Pour l'action 1 « campus d'excellence » - à laquelle il est prévu de consacrer 7,7 milliards d'euros -, le cahier des charges des appels à projets sera validé par le commissaire général à l'investissement, M. René Ricol, et il reprendra notamment les critères dégagés par l'analyse des meilleurs campus scientifiques et technologiques mondiaux.
Les dossiers seront déposés par des groupements d'établissements associant universités, écoles et organismes de recherche situés à proximité les uns des autres. Ils seront évalués par un jury international d'experts et la sélection des projets sera opérée par l'État sur la base des ces évaluations et d'un travail préparatoire coordonné par le commissaire général à l'investissement.
Par ailleurs, le PLFR précise les critères de sélection de ces projets :
- « un potentiel scientifique élevé, créant de la visibilité et de l'attractivité, devant notamment se traduire par l'adoption d'un identifiant commun et par la définition d'une politique de valorisation ;
- des moyens financiers très importants au-delà de ceux proposés dans la démarche des investissements d'avenir : les meilleurs projets seront en effet aussi ceux qui proposeront d'attirer de manière crédible des financements de partenaires, notamment industriels ;
- un degré élevé d'autonomie et une gouvernance équilibrée : s'agissant de la gouvernance, et au-delà des différences d'organisation et d'appellation entre pays et établissements, on constate souvent, dans les universités d'excellence de par le monde, un partage des rôles entre la communauté académique et un pilotage de l'université, disposant d'une grande autonomie de gestion, sous le contrôle d'un conseil d'administration largement ouvert à des représentants extérieurs ;
- l'ouverture sur l'économie et sur le monde : les meilleurs établissements se caractérisent par l'intensité des partenariats avec leur environnement (entreprises, collectivités), une valorisation très dynamique des résultats de la recherche, le caractère international des étudiants, des enseignants, des chercheurs et des cursus ainsi que leur politique d'insertion professionnelle ;
- la capacité d'intégration des campus : dans le contexte français, marqué par la dualité du système (grandes écoles et universités), la mise en place de campus d'excellence devra accélérer les rapprochements entre les deux filières. »
Précisons enfin que l'intégralité des fonds liés à l'émergence de campus d'excellence sera versée à l'ANR qui sera chargée de placer ces fonds sur un compte au Trésor public dans l'attente du versement des financements aux bénéficiaires finaux retenus dans le cadre d'un appel à projets spécifique qui sera lancé. Les bénéficiaires finaux retenus auront eux-mêmes l'obligation de centraliser les fonds au Trésor.
Le projet de loi prévoit que les « campus d'excellence » toucheront leurs dotations en capital à l'issue d'une période probatoire de trois ans. Il est précisé que lors de la phase probatoire (2011-2013), une part des revenus de la dotation en capital non consomptible pourra être versée à chaque « campus d'excellence » retenu pour le financement des premières dépenses de mise en oeuvre de son projet. Ces dotations non consomptibles, détenues par les structures sur lesquelles seront adossés les « campus d'excellence » feront l'objet d'une gestion commune professionnalisée, et les placements seront effectués auprès du Trésor public.
Votre rapporteur soutient la logique qui conduit à verser les fonds par tranches, en fonction de l'évaluation de l'avancement des projets et du respect de la convention par les opérateurs. Tel est le gage de l'utilisation des fonds publics dans le respect des objectifs retenus.
(2) L'Opération Campus : 1,3 milliard
Dotée de 5 milliards d'euros, l'opération Campus est axée sur la rénovation du patrimoine universitaire . Rappelons qu'elle bénéficie aujourd'hui d'une somme de 3,7 milliards d'euros, issue de la vente - le 3 décembre 2007 - de 2,5 % du capital d'EDF détenu par l'État. Les crédits ouverts dans la loi de finances rectificative permettront de compléter cette dotation initiale à hauteur de 1,3 milliard d'euros et de financer intégralement les dix projets ayant été retenus, précise le projet de loi.
Ces dotations non consomptibles ont vocation à être transférées aux différents projets bénéficiaires dès la signature des contrats de partenariat public-privé (PPP) au titre des opérations de rénovation immobilière, et gérés selon des modalités similaires à celles des campus d'excellence.
(3) L'opération du plateau de Saclay : 1 milliard
Une dotation entièrement consomptible de 1 milliard d'euros sera versée au projet du plateau de Saclay, dans l'Essonne, en complément de la dotation attribuée dans le cadre de l'opération campus, soit un montant total de 1,850 milliard d'euros qui sera apporté par l'État à ce projet. Cette dotation sera notamment dédiée au volet foncier du projet.
En outre, les institutions ainsi regroupées pourront candidater à l'appel à projets « campus d'excellence ».
Il s'agit de faciliter notamment le transfert d'établissements d'enseignement supérieur et de recherche vers le plateau de Saclay et de favoriser l'émergence d'une gouvernance d'ensemble.
Auditionné par votre rapporteur, M. Paul Vialle, président de la Fondation de Coopération Scientifique Digiteo - Triangle de la Physique - Campus du Plateau de Saclay, a exposé à votre rapporteur comment ce campus devrait s'affirmer parmi les dix premiers campus mondiaux de recherche, d'enseignement et d'innovation, dans un esprit de transdisciplinarité.
(4) La valorisation de la recherche publique : 3,5 milliards
Il s'agit encore là du « maillon faible » de la recherche publique française. Aussi votre commission soutient-elle cette priorité.
? La constitution d'instituts de recherche technologique (IRT) de rang mondial pour renforcer les pôles de compétitivité : 2 milliards
2 milliards d'euros seront consacrés à l'innovation technologique. La part consommable de ces fonds sera limitée à 25 % . En complément des financements prévus pour les campus d'excellence, la création d'un petit nombre d'instituts de recherche technologique (IRT) de rang mondial permettra de renforcer les écosystèmes constitués par les pôles de compétitivité.
Ces IRT seront des plateformes interdisciplinaires rassemblant les compétences de l'industrie et de la recherche publique dans une logique de co - investissement public-privé et de collaboration étroite entre tous les acteurs. Ils devront être labellisés par un pôle de compétitivité et disposer d'une visibilité internationale.
? La création d'un fonds national de valorisation : 1 milliard
Un fonds de 1 milliard d'euros sera créé au sein de l'ANR pour le financement des actions de valorisation de la recherche publique : pour une part majoritaire, le fonds permettra de verser, sur appel à projets, une dotation en capital non consommable à un nombre très limité d'établissements d'enseignement supérieur qui prendraient des participations dans des sociétés de valorisation (de l'ordre de cinq à six) regroupant l'ensemble des équipes de valorisation sur un grand site universitaire. Le modèle économique de ces sociétés reposera sur la prestation de services de valorisation et l'intéressement aux résultats. La dotation en fonds propres permettra de financer la structure jusqu'à son autofinancement au bout d'une dizaine d'années. Pour une part minoritaire, le fonds permettra le renforcement des filiales de valorisation des organismes de recherche nationaux , pour leur permettre de proposer des services de valorisation à forte valeur ajoutée comme la constitution de portefeuilles de brevets et la vente de licences.
? Le renforcement des Instituts Carnot : 0,5 million
Rappelons que les « instituts Carnot » ont été créés, sur le modèle des « Fraunhofer » allemands, pour développer la recherche partenariale . Un fonds de 500 millions d'euros non consommable sera créé à l'ANR et ses produits financiers viendront renforcer de façon pérenne leurs ressources.
A l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2010, votre commission avait insisté sur la nécessité de permettre la montée en puissance de ces Instituts. Ces crédits sont donc les bienvenus.
(5) Les « laboratoires d'excellence » hors « campus d'excellence » : 1 milliard
Un milliard d'euros, confiés à l'ANR, seront affectés à des laboratoires de très haut niveau situés hors des campus d'excellence (dont une part consomptible limitée à 10 %).
(6) Les Instituts hospitalo-universitaires : 850 millions
Si le projet de loi propose de consacrer au total 2,4 milliards d'euros à la modernisation de la recherche médicale et au développement des biotechnologies dans tous les domaines d'application, précisons qu'un fonds de 850 millions d'euros (dont une part consommable limitée à 20 %), créé au sein de l'ANR, lui permettra de financer des fondations de coopération scientifique ou des fondations hospitalières, auxquelles seront adossés les Instituts hospitalo-universitaires (IHU)
Ces IHU seront créés sur des thématiques de santé prioritaires . Leur objectif est d'être attractifs pour les chercheurs seniors d'excellence et d'attirer les industriels dans le cadre de partenariats .
2. Le programme « projets thématiques d'excellence » : 3,050 milliards d'euros
a) Les objectifs
Ces crédits doivent permettre d'investir dans des équipements de recherche indispensables pour les meilleurs laboratoires et de renforcer les secteurs d'excellence de la recherche française de la physique aux sciences humaines et sociales.
Trois actions sont prévues à ce titre.
b) Les trois actions proposées
RÉPARTITION PAR ACTION DES CRÉDITS PROPOSÉS
Numéro
|
Intitulé de l'action |
Montant des autorisations d'engagement (en euros) |
Montant des crédits
|
01 |
Équipements d'excellence |
1 000 000 000 |
1 000 000 000 |
02 |
Santé et biotechnologies |
1 550 000 000 |
1 550 000 000 |
03 |
Espace |
500 000 000 |
500 000 000 |
(1) Les « équipements d'excellence » : 1 milliard
Un milliard d'euros, confiés à l'ANR, seront affectés au financement d'équipements de recherche.
Notre pays souffre en effet d'une incapacité à investir dans des équipements de recherche de valeur intermédiaire, difficilement finançables par les organismes et les établissements de recherche sur leurs budgets récurrents.
Les moyens concernés seront consomptibles à hauteur de 40%, soit 400 millions d'euros. Par ailleurs, les intérêts de la part non consomptible pourraient représenter un flux annuel de l'ordre de 20 millions d'euros.
(2) La santé et les biotechnologies
- Une dotation non consommable pouvant aller jusqu'à 200 millions d'euros en capital sera confiée à l'ANR pour financer par appels à projets entre cinq et dix grandes cohortes ;
- 1,35 milliard d'euros, non consomptibles à hauteur des deux tiers au moins, seront octroyés à l'ANR pour le lancement de programmes de recherche ambitieux dans le domaine des biotechnologies, de l'agronomie, de la bio-informatique et des nanobiotechnologies.
(3) L'espace
500 millions d'euros seront affectés sous forme de dotation au Centre national d'études spatiales (CNES) pour financer de grands projets spatiaux.
Cette action est essentielle car elle permettra d'irriguer le territoire. Votre commission souhaite que, par ce biais, les laboratoires qui constituent les « pépites » servant de locomotive à leurs établissements, soient mieux reconnus et soutenus. De même est-il urgent de combler notre retard dans l'acquisition d'équipements de taille moyenne. Bien des laboratoires reconnaissent avoir besoin d'équipements et de techniciens, plutôt que de chercheurs supplémentaires. C'est d'ailleurs souvent ce défaut d'équipements qui fait fuir à l'étranger certains de nos chercheurs ou décourage leur retour en France.
* 2 Avis n° 104 (2009-2010) du 19 novembre 2009, Tome VII - par MM. Jean-Pierre PLANCADE et Jean-Léonce DUPONT.