2. La Guyane et la Martinique bientôt appelées à se prononcer sur leur avenir institutionnel
a) Des consultations organisées en janvier 2010 en Guyane et Martinique
Les élus de la Guyane et de la Martinique ont marqué, depuis plusieurs mois, leur intention de modifier leur gouvernance institutionnelle , actuellement caractérisée par la juxtaposition, sur un même territoire, de deux niveaux de collectivités : le département et la région d'outre-mer.
Réunis en congrès des élus départementaux et régionaux, les élus de Guyane, d'une part, et de la Martinique, d'autre part, se sont déclarés favorables à un passage du régime de l'assimilation législative adaptée, organisée par l'article 73 de la Constitution, au régime de la spécialité législative, en application de l'article 74 de la Constitution .
Cette évolution étant soumise, en application de l'article 72-4 de la Constitution, au consentement des électeurs de Guyane et de la Martinique, le Président de la République a décidé d'organiser une consultation en janvier 2010, en deux temps :
- le 10 janvier 2010 , une consultation visant à recueillir le consentement des électeurs de ces deux collectivités sur la transformation des ces deux départements d'outre-mer en deux collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution ;
- à défaut d'une réponse positive à cette proposition, une consultation, organisée le 24 janvier 2010 , pour recueillir l'accord des électeurs pour une évolution institutionnelle au sein de l'article 73 de la Constitution, afin de créer une collectivité unique ou une assemblée unique commune au département et à la région .
Au préalable, doit se tenir un débat parlementaire sur ces consultations. Ce débat se tiendra le 7 décembre 2009 à l'Assemblée nationale et le 9 décembre au Sénat.
Votre rapporteur plaide pour que les électeurs de ces deux départements soient suffisamment et objectivement informés des conséquences juridiques d'une évolution statutaire ou institutionnelle afin d'être à même de se prononcer en toute connaissance de cause. Il semble en effet que l'absence de publicité et d'explication adéquates des projets d'évolution institutionnelle en Martinique et en Guadeloupe en 2003 ait été, pour l'essentiel, à l'origine du rejet des électeurs de ces départements.
Il convient par ailleurs de souligner que cette volonté d'évolution statutaire intervient au moment où s'engage, devant le Parlement, la réforme des collectivités territoriales , dont les projets de loi ont été déposés au Sénat et devraient y être examinés à compter du mois de décembre 2009. Or, se pose la question de la coexistence de ces deux sources d'évolution, qui se cristallise notamment sur la création du conseiller territorial, appelé à siéger tant au conseil régional qu'au conseil général.
Pour résoudre cette difficulté, le Gouvernement a exclu , à ce stade, l'application aux trois départements français d'Amérique des dispositions du projet de loi de réforme des collectivités territoriales relatives au conseiller territorial , tout en sollicitant une habilitation , pour une durée de dix-huit mois, afin de les adapter par ordonnance en Guyane, Guadeloupe et Martinique, en fonction des choix d'évolution institutionnelle décidés par les électeurs . 6 ( * )
b) Le projet institutionnel de la Martinique
Lors de deux réunions tenues les 18 décembre 2008 et 18 juin 2009, le congrès des élus départementaux et régionaux de la Martinique s'est prononcé en faveur de la transformation de la Martinique en une collectivité unique, régie par l'article 74 de la Constitution, et permettant « l'autonomie ».
Les résolutions adoptées par le congrès des élus de la Martinique Le congrès a souhaité que la nouvelle collectivité de Martinique soit dotée d'un conseil territorial, organe délibérant de 75 membres élus pour six ans au scrutin de liste à deux tours à la représentation proportionnelle . Cet organe serait compétent pour régler les affaires de la collectivité et contrôler le conseil exécutif . Le conseil exécutif, composé de sept à treize membres élus par le conseil territorial en son sein au scrutin de liste majoritaire à trois tours, dirigerait l'action de la collectivité dans les domaines relevant de sa compétence et en élaborerait le budget . Il serait présidé par l'élu en tête de la liste arrivée en tête du scrutin. Le président du conseil exécutif serait chargé de préparer et d'exécuter les délibérations du conseil territorial. Il serait tenu de présenter chaque année au conseil un rapport spécial, notamment sur la situation de la collectivité. Le conseil territorial pourrait mettre en cause la responsabilité du conseil exécutif par le vote d'une motion de défiance constructive déposée par au moins un tiers de ses membres. Il exercerait une mission de contrôle de gestion par le biais de commissions d'enquête et de missions d'évaluation constituées en son sein. Le congrès a également décidé de l'institution, auprès de la collectivité, de deux conseils consultatifs : le conseil économique, social, culturel, de l'éducation et de l'environnement, ainsi que le conseil des communes, destiné à assurer la représentation du territoire, composé de deux représentants de chaque commune de Martinique, désignés par elles. Il a proposé que la nouvelle collectivité dispose d'une compétence d'adaptation des lois et règlements sur son territoire et soit dotée de compétences propres pour, notamment : - élaborer un plan de développement durable et solidaire en matière économique ; - développer des actions éducatives complémentaires, en particulier pour développer l'identité et la culture martiniquaise ; - créer un périmètre unique de transports terrestre et maritime ; - subordonner les transferts de propriétés foncières situées sur son territoire à déclaration afin d'exercer un droit de préemption ; - exercer l'ensemble des compétences en matière de logement ; - élaborer et contrôler la politique en matière d'énergie, d'écologie et d'environnement ; - élaborer un plan de développement social ; - définir les impôts qui la concernent, les exonérations applicables et les peines d'amende en cas d'infractions ; - mettre en oeuvre une politique de développement culturel spécifique ; - mettre en place une politique de développement du sport ; - définir une politique de planification spatiale et de l'urbanisme sur son territoire ; - disposer de représentations auprès de tout État ou toute organisation internationale reconnu par la République française ; négocier, par le biais de son président, des accords avec les États de la Caraïbe en vue de favoriser le développement économique, social et culturel de la Martinique et la coopération décentralisée ; - prendre des mesures destinées à faciliter l'accès à l'emploi salarié dans le secteur privé et à l'emploi dans les services de la collectivité ou des communes de personnes justifiant d'une durée de résidence suffisante en Martinique. La collectivité de Martinique participerait par ailleurs, de manière plus ou moins marquée selon les domaines, à l'exercice des compétences partagées avec l'État en matière d'éducation et de formation, d'exploration et d'exploitation des ressources de la mer et de son sous-sol, de contrôles sanitaires aux frontières, d'élaboration des politiques sociales, de fiscalité, de communication audiovisuelle, de sécurité civile de coopération régionale et internationale, de prévention et de lutte contre la délinquance, d'emploi et de santé. |
c) Le projet institutionnel de la Guyane
Réunis en congrès les 19 décembre 2008 et 2 septembre 2009, les élus départementaux et régionaux de la Guyane ont adopté un document d'orientation relatif à l'évolution statutaire de la Guyane ainsi que plusieurs résolutions relatives à l'organisation de la collectivité de Guyane.
Le congrès s'est prononcé, à cette occasion, pour la transformation de la Guyane en une collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution .
Les résolutions adoptées par le congrès des élus de la Guyane Le congrès a souhaité que la nouvelle collectivité de Guyane soit dotée d'un conseil territorial , organe délibérant de 57 membres, et d'un conseil exécutif, de 7 à 12 membres, élu par le conseil territorial . Trois instances consultatives seraient instituées : - un conseil économique, social, culturel, de l'éducation et de l'environnement ; - un conseil des autorités coutumières ; - un conseil de la jeunesse. Dotée de l'autonomie, et se substituant au département et à la région de Guyane, la collectivité de Guyane bénéficierait en outre du transfert de certaines compétences de l'État. Elle demeurerait soumise au statut de région ultrapériphérique de l'Union européenne. La collectivité de Guyane exercerait les compétences actuellement dévolues au département et à la région de Guyane, tout en fixant elle-même les règles applicables en toutes matières, à l'exception de celles mentionnées au quatrième alinéa de l'article 74 de la Constitution 7 ( * ) et de celles relatives à la protection sociale et à la santé publique. Elle fixera notamment les règles dans les matières suivantes : - impôts, droits et taxes, à l'exception, d'une part, des impositions communales visées au titre premier de la deuxième partie du livre premier du code général des impôts, ainsi que des impôts directs et taxes assimilées visés aux titres II, II bis et III de la même deuxième partie, réserve faite de la taxe spéciale prévue à l'article 1609 B et, d'autre part, des cotisations sociales et des autres prélèvements financiers obligatoires destinés au financement de la protection sociale ; - urbanisme, construction, habitation, logement ; - mines ; - droit domanial et des biens de la collectivité. Le domaine privé de l'État en Guyane serait transféré à la collectivité de Guyane dans des conditions précisées par une convention entre l'État et la collectivité ; - voirie ; - accès au travail des étrangers ; - forêts ; - création et organisation des services et des établissements publics de la collectivité. La collectivité règlementerait et exercerait le droit d'exploration et le droit d'exploitation des ressources naturelles des eaux intérieures, de la mer territoriale, du plateau continental et de la zone économique exclusive dans le respect des engagements internationaux de la France et de la compétence de l'État. Elle pourrait, dans ses domaines de compétence : - demander aux autorités de la République l'autorisation de négocier, dans le respect des engagements internationaux de la France, des accords avec les États voisins ou organismes régionaux ; - conclure, dans le respect des engagements internationaux de la France, des conventions avec des autorités locales étrangères pour mener des actions de coopération ou d'aide au développement. Une compétence d'adaptation des règles générales aux caractéristiques et contraintes particulières de la collectivité s'appliquerait dans les matières suivantes : - éducation et formation ; - énergie, environnement, biodiversité, espaces naturels protégés ; - tourisme ; - agriculture, pêche maritime et fluviale. Pour l'exercice des compétences transférées, la collectivité de Guyane disposerait : - du produit des dotations et subventions bénéficiant au département et à la région de Guyane, dans les conditions prévues pour les départements et les régions d'outre-mer ; - du produit des impositions perçues au profit du département et de la région de Guyane dans les conditions prévues dans la deuxième partie du livre premier du code général des impôts ; - du produit des impositions transférées ; - d'une dotation globale de compensation versée par l'État destinée à couvrir l'excédent des charges correspondant à l'exercice des compétences transférées par rapport au montant total des produits visés aux précédents alinéas. Pour l'exercice de leurs compétences, les communes de Guyane ; bénéficieraient, outre des dotations, subventions et produits fiscaux dont elles disposent aujourd'hui, d'une dotation annuelle versée par la collectivité de Guyane, équivalant au produit d'octroi de mer reçu par chaque commune l'année précédant celle de l'entrée en vigueur du nouveau statut, augmentée dans une proportion égale à celle de l'évolution annuelle des prix dans la collectivité de Guyane, et ajustée, après chaque recensement, en fonction de l'évolution de la population communale. La collectivité serait associée à l'exercice des compétences de l'Etat dans les matières suivantes : - éducation et formation ; - culture ; - sport ; - coopération régionale et internationale ; - action sanitaire et sociale ; - sécurité civile ; - justice et sécurité ; - emploi ; - santé. |
* 6 Article 40 du projet de loi n° 60 (2009-2010), déposé le 21 octobre 2009.
* 7 Il s'agit des matières suivantes : la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Ces matières peuvent être étendues par la loi organique.