B. LE PROGRAMME 13.200 : UN PREMIER BILAN CONTRASTÉ
Ce programme est réalisé en quatre lots : un lot en maîtrise d'ouvrage publique, deux lots successifs en AOT-LOA (autorisation d'occupation temporaire-location avec option d'achat) 17 ( * ) , un lot en partenariat public privé 18 ( * ) .
Le financement disponible pour la réalisation du programme de 12.800 places pour majeurs et de 420 places pour mineurs est de 1.130 M€ obtenus au titre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice auquel il convient d'ajouter 160 M€ en complément du financement de 1.800 places annoncées antérieurement à la LOPJ.
Le calendrier de ces réalisations s'établit de la manière suivante en métropole 19 ( * ) .
Année de mise en service |
Site* |
2007 |
EPM Quiévrechain (60) EPM Meyzieu (60), EPM Marseille (60), EPM Lavaur (60) |
2008 |
EPM Orvault (60), EPM Porcheville (60), CP Mont de Marsan (690), CP La Réunion (576) |
2009 |
CD Roanne (600), MA Lyon-Corbas (690), CP Nancy (690), CP Poitiers (560), CP Béziers (810) |
2010 |
CP Le Mans (400), CP Le Havre (690), CP de Rennes (690), CP Bourg-en-Bresse (690) |
2011 |
CP Lille-Annoeullin (688), CP Île de France-Réau (798) |
2012 |
MA Nantes (570), MC Vendin-le-Vieil (220) 20 ( * ) |
Dans les collectivités d' outre-mer , la LOPJ a prévu la création de 1.600 places. Le nouveau centre pénitentiaire de Saint-Denis de la Réunion (574), réalisé en conception réalisation, a été mis en service en décembre 2008. Cinq autres projets validés ont fait l'objet d'études préalables : extension ou réhabilitation sur les domaines existants des établissements de Mayotte (177 places), de Martinique (160 places), de Guyane (160 places), de Baie-Mahault (250 places) et de Basse-Terre (70 places).
En deux ans (2008-2009), 5.109 places prévues par la LOPJ auront été livrées et mises en service dont 4.146 en 2009. En 2010, s'ajouteront 3.025 places et en 2011, 1.931 places . Parallèlement, entre 2009 et 2011, 2.406 places auront été fermées, soit un solde net de créations de 7.659 au titre du programme 13.200.
Etablissement pénitentiaire pour mineurs de Porcheville (6 novembre 2009) Des conditions d'ouverture difficiles L'EPM de Porcheville a ouvert le 14 avril 2008 avec une capacité d'une trentaine de places. A la date de la visite de votre rapporteur, il accueillait 29 mineurs incarcérés ; toutefois, jusqu'au mois de mars 2009, l'effectif de l'établissement avait connu certaines fluctuations avec une moyenne de 35 mineurs incarcérés. L'encadrement, en particulier du côté de la protection judiciaire de la jeunesse, a été assuré pour moitié par des contractuels et, pour moitié, par des personnels sortant d'écoles et dépourvus de réelle expérience. Si, dès le départ, l'Education nationale a doté l'EPM de l'effectif adapté à sa pleine capacité (60 mineurs détenus), soit dix emplois à temps plein et trois temps partiel, tel n'a pas été le cas de l'administration pénitentiaire et surtout de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ). Par ailleurs, l'établissement a d'abord accueilli des mineurs qui avaient initialement été hébergés en quartiers mineurs au sein d'établissements pénitentiaires en région parisienne et qui ont été soumis dans l'EPM à une organisation de vie en détention beaucoup plus dense et structurée, ce qui a pu susciter des réactions de rejet. Les premiers mois ont ainsi été émaillés d'incidents parfois très violents commis à l'encontre des personnels. Enfin, la structure immobilière a révélé de nombreuses fragilités -emploi de matériaux inadaptés à la détention, vulnérabilité des cloisons, etc.- et ont fait l'objet de rapides dégradations. Un taux d'encadrement important pour un coût très élevé La structure compte 75 personnels pénitentiaires, 30 personnels de la PJJ, une dizaine de personnels de l'Education nationale, une équipe médicale (un médecin généraliste et un psychiatre à mi-temps, un psychologue à temps plein et 2,3 ETPT d'infirmiers). Ces effectifs devraient être atteints à l'horizon 2010 afin d'accueillir les 60 mineurs prévus. L'effectif de surveillants devrait ainsi être augmenté de 17 et celui de la PJJ de 12, ce qui pour cette administration ne semble pas du tout assuré. Le prix de la journée de détention est aujourd'hui à l'EPM de Porcheville de 800 euros (hors prise en charge sanitaire), à comparer toutefois au prix de journée de 450 euros à l'EPM de Marseille qui, de tous les EPM, est celui qui fonctionne actuellement avec le plus grand nombre de mineurs incarcérés, soit une cinquantaine, en moyenne. Un bilan contrasté Comme il avait déjà pu en faire le constat l'an passé, votre rapporteur observe que le temps de séjour au sein de l'EPM de l'ordre de 2,5 mois en moyenne (la durée la plus longue du séjour, à ce jour, s'est élevée à 14 mois) ne permet pas une prise en charge pleinement efficace du mineur, même si l'impact de la détention dans l'EPM est extrêmement variable, selon le moment de l'incarcération dans le processus de construction de la personnalité du délinquant. Si les mineurs manifestaient au départ leur souhait de réintégrer les quartiers mineurs traditionnels, tel ne semble plus le cas désormais puisque, au contraire, arrivés à leur majorité, ils demandent généralement de prolonger le plus longtemps possible leur séjour au sein de l'établissement. L'un des principaux enjeux auxquels sont désormais aujourd'hui confrontés les EPM est précisément de mieux articuler le temps passé dans cette structure avec le parcours d'exécution de peine dans un établissement pour majeurs. Du côté des personnels, la perception change également. Ainsi les personnels de la PJJ, notamment parmi les jeunes générations, mesurent mieux que les conditions de travail dans les EPM (en particulier au regard de la sécurité, puisqu'ils interviennent aux côtés de personnels de l'administration pénitentiaire) sont plus satisfaisantes que dans les centres éducatifs fermés ou les autres structures de la PJJ. La position des personnels de surveillance apparaît contrastée : aux côtés d'agents très impliqués, une proportion élevée souhaite une mutation dans un établissement pour majeurs, les surveillants n'ayant pas toujours pris conscience de l'investissement requis par ce type de structure, ainsi que de la spécificité du travail en binôme avec la PJJ. L'ouverture de la maison d'arrêt de Lyon-Corbas : une expérience difficile (16 novembre 2009) La maison d'arrêt de Lyon-Corbas comporte une unité pour femmes de 60 places et trois unités pour hommes de 180 places chacune (50 cellules doubles, 78 cellules individuelles, deux cellules « handicapés »). L'ouverture, le 3 mai 2009, de l'établissement a été marquée par trois séries de difficultés. Une montée en charge excessivement rapide Lors de l'ouverture de l'établissement, 436 détenus ont été transférés des prisons Saint-Paul et Saint-Joseph de Lyon (soit l'un des transferts les plus importants jamais réalisé par l'administration pénitentiaire). A la date de la visite de votre rapporteur, l'établissement, doté de 690 places, accueillait 850 personnes détenues . La grande majorité des cellules est occupée par deux personnes, y compris les cellules individuelles. La maison d'arrêt des femmes elle-même, dotée de 60 places, est intégralement occupée avec des cellules parfois doublées. L'établissement est en outre confronté à des flux d'entrée très importants puisque la durée moyenne de séjour des détenus est comprise entre huit et dix semaines. Il accueille systématiquement les personnes condamnées dans le cadre des comparutions immédiates. En outre, certains détenus sont d'abord incarcérés à Lyon-Corbas alors même qu'ils ont vocation à être transférés à Villefranche-sur-Saône qui sert principalement d'établissement de « désencombrement ». Ne serait-il pas plus conforme à une gestion rationnelle des moyens publics et à une prise en charge respectueuse des personnes détenues d'organiser une affectation directe à Villefranche-sur-Saône ? Des relations parfois délicates avec le partenaire privé L'établissement a été construit dans le cadre d'un contrat AOT-LOA par la société Effage construction, propriétaire de la structure pendant une période de 30 ans et responsable de sa maintenance par le biais d'une filiale et d'une structure opérationnelle intervenant au sein de l'établissement. L'ouverture a été marquée par un certain nombre de dysfonctionnements sans doute prévisibles compte tenu de l'importance de sa structure et des technologies avancées qui y sont employées, en particulier pour le système de contrôle et d'ouverture des portes. La réactivité du bailleur a parfois été prise en défaut. Néanmoins, le système de pénalité prévu par le contrat apparaît très dissuasif. Le contrat prévoit que, en cas de dysfonctionnement, le partenaire privé doit intervenir en fonction de délais prédéterminés. Lorsque cette intervention n'est pas réalisée dans les délais contractuels, des pénalités (dont le montant global est plafonné chaque année), sont appliquées. Ces pénalités, de l'ordre de 20 000 € le premier mois, aurait pu atteindre jusqu'à 1 200 000 €, montant qu'il faut rapprocher du loyer mensuel fixé à 750 000 €. Les difficultés rencontrées devraient sans doute progressivement s'atténuer à mesure de l'acquisition progressive par la société Effage d'une culture pénitentiaire qui lui était jusqu'à présent étrangère. Des personnels mis à l'épreuve Les personnels ont été confrontés à la montée en charge extrêmement rapide de la population pénale ainsi qu'aux contraintes liées à l'adaptation à une organisation architecturale sans rapport avec celle des anciennes maisons d'arrêt de Saint-Paul et Saint-Joseph et à l'emploi de nouvelles techniques. Plusieurs des personnels de surveillance rencontrés ont fait part du sentiment d'insécurité qu'ils éprouvaient du fait des dysfonctionnements des technologies très sophistiquées face auxquels ils se trouvent démunis. Par ailleurs, l'augmentation de la population pénale donne le sentiment aux personnels de surveillance qu'ils jouent principalement un rôle de « porte clés » sans pouvoir assumer d'autres types de missions. Ces contraintes pèsent sur un effectif diminué par rapport à celui des établissements de Lyon Perrache (360 personnels contre 430). En outre, le temps de formation a été limité (moins d'une semaine sur des dispositifs qui n'étaient pas tous fonctionnels ou pas encore installés). La situation actuelle a entraîné un fort taux d'absentéisme selon le directeur de l'établissement. Les différentes unités qui composent la structure ne sont pas autonomes les unes par rapport aux autres. L'accès aux parloirs, SMPR, UCSA ou ateliers impliquent une circulation d'un bâtiment à l'autre. Or la forte mobilisation des personnels, les contraintes liées aux exigences de la sécurité et à la disposition des lieux conduisent à une gestion très rigoureuse des mouvements. Plusieurs des partenaires de l'établissement et au premier chef les services de santé tant somatique que psychiatrique se sont plaints que ces considérations limitent considérablement le nombre de personnes détenues qu'ils pouvaient recevoir. Ainsi, d'après le responsable de l'UCSA, 30 % des détenus qui le justifieraient ne peuvent être reçus. Votre rapporteur, même s'il regrette la surpopulation de l'établissement, ne peut que constater que le nouvel établissement garantit aux détenus des conditions de détention respectueuses de la dignité des personnes, et qu'il a permis un progrès considérable par rapport à la situation qui prévalait dans les établissements de Saint-Paul et Saint-Joseph qu'il avait visités en septembre 2007. Il note que l'insuffisance des effectifs est la principale source de ces difficultés rencontrées et que la création d'une vingtaine de postes supplémentaires permettrait déjà de favoriser un fonctionnement plus harmonieux de la structure. |
La livraison des premiers établissements du programme 13.200 n'intervenant qu'à partir de 2008, la direction de l'administration pénitentiaire a mis en place un dispositif d'accroissement des capacités au sein des établissements pénitentiaires destinés à créer 2.852 places supplémentaires (dont 365 places en semi-liberté). Au 31 juillet 2009, 2.175 places avaient été réalisées dans des quantités très variables selon les établissements (de 9 places à la maison d'arrêt de Mayenne à 200 places au centre de détention de Villenauxe La Grande). 512 places étaient prévues en 2010 parmi lesquelles 50 places pour la maison d'arrêt de Bois d'Arcy, 80 places pour la maison d'arrêt de Montauban ainsi que pour le centre pénitentiaire de Liancourt, 89 places pour la maison d'arrêt de Bonneville.
* 17 Alors que dans la conception réalisation l'Etat est propriétaire du bâtiment dès sa livraison, il doit dans le cadre de la procédure AOT-LOA s'acquitter des loyers pendant une période de 27 ans avant d'en devenir propriétaire.
* 18 Le partenariat public-privé comprend non seulement les prestations comprises dans le cadre du contrat AOT-LOA mais aussi les services correspondant aux marchés actuels de gestion déléguée (les services à la personne étant remis en concurrence tous les 8 ans).
* 19 Les caractères de couleur noire signalent les établissements réalisés en maîtrise d'ouvrage publique, les caractères de couleur bleue le premier lot de construction en AOT-LOA, les caractères de couleur rouge le second lot de construction en AOT-LOA, les caractères de couleur verte le troisième lot en partenariat public-privé .
* 20 Une seconde maison centrale, située à Condé sur Sarthe, a été prévue par la LOPJ.