B. LA NÉCESSITÉ D'UNE ÉVALUATION PLUS RIGOUREUSE DU TAUX DES PEINES NON EXÉCUTÉES

Les données avancées au cours des derniers mois en matière d'exécution des peines d'emprisonnement ont présenté des écarts si importants qu'une clarification s'impose.

Il n'existe pas actuellement d'outil informatique permettant de recueillir et d'exploiter sur un plan national les données des juridictions relatives à l'exécution des peines. En effet, en 2008, la majorité des bureaux de l'exécution des peines des juridictions ne sont pas encore informatisés. Le déploiement de l'application informatique Cassiopée devrait contribuer à combler progressivement cette lacune.

Toutefois, les conditions d'exécution des peines d'emprisonnement peuvent être approchées à travers deux séries de données :

- les informations collectées par les sept juridictions franciliennes (Paris, Evry, Créteil, Bobigny, Pontoise, Versailles, Nanterre) dotées, quant à elles, de l'outil informatique adapté. En 2008, le taux de mise à exécution des peines d'emprisonnement ferme 10 ( * ) s'établit à 80,3 % pour les jugements contradictoires (soit 9.353 peines) contre 88,1 % en 2008 et de 42,6 % pour les jugements contradictoires à signifier (soit 4.293 peines) contre 50 % en 2007 ;

- l'étude réalisée par l'inspection générale des services judiciaires en mars 2009 consacrée à l'évaluation du nombre de peines d'emprisonnement ferme en attente d'exécution sur la base d'un comptage manuel au sein de l'ensemble des juridictions. Elle établit à 82.153 le stock de peines d'emprisonnement ferme exécutoires en attente d'exécution. Ce stock se compose à hauteur de 90,8 % de peines d'emprisonnement inférieures à un an (68,7 concernant des peines d'emprisonnement inférieures à six mois). Le rapport de l'inspection relativise la portée de ce chiffre en indiquant que 75 % de ces peines environ devraient faire l'objet d'un aménagement .

La réduction du taux de mise à exécution des peines d'emprisonnement ferme constatées dans les sept juridictions franciliennes n'en soulève pas moins des interrogations sur l'efficacité de la réponse pénale. Plusieurs éléments expliquent cette situation :

- les retards aux différents maillons de la chaîne pénale, l'exécution des peines n'en constituant que la dernière étape ; l'augmentation constante du taux de réponse pénale 11 ( * ) peut conduire à des effets de saturation au niveau du bureau d'ordre, de l'audiencement ou encore du greffe correctionnel ;

- les effectifs dévolus à l'exécution des peines apparaissent insuffisants. La juridictionnalisation de l'application des peines (processus achevé par la loi « Perben 2 ») et la création de tâches nouvelles -en particulier l'alimentation des fichiers de police et de justice tels que le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (FIJAIS) ou le fichier des personnes recherchées (FPR)- considérées par le ministère de la justice comme des activités « chronophages », ont beaucoup accru la charge de travail des parquets au cours des dernières années. En outre, l'exécution des peines présente une technicité particulière. Pour cette raison, le recours à des vacataires est une solution qui n'est pas toujours adaptée ;

- les peines prononcées en l'absence du prévenu (soit près du tiers de l'ensemble) ne sont exécutées qu'au terme d'un délai moyen de 13,6 mois (contre un délai de 4,1 mois pour les peines d'emprisonnement ferme prononcées contradictoirement). Il est en effet nécessaire dans ce cas que le jugement soit signifié par acte d'huissier et qu'en cas de remise non faite à la personne du condamné, une notification soit effectuée à la requête du parquet par un officier ou un agent de police judiciaire. La loi du 1 er juillet 2008 créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution des peines a néanmoins assoupli ces modalités en permettant la notification des décisions judiciaires par le chef d'établissement pénitentiaire, par un magistrat ou par un greffier. La mise à exécution des condamnations rendues par décision contradictoire à signifier ou par défaut devrait ainsi être accélérée lorsque les condamnés sont détenus ou présentés à l'autorité judiciaire dans le cadre d'une autre affaire.

Lors de son audition par votre commission, le 10 novembre dernier, M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la justice, a indiqué qu'il avait demandé aux chefs de cour et aux présidents des chambres de l'application des peines des cours d'appel réunis à Paris le 1 er octobre 2009 de mettre en oeuvre des conférences régionales de l'application des peines afin de mieux coordonner la politique judiciaire de l'application des peines au sein des ressorts. Il a également relevé que les procureurs de la République devraient, d'une part, veiller à identifier en temps réel les capacités des établissements pénitentiaires en relation avec les chefs d'établissement pour assurer une « exécution fluide des peines d'emprisonnement » et, d'autre part, à activer les bureaux d'exécution des peines destinés à faciliter l'exécution de la peine dès la fin de l'audience.

* 10 Part des peines prononcées en 2008 qui présentent un commencement de mise à exécution au 1 er septembre de l'année 2009.

* 11 Part des affaires faisant l'objet d'une poursuite, d'une procédure alternative réussie ou d'une composition pénale réussie dans l'ensemble des affaires poursuivables.

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