II. LA MODERNISATION DES OUTILS STATISTIQUES DE MESURE DE LA CROISSANCE ET DES INÉGALITÉS
Votre rapporteure pour avis constate que la mise en cause de la sincérité et de la pertinence de l'enquête emploi, qui avait marqué l'année 2007, a suscité une réaction salutaire . Des améliorations méthodologiques ont été apportées à l'enquête, reposant principalement sur un élargissement de l'échantillon, et cet indicateur essentiel est redevenu, sinon incontestable, du moins raisonnablement fiable.
Mais l'INSEE ne peut se contenter de perfectionner les outils statistiques existants. Elle doit s'attacher à développer de nouveaux indicateurs répondant aux préoccupations des responsables politiques et de la société.
1. Quelles suites pour le rapport Stiglitz ?
En février 2008, M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, a demandé à MM. Joseph Stiglitz, Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi de mettre en place une commission pour la mesure des performances économiques et du progrès social, chargée de déterminer les limites du PIB en tant qu'indicateur de performance, d'examiner les problèmes relatifs à sa mesure, d'identifier les informations complémentaires nécessaires pour aboutir à des indicateurs du progrès social plus pertinents et d'évaluer la faisabilité de nouveaux instruments de mesure.
Le 14 septembre 2009, la commission présidée par le professeur Joseph Stiglitz a rendu son rapport, qui constitue pour l'INSEE un document de référence appelé à influencer le cours de ses activités.
Le message clef de ce rapport est la nécessité pour notre système statistique de mettre davantage l'accent sur la mesure du bien-être de la population que sur celle de la production économique, et d'inscrire ces mesures du bien-être dans une perspective de soutenabilité .
Concrètement, cela implique que, pour l'évaluation du bien-être matériel, on se réfère aux revenus et à la consommation plutôt qu'à la production, et que l'on prenne en compte en même temps le patrimoine des ménages. Cela implique également que l'on accorde davantage d'importance à la répartition des revenus, de la consommation et des richesses.
Mais la mesure du bien-être doit intégrer aussi une dimension subjective. Le rapport Stiglitz invite les instituts de statistiques à fournir les informations nécessaires pour agréger les différentes dimensions de la qualité de la vie, et permettre ainsi la construction de différents indices.
Enfin, la soutenabilité pose la question de savoir si le niveau actuel de bien-être pourra être, si ce n'est augmenté, au moins maintenu pour les générations à venir. Pour la mesurer, il faut disposer d'indicateurs qui renseignent sur les changements intervenus dans les quantités des différents facteurs importants pour le bien-être futur, c'est-à-dire non seulement les ressources naturelles mais aussi le capital humain, social et physique.
Votre rapporteure pour avis considère les suites du « rapport Stiglitz » comme un défi stimulant pour l'INSEE, qui ne pourra toutefois s'engager dans la conception de nouveaux indicateurs du progrès social qu'en partenariat avec l'OCDE, Eurostat et l'ONU. Cette coopération internationale est en effet essentielle pour garantir la comparabilité des statistiques d'un pays à l'autre.
2. Le suivi des revenus et des patrimoines des ménages
L'INSEE a entrepris une refonte de son système statistique qui permettra, à l'horizon de quelques années, une meilleure connaissance des hauts revenus et des hauts patrimoines, comme le recommandait le rapport du Conseil national de l'informatique statistique sur les niveaux de vie et les inégalités sociales.
a) Les revenus des ménages
L'enquête sur les revenus fiscaux et sociaux s'appuie sur un échantillon de 30 000 ménages pour lesquels sont rassemblés les déclarations de revenus à la direction générale des finances publiques, l'impôt sur le revenu, la taxe d'habitation et la prime pour l'emploi calculés par les services fiscaux ainsi que les prestations familiales, les minimas sociaux et les allocations logement.
En 2008, cette enquête a fait l'objet de deux améliorations. D'une part, ces prestations sociales, précédemment imputées, sont désormais récupérées auprès des organismes sociaux. D'autre part, les revenus du patrimoine, notamment ceux faisant l'objet d'une exonération fiscale ou des mécanismes de prélèvement libératoire, sont mieux couverts grâce à la mobilisation des données de la comptabilité nationale et de la Banque de France et à celle des résultats de l'enquête patrimoine : du fait du poids de ces revenus dans le haut de la distribution, la nouvelle série, qui débute en 2005, offre ainsi une meilleurs appréhension de la dispersion des niveaux de vie.
La taille de l'échantillon de cette enquête ne permettant pas de couvrir le très haut de la distribution des niveaux de vie, l'INSEE a entrepris de fonder la connaissance des revenus sur un nombre plus important de ménages. Il envisage par ailleurs d'utiliser des statistiques issues des données de l'impôt de solidarité sur la fortune pour améliorer l'estimation des revenus du patrimoine. Au total, il sera ainsi en mesure d'offrir, début 2012, une meilleure connaissance des hauts revenus et donc des inégalités de niveau de vie.
b) Le patrimoine des ménages
L'enquête patrimoine de l'INSEE est fondée sur l'interrogation directe d'un échantillon d'environ 15 000 ménages. Si d'autres sources statistiques permettent d'observer certains aspects du patrimoine au niveau macroéconomique, elle est la seule à offrir à la fois une vision complète du ménage et une description du patrimoine dans toutes ses dimensions, financière, immobilière et professionnelle.
La prochaine enquête aura lieu fin 2009 - début 2010. Les premiers résultats relatifs à la détention patrimoniale seront disponibles mi 2010 et les résultats détaillés relatifs aux montants détenus le seront fin 2011.
Par rapport à ses devancières, cette enquête a été conçue de façon explicite pour couvrir la distribution des hauts patrimoines, grâce à un échantillon renforcé en ménages aisés. Ce sur-échantillonnage permettra de mieux rendre compte de la variabilité de la détention patrimoniale au sein des ménages et les études réalisées précédemment sur les inégalités de patrimoine pourront être précisées.
Votre rapporteure pour avis considère comme stratégique l'aboutissement de cet effort visant à mieux appréhender les inégalités de revenus et de patrimoine. En effet, la connaissance fine de ces inégalités est indispensable pour pouvoir conduire une politique de redistribution équitable.