2. Un transfert de charges immédiat
Comme pour toute dépense liée à des investissements, il existe un décalage important entre le moment où est ouverte une autorisation d'engagement (AE) et la fin de l'opération, qui permet de clôturer les crédits de paiement (CP) correspondants. L'échelonnement des paiements tend même à augmenter en raison de la complexité croissante des opérations immobilières.
Ainsi, le reste à payer sur des engagements antérieurs au 31 décembre 2008 s'élevait à 3,3 milliards d'euros sur le programme « Développement et amélioration de l'offre de logement », alors que les CP demandés pour 2009 se montaient à 614 millions, soit un peu moins de 19 % du stock des anciens engagements. D'ailleurs, 90 % des CP demandés pour 2010 correspondent à des engagements antérieurs.
Ces restes à payer ne constituent pas une dette de l'Etat, mais plutôt un engagement à verser, le moment venu, les crédits correspondants . Or, le tableau de financement doit être regardé avec prudence car la réforme du financement de l'Anah pour la période 2009-2011, avec sa prise en charge par Action logement plutôt que par l'Etat, ne tient pas compte du décalage entre engagement et paiements. Action logement finance cette année des engagements pris antérieurement par l'agence 3 ( * ) et « celui » qui la financera après 2011 fera certainement de même. Le schéma choisi par l'Etat pour atténuer tout de suite le montant de ses paiements tend à biaiser les besoins qui apparaîtront dès 2012 sur ce programme.
L'opération a été encore plus radicale pour le programme « Politique de la ville », puisque l'Etat y a annulé, en 2009, du fait du transfert du financement de l'Anru à Action logement, 1,6 milliard d'euros d'engagements antérieurs contractés au titre de la rénovation urbaine, soit la quasi-totalité des restes à payer sur ce programme.
D'ailleurs, la commission des finances du Sénat 4 ( * ) notait, à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement pour 2008, que l'Etat n'avait consommé que très faiblement, en 2008, les crédits de paiement ouverts au titre de la rénovation urbaine, « anticipant le passage en 2009 à un mode de financement principal [...] par l'UESL » 5 ( * ) . Sur 227 millions de CP votés en loi de finances initiale, montant en baisse de 42 % par rapport à 2007, 59 millions seulement ont été consommés en 2008, soit 26 %.
3. Le financement du programme national de rénovation urbaine : une impasse dès 2011, une inconnue par la suite
Le programme national de rénovation urbaine (PNRU) a été créé par la loi du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine 6 ( * ) ; il a été plusieurs fois modifié depuis lors. Représentant un effort majeur en faveur des quartiers défavorisés, il est mis en oeuvre par l'Anru, agence créée pour, d'une part, concentrer les financements, d'autre part, simplifier et accélérer les procédures.
Les moyens dédiés au PNRU s'inscrivent dans une enveloppe fermée, qui a fortement augmenté depuis la loi de 2003 7 ( * ) et qui s'élève à 12 milliards d'euros sur la période 2004-2013 d'après la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement. Celle-ci a également modifié l'origine des financements, en les faisant porter principalement sur Action logement entre 2009 et 2011, période durant laquelle les dépenses d'intervention de l'Etat sur le programme sont ramenées à zéro, hors plan de relance .
Or, le PNRU, qui a mis un peu de temps à prendre son envol, arrive maintenant dans la phase finale de contractualisation et, surtout, dans une phase de réalisation des travaux et de paiement des subventions. Au 1 er septembre 2009, l'ensemble des engagements de subventions s'élèvent à 10,9 milliards d'euros , sur 474 quartiers comptant au total 3,2 millions d'habitants. Afin de bien mesurer l'effet « cloche » des financements du PNRU, il faut savoir que les paiements cumulés à la fin 2008 s'élevaient à environ 1,4 milliard d'euros et que, pour la seule année 2009, ils seront de plus d'un milliard.
A cet égard, le financement de l'Anah ne présente pas les mêmes particularités : ses subventions ne sont pas concentrées sur un nombre limité d'opérations ayant toutes un calendrier équivalent.
Source : Anru
La trésorerie du programme, jusqu'ici abondante en raison des décalages entre les engagements et les paiements, a obtenu un sursis en 2009 grâce aux crédits du plan de relance de l'économie : 350 millions d'euros en AE, qui se répartissent en 200 millions de CP en 2009 et 150 en 2010. Quoi qu'il en soit, elle s'éteindra quasiment durant l'exercice 2011.
Or, même selon l'hypothèse « basse » d'appel de fonds fournie à votre rapporteur par l'Anru, l'année 2011 révèlera déjà une impasse de financement.
Malgré la contribution d'Action logement et en conservant un certain niveau de trésorerie, les besoins non satisfaits se montent à 141 millions en 2011, selon une hypothèse basse, et à 391 millions, selon une hypothèse haute. |
Par la suite, les besoins de financement seront massifs durant les années 2012 à 2015 : presque 1,5 milliard en moyenne par an dans une hypothèse haute en termes de rapidité de paiement des subventions.
Besoins de financement de l'Anru |
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en millions d'euros |
||||||||
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
|
Hypothèse basse |
1 300 |
1 300 |
1 200 |
1 100 |
900 |
750 |
500 |
100 |
Hypothèse haute |
1 650 |
1 600 |
1 500 |
1 200 |
700 |
250 |
60 |
10 |
Source : Anru, prévisions au 1 er octobre 2009 |
Tableau de financement de l'Anru
(en
millions d'euros)
Source : commission des affaires sociales,
selon les
chiffres fournis par l'Anru (hypothèse haute)
Ce graphique montre en colonnes les ressources disponibles de l'Anru (y compris sa trésorerie) et en courbe la prévision de décaissement : lorsque la courbe est au-dessus du cumul des histogrammes, il y a déficit de financement.
Votre rapporteur souhaite en conséquence que la programmation du financement de la rénovation urbaine soit rapidement précisée, afin que les incertitudes ne pèsent pas sur les opérations en cours et in fine sur les collectivités territoriales.
* 3 Le montant de cette dette dépasse les 50 millions d'euros.
* 4 Rapport Sénat n° 542 (2008-2009) de la commission des finances, 8 juillet 2009.
* 5 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire sur la mission « Ville et logement ».
* 6 Loi n° 2003-710.
* 7 Elle prévoyait une enveloppe de 2,5 milliards d'euros pour la période 2004-2008.