EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
Article 59 quater (art. L. 262-7, L. 262-29 du code de l'action sociale et des familles) - Extension du RSA aux jeunes actifs âgés de moins de 25 ans
Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, fixe les modalités d'extension du bénéfice du RSA aux jeunes de moins de vingt-cinq ans.
I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale
Lors de l'examen du projet de loi généralisant le RSA, votre commission avait soulevé l'injustice que représente le versement du RSA aux jeunes actifs de vingt-cinq ans et plus, tandis que ceux d'âge inférieur n'y sont pas éligibles. Adoptée à l'initiative du Gouvernement, l'extension du RSA aux jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans ayant déjà exercé une activité professionnelle permet d'y répondre.
• Le paragraphe I ajoute un nouvel article L. 262-7-1 au code de l'action sociale et des familles pour ouvrir, par dérogation, le bénéfice du RSA aux jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans. En effet, selon les termes de l'article L. 262-4 du même code, le bénéfice en est pour l'heure réservé aux personnes « âgées de plus de vingt-cinq ans ou assumant la charge d'un ou plusieurs enfants nés ou à naître » .
Cette dérogation est toutefois assortie d'une condition : avoir déjà exercé une activité professionnelle pendant une durée minimale définie par décret au cours d'une période de référence précédant la date de la demande.
Lors de son discours du 29 septembre 2009, le Président de la République a évoqué une durée minimale de deux ans au cours d'une période de trois années. Le haut commissariat aux solidarités actives et à la jeunesse a précisé par la suite que la durée de deux ans s'entend à temps plein, soit un équivalent de 3 600 heures travaillées, et qu'une fois cette condition remplie, il n'est plus nécessaire d'attester d'une durée minimale d'activité en cas d'allers-retours entre des situations de chômage et d'emploi. Ainsi, après que le droit a été ouvert, la condition d'activité n'est plus réexaminée par la suite.
Dans ces conditions, ce nouveau dispositif devrait concerner deux types de jeunes :
- ceux exerçant une activité et disposant de ressources inférieures au revenu garanti 49 ( * ) , qui pourront percevoir le « RSA activité », en complément de leurs revenus : 120 000 jeunes pourraient alors y prétendre ;
- ceux ayant exercé une activité pendant une durée minimale de 3 600 heures au cours des trois années précédant la demande et qui, ayant perdu leur emploi et épuisé leurs droits au chômage, pourront bénéficier du « RSA socle », celui-ci jouant ici le rôle de revenu minimum : le nombre de bénéficiaires potentiels est estimé à 40 000.
Le paragraphe II modifie l'article L. 262-8 du code précité qui prévoit que le président du conseil général peut accorder à titre dérogatoire le bénéfice du RSA à des élèves, étudiants ou stagiaires (3° de l'article L. 262-4) ou encore à des travailleurs indépendants, intermittents ou saisonniers et des non-salariés agricoles 50 ( * ) (article L. 262-7), lorsque leur situation au regard de l'insertion sociale et professionnelle le justifie, afin d'en limiter l'application aux seules personnes âgées de plus de vingt-cinq ans et à celles qui assument la charge d'un ou plusieurs enfants nés ou à naître.
Cela permet en effet d'éviter que, dès lors que le RSA sera étendu aux jeunes actifs âgés de moins de vingt-cinq ans, des étudiants, des élèves ou des stagiaires travaillant un petit nombre d'heures pour financer leurs études puissent y être éligibles.
Dans le second cas, il est plus difficile d'apprécier les raisons qui ont conduit le Gouvernement à distinguer les cas des exploitants agricoles, des travailleurs indépendants, saisonniers ou intermittents selon qu'ils ont plus ou moins de vingt-cinq ans.
Le paragraphe III complète l'article L. 262-29 du code de l'action sociale et des familles, qui définit les organismes ou institutions vers lesquels les bénéficiaires du « RSA socle » sont orientés selon leur situation, par un 3° prévoyant que les allocataires âgés de moins de vingt-cinq ans seront accompagnés par les missions locales.
Enfin, le paragraphe IV dispose que, par exception aux dispositions de l'article L. 262-4 du même code, le fonds national des solidarités actives (FNSA) financera la totalité des sommes payées au titre du RSA jeunes en 2010, y compris le « RSA socle » qui est normalement à la charge des conseils généraux. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, les sommes en jeu sont estimées à 250 millions d'euros en année pleine. L'application de cette mesure ayant été annoncée au mieux pour le mois de juillet, son coût ne devrait logiquement pas excéder 125 millions d'euros.
II - La position de votre commission
Votre commission approuve l'extension du RSA aux jeunes actifs de moins de vingt-cinq ans, qui permet de leur offrir, lorsqu'ils sont en emploi, un complément de revenu au même titre que les autres actifs. Pour ceux qui ne sont plus en activité et qui ont épuisé leurs droits au chômage, le RSA jouera le rôle de revenu minimum, évitant ainsi que de nombreux jeunes en phase d'insertion professionnelle ne basculent dans la précarité.
Il était essentiel qu'une condition d'activité professionnelle préalable soit fixée, afin que le RSA ne constitue pas pour les jeunes un motif de désintérêt pour s'engager dans une formation ou s'insérer sur le marché du travail. Votre commission regrette, en revanche, que le texte proposé par le Gouvernement renvoie à un décret la définition de la période de référence et de la durée minimale d'activité requise.
Toutefois, les précisions apportées à votre commission par Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives et haut commissaire à la jeunesse lors de son audition 51 ( * ) permettent d'en expliquer les raisons :
- d'une part, plusieurs cas de figure doivent être envisagés selon que le demandeur est salarié, exploitant agricole ou chef d'entreprise, la durée d'exercice des activités non salariées étant difficilement appréciable en nombre d'heures travaillées ;
- d'autre part, les modalités de prise en compte des périodes de chômage dans la période de référence ne sont pas encore clairement établies. Des études d'impact sont en réalité nécessaires pour en apprécier les effets et limiter les distorsions ou iniquités qui pourraient en résulter.
Votre commission sera particulièrement attentive à ce que les modalités retenues ne se traduisent pas par des dépenses supérieures à l'évaluation du coût de la mesure par le Gouvernement (250 millions d'euros).
Enfin, elle demande que, en l'absence d'informations sur les modalités de financement du « RSA socle » versé aux jeunes de moins de vingt-cinq ans à compter de 2011, le Gouvernement clarifie très vite ses intentions et précise les conditions dans lesquelles il entend compenser le coût supplémentaire qui en résultera pour les départements.
Sous réserve de ces observations, votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.
Article 59 quinquies - Mise en place d'un dispositif de suivi des structures d'accueil des personnes handicapées vieillissantes
Objet : Cet article, ajouté par l'Assemblée nationale, vise à mettre en place, avant le 31 décembre 2010, un dispositif de suivi des structures d'accueil des personnes handicapées vieillissantes.
I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale
Cet article vise à mettre en place, avant le 31 décembre 2010, un « dispositif de suivi » des établissements et services qui accueillent des personnes handicapées âgées de quarante ans ou plus.
Trois types d'établissements ou services sont concernés :
- les établissements et services d'aide par le travail (Esat) ;
- les établissements qui accueillent des personnes atteintes de pathologies chroniques ou des personnes adultes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge ;
- les services qui leur apportent à domicile des prestations de soins, une assistance dans les actes de la vie quotidienne ou une aide à l'insertion sociale.
Sans que soient précisés le cadre dans lequel ce dispositif pourrait être mis en oeuvre, ni les moyens qu'il suppose de mobiliser, il est prévu qu'un compte rendu soit établi « chaque année » et porté à la connaissance du Parlement, précisant en particulier l'évolution des sources de financement de ces structures, leur nombre et la quantité de places qu'elles offrent selon les types de déficiences des personnes handicapées.
Le sous-amendement, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, vise à supprimer le caractère annuel de cette étude afin de laisser à l'appréciation de ce dernier la fréquence à laquelle elle doit être réalisée. Si la mention du caractère « annuel » du dispositif de suivi a été supprimée au premier alinéa, elle subsiste en revanche dans le deuxième, le texte indiquant que « le dispositif rend compte chaque année de l'évolution des sources de financement... » .
Le même sous-amendement a également supprimé l'obligation de mettre en rapport la quantité de places proposées dans ces structures et l'évolution du nombre de personnes de plus de quarante ans selon le type de déficience qu'elles présentent, ce qui affaiblit considérablement la portée du dispositif, puisque l'objectif recherché par cet amendement était précisément de disposer d'une information régulière, sur les besoins et les offres de places.
II - La position de votre commission
Si votre commission convient de la nécessité de disposer de données plus précises et actualisées sur les capacités d'accueil des établissements pour les personnes handicapées vieillissantes, elle s'interroge sur l'opportunité de la mise en place d'un dispositif spécifique de suivi réservé à un type de handicap.
Il lui semble que cette démarche va à l'encontre de celle retenue dans le cadre de la loi HPST qui prévoit, au contraire, une appréhension globale des besoins du système sanitaire et médico-social et conforte le rôle des programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (Priac). Créés par la loi Handicap du 11 février 2005, ils contribuent, grâce à une remontée régulière des informations concernant les besoins non satisfaits, à l'élaboration annuelle de l'Ondam « personnes handicapées » 52 ( * ) et à la définition des éventuels plans exceptionnels de création de places. Selon la programmation établie pour la période (2008-2014), 1 710 places devraient être créées pour les personnes handicapées intellectuellement déficientes.
Dans ce contexte, votre commission estime que les outils existants sont suffisants pour prendre en compte les besoins non satisfaits, quel que soit l'âge ou le type de handicap. En outre, il lui semble que l'engagement pris par le Gouvernement de confier à la Drees une étude sur ce sujet et à l'agence nationale d'évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux (Anesm) le soin de formuler des recommandations de bonnes pratiques en la matière permet de répondre aux préoccupations exprimées par cet article.
Dans ces conditions, votre commission vous demande de le supprimer.
Article 59 sexies - Expérimentation de conventions d'objectifs pour les structures d'accueil des personnes handicapées
Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, vise à autoriser, jusqu'au 31 décembre 2011, l'expérimentation de conventions d'objectifs conclues entre le directeur de l'ARS, le préfet, le président du conseil général et certains établissements volontaires, pour améliorer la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes.
I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale
Cet article autorise, à titre expérimental, jusqu'au 31 décembre 2011, la signature de conventions d'objectifs entre le directeur général de l'ARS, le préfet et le président du conseil général en associant, le cas échéant, certains établissements, tels que les Esat ou les Fam. La liste des départements concernés doit être établie par décret.
Selon les termes mêmes de cet article, lesdites conventions visent à :
- établir des critères relatifs aux modalités d'une mutualisation des moyens des différents établissements du département ;
- mettre en place des indicateurs chiffrés relatifs à l'évolution de l'accueil des personnes handicapées selon leur âge et leur type de handicap ;
- et instaurer des parcours spécifiques destinés à l'accueil des personnes intellectuellement déficientes âgées de plus de quarante ans.
En outre, ces conventions peuvent définir des objectifs qualitatifs destinés à favoriser la mise en oeuvre de schémas départementaux d'organisation des établissements, sans distinction selon qu'ils accueillent des personnes âgées ou handicapées.
Enfin, un rapport doit évaluer avant le 30 juin 2011, soit avant la date prévue pour la fin des expérimentations, les modalités de mise en oeuvre de ces expérimentations.
II - La position de votre commission
Si votre commission reconnaît la nécessité d'améliorer la connaissance des besoins et la mutualisation des moyens entre établissements, afin d'offrir une prise en charge adaptée aux réalités de la population handicapée âgée, elle doute de la nécessité de créer, pour y parvenir, un dispositif expérimental spécifique.
En effet, la loi HPST du 21 juillet 2009 prévoit en particulier :
- un lieu de coopération entre l'Etat et les conseils généraux, les commissions de coordination chargées de mettre en cohérence les exercices de planification qui relèvent de leur compétence. Rien n'empêchera de déterminer, dans ce cadre, des indicateurs communs et de faire converger les priorités des politiques du handicap et du grand âge ;
- la possibilité de lancer des appels à projet associant l'Etat et les conseils généraux ; certains d'entre eux pourront porter sur la question spécifique des personnes handicapées vieillissantes et de leurs parcours au sein des structures d'accueil ;
- le développement des conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens (Cpom), qui s'inscrivent dans la même logique de mutualisation des moyens entre établissements et services ;
- les conférences régionales de santé et de l'autonomie qui doivent émettre des avis sur l'organisation de l'offre de prise en charge et sur son adéquation aux besoins, tous établissements confondus, qu'ils accueillent des personnes âgées ou handicapées ;
- les commissions d'appel à projet qui permettront de sélectionner les projets d'établissements et de services qui répondront le mieux aux besoins de la population handicapée.
Aussi, compte tenu du risque de superposition des instances de coordination et de la perte de cohérence qui ne manquera pas d'en résulter, votre commission vous demande de supprimer cet article.
Article 59 septies - Rapport sur l'application de limites d'âge dans les structures d'accueil des personnes handicapées
Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, prévoit la remise au Parlement d'un rapport du Gouvernement relatif à l'application de limites d'âge par les structures d'accueil des personnes handicapées pour la prise en charge de personnes présentant une déficience intellectuelle.
I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale
Cet article prévoit la remise d'un rapport au Parlement, portant sur les pratiques qui ont cours dans certains établissements qui fixent des limites d'âge maximales pour la prise en charge des personnes qui présentent une déficience, notamment intellectuelle.
En outre, ce rapport doit rendre compte de la manière dont l'offre d'accueil est coordonnée au niveau départemental et s'adapte à l'évolution de la moyenne d'âge des personnes handicapées.
II - La position de votre commission
Votre commission approuve le principe d'une étude portant sur les pratiques des établissements concernant l'application éventuelle d'une limite d'âge pour la prise en charge des personnes handicapées. Le choix de les évaluer au niveau départemental permettra de distinguer les sorties subies, voire le cas d'abus éventuels, de celles qui découlent d'une décision médicale ou d'une logique de parcours de vie organisée à l'échelle du territoire.
En l'absence de règles prévoyant l'application d'une barrière d'âge au-delà de laquelle la prise en charge dans certains types d'établissements ne serait plus possible, il paraît utile d'analyser les pratiques, celles-ci pouvant être différentes d'un département à l'autre.
Les conférences de territoire prévues par la loi HPST permettront également de mieux connaître ces pratiques de terrain.
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des améliorations rédactionnelles qu'elle vous soumet, votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
* 49 Pour une personne seule, le revenu garanti correspond à 1,04 Smic.
* 50 Compte tenu des caractéristiques propres de ces professionnels, le code de l'action sociale et des familles, renvoyant à plusieurs décrets d'application, prévoit des dispositions particulières, par exemple en termes de chiffres d'affaires ou de bénéfices, pour qu'ils puissent percevoir le RSA.
* 51 Le compte rendu figure p. 89 et suivantes du présent rapport.
* 52 La même démarche est adoptée pour la programmation des créations de places en maisons de retraite et pour la construction de l'Ondam « personnes âgées ».