VII. LES MESURES RELATIVES AU CONTRÔLE ET À LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE
Le Gouvernement et les organismes de sécurité sociale se sont résolument engagés, depuis quelques années, à réduire de façon drastique les indus et, en particulier, les fraudes. Votre rapporteur pour avis se félicite de l'effort réalisé que le présent projet de loi de financement poursuit cette année encore.
Pour autant, il note que les sommes récupérées ou économisées sont sans aucune mesure avec le déficit annuel des comptes de la sécurité sociale . Les mesures du présent projet de loi financement permettront un gain de 28,3 millions d'euros, soit 0,01 % du déficit prévisionnel pour l'année 2010 .
La lutte contre la fraude est incontestablement une source d'économies. Elle est aussi un impératif de justice sociale . Pour autant, il convient de ne pas s'illusionner sur sa portée réelle.
A. LA RÉFORME DES PÉNALITÉS FINANCIÈRES (ARTICLE 50)
1. Un dispositif au bilan mitigé
L'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale, issu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, permet aux caisses des branches vieillesse et famille d'infliger des pénalités financières en cas d'inexactitude ou de caractère incomplet des déclarations ou d'absence de déclaration d'un changement dans la situation justifiant ces déclarations.
Le directeur de l'organisme prononce la pénalité, après avis d'une commission composée au sein dudit organisme, si et seulement si un indu a été constaté. La pénalité vient donc en sus de la récupération de l'indu qui, d'ailleurs, n'est pas nécessairement frauduleux.
Cette pénalité ne revêt pas un caractère obligatoire : elle est fixée en fonction de la gravité des faits, dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale 93 ( * ) , montant qui peut être doublé en cas de récidive.
Le bilan de ce dispositif, après deux ans d'application, apparaît plutôt mitigé . Pour la branche famille, 101 pénalités ont été prononcées en 2007 pour un montant total de 59 363 euros. En 2008, 1 037 pénalités ont été infligées, soit l'équivalent de 11 % des fraudes détectées, pour un montant de 528 170 euros. La branche famille semble s'être approprié la mesure. En revanche, la branche vieillesse a prononcé en tout et pour tout 13 pénalités financières .
Ce constat a conduit le Gouvernement à proposer une modification du dispositif.
2. Un dispositif élargi, allégé et plus dissuasif
Par cette réforme, le Gouvernement entend élargir le champ d'application de la mesure, à alléger la procédure et à la rendre plus dissuasive.
Jusqu'à présent, seuls les assurés ou les allocataires pouvaient éventuellement se voir appliquer une pénalité. Pourtant, certains tiers par leurs agissements, ou leurs silences, peuvent également être initiateurs ou complices de fraudes . Il s'agit par exemple du bailleur en cas de fraude au logement, de l'employeur en cas de travail dissimulé ou encore de la personne qui ne signale pas un décès en vue de percevoir une pension. Désormais, des pénalités financières pourraient leur être infligées.
Par ailleurs, le présent article ajoute l'exercice d'un travail dissimulé comme fait générateur susceptible d'être sanctionné par une pénalité .
La nécessité de constater un indu serait supprimée . Actuellement, l'organisme ne peut pas prononcer de pénalité financière si la fraude est détectée avant le versement de la prestation. La branche vieillesse a recensé 70 cas de fraude qu'elle n'a pas pu sanctionner.
Actuellement, les pénalités font l'objet d'un barème et sont liées au montant de l'indu. Or, celui-ci n'est pas nécessairement révélateur de l'intention frauduleuse. Une fraude caractérisée repérée suffisamment tôt ne pourrait pas faire l'objet d'une forte pénalité. A l'inverse, une négligence, certes coupable mais dont l'intention n'est pas frauduleuse, pourrait donner lieu à une forte pénalité. Le barème serait donc supprimé, ce qui apparaît, de surcroît, logique dès lors que la nécessité de constater l'indu disparaît également. Le montant de la pénalité serait fixé en fonction de la gravité des faits .
Par ailleurs, en vue d'alléger la procédure, ce montant sera fixé par le seul directeur de l'organisme . La commission des pénalités ne se réunirait que dans les cas où la personne sanctionnée adresserait un recours gracieux à l'organisme portant soit sur le principe même de la sanction, soit sur son montant. Cette procédure plus souple ne porte pas atteinte au droit de la défense. Jusqu'à présent, les organismes constatent un faible taux de contestations des pénalités et, plus encore, du fait même d'être pénalisé.
Enfin, le Gouvernement proposait de rendre ces pénalités plus dissuasives en limitant les pénalités non plus à deux mais à quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale.
3. L'Assemblée nationale a renforcé les pénalités pour la fraude caractérisée
L'Assemblée nationale n'a pas retenu la proposition de limiter, en général, les pénalités à quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. Le droit commun demeure à deux fois ce plafond .
En revanche, l'Assemblée nationale, à l'initiative de notre collègue Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général au nom de la commission des affaires sociales, a souhaité alourdir les pénalités prononcées en cas de fraude établie . Dans ce cas, la limite est effectivement portée à quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale, voire même à huit fois en cas de fraude en bande organisée 94 ( * ) . Plus encore, l'amendement introduit une limite inférieure puisqu'il précise que le montant de la pénalité « ne peut être inférieur au montant fixé en application du deuxième alinéa de l'article L. 133-3 » du code de la sécurité sociale.
Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 133-3, renvoyant aux dispositions de l'article D. 133-2-1, renvoyant lui-même à un arrêté du 25 août 1995, cette limite inférieure serait fixée à « 500 francs ».
L'article 50 ainsi rédigé permet donc d'infliger des pénalités financières, en cas de fraude établie, dans une fourchette de 76 à 11 436 euros. Votre rapporteur pour avis approuve l'idée, pour ces cas précis, d'une pénalité « plancher » mais le seuil de 76 euros apparaît trop faible, et donc insuffisamment opérant, pour des cas de fraudes caractérisées. Par ailleurs, il convient que cette pénalité « plancher » puisse augmenter avec le temps, ce qui n'est pas le cas avec l'arrêté actuel qui n'a pas été revu depuis 1995.
Il vous propose donc de fixer ce seuil en rapport avec le plafond mensuel de la sécurité sociale, qui est, pour sa part, réévalué chaque année. La limite serait d'un dixième du montant du plafond mensuel de la sécurité sociale, soit 285,9 euros en 2009 .
En effet, le montant moyen des pénalités prononcées en 2008 était de 509 euros. Le dixième du plafond mensuel de la sécurité sociale correspond à un peu plus de la moitié de la pénalité moyenne infligée .
Le « seuil plancher » ainsi calibré devient à la fois plus juste et plus dissuasif .
4. Une réforme qui devrait générer un gain d'un million d'euros
Votre rapporteur pour avis approuve pleinement cette réforme qui devrait permettre de prononcer des pénalités financières qui soient à la fois plus justes et, par conséquent, plus lourdes pour les cas de fraude avérée. Il convient de noter que ces pénalités ne peuvent pas se cumuler avec d'autres pénalités, notamment celles relatives au revenu de solidarité active.
D'ores et déjà, ce dispositif a permis à la CNAF d'économiser près de 600 000 euros . Le Gouvernement estime, qu'en année pleine, la mesure ainsi révisée permettra un gain d'un million d'euros . Votre rapporteur pour avis juge, pour sa part, que cet instrument peut devenir à la fois très dissuasif et très efficace. Cela tiendra surtout à la manière dont les organismes, tout particulièrement la branche vieillesse, saisiront les opportunités que leur offre le législateur.
* 93 Le plafond mensuel de la sécurité sociale est utilisé pour le calcul de certaines cotisations sociales et de certaines prestations. Il est réévalué chaque année. Il s'établit, pour 2009, à 2 859 euros.
* 94 Au-delà de ce seuil, le directeur de l'organisme a l'obligation de saisir le juge pénal et il n'est plus pertinent d'infliger des pénalités. Le relèvement du seuil permet donc de laisser plus souplesse aux directeurs.