C. LE CAS PARTICULIER DU COMPTE D'AVANCES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Le compte d'avances aux collectivités territoriales n'entre pas à proprement parler dans la catégorie des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales mais constitue la traduction de la fonction de « fermier général » assurée par l'Etat au profit de ces dernières :
- d'un côté, l'Etat verse par douzième le montant des impositions votées pour l'année par les collectivités territoriales, tandis qu'il perçoit, avec un décalage, le produit effectif de ces impôts ;
- de l'autre, l'Etat est rémunéré par un prélèvement sur les recettes du compte d'avances, et les collectivités territoriales sont tenues de déposer leurs disponibilités au Trésor sans intérêt, sauf dérogations limitativement encadrées par une circulaire « Chautemps » datant de 1926.
1. Présentation du compte d'avances aux collectivités territoriales
Le fonctionnement de ce compte est régi par l'article 34 de la loi du 7 juillet 1977 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier :
- en dépenses, il enregistre les avances accordées mensuellement aux collectivités territoriales, dont le montant correspond à celui des émissions de rôles de l'année en taxe d'habitation, taxes foncières et taxe professionnelle ainsi que de la fraction de TIPP accordée aux départements au titre de la compensation financière de la décentralisation du RMI (RSA à compter du 1er juillet 2009) ;
- ses recettes sont constituées par le produit des impôts directs effectivement acquittés par les contribuables locaux , auxquels s'ajoutent les dégrèvements et admissions en non-valeur pris en charge par l'Etat.
86,22 milliards d'euros sont prévus pour 2009 au sein de la mission correspondant au compte de concours financiers « avances aux collectivités territoriales » 1 ( * ) , qui figure en-dehors du budget général. Ses crédits sont répartis en deux programmes.
Ainsi, le programme 832 « avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie » , doté de 6,8 milliards d'euros pour 2009, vise à favoriser l'octroi d'avances aux collectivités et établissements publics, ainsi qu'à la Nouvelle-Calédonie, qui connaissent des difficultés momentanées de trésorerie ou ont besoin rapidement d'emprunter.
Le programme 833 « avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes » retrace le recouvrement et le reversement aux collectivités territoriales des taxes énumérées par l'article 1641 du code général des impôts (principalement la taxe d'habitation, les taxes foncières et la taxe professionnelle) ainsi que la part de TIPP affectée à chaque département au titre de la compensation du RMI (RSA à partir du 1er juin 2009), pour un montant de 85,788 milliards d'euros . Ce programme est mis en oeuvre à l'échelon départemental, les avances distribuées étant mises à disposition des bénéficiaires par le trésorier-payeur général du département.
2. Un phénomène paradoxal : la persistance de l'excédent du compte d'avances depuis 1996
Par nature, le compte d'avances aux collectivités territoriales est structurellement déficitaire sur le long terme. En effet, le taux de recouvrement des impôts au titre d'une année n est toujours inférieur à 100% (c'est-à-dire que 100 % des contribuables n'acquittent pas leur impôt à l'année n), alors que 100 % du produit voté de ces mêmes impôts sont bien versés aux collectivités locales. Le solde du compte constaté en fin d'année dépend donc par construction uniquement de cet écart en exécution entre le montant des versements et celui des recouvrements effectifs.
Or ce compte affiche un excédent permanent, de l'ordre de 500millions d'euros par an , depuis 1996. Ce constat paradoxal a donné lieu, en novembre 2007, à l'élaboration par notre collègue Michel Mercier, au nom de la commission des finances, d'un rapport d'information sur ce sujet. Ses principales conclusions sont les suivantes :
- tout d'abord, il convient de rappeler que le compte d'avances n'est pas financé uniquement par les impôts recouvrés par l'administration fiscale, mais également par le programme 201 « remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » , qui correspond aux dégrèvements législatifs (une dizaine de milliards d'euros par an), aux dégrèvements techniques (environ 2 milliards d'euros par an) et aux admissions en non-valeur (environ 500 millions d'euros par an), c'est-à-dire à des situations où l'Etat se substitue au contribuable local. M. Mercier estimait alors que la distinction, au sein des recettes du programme 833, des sommes provenant de ce programme 201 « remboursements et dégrèvements d'impôts locaux », apporterait une clarification utile ;
- en outre, l'excédent permanent du compte depuis 1996 s'explique par le recouvrement progressif d'un stock de « vieilles créances » , concernant des exercices anciens et correspondant chaque année à des recettes de l'ordre de 2 milliards d'euros : avec la réduction tendancielle de ce stock de « vieilles créances » (aujourd'hui, sur deux ans, le taux de recouvrement des impôts d'une année donnée est de 98%), l'excédent du compte devrait disparaître à court terme ;
- enfin, la sous-estimation quasi-systématique en prévision du solde du compte d'avances provient d'une sous-estimation récurrente des taux de recouvrement pour les exercices anciens par les services de l'Etat.
Toutefois, M. Mercier relevait que le solde global des relations de trésorerie de l'Etat et des collectivités territoriales se traduisait par un bénéfice net, pour l'Etat, de l'ordre d'un milliard d'euros par an :
- certes, l'excédent du compte d'avances, de l'ordre de 500 millions d'euros par an en moyenne, est plus que compensé par le montant des admissions en non valeur et des dégrèvements ordinaires, de sorte qu'une fois corrigé de ces montants, il est déficitaire de plus de 2 milliards d'euros en moyenne depuis 2000 2 ( * ) ;
- cependant, en sens inverse, les prélèvements de l'Etat pour frais d'assiette et de recouvrement et pour dégrèvement et non valeur, de l'ordre respectivement de 2,5 milliards d'euros et de 2 milliards d'euros en moyenne, permettent à l'Etat, alors que le coût réel de ces opérations est de seulement 1 milliard d'euros en moyenne, de réaliser un bénéfice net de l'ordre de 3,5 milliards d'euros.
Notre collègue Michel Mercier avait alors souhaité que ce phénomène soit pris en considération lors de la prochaine redéfinition des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales.
3. L'importance des dégrèvements
Les crédits prévus par le PLF pour 2009 au titre des dégrèvements et admissions en non-valeur représentent 17,2 milliards d'euros .
Les dégrèvements et admissions en non-valeur correspondent à des prises en charge par l'Etat de tout ou partie de la contribution due par les contribuables aux collectivités locales : l'Etat prend intégralement à sa charge le coût des dégrèvements et le montant des impayés, et verse aux collectivités l'intégralité du produit émis en application des taux des impôts locaux qu'elles ont votés. L'Etat finance donc de fait l'écart entre le produit émis et le produit perçu, qui peut résulter des dégrèvements ou des admissions en non valeur.
Ces crédits sont regroupés au sein du programme 201 « remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » de la mission « remboursements et dégrèvements » , lequel alimente le compte d'avances aux collectivités territoriales. Il s'agit essentiellement de crédits évaluatifs. Les différentes natures de dépenses intégrées à ce programme sont :
- les dégrèvements ou crédits d'impôts octroyés en raison de dispositions fiscales particulières (plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée, dégrèvement pour investissements nouveaux, crédit de taxe en faveur des entreprises implantées dans des zones d'emploi en grande difficulté en matière de taxe professionnelle, plafonnement de la taxe d'habitation par rapport au revenu, dégrèvement d'office pour les bénéficiaires du RMI en matière de taxe d'habitation, etc.) ;
- les autres dégrèvements, calculés après l'émission initiale de l'impôt pour rectifier des erreurs ou à la suite de procédures contentieuses ;
- les admissions en non-valeur résultant de la constatation du caractère irrécouvrable des créances fiscales lié à la disparition du débiteur ou à l'absence de biens saisissables.
Présentation du programme 201 et de ses actions
Intitulé de l'action |
Dégrèvements concernés |
Action n°1 :
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Les dégrèvements et crédits d'impôts effectués sur la taxe professionnelle comprennent en particulier : - le plafonnement de la cotisation de taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée (art. 1647B sexies du CGI) ; - le dégrèvement en faveur des entreprises utilisant des véhicules routiers (art. 1647 C du CGI) ; - le dégrèvement en faveur des entreprises de transport sanitaire (art. 1647 C bis du CGI) ; - le dégrèvement en faveur des armateurs (art. 1647 C ter du CGI) ; - le dégrèvement au titre des immobilisations affectées à la recherche (art. 1647 C quater du CGI) ; - le dégrèvement « pour réduction d'activité » (art. 1647 bis du CGI) ; - le dégrèvement pour investissements nouveaux (art. 1647 C quinquies du CGI) ; - le crédit de taxe en faveur des entreprises implantées dans des zones d'emploi en grande difficulté (art. 1647 C sexies du CGI). |
Action n°2 :
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Pour le foncier bâti, les dégrèvements visent les situations suivantes : - vacance d'une maison normalement destinée à la location ou inexploitation d'un immeuble qui était utilisé par le contribuable lui-même à l'usage commercial ou industriel ; - dégrèvement d'office (100 euros) pour les contribuables âgés de plus de 65 ans et de moins de 75 ans et non exonérés de la taxe sur le foncier bâti (art. 1391 B du CGI). Pour le foncier non bâti, les dégrèvements visent les situations suivantes : - dégrèvements pour les jeunes agriculteurs (art. 1647-00 du CGI) - dégrèvements de taxe foncière sur les propriétés non bâties pour pertes de récoltes liées aux situations exceptionnelles affectant le foncier (art. 1397 et 1398 du CGI) ; - dégrèvement en cas de disparition d'un immeuble non bâti suite à un évènement extraordinaire (art. 1397 du CGI). |
Action n°3
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Les dégrèvements effectués sur la taxe d'habitation concernent en particulier : - le dégrèvement d'office total prononcé en application de l'art. 1414 du CGI (bénéficiaires du RMI, personnes de condition modeste, gestionnaires de foyers) ; - le plafonnement de la taxe d'habitation en fonction du revenu (art. 1414 A du CGI). |
Action n° 4
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L'action retrace les dépenses consécutives aux constats d'irrecouvrabilité des impôts locaux liés à : - la disparition des redevables ; - l'absence de gage du Trésor réalisable. |
Les dégrèvements d'impôts directs locaux ont représenté un montant exécuté de 13,49 milliards d'euros en 2007, ce qui correspond à une progression de 15% depuis 2005 et d'environ 65% depuis 1995. Pour 2009, le PLF prévoit une augmentation du montant des dégrèvements de 7,2%, due en particulier au plafonnement en fonction de la valeur ajoutée de la taxe professionnelle et du dégrèvement pour investissements nouveaux mis en oeuvre dans le cadre de la réforme de cette taxe décidée en 2007.
* 1 En application de la LOLF, l'article 46 de la loi du 30 décembre 2005 de finances initiale pour 2006 a supprimé tous les comptes de prêts et comptes d'avances existant alors, et les a remplacés par divers comptes de concours financiers.
* 2 Ce à quoi s'ajoute le coût pour l'Etat de l' « effet profil », de quelques centaines de millions d'euros par an.