C. LA RÉFORME DES FORCES MOBILES

Lors de l'examen de la loi de règlement du budget de l'année 2006 16 ( * ) , votre rapporteur avait souhaité interroger le gouvernement sur le devenir des forces mobiles. Le rapport annuel de performances faisait ressortir des évolutions contrastées de l'emploi des forces mobiles composées, d'une part, des compagnies républicaines de sécurité (CRS) et, d'autre part, de la gendarmerie mobile.

En effet, l'indicateur du taux d'emploi des CRS montrait que 59 % de ces derniers avaient été employés en 2006 pour des missions de sécurité publique, alors que seuls 36 % d'entre eux avaient effectué des missions classiques d'ordre public 17 ( * ) . Ce résultat était inattendu, puisque, selon l'objectif fixé initialement en loi de finances pour 2006, seulement 44 % des CRS auraient dû être affectés à des missions de sécurité publique.

Cette évolution très forte était propre aux CRS, puisque, dans le même temps, l'emploi des gendarmes mobiles avait évolué en sens inverse. En effet, 67 % d'entre eux avaient été employés pour des missions classiques d'ordre public, alors même que l'objectif était d'atteindre un taux inférieur à 64 %.

Ces indicateurs soulevaient de nombreuses questions. Fallait-il y voir un simple résultat conjoncturel et ponctuel ou, au contraire, cela révélait-il une véritable différenciation des missions à la charge des CRS et des gendarmes mobiles ? Par ailleurs, l'implication croissante des forces mobiles dans des missions de sécurité publique posait le problème de l'articulation entre une police d'intervention et de soutien et une police locale, pour ne pas dire une police de proximité.

Deux ans plus tard, des réponses commencent à être apportées :

- sur le juste dimensionnement des forces mobiles, compte tenu de leur coût ;

- sur le rapprochement des CRS et de la gendarmerie mobile.

1. Le format des forces mobiles est-il trop important ?

Cette question peut sembler étonnante alors même que le taux d'emploi des forces mobiles n'a jamais été aussi élevé qu'en 2006.

Elle n'est pas nouvelle. Les grands mouvements sociaux, parfois violents, de l'après-guerre et des années 60 et 70, pour lesquels les forces mobiles ont été créées, sont moins nombreux. Cela pose légitimement le problème du maintien d'un format de force aussi important (près de 30.000 hommes).

Pour répondre à cette critique, les forces mobiles ont développé leur adaptabilité et leur polyvalence assumant leur rôle de réserve générale de la police et de la gendarmerie. La frontière ainsi que le débat entre ordre public et sécurité publique doivent également être dépassés, la gestion des violences urbaines relevant par bien des aspects des deux à la fois.

Moins qu'un débat budgétaire sur le juste format des forces mobiles, votre rapporteur estime que la réflexion devrait porter d'abord sur la juste utilisation des forces mobiles.

En premier lieu, votre rapporteur estime qu'il y a trop souvent une utilisation abusive des forces mobiles. Pour de petites manifestations sur la voie publique, le nombre d'hommes déployés est souvent excessif. Ce luxe de précaution a un coût.

En second lieu, les missions de garde statique ou de transfèrements pèsent beaucoup sur l'activité des forces mobiles.

En troisième lieu, il conviendrait de mieux évaluer l'apport spécifique des forces mobiles en matière de sécurité publique. Les premiers résultats montrent une baisse de la délinquance et une hausse des interpellations dans les secteurs bénéficiant de l'apport de forces mobiles en sécurisation. Mais un tel résultat n'est pas surprenant. Il est normal que des effectifs supplémentaires fassent baisser la délinquance. En réalité, il faudrait déterminer si la contribution des personnels des forces mobiles à la sécurisation est équivalente à celle d'un nombre identique d'agents ordinaires de sécurité publique. En dépit des indicateurs et des données déjà fournies, le rapport coût-efficacité reste à déterminer. Sans doute y a-t-il là un levier fort d'amélioration de la performance dans les années à venir.

Ces réflexions ont conduit à plusieurs réformes.

En premier lieu, les effectifs des forces mobiles devraient diminuer .

Conformément aux conclusions du conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008, les effectifs des CRS devraient baisser de 1.000 ETPT d'ici 2011. En 2008, 400 emplois ont déjà été supprimés.

Comme votre rapporteur l'annonçait l'année dernière, cet objectif a été atteint en 2008 en réduisant de six à quatre le nombre de sections qui composent chacune des onze compagnies républicaines de sécurité de la région parisienne 18 ( * ) . En outre, alors qu'une compagnie de quatre sections compte 150 hommes, cet effectif est désormais ramené à 140.

Cette solution a pour avantage de ne pas briser le maillage territorial.

Toutefois, pour atteindre l'objectif fixé par la RGPP, il sera nécessaire de supprimer entre 3 et 5 compagnies sur les 60 existantes. Les compagnies basées dans les grands centres urbains seraient les premières touchées afin de ne pas créer des problèmes d'aménagement du territoire.

Dans le même but de recentrer les forces mobiles sur la mission de maintien de l'ordre, le conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008 a décidé de confier la gestion de l'ensemble des centres de rétention administrative actuellement sous la responsabilité de la gendarmerie à la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF). Cette décision aura des conséquences sur le format de la gendarmerie mobile. En effet, la gendarmerie gère aujourd'hui 314 places dans 5 CRA. Cela devrait entraîner une réduction des effectifs de gendarmes mobiles de l'ordre de 850 ETPT.

En second lieu , pour la police nationale, cette réduction du format des CRS permet la mise en place des compagnies de sécurisation . Ces compagnies ne seraient pas des forces mobiles, mais des unités dépendant de la direction centrale de la sécurité publique.

Au 1 er septembre 2008, la première compagnie de sécurisation a été mise en place en Seine-Saint-Denis. Elle est opérationnelle depuis le 1 er octobre 2008.

Au cours du premier semestre 2009, trois nouvelles compagnies seront mises en place dans les Bouches-du-Rhône (Marseille), la Haute-Garonne (Toulouse) et l'Essonne.

Au deuxième semestre, la création de cinq unités est envisagée dans le Nord (59, le Bas-Rhin (67), le Rhône (69), les Yvelines (78) et le Val d'Oise (95).

A la fin de l'année 2009, ce sont donc neuf compagnies qui devraient être opérationnelles ou en cours d'installation.

Excepté la compagnie de sécurisation de la Seine-Saint-Denis, qui comptera 145 policiers, toutes les autres compteront 100 policiers.

Les compagnies de sécurisation sont des unités exclusivement dédiées à la lutte contre la délinquance, notamment de proximité, à la prévention et à la lutte contre les actes de violence urbaines, ainsi qu'à l'assistance et à l'appui dans le domaine judiciaire. Sont exclues de leur compétence les missions relevant de l'ordre public classique .

Polyvalentes, elles sont placées sous l'autorité du directeur départemental de la sécurité publique et non du préfet de zone comme le sont les forces mobiles.

Ces compagnies constituent une force d'appui ou de réserve spécialisée sur les missions de sécurité publique. Les forces mobiles sont en revanche une réserve spécialisée dans le maintien de l'ordre.

Il est encore trop tôt pour en faire un bilan. Leurs résultats devront être examinés en liaison avec ceux des unités territoriales de quartier (UTEQ) qu'elles soutiennent.

2. Un rapprochement entre CRS et gendarmes mobiles encore insuffisant

Ce recentrage des forces mobiles sur leur coeur de métier devrait conduire à un rapprochement plus étroit des CRS et des gendarmes mobiles qui interviennent généralement sur les mêmes terrains et souvent conjointement sur des évènements importants.

Or, des différences subsistent en matière de tactique, d'équipements et de règles d'engagement.

A cet égard, le projet de loi relatif à la gendarmerie nationale tend à aligner les règles d'engagement des deux forces mobiles en supprimant le principe de la réquisition pour la gendarmerie (article 2 du projet de loi).

Certaines spécialisations pèsent également lourdement sur l'organisation de ces forces. Ainsi, seule la gendarmerie mobile opère en outre-mer. Aucun escadron de gendarmerie mobile (EGM) n'est basé sur place 19 ( * ) . Les unités se relaient par rotation tous les trois à quatre mois. En comptant les OPEX, cela oblige à faire tourner tous les EGM, au nombre de 128, tous les 15 à 18 mois, soit en outre-mer, soit en OPEX.

Cette contrainte pèse très lourdement sur l'organisation de la gendarmerie mobile et contraint à maintenir au mois 115 EGM. La réduction du format de la gendarmerie mobile, au moment où son engagement outre-mer risque de s'accroître du fait du retrait des armées de certains territoires ultra-marins, risque de créer des problèmes importants d'organisation, à moins par exemple d'étendre aux CRS les missions outre-mer. Cela introduirait une souplesse dans la gestion du « turn-over » des unités.

Les différences tactiques ou d'emploi, si elles occasionnent des surcoûts importants, doivent répondre à de vrais impératifs opérationnels.

Les forces mobiles sont certainement l'un des domaines où le rapprochement police-gendarmerie pourrait être plus étroit, notamment dans le domaine des matériels, voire des cantonnements.

Votre rapporteur salue en revanche la mutualisation du centre de formation de Saint-Astier (Dordogne) de la gendarmerie mobile. L'extension de ce centre permettra d'économiser la construction pour la police nationale d'un site à Oissel (Seine Maritime).

* 16 Séance publique du lundi 23 juillet 2007.

* 17 Le maintien de l'ordre public est une mission de police administrative, le plus souvent à l'occasion d'un événement donné. Il n'y a pas d'infractions constatées. Le rétablissement de l'ordre public est à la frontière de la police administrative et de la police judiciaire. En cas de débordements d'une manifestation publique, des infractions sont souvent commises (dégradation des biens publics et privés...). Des interpellations peuvent avoir lieu. Les missions de sécurité publique consistent le plus souvent en des patrouilles sur un territoire donné, afin de prévenir les infractions et d'intervenir en cas de commission d'une infraction.

* 18 Les autres compagnies républicaines de sécurité se composent déjà de quatre sections.

* 19 Il revient moins cher d'envoyer à période régulière des EGM que d'implanter des EGM sur place en permanence. Le régime salarial ne serait pas le même en particulier. Le surcoût estimé serait de 50 millions d'euros.

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