B. L'ÉLOIGNEMENT DES ETRANGERS : DES OBJECTIFS ATTEINTS

L'éloignement des étrangers en situation irrégulière n'est pas le seul axe de la lutte contre l'immigration clandestine.

La lutte contre le travail illégal y contribue de manière importante. A cet égard, des résultats ont été obtenus. Sur les huit premiers mois de 2008, 2.171 employeurs d'étrangers en situation irrégulière ont été interpellés, soit une augmentation de 26,8 % par rapport à la même période de 2007.

Mais la politique d'éloignement reste au coeur de la lutte contre l'immigration clandestine en France.

1. Des mesures d'éloignement exécutées en hausse

Lors de son audition par votre commission, M. Brice Hortefeux a indiqué que sur les huit premiers mois de 2008, 21.263 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits, soit une hausse de 55,5 % par rapport à la même période de 2007.

La cible pour l'année en cours, initialement fixée à 26.000, a ainsi été réévaluée de 4.000 reconduites supplémentaires et, pour 2009, le projet annuel de performances reconduit à 30.000 l'objectif du nombre de reconduites effectives à la frontière. Toutefois, le budget pour 2009 est construit sur une hypothèse technique de 28.000 mesures exécutées.

Mesures de reconduites à la frontière hors outre-mer : prononcées (P) et exécutées (E)

2005

2006

2007

1 er semestre 2008

P

E

P

E

P

E

P

E

Interdictions du territoire

5.278

2.250

4.697

1.892

3.580

1.544

1.421

720

OQTF

42.263

1.816

18.280

1.546

APRF

61.595

14.897

64.609

16.616

50.771

11.891

24.076

5.655

Arrêtés d'expulsion

285

252

292

223

258

206

130

83

Décisions de réadmission

6.547

2.442

11.348

3.681

11.138

4.428

5.779

2.820

Départs volontaires

1.149

4.949

7.065

Totaux

73.705

19.841

80.672

23.831

112.010

23.196

49.686

17.210

Source : ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Une tendance qui restera à confirmer est l'amélioration du taux d'exécution des mesures prononcées. Alors que l'année 2007 a été marquée par un taux d'exécution particulièrement peu élevé des décisions de reconduite (20,7 %) contre 29 % en 2006, sur le premier semestre 2008 ce taux atteint 34,5 %. La réduction du décalage entre mesures prononcées et exécutées est importante pour l'activité des juridictions, en particulier administratives, qui ont à connaître du contentieux de l'éloignement. D'une part, on observe une baisse du nombre des mesures prononcées par rapport à 2007, ce qui réduit mécaniquement le nombre de recours potentiels. D'autre part, un taux d'exécution en hausse donnera moins le sentiment au juge administratif de statuer sur des décisions vouées par avance à ne pas être exécutées.

La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine avait notamment montré que moins de 3 % des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF) notifiés par voix postale étaient exécutés.

Ces arrêtés ont été supprimés par la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration. L'obligation de quitter le territoire français (OQTF) créée par la même loi, qui fusionne la décision de refus de séjour et l'arrêté de reconduite, a peu ou prou remplacé ces APRF notifiés par voie postale. Si en 2007, le taux d'exécution des OQTF était similaire aux APRF par voie postale, on observe au premier semestre 2008 un taux d'exécution en hausse à 8,5 %. Ces bons résultats sur le noyau dur des mesures non exécutées sont à confirmer.

2. La rénovation en cours du parc des centres de rétention administrative

L'année 2008 marque l'achèvement du plan triennal d'augmentation des places en centre de rétention administrative (CRA) qui a permis de faire passer leur capacité de 943 places en juin 2005 à environ 1.500 cette année. Il devrait néanmoins se poursuivre jusqu'en 2010.

Le nombre de places en centre de rétention, au 1 er juillet 2008, était de 1.445 places en métropole contre 1.663 à la même période en 2007. En effet, l'incendie des deux centres Paris I et II à Vincennes, survenu en juin dernier, a représenté une perte de 280 places. L'augmentation du nombre de places du centre de Sète (28 à 32) en décembre 2007 ainsi que l'ouverture du centre d'Hendaye (30 places) et celle de Perpignan qui remplace le site de Rivesaltes (50 au lieu de 22) réduisent ce déficit à 218.

Le programme de construction et de réhabilitation comporte plusieurs projets de construction dont la livraison est prévue avant 2010 : fin 2008 Metz (95 places au lieu de 30), courant 2009, Nantes (19 places au lieu de 8) dans le futur Hôtel de police, le Mesnil Amelot (2 centres de 120 places s'ajoutant à celui existant de 140 places) et Roissy (96 places). En outre, l'extension du centre de Coquelles permettra de porter sa capacité de 75 à 96 places.

La réalisation du programme devrait donc permettre d'atteindre 2.326 places à l'été 2010.

On notera que le financement de la réalisation des nouveaux centres, au titre de l'investissement, n'a pas été imputé sur ce programme budgétaire et reste à la charge des ministères qui en ont la responsabilité (ministères de l'intérieur et de la défense) jusqu'au terme du plan triennal prévu au premier semestre 2009.

Si les conditions matérielles de la rétention se sont améliorées ces dernières années avec la fermeture de plusieurs centres de rétention vétustes et indignes, un débat est apparu récemment sur la taille des nouveaux CRA.

Lors de son audition, M. Jean-Marie Delarue 33 ( * ) a observé que la bonne tenue d'un centre dépendait souvent des contacts entre les retenus et le chef du centre. Citant l'exemple du CRA de Metz, qui devrait passer prochainement de 30 à 95 places, il a pronostiqué que son directeur aurait beaucoup de mal à maintenir la même relation compte tenu de l'accroissement de ses tâches de gestion et du nombre de retenus. En conséquence, il a évalué à 70 la capacité d'accueil par centre à ne pas dépasser.

Cette recommandation rejoint celle de M. Bernard Chemin, ancien président de la commission de contrôle des centres de rétention et des zones d'attente (CRAZA) que votre commission avait entendu le mercredi 7 mai 2008 34 ( * ) .

Il convient de rappeler que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) -article R. 553-3- limite la capacité d'accueil d'un CRA à 140 places.

Toutefois, le cahier des charges type de construction pour la métropole prévoit d'ores et déjà un nombre de places limité à 96 avec possibilité d'extension à 120 en cas de nécessité.

En outre, tirant certainement les conséquences de l'incendie des centres de Vincennes, les études concernant leur reconstruction prévoient trois entités autonomes de 60 places. Le premier de ces modules devrait ouvrir à la fin du mois de novembre ou début décembre de cette année.

Votre rapporteur souhaite que ce modèle inspire les autres centres, en particulier les projets relatifs à l'extension du CRA du Mesnil-Amelot. La partie réglementaire du CESEDA pourrait également être modifiée pour prendre en compte cette réduction de fait de la capacité d'accueil des nouveaux centres.

La situation dans les locaux de rétention administrative (LRA) ne doit pas être négligée également.

Rappelons que lorsqu'en raison de circonstances particulières, notamment de temps ou de lieu, les étrangers ne peuvent être placés immédiatement dans un centre de rétention administrative, le préfet peut les placer dans des locaux adaptés à cette fin, dénommés « locaux de rétention administrative ». Ces locaux sont créés, à titre permanent ou pour une durée déterminée, par arrêté préfectoral. Il s'agit le plus souvent de commissariats ou de chambres d'hôtel.

Sauf exception, les étrangers ne peuvent être maintenus dans les locaux de rétention que pendant une durée n'excédant pas 48 heures.

Les LRA doivent disposer des équipements suivants :

- des chambres collectives non mixtes, accueillant au maximum six personnes ;

- des équipements sanitaires en libre accès comprenant des lavabos, douches et w.-c. ;

- un téléphone en libre accès ;

- un local permettant de recevoir les visites (autorités consulaires, familles, médecins, membres d'associations);

- un local réservé aux avocats ;

- une pharmacie de secours.

Il existe environ 70 LRA permanents d'une capacité de 2 à 14 places environ. La capacité totale est de 450 places. En 2007, 14.000 étrangers y ont séjournés.

Plusieurs LRA temporaires sont créés chaque année. En 2007, 1.083 personnes y ont été placées. Dans un de ces LRA (Oise), 506 étrangers ont séjourné.

A la suite des recommandations du 17 novembre 2008 35 ( * ) du Contrôleur général des lieux de privation de liberté relatives au local de rétention de Choisy-le-Roi 36 ( * ) , votre rapporteur souligne que ces lieux de rétention ne doivent pas être oubliés, les conditions d'accueil y étant moins organisées que dans les CRA.

En général, la durée moyenne de rétention en LRA tourne autour de 30 heures. Mais, au premier semestre 2008, la durée moyenne de séjour dans les seuls locaux de rétention temporaire a atteint 55 heures en moyenne pour 136 étrangers. Il faudra vérifier s'il s'agit d'une variation ponctuelle. En 2007, la durée moyenne avait été de 26 heures pour 1.000 étrangers retenus.

3. Une hausse spectaculaire des retours volontaires

Les chiffres des éloignements effectifs ci-dessus incluent les retours volontaires.

La grande nouveauté réside dans la progression spectaculaire des retours volontaires qui passent de 913 sur les huit premiers mois de 2007 à 7.456 sur la même période de 2008, soit un peu plus d'un tiers du total des éloignements . Sur dix mois, cette tendance semble même s'accélérer avec 10.577 retours volontaires.

Rappelons que le coût de l'aide au retour 37 ( * ) est pris en charge par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) qui s'autofinance grâce aux taxes qui lui sont affectées. Si cette hausse des retours volontaires se confirme, l'enveloppe budgétaire prévue pour les retours forcés devrait être suffisante pour atteindre l'objectif global de 30.000 retours.

Au cours de son audition par votre commission, M. Brice Hortefeux a expliqué cette évolution inattendue, bien qu'espérée, par la fermeté de la politique d'éloignement conduite depuis 2002 qui porte aujourd'hui ses fruits. Elle dissuade désormais les étrangers en situation irrégulière de rester, ceux-ci ayant désormais intérêt à profiter des aides au retour pour organiser dans de bonnes conditions leur retour.

Votre rapporteur se réjouit de cette évolution. En tant que rapporteur de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, votre rapporteur avait souligné l'inefficacité complète de notre système d'aide au retour et avait appelé à une refonte totale du système dans le sens d'une plus grande simplicité et d'une incitation financière plus importante. Lors de l'examen de la loi du 24 juillet 2006, le Sénat avait d'ailleurs adopté un amendement étendant le bénéfice de l'aide au retour à l'ensemble des étrangers en situation irrégulière, sauf s'ils se trouvent en rétention au moment où ils formulent leur demande.

Le constat était qu'un retour volontaire coûte bien moins cher qu'un retour forcé et qu'il est de nature à contribuer, s'il fait l'objet d'un accompagnement, au développement du pays d'origine. Enfin, pour l'individu, le traumatisme du retour n'est évidemment pas le même.

* 33 Compte rendu de cette audition sur : http://www.senat.fr/bulletin/20081117/lois.html#toc2

* 34 Compte-rendu de cette audition sur : http://www.senat.fr/bulletin/20080505/lois.html#toc2

* 35 Elles ont été publiées au Journal Officiel du 25 novembre 2008. Il s'agit des premières recommandations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

* 36 Ce LRA peut accueillir 14 personnes (12 hommes et deux femmes). A la suite des recommandations du Contrôleur, le ministère de l'immigration a décidé qu'il n'accueillerait plus désormais que des hommes. En 2007, 1.177 étrangers y ont été retenus pendant une durée moyenne de 48 heures.

* 37 En 2007, le montant des aides financières attribuées aux bénéficiaires s'est élevé à 4.202.783 euros -3.709.000 euros au titre de l'aide au retour volontaire (ARV) et 493.783 euros au titre de l'aide au retour humanitaire (ARH).

Au premier semestre 2008, les aides financières attribuées aux bénéficiaires s'élèvent à 3.327.500 euros -1.650.000 euros au titre de l'ARV et 1.677 500 euros au titre de l'ARH.

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